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#renard bleu
chicinsilk · 8 months
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US Vogue September 1977
Janice Dickinson in blue fox steam coat, dyed ombré woody brown. By Kasper for Louis Milona. Makeup, Sandra Linter; hair, Harry King.
Janice Dickinson en manteau vapeur en renard bleu, teint en brun boisé ombré. Par Kasper pour Louis Milona. Maquillage, Sandra Linter ; cheveux, Harry King.
Photo Irving Penn vogue archive
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bones-n-bookles · 1 year
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Arctic Fox aliases of Lives of Game Animals by Ernest Thompson Seton in the arctic fox chapter of Volume 1 part 2
Arctic Fox, White Fox, Polar Fox, Stone-Fox, Blue-Fox, Brown Fox, Sooty Fox, Pied Fox, Greenland Dog, Snow-Dog, or Isatis
Alopex lagopus or Vulpes lagopus
French Canadian; Renard blanc, Renard blue
Cree; Wappeeskeeshew, Makkeeshew
[Inuit]; Ka-túg-u-li-a-guk
Chipewyan; Et-thip-py
Siberian (probably); Isatis, the aboriginal name offered for our use by Buffon who got it from Gmelin, 1760.
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kari-go · 1 year
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Her✨
Panthera Noire, Scarabée Rouge, Renarde Orange, Tortue Verte, Essaime Jaune, Chrysalide Violette, Oiseau Bleu
There are two peacocks because one is with a fixed miraculous (normal skin) and the other is with a very broken miraculous (colored skin, no mask).
Part2, Part 3, Part 4
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Interviewer: what do you think it's the most representative thing about Framnt?
Wendie: Zizou's headbang
Eugénie: Winning 98's and 18's éditions
Elisa: Kylian Mbappé and Olivier Giroud pic
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Airplum propose un coffret d’hiver pour les hommes
Pour les hommes, Airplum propose le COFFRET RENARD Pack qui compte notamment des chaussons mules DECYCLE bleu ainsi que des chaussettes marines en maille. Si vous souhaitez en commander pour cet hiver, ne manquez pas de vous rendre sur la boutique en ligne Airplum dès aujourd’hui.
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30jourspourecrire · 9 months
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Voici les sujets du 1er au 15 août 2023 📚✨ Deux sujets par jour, choisissez celui qui vous inspire le plus pour écrire votre texte.
À vos stylos ! 
Vivantes / Après la fin du monde
Apprivoiser / Ce que cache un masque
Bleu lagon / Le cheval doré
Puzzle / Sous la canopée
Vibration / Souvenirs d'autres vies
Papillon / Chat GPT
Volutes / Tomber, encore
Monstres / Noir et blanc
Démolition / Coyotes et renards
Humanité / Le musicien fantôme
Voyance / La vie d'un pigeon
Forêt / Sur le devant de la scène
Tourbillons / La lumière sous la porte
Changement / Crieront-ils mon nom ?
Le corps / Six mois dormir
Consignes | Sujets d’écriture des années précédentes | Instagram
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iranondeaira · 4 months
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Et encore on va vers l’été …
Blague à part, bon vent et belle mer à tous, « longue vie et prospérité 🖖 » comme dirait l’autre et que que la force soit avec vous …
🎶 nous vivons une époque épique mais nous n’avons plus rien d’épique 🎶 disait l’autre , « tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est imparti » lancerai un vieil errant gris … l’horizon s’assombrit lance un vieux marin sur le môle, une tempête arrive … il va falloir la chevaucher lâche laconique un vieux guerrier aux yeux bleus ou apprendre à surfer balancerai un sale môme … « à nouvel an, nouvel élan » lui répondrait une optimiste … « Et comme ton bonheur dépend tout de tes voeux, songes-y bien avant que de les faire. » raconte un conteur … si au moins on pouvait "Apprendre d’hier, vivre pour aujourd’hui, espérer pour demain." pose au tableau un vieil homme qui tire la langue … "Je vous apporte mes vœux. - Merci, je tâcherai d'en faire quelque chose." glousse un renard …
"Un optimiste reste jusqu'à minuit pour voir le Nouvel An. Un pessimiste reste pour s'assurer que l'ancienne année disparaît."
"Que cette année vous soit heureuse ; que la paix, le repos et la santé vous tiennent lieu de fortune " dit Madame
"Je vous souhaite tout ce que vous souhaitiez qu'on vous souhaite ... mais en mieux ! "
Miaule un chat
"Venir ensemble est un commencement; rester ensemble est un progrès; travailler ensemble est un succès." Jette un constructeur de voiture ( 😅 si vous saviez Sir le bordel aujourd’hui )
"Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé."
- un président mort dans sa voiture
"Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques uns."
- grand Jacques
"Pour comprendre l’esprit et le cœur de quelqu’un, ne vous demandez pas ce qu’il a accompli, mais ce à quoi il aspire."
- un vieux sage enturbanné ( quelle ironie 😅)
"Lorsqu’un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité." ( c’est sans doute un peu de ce qui explique du cela d’aujourd’hui )
Le monde progresse grâce aux choses impossibles qui ont été réalisées." ( y a de ces progrès 🙃 aujourd’hui 😅 )
"A l'an que ven ! Se sian pas mai, que siguen pas men. A l'an qui vient ! Si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins."
- de Provence
"Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme." Disait un Saint
“Tous les hommes font la même erreur, de s'imaginer que bonheur veut dire que tous les voeux se réalisent.” - un homme de Russie
“Un jour, on aura besoin d'un visa pour passer du 31 décembre au 1er janvier.” … ils ont essayé … ils ont déjà inventé le désespoir à vendre …
“Si les Dieux voulaient exaucer les voeux des mortels, il y a longtemps que la terre serait déserte, car les hommes demandent beaucoup de choses nuisibles au genre humain.”
“Le meilleur moyen de rester en bonne santé, c’est de manger ce que vous ne voulez pas manger, de boire ce que vous ne voulez pas boire, et de faire des choses que vous n’aimez pas faire.” - Marc T
En cette nouvelle année, on ne demande pas grand-chose : du travail et de la santé.
- Albert
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chic-a-gigot · 1 year
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La Mode nationale, no. 12, 23 mars 1895, Paris. No. 7. — Toilettes de réception. Bibliothèque nationale de France
(1) Robe de satin blanc rosé. Corsage de velours noir, à petite pointe, recouvert par une berthe de dentelle, retenue devant par un nœud de velours, agrémenté d'une broche, et ornée sur les épaules par une riche application de dentelle rebrodée de perles. Manches ballon, brodées. Jupe à traîne, brodée sur les côtés et reliée devant sur un tablier de velours par des brandebourgs en perles fines. Au cou, collier de perles fines.
(1) Pinkish white satin dress. Black velvet bodice, with small point, covered by a lace berthe, held in front by a velvet bow, embellished with a brooch, and adorned on the shoulders by a rich lace appliqué embroidered with pearls. Balloon sleeves, embroidered. Skirt with train, embroidered on the sides and bound in front on a velvet apron by frogs in fine pearls. At the neck, a necklace of fine pearls.
Métrage: 20 mètres satin.
(2) Toilette de mousseline de soie blanche sur transparent bleu-bleuet. Corsage fermé sous ceinture de satin, drapée, décolleté en carré, avec garniture de renard bleu; têtes naturalisées devant et sur les épaules. Volant de dentelle au-dessus de la fourrure. Manches ballon, retenues par une agrafe-bijou. Jupe drapée sur le devant, garnie dans le bas par un volant de dentelle, posé en baldaquin et garni de fourrure comme le corsage. Riche broderie sur le côté. Perles fines au cou et en cache-peigne.
(2) Toilette of white silk chiffon on blue-cornflower transparent. Closed bodice under satin belt, draped, square neckline, with blue fox trim; naturalized heads in front and on the shoulders. Lace flounce above the fur. Puff sleeves, held in place by a jewel clasp. Skirt draped on the front, trimmed at the bottom with a lace flounce, posed as a canopy and trimmed with fur like the bodice. Rich embroidery on the side. Fine pearls at the neck and in the comb cover.
Métrage: 15 mètres mousseline de soie.
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Je me suis baladée toute la matinée avec Fenris dans un bouillonnement de sève, d'ardeur, de bleu, de vert et de soleil. Lui il récoltait ses tiques et puces amassées à l'entrée du terrier des renards ou bien fourrées dans les hautes herbes et moi je prenais des photos, dont quelques-unes qui se sont faites toutes seules d'ailleurs comme celle d'en haut. On est bien là, Fenris et moi... Cet endroit nous rend fous de bonheur, à courir partout, à grimper tous les rochers, à s'extasier devant la beauté, la seule qui ne fait pas de manière, à siffler les rapaces pour les faire venir; tiens ce matin, un grand corbeau solitaire suivi de près par un milan royal (lui aussi tout seul, étrange d'ailleurs, ils volent souvent en couple ceux-ci mais peut être qu'il était en chasse pour nourrir la femelle qui couvait) ont rappliqué illico presto, à croquer les fleurs comestibles pour moi, ou le chiendent pour Fenris, à ramasser de tout et n'importe quoi, des cailloux, des bouts de bois, des graines... J'aime le printemps, ici, en Catalogne française. D'ici à un mois, toutes les fleurs auront explosé du rire de leurs couleurs, le muscari, le lin vivace, l'asphodèle, la fleur de bruyère , la lavande vraie ou officinale, celle endémique de la garrigue, l'immortelle, la ciste (ma chouchou), le laurier Tin, la santoline, les orchis et les deux stars que sont le thym et le romarin. J'en oublie bien sûr, pardonnez-moi, mes demoiselles... Tout cela, cette beauté, cette joie qui nous vient, à Fenris et moi, ce calme, ce bien-être sans pareil, ce bain d'arômes, de senteurs, d’effluves, d'images, de vibrations j'aime beaucoup le partager ici avec vous. En toute simplicité.
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Pierre de Corail fossile. Nous sommes à plusieurs centaines de mètres d'altitude et pourtant ici avant, il y a des millénaires en arrière, c'était la mer...
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ekman · 1 year
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J’ai divorcé d’avec les Français au moment du confinement. Quand je les ai vus accepter sans broncher d’être parqués comme du bétail. C’est donc qu’ils sont, factuellement, du bétail. En plus, ils sont aussi leurs propres matons, s’accordant scrupuleusement des dérogations de sortie motivées et conformes. Fascinant. À cette époque, je m’amusais à leur faire part de mes nombreuses et longues escapades, moments magnifiques dans un quartier offert au silence, sur les sentiers d’une forêt désertée où toute la faune, usuellement contenue par le passage des ploucs péri-urbains et autres retraités queshuaïsés, sortait de son contenant convenu et débordait sur les chemins, les parkings, les bords d’autoroute. Il fallait voir leurs gueules interdites. Comme si j’avais avoué la préparation d’un attentat ou l’élaboration d’un assassinat. Et pourtant... Il suffisait d’ouvrir sa porte, de marcher, de gagner les bois puis de s’arrêter et d’attendre quelques minutes à écouter tous les oiseaux – c’est à dire ceux que la rumeur humaine laisse habituellement inaudibles – pour apecevoir, loin des ombres forestières, renards et biches, et noter le comportement étonnamment entreprenant des corvidés, bien moins craintifs que d’habitude, employés à réinvestir les lieux à grands renforts de cris perçants et de disputes renouvelées. Pendant ce temps-là, claquemurés chez eux, les Français regardaient les chaînes infos avec leur compteur rouge sang indiquant le nombre de morts en cours. Extraordinaire ! Une mise en scène totalitaire, une pression visuelle constante, un univers sonore saturé de mises en garde, de menaces et d’invectives. Et le masque. Le masque ! Muselière de tissu bleu destinée à faire taire tous et chacun. Distanciation sociale aussi : pas de contact, pas même de frôlement ! Un mètre réglementaire, avec les marques au sol comme dans les dépôts ou les usines ! Et dans la queue aux caisses des magasins, les regards suspicieux à la première toux, au premier reniflement... Je pensais que les gens étaient devenus fous ; ils étaient juste livrés à leurs névroses. On voyait le conditionnement à l’œuvre. On mesurait le champ infini de leurs renoncements. Et je me suis mis à les détester, accrochés à leur bulle existentielle, tétanisés par l’idée de mourir, prêts à tout trahir, tout balancer, dans l’espoir de s’entendre dire “allez, c’est bon, vous allez vivre à nouveau, et tout sera comme avant”. Voix de l’État qui sait tout mieux que vous, qui a barre sur votre volonté, vos divergences, vos doutes raisonnables. La France, et son assourdissant récit révolutionnaire, les combattants de la Liberté, la patrie des Droits de l’Homme, tout ce folklore clinquant montrait avec éclat sa vacuité, son inutilité, son imposture pour tout dire. Les Français se tenaient depuis longtemps éloignés du sacré, à l’abri - pensaient-ils – de toute tentation de transcendance, sans aucune morale autre que républicaine, sans éthique mais avec l’état de droit. Ils voulaient, pour toujours, jouir sans entraves. Ils découvrent maintenant ce que signifie souffrir sans répit. J.-M. M.
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chicinsilk · 5 months
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US Vogue December 1955
Frederica
Dovima wears an evening dress by Philip Hulitar and a Norwegian blue fox Saga boa. Dovima porte une robe du soir par Philip Hulitar et un boa Saga de renard bleu norvégien.
Photo unknown/inconnu
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tolivealone · 9 months
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Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l’amour infini me montera dans l’âme, Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, — heureux comme avec une femme.
__Arthur Rimbaud
❦❦❦
Je t'apprendrai l'eau, la lumière, l'arbre, la source, le torrent Le secret des vignes des pierres, le bruit du vent Toi tu m'apprendras la panthère, le chat, le renard et l'oiseau Le cri blessé du solitaire loin du troupeau Nous apprendrons à voir les choses et leur pourquoi et leur comment J'aurai l'innocence des roses, toi des enfants
Comprendre la fleur et le fruit Comprendre le monde aujourd'hui
Tu m'apprendras tes yeux de fleur Tes bras colliers, tes hanches flammes Ton rêve abeille et crève-cœur, ton rire femme Je serai l'ombre qui te suit, cette part toujours en nous-mêmes Qui se dérobe à l'autre et fuit ce que l'on aime Nous apprendrons à nous connaître en jetant bas les interdits Je serai la fenêtre ouverte et toi la nuit
Comprendre la fleur et le fruit Comprendre ce qui nous unit
Nous conjuguerons l'avenir à chaque instant présent dans toi En partageant le vin, le rire avec ceux-là Qui vivent plus haut que leurs songes, qui haïssent la solitude Qui chassent l'ombre et le mensonge des habitudes Nous apprendrons à voir le monde avec ces hommes d'aujourd'hui Dont les rêves aux nôtres se fondent à l'infini
Comprendre la fleur et le fruit Comprendre l'homme d'aujourd'hui.
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ditesdonc · 3 months
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Les étés à Curtin
Texte écrit par Jean-Claude Long
Fin des années cinquante. La grande maison est divisée en deux, louée en partie l’été par les sœurs Rochet, Berthe et Denise, mariées plus tard à Robert Magaud et Georges Guichert.
Dans le coin cuisine, un grand évier noir, en pierre, sert aussi à se laver. Le réchaud fonctionne avec une bouteille de butane ; au fond de la maison, une pièce fraîche sert de cellier. Un garde-manger à grille , suspendu, dissuade les mouches et les fourmis .
Dehors, une pompe, qu’il faut « amorcer », c’est un jeu ; un puits, dont on ne se sert pas, des granges, des hangars, des greniers, des machines et des outils mystérieux, des odeurs de paille et de grain, des poules en liberté. La vraie vie est là, pas en ville.
Un chien noir, Jimmy, est attaché à une grande chaîne, en permanence. Il a creusé un chemin sur son passage. Robert le lâche parfois, Jimmy part courir dans la campagne, si vite qu’on dirait un dessin animé : il a douze pattes. Quelques heures après, il revient en lambeaux, boitant, saignant d’une oreille. Cinquante ans après, on aurait dit « il s’est mis minable ».
Lorsque Robert revient sur sa moto, Jimmy s’agite avant que les humains aient entendu le moindre bruit ; Berthe dit alors : « voilà Robert ».
A gauche en sortant de la maison, un pré, dont l’enfant rêve l’hiver, comme une préface à des récits d’explorateur. On le traverse pour aller à la boulangerie à Thuellin.
Souvent vient brouter un troupeau de vaches. L’enfant aime les vaches, à la robe marron et blanche, cette odeur à la fois sauvage et rassurante, leur chaleur épaisse et grasse, maternelle . Elles font un peu peur avec leurs gros yeux, mais sont paisibles, c’est fascinant !Aujourd’hui encore, l’odeur des vaches me met les larmes aux yeux.  "Voilà  les vaches ! " est un cri de fête, un alléluia païen. Avec les enfants qui mènent le troupeau, je crois qu’il y avait une Mireille, on va jouer à cache- cache , à Colin Maillart, à Mère veux-tu. On mangera la tarte aux pommes de ma mère, on boira du Pschitt, l’après-midi ne sera que féerie. La Dent-du-Chat est une frontière au loin, les dieux juchés nous observent.
Fête aussi les commerçants ambulants, qui arrivent en klaxonnant ; galopade ! Dehors en pyjama ! Ducard, petit monsieur chauve aux yeux vifs, sa camionnette bleue aux odeurs de sucre et de bonbons chimiques. Fontana, fruits et légumes, sa camionnette verte, « l’Increvable », ses grosses lunettes. Le boucher a une fourgonnette deux-chevaux, grise .
L’enfant aime la campagne ; la liberté est totale. Sa mère, si craintive en ville, le laisse pendant deux mois divaguer parmi les faux, les herses, les tracteurs, dont un jour il desserra un frein à main dans une pente, bourde réparée d’urgence. Il aime l’errance, nez dans les nuages, la rêverie dans les odeurs. Il est shooté au foin, au fumier, à la pluie, aux animaux, coqs, renards toujours lointains mais dont le glapissement est proche, témoin d’un monde secret qui nous entoure, le comprendra-t-il plus tard ?
Le soir, les chiens discutent de loin en loin, que se racontent-ils ? Il pose un jour la question, un adulte répond : « ils ne racontent rien, ce sont des bêtes ». L’enfant pense que le grand se trompe, je le crois encore aujourd’hui.
On peut prendre des bâtons tant qu’on en veut, pourfendre les ennemis ; les plantes, les herbes sont des légumes pour jouer à l’épicier ; infinie profusion de cailloux pour lancer et construire. Deux shorts, deux chemises pour tout l’été suffisent pour fouler l’herbe menue par les soirs bleus d’été et sans avoir lu Rimbaud. Ma sœur et moi allons chaque soir acheter le lait à la ferme Teillon, dont les bâtiments existent encore. Quand le soir tombe au retour, et que les hirondelles se rassemblent sur les fils électriques en prévision de la migration, c’est que la rentrée des classes est proche. On transporte le lait dans un bidon en aluminium, qu’on appelle une berthe. Je suis gêné que le bidon porte le même nom que la propriétaire, gentille et aimable. Je n’ose prononcer le mot de peur de la froisser.
Après la pluie, au retour, début septembre, l’ombre monte des fossés dans des odeurs de trèfle et d’orties.
Ma mère achète parfois un lapin vivant chez Mme Guetta (Guettat ?) Mon père pourtant plutôt doux et pacifique, mais initié par ses vacances enfantines ardéchoises, assomme, suspend, saigne, écorche et éviscère l’animal sous le regard de l’enfant.
Nous rendons parfois visite à la Génie, vieille dame moustachue qui habite une sorte de chaumière dans une cour herbue et intarissable pourvoyeuse de potins de village. Tonton Maurice vient aussi parfois, il y a toujours une bouteille de vin dans la pièce fraîche.
L’église et la procession du 15 Août font un peu peur.
Mais le plus étonnant c’est le bruit fracassant des métiers à tisser. Comme c’était étrange, ce bistanclaque pan (on dit tchique tchaque pan) parmi les chevaux de trait, les vaches, et l’odeur des charrettes de foin.
Merveilleuse époque : les locataires lyonnais devinrent amis avec les propriétaires, particulièrement Berthe et Robert, qu’ils fréquentèrent jusqu’ à la mort de ma mère, en 1979 ; celle-ci allait voir aussi Denise Rochet, installée à St Sorlin. Le pluvieux été 1958, la belote, les tartes aux pommes, les gâteaux de riz au caramel favorisèrent sans doute le rapprochement. Mon père et Robert, le citadin et le campagnard, « se chambraient » amicalement, ma mère et Berthe riaient en faisant la lessive, parfois au lavoir. L’on prêtait un vélosolex. Avec Denise les conversations étaient plus sérieuses ; Georges était taciturne.
Aujourd’hui, Curtin sort parfois des brumes et ressuscite l’enfant, dont les sens et la pensée s’ouvraient au monde : quelle place y prendrait-il ?
Je voudrais avoir des nouvelles de Brigitte et Jean-Claude Magaud, les enfants de Berthe et Robert. Michel Guichert, fils de Denise et Georges ; il habite encore la maison, me permettrait-il d’y entrer ? La famille Teillon ; j’ai vu qu’il y a un boulanger, un plaquiste, un décorateur. Tonton Maurice buvait rituellement un canon avec Victor, en embarquant la provision de pommes de terre de ma mère dans la quatre-chevaux. Mireille Rochet (existait-elle, est-elle encore en vie ?) Une jeune fille aujourd’hui vieille dame, Hélène, qui était horrifiée par mes acrobaties en trottinette : « je vais le dire à ta mère ! »
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D'autres soirs bleus, par Irène, août 2023.
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lilias42 · 11 months
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Acte 4 de "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
Bon... ça va devenir un running gag à force mais bon, cette histoire a grossi BEAUCOUP plus que je ne le pensais à la base ! Donc voilà le 4e acte de cette histoire de "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." qui fait suite à ce billet-là et son reblog ! Et comme d'habitude, la suite de cette partie sera en reblog par manque de place.
Là, on reprend à Gautier avec la suite de l'affaire du vol d'Adrastée, la famine et les conséquences que cela dans le Nord mais aussi ailleurs dans le Royaume.
Comme toujours, fans de Lambert, Rufus et Gustave, passé votre chemin, cette histoire n'est pas faite pour vous, ni pour ceux qui voient le Royaume comme un seul bloc monolithique avec tout le monde derrière le roi sans réfléchir mais ça, je crois que vous commencer à le voir dans cette histoire.
Et comme toujours, coucou @ladyniniane
Sylvain faisait le tour des chemins de ronde de la forteresse, demandant si tout se passait bien, pendant que Starkr se dégourdissait les ailes. En plus, ça faisait souvent plaisir aux gardes transis de froid de recevoir un peu d’eau chaude à boire – même s’il n’avait plus ni thé ni tisane à mettre dedans depuis un moment – ou de tenir Foa. Cette renarde était la meilleure chaufferette de tout Gautier et adorait être au centre de l’attention alors, c’était gagnant-gagnant pour tout le monde. Elle riait sous les lourdes caresses d’un vieux soldat aux anges quand ils virent tous quelque chose commencer à briller au loin, petit et peu visible mais, impossible à manquer.
« Qu’est-ce que c’est que ça ?
– Un feu de forêt ? Proposa quelqu’un.
– En plein hiver et avec une neige pareille ?
– Apportez une longue-vue ! Vite !
On passa à la capitaine le vieil instrument, puis elle le pointa dans la direction de la lumière.
– C’est un campement… importance moyenne… ils sont sur la colline d’en face, c’est pour ça qu’on les voie aussi bien… par contre, il va falloir attendre qu’ils se rapprochent pour savoir si c’est les conscrits qui ont enfin accepter de nous rejoindre ou si c’est les voleurs de Rufus… s’ils avancent normalement et que rien ne les ralentit, on pourra les voir demain soir…
– Ou alors… ils sont sur la colline en face, c’est ça ? Demanda Sylvain, qui appela en ayant le hochement de tête de la capitaine. Starkr ! Revient !
Le corbeau fondit vers lui pour se poser sur le poing que lui présentait son maitre. C’était un corbeau de chef, Fregn lui avait expliqué tout ce qu’il pouvait faire et que Starkr était particulièrement habile alors, ils allaient vérifier s’il était toujours aussi doué que quand il était jeune.
– Tu voies cette lumière Starkr ? Va s’y et ramène-nous un drapeau, un vêtement… tout ce que tu veux tant qu’il y a le symbole de la troupe. Ce sera le dessin qu’il y aura le plus là-bas. Je compte sur toi.
– Vous pensez qu’il sera capable de faire ça ? Lui demanda la capitaine, un peu sceptique. Je sais que ces corbeaux sont très intelligents mais quand même…
– On verra, ça ne coute rien d’essayer. Les corbeaux srengs sont dressés pour ramener ce genre d’informations, histoire d’être utilisable même sans sort d’espionnage peint sur eux. Même s’il rate, on saura surement demain ce qu’on doit préparer pour les recevoir…
Au bout de deux bonnes heures à attendre tout en surveillant les alentours, les soldats gelés virent enfin revenir le corbeau, les serres enroulés autour d’une grosse étoffe bleu roi. Même si le blason dessus était à moitié arraché, ils le reconnurent tous comme celui de Rufus : l’emblème de Blaiddyd barré.
– C’est très bien Starkr… le récompensa Sylvain avec un morceau de son propre diner, le corbeau dévorant le bout de viande sur son poing. Et on l’a notre réponse…
– Le retour des voleurs et des fossoyeurs… » dit un des hommes à sa place, le jeune homme pensant la même chose que lui.
Sylvain félicita encore le corbeau avec une caresse en plus d’une partie de son propre repas pour le récompenser, puis amena l’étoffe à ses parents. Il aurait préféré la montrer à sa mère en premier mais, son père était avec elle, les éclats de voix indiquant qu’ils se disputaient encore.
« …ne me défie pas Fregn… gronda Isidore d’un ton menaçant. Les braconniers font les meilleurs gardes-chasses.
– Encore une fois, ma spécialité n’était pas de voler, et ce n’est même pas les choses que nous visons en premier, c’est toujours les bleds, même si je sais aussi repérer mes semblables pour le contre-espionnage. Si nous vous surveillons beaucoup, nous nous surveillons aussi les uns les autres à Sreng. Je t’avais prévenu que Adrastée se comportait étrangement. C’était à toi de prendre en compte mes avertissements ou de les ignorer, et tu as fait ton choix.
– On sait tous les deux ce que tu es : une espionne et une assassine. Tu es une vipère entrainée à tuer et à semer la zizanie partout où tu passes pour détruire tes cibles. Évidemment que je n’allais pas te croire alors que tu détestes la famille royale quand tu me disais de telles choses. Qui aurait pu croire qu’une agente de confiance de la couronne serait aussi malhonnête ? Cela en va de l’honneur, la base de la confiance et du bon fonctionnement des relations entre le seigneur et son vassal. Je ne peux décemment pas porter de telles accusations sans preuve, encore moins parce que ma sauvage de femme la trouve suspecte.
– Bien que je n’ai pas essayé de le faire pendant tout notre mariage. Malheureusement pour nous, cela fait plus de vingt ans que nous devons nous supporter et ton fief est encore en entier. Tu es bien placé pour savoir que j’ai poussé une ville entière à se détruire elle-même en moins de temps que ça, surtout que ce ne serait pas mon coup d’essai dans la région. Votre roi a été bien plus efficace que moi pour le coup. J’opérerais encore, il serait mon meilleur allié. Aie le courage d’admettre que si tu es aussi contesté, c’est parce que tu t’écrases devant ce roi sans yeux, on avancera plus vite.
– Comme si un sreng pouvait seulement comprendre le concept même de fidélité. Nous, les fodlans, sommes autrement plus fidèle envers le roi qui assure notre protection ainsi que la justice en notre Royaume. Vous, vous égorgez vos propres rois dès que vous en avez l’occasion, et je sais très bien que tu essayes de contaminer Sylvain avec tes pensées de Sreng.
– Et à cause de cette loyauté aveugle, vous vous précipitez tous à votre mort. Qu’importe ce que tu peux en penser, votre roi sans yeux a perdu toute respectabilité, et nous le sentons tous, même toi. Et des fodlans… Gylfe Gautier lui-même est à présent parmi les berserkir d’Odin et combattra parmi eux pendant le Ragnarök…
Sentant que cela risquait de dégénérer en affrontement verbal plus fort, Sylvain toqua à la porte puis entra sans attendre de réponse.
– Pardon de vous dérangez mais, un campement s’est installé sur la colline au sud. Starkr a ramené ça de chez eux. On ne les voie qu’à la longue-vue, et il a mis en gros deux heures à faire l’aller-retour.
– S’il a mis autant de temps, c’est qu’ils doivent bien être à une dizaine de lieues, commenta Fregn alors qu’Isidore prenait le tissu dans ses mains.
Il le fixa avant de grommeler.
– Troupes du régent. Personne n’est encore arrivé et on a pas tout ce qu’il demande… hors de question de leur donner le vöruhus, ce serait signer la mort de Birka, il va falloir leur donner toute notre réserve loogienne.
– Mais on en a aussi besoin pour compléter le vöruhus, on a pas assez pour faire tout l’hiver avec. Et vu toutes les tempêtes qu’on a essuyé et la situation, ça m’étonnerait que beaucoup de villes répondent à l’appel, ce serait bien trop dangereux pour trop de monde d’envoyer les personnes valides et jeunes qui leur reste à Fhirdiad, surtout qu’on se rapproche de la belle saison.
– Je ne te demande pas ton avis Sylvain. Moi aussi, je n’aime pas saigner à blanc Gautier mais, nous avons des devoirs envers la famille royale que nous nous devons de remplir. Obéir aux ordres en fait partie. Tu es le futur margrave de Gautier, le gardien de la frontière du nord, pas un sreng qui va ouvrir la porte aux raids, ne l’oublie pas.
Sylvain se retient très fort de rétorquer que c’était difficile à accepter en ce moment. Son père leur ordonna de partir à tous les deux, allant mettre tout en ordre pour accueillir la garnison.
En sortant de la pièce, Sylvain et Fregn ne dirent rien, avançant sans un mot. Ils saluèrent juste les personnes qu’ils croisèrent. Ils étaient tous maigre, les joues creuses et le regard éteint, tiraillés par la faim et la fatigue. Même eux ne se portaient pas mieux, n’ayant plus que leurs muscles sous leur peau pour leur tenir chaud… si leur corps ne commençait pas à les manger pour ne pas mourir de faim…
En sortant, Sylvain regarda la cour, voyant tout le monde finir de travailler comme ils pouvaient, l’humeur noire. La rumeur de l’arrivée des voleurs de Rufus avait dû se propager dans la forteresse… demain, toute la ville sera au courant et de toute façon, leur camp sera visible depuis les portes… puis il faudra leur donner leurs réserves… voir leur remplir l’estomac à eux le temps que les hommes et les vivres des autres villes arrivent… dire qu’ils n’avaient même pas de quoi manger eux-mêmes… alors que les cadavres s’accumulaient sur les toits… seuls les corbeaux s’engraissaient ici… et ils devraient… après que tout le monde soit mort pour ce voyage à la…
Il serra le poing et demanda en sreng à sa mère, cette langue lui venant toute seule sur le bout de la langue.
« Qu’est-ce que tu en penses ?
– Rien de bon. La nourriture, cela se protège avec autant de force que ses propres enfants sinon, tes enfants meurent les uns après les autres, répondit-elle d’un ton neutre.
– Non plus… et il va falloir qu’on leur donne à ses putains de voleurs… tout ça parce qu’un roi sans yeux a…
Il sentit la main de Fregn se poser sur son épaule. Il la regarda dans les yeux, sa mère déclarant simplement.
– Fait ce qui te semble juste. Pas ce que des promesses brisées t’obligent à faire.
– Des promesses brisées hein… il passa sa main sur les plumes de Starkr, toujours en équilibre sur son épaule, alors que Foa et Mordant l’approchaient aussi, en récoltant quelques-unes à leur tour, s’encrant dans leur chaleur et celle de sa mère. Si Gylfe voyait ça…
– Il avait un vrai roi élu en face de lui, qui n’a jamais fermé les yeux, il n’avait pas de raison de lui désobéir. Ses enfants aussi ont eu une grande reine puis de bons souverains au fil du temps. C’est plutôt quand certains ont commencé à être indigne de respect que s’il aurait été encore là, les rois sans yeux auraient eu à affronter un guerrier d’Odin.
Sylvain hocha la tête, regardant encore une fois les habitants de Gautier finir de ranger, la plupart en noir de deuil… les portes de la réserve loogienne verrouillées et la faim les suivant à la trace…
– Je ne mange pas à la maison ce soir, se décida-t-il en commençant à partir vers la porte.
– Pas de problème Sylvain, fait ce que tu as à faire.
Le jeune homme s’arrêta juste pour faire une bise à sa mère, puis partit rejoindre Matti et les autres, discutant tout de suite des dernières nouvelles.
Fregn ne put s’empêcher de sourire en le voyant prendre les choses en main ainsi, même si elle le camoufla vite pour ne pas se faire repérer. Une bonne épouse fodlan selon Isidore ne devait pas être joyeuse dans une situation pareille. Son mari était trop occupé pour s’intéresser à où leur fils cadet était passé, et une fois qu’elle eut remis Miklan à sa place pour l’empêcher d’aller poignarder son frère en ville, la sreng alla se poster dans sa chambre, au nord. Personne n’avait jamais compris pourquoi elle avait insisté pour avoir celle-là à part Isidore. Malgré toute la haine entre eux, son mari l’avait vite cerné. Une chambre plein nord, vers Sreng, un peu isolé, où il faisait froid et où donc personne ne tardait trop à part les gardes forcés de la surveiller. Enfin bon, ce n’étaient pas eux qui allaient faire quoi que ce soit.
Fregn se mit à la fenêtre, regarda au loin quelques secondes, même si elle dut vite arrêté à cause de la brûlure de l’énergie, comme hier. Ils étaient toujours là, mouillant dans la ville au bord de l’embouchure du fleuve au bord de la mer, quatre royaumes différents, et que des bons rois avec cela. Évidemment, personne n’avait pu leur résister, encore moins à quatre des plus grands Royaumes de tout Sreng, et mêmes les habitants de la ville avaient dû vite se rendre ou les rejoindre vu qu’ils n’avaient toujours rien envoyé à Birka. À une quinzaine de lieues mais, ils devraient arriver demain dans la matinée.
La sreng envoya un messager pour leur donner le départ, puis retourna à ses propres tâches.
Plus que quelques préparatifs, et tout serait prêt.
*
Au petit matin, toute la ville était au courant de l’arrivée des troupes de Rufus pratiquement aux portes, la colère grondant en les voyant avancer vers eux. Les bourgeois sortirent tout ce qu’ils avaient chez eux qui pouvaient servir à se défendre, du couteau de cuisine attaché à un long bâton au fléau en passant par les marteaux de travail ou les frondes de la chasse, avant de mettre tout et n’importe quoi dehors pour boucher les rues en cas de passage en force des forces royales. Même les monts de piété ouvrirent leurs portes pour faire passer les armes et les armures mise en gage chez eux.
« La garnison de la ville a ouvert son stock d’armes ! S’écria Matti en revenant de chez ses camarades. Allez-vous servir là-bas pour ceux qui ont bricolé leurs armes ! Et allez récupérer de quoi vous protéger !
– Je me charge de faire passer le message ! Répondit une femme.
Sylvain la regarda fendre la foule sans souci, allant crier les nouvelles à toute la ville. Il se frotta les yeux, fatigué mais lucide. Il avait passé sa soirée avec les habitants de Birka, tout aussi remonté qu’eux à l’idée de juste voir les agents de la Couronne, presque peu importe ce qu’ils voulaient. Ils venaient leur demander de s’ouvrir les veines pour réparer les dégâts du roi sans yeux, pas question de leur donner quoi que ce soit alors que tout le monde mourrait déjà de faim !
– En plus, Dimitri n’est même plus à la capitale, cela ne l’affectera pas directement… songea-t-il avant de proposer. On devrait renforcer les portes de la ville et faire tomber la herse. Ils n’ont surement pas de bélier et même s’ils peuvent s’en bricoler un avec les arbres alentours, cela leur prendra du temps. On sait ce qu’on fait ses gardes ?
– Aussi remonté que tout le monde, ils sont de notre côté, l’informa Matti. Ils doivent être inspecté dès que les voleurs arrivent à portée de vue normalement, leur capitaine ne va pas comprendre quand ils vont l’accueillir aussi avec des lances pointées en avant.
– Ça m’étonne même qu’il ne se soit pas encore montré à la tête du régiment du fort pour mater la révolte, rétorqua Sylvain. Il faut être extrêmement prudent… on sait ce qui se passe du côté de mon père ?
– Non, aucune nouvelle mais, Orégane est partie travailler ce matin, elle a dit qu’elle reviendrait dès qu’elle avait des informations.
– D’accord, elle ne devrait pas avoir trop de problème alors…
– Eh ! Vous ne devinerez jamais ! La générale Uggla et le capitaine Brahe sont morts !
– Quoi ?!
Sylvain et Matti se tournèrent vers une palefrenière qui arrivait en courant vers eux, agitant un bras pour ce faire voir. Ils la calmèrent un peu avant qu’elle ne continue, clairement choqué.
– Ils… ils sont morts tous les deux ! Une conseillère du margrave aussi est mort ! Mais y a pas qu’eux ! Plusieurs soldats de la garde rapprochée d’Isidore restés au fort hier sont malades ! Certains sont même morts ! Sur toute la troupe, au moins un tiers est malades ! Y en a au moins dix qui sont morts !
– Une telle hécatombe en une seule nuit ?! Hoqueta Matti.
– Tu sais comment ils sont morts ? La questionna Sylvain en essayant de garder son calme. Ça ne peut pas être un hasard s’ils sont tous morts ou tombés malades la même nuit !
– P… pour les soldats, ils ont tous très mal au ventre comme s’ils avaient tous trop bu un mauvais alcool… pour la générale Uggla, elle a été poignardée dans le ventre puis en plein cœur, et pour le capitaine Brahe, on lui a tranché la gorge… et pour la conseillère Kiöping, il avait des traces autour d’ongles et de cordes du cou… et on a retrouvé plusieurs capes abandonnées dans l’étang du palais… au Déesse… quelles morts horribles !
– La vache… en plus, pour tuer autant de gens en une seule nuit, fallait qu’ils soient plusieurs… surtout qu’aucun n’a été tué de la même manière… si c’est un seul gars, ça doit être le tueur le plus inventif du monde ! Les assassins se sont donné le mot ou quoi ? Enfin, c’est peut-être des nôtres, ça nous arrange si tout ce monde est soit mort, soit pas capable de combattre, c’est quand même des proches d’Isidore qui ne nous aurait jamais rejoint.
– Plusieurs meurtres très différents la même nuit hein… marmonna Sylvain, pensif et de plus en plus inquiet. Tu sais où est ma mère ?
– Le margrave a posé la même question dès qu’il a su que quelqu’un était mort mais, elle est introuvable depuis cette nuit…
« Il y a différentes manières de manier le couteau, lui avait déjà expliqué plusieurs fois Fregn lors des entrainements, notamment avant le thing afin de pallier toutes les situations. Cependant, c’est une arme avec une portée très courte, elle ne fait pas le poids face à des armes plus longues et n’est pas capable de traverser les armures alors, la manière dont on l’emploi dépend beaucoup de la situation et de la cible. Si la personne se méfie de toi, elle ne va pas te perdre de vue des yeux alors, le mieux est de frapper dans le ventre ou le dos de bas en haut. Avec cette technique, tu peux passer sous les côtes et déchirer plusieurs organes internes. N’essaye pas de taper dans la poitrine directement, tu risques de taper un os et d’abimer ta lame. Attend que ton ennemi soit à terre pour l’achever. Là, tu peux taper au cœur mais, tu risques encore de toucher le sternum ou une côte, mieux vaut frapper à la gorge. C’est également une très bonne cible pour une attaque surprise ou si tu frappes par derrière. »
– … d’accord… la connaissant, elle doit faire ce qui est nécessaire alors… marmonna-t-il avant de songer. Fait attention à toi maman… »
Ils étaient en train d’aider à monter des barricades dans la rue principales, quand il entendit hurler en ville, la panique se répandant comme une trainée de poudre en ville.
« Les srengs ! Les srengs sont là ! Ils sont aux portes ! »
« Quoi ?! Mais qu’est-ce qu’ils font là ? S’étonna Matti. Ils ne manquaient plus qu’eux !
– Attend, peut-être que ce n’est pas forcément comme d’habitude… le retient Sylvain.
– Et comment tu pourrais le savoir ?
– J’en sais rien, faudrait aller leur demander mais, entre les meurtres des généraux, et leur arrivée à point nommée quand les voleurs de Rufus débarquent au même moment, ça ne peut pas être un hasard. Ma main au feu, ma mère a perdu patience.
– Qu’est-ce que tu… attend ? Quoi ?! Tu crois que c’est elle toute seule qui les as tous tués et appeler les srengs ?! Une femme seule ?
– Pas une femme seule Matti, c’est Fregn l’Ombre, elle en est parfaitement capable la connaissant, et c’est même étonnant qu’elle ne l’ait pas fait avant vu le comportement de Lambert. En plus, pendant le thing, une clause d’assistance à Gautier en cas de danger avait été voté alors, c’est possible qu’ils jouent soit sur ça pour venir, soit sur la coutume de saluer des semblables quand ils passent dans le coin. Ça se fait beaucoup quand un royaume part en expédition, ils saluent tous les autres qu’ils croisent. C’est la politesse, tu salues les semblables pour dire que tu ne viens pas les piller eux et pour assurer les bonnes relations. Je vais voir, on sera fixé une fois qu’on leur aura parler. Ils sont au nord ? Et vous savez quels reines et rois sont présents ? Demanda-t-il en attrapant quelqu’un qui criait à l’arrivée des srengs.
– Euh… quatre aux voiles ! Une voile verte avec deux corbeaux…
– D’accord, ça c’est ma tante Thorgill le Kaenn, le vert des sapins avec les corbeaux d’Odin dessus. Évidemment, elle est là…
– Une autre est rouge avec un vieil homme borgne dessus.
– C’est Odin non ? Demanda Matti.
– Oui et ça, c’est Ohthere la Kraka, la Corneille, indiqua-t-il encore, se souvenant de lui, c’était son voisin pendant le thing, ils s’installaient exprès près des rois sans yeux pour mieux entendre ce qu’ils disaient et pouvoir se servir d’eux.
– Un avec le marteau de Thor sur une voile blanche.
– Kria la Fougueuse ? J’y aurais pas penser mais bon, elle doit avoir vu son intérêt ici.
– Et des voiles bleus avec une femme avec un grand collier dessiner dessus.
– Alors, c’est Solveig la Hundur, la Chienne…
– C’est un nom de reine chez les srengs ça ? S’étonna le crieur, il ne devait pas parler sreng.
– C’est pas dans le sens « sale chienne », ce serait plutôt « rakki » que « hundur » qui veut dire « clébard » mais, ce sens-là, ça n’existe pas dans la langue sreng. C’est pour évoquer la fidélité à son Royaume et le fait qu’elle a du flair pour trouver les bonnes occasions pour son peuple. C’est la successeuse d’Otkatla la Modérée, elle est très habile. Que du beau monde… »
Sylvain essaya de ramener le calme dans la ville sur le chemin vers les murailles de la ville, donnant vers le fleuve. Quand il fut aux créneaux, le jeune homme comprit mieux pourquoi tout le monde paniquait, en plus de voir les srengs aussi près de chez eux même s’ils étaient habitués à les voir débarquer… même si à la réflexion, ils n’avaient pas emmené toutes leur flotte, il y avait au moins une douzaine de navires sur le fleuve, dont quatre avaient accrochés leur figure de proue en forme de dragon, afin de marquer sur lesquels étaient les souverains de chaque royaume. Ajouter à ça que c’était les quatre plus gros ou puissants reines et roi de Sreng qui étaient au bas de leurs murailles, il y avait de quoi avoir peur.
Essayant de garder autant de calme et de contenance qu’il pouvait, le jeune homme repéra le navire de sa tante où étaient rassemblées les quatre souverains, en habits de voyage simples, même si plusieurs broches permettaient d’indiquer leur rang en plus de leur couronne simple. Il leva alors le bras en les regardant, s’écriant de toutes ses forces afin de se faire entendre.
« Salutation souverains de Sreng ! Thorgil de Kaenn ! Ohthere la Corneille ! Kria la Fougueuse ! Et Solveig la Chienne !
– Salutation à toi Sylvain le Renard ! Le salua Thorgil en s’approchant, toujours aussi nonchalante, la rendant encore plus impressionnante malgré son apparence sympathie. Nous étions en route pour Fhirdiad et il aurait été malpoli de notre part de ne pas venir saluer nos frères de Gautier !
– Nous arrivons sans prévenir mais, nous ne voulions pas que vous croyiez au début d’un raid en voyant plusieurs corbeaux volés au-dessus de vos murailles ! Poursuivit Solveig, calme et mesurée.
– Et nous vous remercions de votre visite, lui assura-t-il. Je ne peux que remercier le connaisseurs des courants et des vents d’avoir conduit votre navire jusqu’ici sans tempête.
– Nous de même ! Répondit Ohthere. En signe d’amitié après le thing et le serment d’assistance envers Gautier, nous sommes venus vous saluer, et boire un verre d’hydromel avec le fleuve afin que le connaisseur des vents et des courants nous épaule pendant le voyage !
Sylvain dût réfléchir à toute vitesse à la situation. Les voilà coincés de nouveau. Il pourrait leur dire la vérité et en vertu du serment d’aide du thing, les rois srengs allaient surement les aider à repousser les voleurs. C’était dans leurs intérêts de leur sauver la mise, Gautier leur en serait redevable et les mettrait en porte à faux avec Fhirdiad s’ils acceptaient l’intervention des srengs dans les ordres du régent… ce serait une trahison flagrante… mais l’autre option était de ne pas leur dire que c’était la révolte dans les murs de Birka, les recevoir sur le pont du Kaenn plutôt que dans la ville, ce qui risquait de les vexer. Après les avoir vu en œuvre, le jeune homme savait qu’ils devineraient les tensions internes. Enfer ! Il leur suffirait de lâcher leurs corbeaux pour voir les barricades et l’agitation ! Et cela pourrait aussi affaiblir d’autant plus leur position vis-à-vis des décisions du thing et de tous les royaumes srengs !
Dans le fond, Sylvain savait quel choix il préférait… celui qui était le meilleur pour eux tous selon lui… non, il ne pouvait pas prendre une décision pareille seul… est-ce qu’on le suivrait ? Est-ce que…
Il sentit une main se poser sur son épaule, vit Matti, plusieurs représentants des corporations de la ville, mais aussi quelques bourgeois et un conseiller de son père en la personne de Vigile, sérieux, son épée sur le côté avec son bouclier et sa côte de maille. Il crut un instant qu’il était là pour le ramener auprès d’Isidore, ou lui envoyer ses ordres en pleine révolte mais, l’homme lui dit en sreng.
« Le Renard, fais ce que tu as à faire pour Gautier. Nous te suivrons plutôt que le margrave sans yeux. Tu m’as prouvé ta valeur au thing devant le Bavard, puis devant le reste de la ville avec la voleuse Adrastée. Fais ce qu’il faut Sylvain le Renard.
– Fait ce qu’il faut Sylvain, ajouta Matti. Mieux vaut des gens qui volent pour nourrir leurs gosses, plutôt que des gens qui volent pour s’engraisser. »
Le jeune homme hocha la tête, puis se tourna à nouveau vers les srengs en déclarant.
– Ce serait un honneur de vous ouvrir la porte mais, je dois être honnête avec vous sur le fait que nous sommes pour le moment dans l’impossibilité de le faire. Des voleurs de nos rois sans yeux sont à peine à quelques heures de marches de nos murs. Le margrave a donné son accord pour leur donner tout ce qu’ils réclament mais, nous autres habitants de Birka refusons d’être volé au profit de personnes qui s’engraissent ! Nous avons décidé de faire montre de notre désapprobation à la manière des navigateurs de Midgard ! Nous devons donc régler ces deux problèmes avant de vous accueillir !
– Des voleurs dis-tu ? Alors, par les canons du Grand Thing, il est de notre devoir de venir en aide à nos frères de Gautier ! Vous êtes déjà occupé à régler vos désaccords internes, et le code de l’honneur des vrais guerriers srengs ordonne de ne jamais attaquer pendant ces périodes ! À se battre sans réel défi, on triomphe sans gloire ! Ce n’est pas un combat équitable ! Moi, Kria la Fougueuse, suis prête à vous apporter mon soutien avec mes hommes, mes navires et mes armes afin de chasser les irrespectables de la maison de ceux qui m’ont prouvé leur respectabilité !
– Moi de même. Ce roi sans yeux ne fait qu’affamer son propre peuple, il relève donc de la décence humaine la plus basique de l’empêcher de tuer encore plus des vôtres en vous volant davantage de nourriture ! Moi, Ohthere la Kraka, suis également prêt à vous venir en aide !
– De même pour mes troupes et moi, Solveig la Hundur ! Il n’y a pas de pire déshonneur que de frapper des gens à terre mais, pire encore est le crime de ne pas venir en aide à la personne acculée ! Par Tyr et Odin, il est de notre devoir de chasser ces malfrats de rois sans yeux s’ils refusent d’écouter les bons conseils du Bavard !
– Nous sommes donc tous d’accord entre nous ! Conclut Thorgil le Kaenn. Occupez-vous de votre propre chef sans yeux, nous nous chargeons de ces voleurs selon les canons du Grand Thing ! Quand nous reviendrons, nous trinquerons tous ensemble à notre victoire !
– D’accord ! Au nom du peuple de Birka et de Gautier, je vous remercie et suis reconnaissant de votre aide et soutien ! Que Thor soit à nos côtés !
Chacun se sépara, Sylvain voyant les habitants de Birka au pied des murailles, la plupart armés avec des outils de travail ou de vrais lances, haches et épées de la garde. Il crut un instant qu’ils allaient le lyncher pour avoir traité ainsi avec leurs ennemis jurés depuis pratiquement quatre cents ans mais, personne ne lui jeta la première pierre. Tous les regards se tournèrent vers la forteresse margravine, la colère montant de plus en plus.
« Les rois sans yeux nous ont tellement volés qu’ils ont rappelé à tout le monde qu’à l’origine, nous sommes des srengs, et que les srengs défendent avec autant de force leur nourriture que leurs propres enfants car ils savent que sans nourriture, ils meurent tous autant qu’ils sont au premier hiver… bel exploit, même Clovis n’était pas arrivé à le faire aussi vite… »
Sylvain demanda à Vigile des informations sur ce qui se passait dans la forteresse alors qu’ils avançaient tous ensemble vers elle.
Utilisant de grandes planches de bois comme mantelets de fortune pour se protéger des flèches et des jets de pierre, les émeutiers arrivèrent à forcer la porte en la défonçant à coup de hache et de marteau, à défaut d’avoir un bélier. Donnant ses ordres, Sylvain répartit les différents groupes pour prendre possession des lieux le plus rapidement possible en évitant un maximum de mort.
« Avancez avec toujours un bouclier ou une planche devant vous ! Pour ceux qui prennent les escaliers, que le premier soit quelqu’un de résistant avec une grosse planche ou une plaque de métal très épaisse devant lui ! Ils sont faits pour que ceux qui montent face de bonnes cibles ! Mon père doit être près du donjon ! Soyez prudent ! »
Sylvain avala sa bile, angoissé malgré la fureur de la bataille. Connaissant Isidore, il allait venir les affronter avec la Lance de la Destruction et n’hésiterait pas à les embrocher avec… enfin, il devait se reprendre, ce n’était pas le moment de flancher !
Les défenseurs lâchèrent les chiens de guerre du château mais, dès qu’ils virent Sylvain, ils se mirent en cercle autour de lui, Mordant le premier, avant de se retourner contre le palais quand il leur demanda. Eux aussi en avaient assez d’Isidore et de la manière dont il les traitait visiblement.
Alors qu’ils essayaient de se frayer un chemin dans un des couloirs, le jeune homme vit une chevelure aussi rousse que la sienne disparaitre dans les couloirs, abandonnant son poste et ses hommes. Il devina tout de suite qui était le fuyard…
« Miklan ! Il tente de s’enfuir ! »
Cependant, avant qu’il n’ait pu trop s’éloigner, son frère ainé se mit à hurler, après que Mordant se soit frayé un chemin entre les jambes et les boucliers adversaires, tout comme Starkr qui survola toutes les têtes de la mêlée pour fondre là où Miklan avait disparu.
Après avoir repoussé les défenseurs, le jeune homme trouva son frère au bas des escaliers où il était « tombé » des dizaines de fois, coincé par Mordant et Foa qui grondaient tous les deux, Starkr claquant du bec. Il ne semblait ne s’être rien cassé dans sa chute mais, les bêtes avaient su mordre là où il n’y avait pas d’armure et le maitriser.
Miklan jeta un regard, furieux, lui promettant l’enfer mais, cette fois, Sylvain n’eut même pas peur. Cette fois, c’était son frère qui était coincé au bas de l’escalier, et lui en haut, armé de sa lance…
« Où est Isidore ? Demanda-t-il en gardant son calme. Et où est Fregn ?
– Va te faire foutre le traitre ! Et cette connasse de sreng est allé pourrir en enfer !
Foa le punit pour son ton en le mordant à nouveau, mais Sylvain la rappela vers lui.
– Ne fait pas comme lui, même si c’est une ordure. Ligotez-le, il pourra toujours servir, » ordonna-t-il finalement à deux autres émeutiers pendant qu’il reprenait son chemin.
*
« Margrave ! Un autre soldat de la garde rapprochée est mort !
– Les émeutiers ont barricadés la plupart des rues ! La plupart des gardes urbains ont fait défection de leur côté !
– Des navires srengs se sont également approchés de la ville, se sont arrêtés puis l’ont dépassée ! Ils foncent vers les troupes du régent !
– Apparemment, le seigneur Sylvain leur aurait parlé mais, il est passé du côté des émeutiers avec ce traitre de Vigile.
Isidore gronda, serrant les dents, sa lance dans la main. Donc, entre les agents royaux et la révolte contre les prélèvements pour Fhirdiad, non seulement son propre héritier avait trahi la Couronne pour rejoindre les rebelles mais en plus, il semblait très bien s’entendre avec leurs ennemis de toujours, vu qu’ils étaient allés attaquer les troupes du régent plutôt que Birka… non pas qu’il ignorait le penchant dangereux de son héritier du côté du peuple de sa mère mais, il ne l’imaginait pas à ce point… il avait même contaminé Vigile… enfin, le margrave connaissait la responsable de tout ça.
– Faites portée les malades en lieu sûr et où ils ne nous gêneront pas si les émeutiers attaquent la forteresse. Préparez-vous aussi à vous défendre avec des armes de fer contre eux. Aucune pitié n’est autorisée contre ces traitres à la couronne. Toute fraternisation avec l’ennemi sera sévèrement punie, que ce soit avec les srengs ou avec les émeutiers.
– Et pour le seigneur Sylvain ? Demanda une de ses générales.
– Il a choisi le camp de la trahison et des srengs, il devra en payer les conséquences comme les autres, répliqua-t-il d’un ton froid, ignorant le sourire satisfait de Miklan qui attrapait une hache pour combattre à ses côtés, serrant la main sur la hampe de sa lance. Où est Fregn ?
– Toujours introuvable margrave, marmonna une de ses aides.
– On ne l’appelait pas l’Ombre pour rien… elle s’est évaporée d’un coup sans que personne ne le remarque…
– Mais êtes-vous sûr que c’est elle qui a manigancé tout ceci ? Demanda son plus jeune conseiller. Les meurtres et l’empoisonnement de cette nuit semblent être fait par plusieurs personnes. Une personne seule…
– C’est que vous ignorez tous des capacités de Fregn. Cette femme est la personne la plus dangereuse de tout Sreng et Fodlan réunis. Ma main au feu que le roi Ludovic et ma mère ne me l’ont fait épouser que pour avoir un élément imprévisible dans les pattes de Sa Majesté Lambert, aucun des deux n’avaient la moindre confiance en lui. Il n’y a qu’elle pour provoquer autant de morts en une nuit sans se faire prendre. Non, il faut la retrouver au plus vite, et cela pourra toujours faire une monnaie d’échange ou un otage contre Sylvain. Il ne fera rien si elle est en danger, il a le cœur trop tendre pour mettre en péril sa chère mère, gronda-t-il. Retrouvez-la au plus vite.
– Bien margrave !
– Sylvain est un raté jusqu’au bout, fit observer Miklan mais, Isidore ne l’écouta pas.
Isidore songea à son héritier… malgré ses efforts pour l’endurcir et les « entrainements particuliers » que lui faisaient subir Miklan, il avait toujours été gentil, trop doux pour un Gautier. Il était les gardiens du Nord, les descendants du Protecteur Sauvage, le Brave Gautier qui déchiquetait ses adversaires avec ces crocs pour protéger son peuple et commandait les bêtes.
Lui, il était tout le contraire : un enfant tout rond dès la sortie du ventre, avec un sourire trop vif et une indiscipline déplorable. Fregn n’avait guère perdu de temps, elle avait corrompu son héritier à la première occasion, et l’envoyer chez les Fraldarius n’avait rien arrangé.
Pour sa formation intellectuelle, cela avait fait des merveilles mais, cela n’avait fait que l’adoucir encore et encore jusqu’à le rendre aussi tendre que les jumeaux. Il savait à quel point Rodrigue pouvait être froid et terrifiant quand il protégeait quelque chose mais, sa mollesse et sa trop grande indulgence dans l’éducation de ses fils étaient notoires. Résultat, même si Glenn était le meilleur chevalier de sa génération et de loin avec Cassandra Charon, il avait hérité du caractère dissident de son grand-père, et Félix, n’en parlons même pas ! Un emblème majeur, certes, mais gaspillé par sa trop grande douceur et son côté farouche. Il était comme de l’eau : d’un côté, elle était insaisissable mais de l’autre, elle s’enfuyait à la moindre occasion… alors avec Sylvain qui avait des problèmes de tempérament à la base, cela n’avait fait qu’encourager ses pires travers et empirer sa gentillesse excessive et sa trop grande ouverture envers les srengs. Cela ne lui aurait pas été aussi bénéfique sur un plan martial et intellectuel pour son héritier, et politique pour Isidore qui faisait plaisir aux très puissants ducs à peu de frais, il aurait arrêté de l’envoyer là-bas à la morte saison à la première occasion… Fregn devait être ravie de la situation.
« Fregn… maudit soit-elle… »
Il se reprit en main, sachant que sa femme ne paniquait surement pas. Elle ne prendrait pas non plus confiance et resterait sur ses gardes à tout moment. Autant il la méprisait de toute son âme, autant il savait qu’il signait son arrêt de mort s’il la sous-estimait. Le margrave commettait la moindre erreur, et Fregn le tuerait avant les émeutiers. Il refusait de lui faire ce plaisir.
Enfin, il avait son idée pour la faire sortir de sa cachette. Elle avait beau être une espionne et une assassine endurcie, Isidore était le mieux placé pour connaitre son point faible.
– Si Sylvain n’est plus qu’un traitre, et bien soit. La Lance de la Destruction décidera de son sort.
Ses fidèles le dévisagèrent, incrédules et choqués, mais ils savaient que rien ne pouvait le faire changer d’avis. Miklan sourit de la même manière que lui en grinçant.
– C’est tout ce qu’il mérite pour trahir Gautier et Faerghus.
Sans un mot, Isidore partit chercher sa Relique, enchainée dans la grande salle seigneuriale, demandant à être seul. Il avait lancé son appât, restait à savoir si Fregn allait foncer dessus la bouche grande ouverte, même s’il ne se faisait guère d’illusion, elle avait surement anticipé le coup. Enfin, tout ce qu’il voulait, c’était se retrouver seul avec elle en face à face avant que Sylvain ou ses sœurs n’arrivent. Au corps à corps, il était sûr d’avoir l’avantage avec sa Relique face à son couteau mais, quand il s’agissait de son fils, Fregn pouvait prendre plus de risque alors, quand Sylvain risquait de voir son destin lacéré par les crocs de la Lance de la Destruction, elle allait forcément agir. Elle restait une sreng croyant au destin et terrifié par les Reliques, ainsi qu’une mère adorant trop son fils, même elle tomberait dans le piège.
En entrant dans la grande salle, le margrave ne put que voir sa Relique s’agiter sur sa hampe, semblant vouloir s’échapper de ses chaines pour foncer dans la bataille. C’était assez rare de sa part pour être souligné, elle qui d’habitude semblait plutôt répugner à l’idée d’aller au combat quand c’était lui qui la maniait. Pour sa mère, elle était plutôt calme et obéissante mais, avec lui, la Lance de la Destruction ressemblait à une bête sauvage et indomptable, il fallait être ferme et sans pitié avec ses caprices. Sourd à ses protestations, Isidore la prit dans ses mains, se mettant en position de combat en la serrant entre ses doigts.
En réponse, la Relique les lui mordit durement mais, il était habitué à ce stade. La plupart des plaies sur ses mains venaient de morsures infligées par la Lance de la Destruction elle-même mais, elle menait un combat qu’elle avait perdu d’avance. Froid comme l’hiver et dur comme le roc. Isidore avait toujours tout mené en suivant ces deux principes : armée, fief, guerre, famille… et tout lui avait toujours obéit ainsi alors, cela continuerait ainsi. La Lance de la Destruction était simplement une bête plus teigneuse et dangereuse que les autres mais, il finissait toujours par lui rompre le cou et la faire obéir.
Il sentit une minuscule présence dans son dos.
Isidore se retourna immédiatement et projeta le fer d’os de la Lance de la Destruction, forçant le soldat à reculer. Même sous le casque et le gros col d’hiver, il pourrait la reconnaitre entre mille.
« Tu es toujours aussi discrète. Hélas pour toi, même si tu sais cacher ta présence, tu es obligée de fixer ta cible avant d’attaquer. Je dois admettre que sans ça, je ne t’aurais pas senti arrivé mais, c’est toujours trop faible, comme tous les gens de ton espèce. Tu es devenue prévisible Fregn.
L’espionne répondit en baissant son écharpe, menaçante.
– On sait tous les deux que c’est un piège grossier mais, jamais je ne te laisserais faire le moindre mal à Sylvain, même si c’est plus risqué pour moi. De toute façon, on n’en est plus là.
– C’est bien pour ça que tu es prévisible à présent. Avant sa naissance, tu n’aurais pas mordu volontairement à l’hameçon, alors que tu sais que tu es désavantagé. Depuis qu’il est né et a grandi pour te ressembler, tu t’es attendrie avec lui. Enfin, j’imagine que tu as pu fermer la porte alors, on ne sera pas dérangé.
– Si aimer son enfant est une preuve de faiblesse, j’assume être faible avec fierté. C’est mon fils et je le protégerais avec autant de force que Frigg protège Baldr contre la mort et Loki, envers et contre le destin. Autant de toi que de Miklan, vous qui ne lui avez fait que du mal, répliqua-t-elle avec froideur, cherchant une ouverture dans la défense d’Isidore. Je ferais en sorte que cela cesse.
– J’imagine que c’est toi la responsable de la série de meurtre de cette nuit, ainsi que l’arrivée des srengs à nos portes en même temps que les émissaires du régent, gronda-t-il en ignorant les morsures de la Lance de la Destruction sur ses mains et même ses bras. Reste tranquille et obéit.
– Effectivement, même si tu étais le seul à trouver ça évident.
– Tu es une spécialiste du maniement du poignard, tes coups sont toujours d’une précision chirurgicale. Tu arrives à toucher le cœur sans toucher aux os, même dans le feu de l’instant, peu en sont capable et tu as brouillé les pistes avec l’étranglement, même si tu utilises rarement cette manière de tuer. Trois meurtres en une nuit, cela semble possible pour une professionnelle comme toi étant donné que ta surveillance était plus lâche que d’habitude à cause des émeutes. C’est également une habitude des srengs d’empoisonner les gardes des villes avant un raid, même si vous utilisez une toxine moins violente d’ordinaire.
– Je voie que tu as bonne mémoire malgré tout… et je devais faire en sorte que ces soldats ne se relèvent plus, même après que tu sois renverser. Ce sont tes plus grands fidèles, ils auraient pu être tenté de te remettre sur la chaire du margrave après le changement, ce qui est évidemment hors de question, et il fallait maximiser les chances que l’émeute réussisse. Huld arrive à rendre l’huile de hakarl bien plus toxique en la concentrant, même dilué dans l’eau, et son effet est encore plus dévastateur en l’associant à de l’alcool. Mélangé à un peu de brennivin, c’est indétectable au gout, surtout vu la qualité de l’eau qu’on boit tous en ce moment, expliqua-t-elle froidement, son accent revenant sur sa langue. Pour ce point, je remercierais presque tes rois sans yeux, ils m’ont facilité la tâche. Ce n’est qu’une question de temps avant que l’eau empoisonnée qu’ils ont bue ne les tue.
Avec un grognement de rage, Isidore s’élança, visant la cuisse de Fregn. Il devait juste la rendre inapte au combat et suffisamment la blesser pour inquiéter mais, ce ne serait pas une bonne chose si elle mourait maintenant. Elle avait plus de valeur en tant qu’otage. La Lance de la Destruction gémit à ce geste, reculant ses pointes comme pour éviter de lui faire du mal, aidant l’espionne à esquiver le coup alors qu’elle se mettait hors de portée. Elle jouait sur le temps… il devait essayer de savoir ce qu’elle avait en tête !
– Obéit et frappe l’ennemi, ordonna entre ses dents Isidore en sentant les morsures de plus en plus profonde.
– Les Crocs de Fenrir seraient plus raisonnables que toi ? Étonnant… enfin, cette lance maudite a toujours préféré Sylvain, elle ne lui a jamais fait le moindre mal à ta différence, fit-elle remarquer, même si c’était évident qu’elle évitait l’arme. Cette abomination née d’un meurtre d’un pacifiste sait mieux reconnaitre une bonne personne que toi, alors que c’est l’arme de la Dévoreuse de Cadavres…
– Peut-être, mais tu en as toujours aussi peur, les habitudes srengs te collent à la peau. Et évidemment, c’est toi la responsable de ce désordre dans ma ville, devina-t-il. Tu étais très douée pour semer la zizanie partout où tu passais…
– Plutôt les vols incessants de la capitale, ce roi sans yeux de Lambert qui a tué plusieurs enfants de chaque ville, et cette voleuse d’Adrastée, ainsi que ta passivité face à tes rois sans yeux sont bien plus efficace que moi pour créer le chaos.
Isidore maudit la Lance de la Destruction quand elle sembla approuver les mots de Fregn. Elle devait fidélité à la Déesse et au roi ! Comme eux tous !
– Je dois obéissance au roi ! Je n’ai pas la trahison dans le sang comme les srengs qui les poignardent à la moindre occasion !
– Pas à la moindre occasion, quand ils ne sont plus respectables, nuance. Nous ne nous insultons pas nous-mêmes en obéissant à l’inacceptable. Ce que vous devriez faire également, surtout que le peuple de Gautier semble d’accord… après tout, vous êtes srengs vous aussi à l’origine, il en reste des traces, certaines choses sont restées au fond de votre mémoire…
– Nous ne le serons pas tant que je serais là et Sylvain finira bien par se conformer. Même si cela met du temps, je finirais bien par le dresser lui aussi et si ton sang de sreng est trop fort, j’arriverais bien à le remplacer avec une vraie fod… argh !
Isidore hurla de douleur, lâchant sa Relique sur le coup en découvrant ses mains et ses poignets en sang, comme si un renard venait de les mâcher avant de les recracher. La Lance de la Destruction frappa le sol dans un grand fracas, se tordant dans tous les sens, brillant d’un éclat sombre, un chuintement sortant d’elle. C’était comme si la gemme à la base du fer le fixait, le jugeait et prononçait sa sentence.
– Et bien… j’ai une alliée inattendue finalement.
Fregn se précipita sur Isidore à ses mots, tentant de le toucher au bras mais, il arriva à la repousser, tirant son propre poignard avec une grimace, se rassurant un peu de se dire que même s’il le perdait, il avait toujours celui de Gylfe, même s’il préférerait éviter d’utiliser l’arme de son ancêtre. Il le gardait sur lui juste pour éviter que quelqu’un d’autre ne le vole à nouveau. Ses mains étaient profondément entaillées, la Relique ne l’avait pas raté ! Mais pourquoi l’avait-elle…
La sreng ne lui laissa pas le temps de réfléchir, fonçant sur lui, sa lame brillante dans la lumière du matin pour l’éblouir avant de frapper. Il para à nouveau avant de tenter de la faucher mais, Fregn était rapide et agile. Elle esquiva en vitesse, puis enfonça profondément sa lame dans son bras droit, le plus blessé des deux par la Relique et lui fit lâcher son arme. Heureusement pour lui, Isidore arriva à donner un coup de poing à la sreng en plein visage, la douleur lui faisant échapper son poignard. Réagissant par instinct, il attrapa le poignard de Gylfe et le tira de sa gaine, jusqu’à ce qu’il remarque une légère lueur sur le haut du bras de Fregn.
« C’est le poignard de Gylfe ! Et Sylvain l’a récupéré des mains de Fregn quand il me l’a donné ! Il doit y avoir le sort de… »
Avant qu’il ne puisse remettre le poignard dans son fourreau, la lame s’enfonça profondément dans son flanc, appelé vers les runes de rappels tatouées dans l’épaule de Fregn, les seuls tatouages qu’elle avait eu le droit de conserver lors de leur mariage. La sreng profita de cette seconde de déconcentration pour enfoncer son autre arme dans la jambe du margrave, le long pic trouvant son chemin dans les articulations de son armure, puis se jeta sur lui de toutes ses forces et de tout son poids pour faire craquer sa mauvaise jambe et le faire tomber au sol.
Se fracassant la tête la première contre la pierre, Isidore se retrouva à moitié sonné, laissant le temps à Fregn de lui attacher solidement les mains et les pieds pour l’empêcher de se débattre quand il retrouva ses esprits.
– Tu as plus de valeur vivant, je ne te tuerais pas. Tu vas servir pour une fois… gronda-t-elle en le bâillonnant, menaçante et avec un léger sourire aux lèvres, tenant sa revanche pour toutes ces années enchainées à lui. Regarde bien, voie ce que désire vraiment Gautier et apprend la vraie valeur de mon fils. »
Isidore ne put rien répondre, même pas se débattre, vaincu par la sreng qui délogeait son pique de sa jambe, l’accrochant à son écharpe et récupérant son poignard pour le menacer de sa lame.
Quand il croisa le regard de la Lance de la Destruction, il eut l’impression qu’elle le regardait sévèrement, puis changea quand Fregn alla ouvrir à Sylvain. Ce dernier entra sans hésité, demandant tout de suite à sa mère.
« Maman ! Est-ce que tout va bien ?! Tu étais introuvable !
– Oui, j’ai fait ce que j’avais à faire pour Gautier… et pour régler quelques comptes que je trainais depuis plus de vingt ans, ajouta-t-elle en désignant Isidore d’un coup de tête dans sa direction, anticipant la question. La Lance de la Destruction l’a rejeté en lui mangeant les mains alors, ne t’en fait pas, je vais bien. Et toi ? Miklan ne t’a rien fait ?
– T’en fais pas, dès qu’il a vu combien on était, il est allé se planqué derrière ses hommes. C’est Starkr, Mordant et Foa qui l’ont rattrapé et arrêté, c’est eux les vrais héros avec tous les habitants de Birka, lui assura-t-il. En tout cas, je suis soulagée que tu ailles bien… je sens que tu as aidé de ton côté et je sais bien que tu es surentrainée mais, soit prudente.
– Un bon espion est toujours prudent et prend toujours des risques quand cela est le plus nécessaire, répliqua-t-elle. Enfin, il reste encore des choses à faire avant que tout soit fini.
– Oui mais, je pense que Thorgil sera contente de te voir en entier en premier, elle ne devrait pas tarder avec les trois autres rois. Faudra que tu m’expliques ton plan d’ailleurs, ajouta-t-il d’un ton plus sombre.
– Bien sûr, quand tout sera régler à Gautier.
Sylvain hocha la tête, et même s’il était visiblement réticent à toucher la Relique, il finit par l’empoigner pour l’éloigner d’Isidore par sécurité. Dès qu’il l’eut en main, ses pointes se calmèrent, son éclat devient plus doux, et une énergie chaleureuse comme la fourrure de Foa l’entoura, protectrice. Le jeune homme fut le premier étonné par cette réaction, dévisageant le fer de la lance en songeant.
« Je pensais que tu me mordrais les mains moi aussi… »
Il n’en fut rien, la Relique continuant à l’entourer de son énergie bienfaisante, comme si quelqu’un posait sa main sur son épaule pour l’encourager. En se concentrant, il pourrait presque revoir l’homme qui l’avait visité dans ses rêves après que Miklan l’ait abandonné dans la forêt, ressemblant bien plus à l’image qu’il se faisait du Bavard que de la Dévoreuse de Cadavre… cela lui donna du courage alors qu’il annonçait.
– La forteresse est prise et Isidore est tombé ! Rejeté par la Lance de la Destruction et le Brave lui-même !
Une grande acclamation de joie se fit entendre, redoublant d’intensité quand ils virent les srengs revenir avec les survivants des voleurs ligotés sur leur pont, le sort des vaincus et des prisonniers de guerre.
Thorgil le Kaenn s’approcha la première, déclarant avec un sourire entendu.
– Trinquons tous à notre victoire, sœurs et frères de Gautier. »
*
Comme prévu, ils burent tous ensemble à la victoire de chaque camp mais, le lendemain matin, ils durent revenir à des choses sérieuses.
« Qui est le margrave à présent ? Demanda quelqu’un. Il faudrait mieux une personne pour parler pour tout le monde avant de commencer à discuter avec les srengs de ce qu’on va faire maintenant, surtout vis-à-vis des accords du Grand Thing et de ce qu’on va faire d’Isidore et de Miklan.
– C’est évident que c’est le seigneur Sylvain ! S’écria Orégane. C’est lui qui a l’emblème de Gautier !
– En plus, c’est lui qui a mené la charge et à gérer avec les srengs ! Ajouta Matti sans hésiter. Si quelqu’un doit être margrave, c’est bien lui ! Autant par le sang que par ses mérites ! Même la Lance de la Destruction l’accepte !
– Il faudrait plutôt demander à tout le monde son avis ? Les refroidit Sylvain, ne voulant pas qu’on le choisisse juste pour son sang ou sur le moment. Ce sera mieux que de choisir comme ça. On pourrait élire temporairement le chef de la ville et du margraviat, puis on verrait à tête reposée. En plus, on va surement devoir reprendre toute l’organisation de Gautier à tête reposée. Si on continue avec la lignée ou juste à l’emblème, on risque d’avoir un autre Isidore, fit-il remarquer.
– Cela semble être une bonne idée, confirma Vigile en hochant la tête. Très sreng mais, ils sont meilleurs pour désigner les bons dirigeants que nous, c’est un fait. Soumettons cette idée à l’ensemble de Birka et voyons ce que cela donne. »
Tout le petit groupe accepta. On fit venir les habitants sur la place principale de la ville, assez grande pour tous les contenir après autant de mort, que ce soit à Duscur ou de la famine. Prenant son courage à deux mains, Sylvain monta sur le socle de la statue de Gautier pour s’adresser à la foule, demandant au Bavard de l’aider et de lui prêter sa langue d’argent malgré tout ce que son ancêtre lui avait fait.
« Peuple de Birka écoutez ! Nous sommes dans des temps difficiles mais grâce à votre courage et votre force, nous arrivons petit à petit à reprendre la main ! Grâce à vous, le règne d’Isidore appartient à présent au passé et nous pouvons choisir tous ensemble ce que nous désirons pour notre avenir ! Cependant, même si les décisions sont à présent prises en commun, nous devons également désigner un représentant de notre ville et temporairement de tout Gautier ! Alors, nous pourrions élire ce représentant afin qu’il représente au mieux les intérêts de tout Birka ! Qu’en pensez-vous ?!
S’il se fiait à l’excitation générale, tout le monde était d’accord. Après quelques discussions supplémentaires, ils mirent en place un vote secret : chacun devrait écrire le nom de la personne représenter après que les candidats se soient présentés à la ville entière, et on mettrait un peu d’encre sur la main de ceux qui avaient déjà voté une fois. Les noms des candidats seraient écrits en très gros au-dessus de leur tête en plus d’une forme simple qui leur étaient associé, afin que les personnes analphabètes puissent les redessiner malgré tout et si elles avaient un doute, des scribes seraient là pour leur confirmer ou réécrire correctement le nom. C’était pas très secret tout ça mais, fallait faire avec ce qu’ils avaient, tout le monde ne savait pas écrire. Ce serait quelque chose que Sylvain devrait corriger s’il était élu… il verrait qui de lui ou des quatre autres candidats seraient désignés par le peuple de Birka, les srengs observant tout avec curiosité et intérêt. Miklan aussi se présentait, par respect du droit de tous de concourir.
Chacun se présenta et parla de ses intentions pour Gautier. La plupart était contre l’idée de donner encore plus au régent mais, le jeune homme faisait partie des plus radicaux, déclarant sans hésiter qu’il fallait reprendre le dialogue avec Fhirdiad mais, plutôt pour les faire revenir sur Fodlan, renégocier les termes de leur fidélité et leur imposer leur nouvelle manière de fonctionner. Tous les habitants majeurs votèrent, même Isidore étant donné qu’il était un habitant de Birka comme les autres, bien qu’étant donné qu’il avait été renversé, son successeur devrait décider de son sort : l’exil ou la mort. Enfin, il verrait en temps voulu…
Quand des lettrés tirés au sort dépouillèrent, Sylvain serra son porte-bonheur, cherchant du courage dans la petite écaille sarcelle. Il n’avait toujours pas de réponse de Félix et vu la situation, le courrier circulerait surement très mal… dans son angoisse de l’attente, il demanda à Frigg que son ami aille bien…
Le chef des dépouilleurs finit par sonner une grosse cloche, annonçant avec sa voix forte.
« Les habitants de Birka ont décidé sous le regard de la Déesse ! Miklan Anschutz Gautier, quinze voix. Tove Persdotter, cent cinquante-cinq voix, Dick Birgersson, deux cent trente voix, Rut Hansdotter, cinq cent quatre-vingt-neuf voix, et avec une très large avance, Sylvain José Gautier, quatre mille deux cent trois voix ! Sous le regard de la Déesse et de lui-même, le peuple a tranché ! Notre représentant définitif à Birka et margrave temporaire sera donc Sylvain José Gautier ! »
Sylvain crut en tomber par terre à l’annonce des résultats. Il était premier avec autant d’avance ?! Bon, d’un côté, vu comment étaient les birkans pendant sa présentation, il sentait qu’il avait ses chances mais, avoir autant de voix… être élu par son peuple… il… il savait à peine quoi en penser… ne savait même pas si c’était à cause de son emblème ou de lui-même… mais ils avaient choisi de lui faire confiance, et il refusait de se défiler ou de les trahir.
Serrant son porte-bonheur entre ses mains pour se donner du courage, Foa sautant entre ses jambes en sentant la liesse ambiante, le jeune homme se leva pour rejoindre le centre de la place, Starkr sur son épaule. Il y fit face à la doyenne de Birka qui devait poser l’anneau du margrave sur sa tête, une large bande d’airain remontant à Gylfe le Berserkr lui-même, gravée de motifs de la mythologie sreng finement réalisés. Une couronne de roi sreng… même si elle avait été reconvertie en couronne de margrave, elle restait tout de même un témoin de ce fait…
Il saluait la vieille femme quand la voix de Miklan résonner dans toute la place.
« Attendez !
Sylvain se tourna vers son frère, bien gardé par Matti et des personnes de confiance, même s’il n’était pas enchainé contrairement à Isidore. Pour le moment, le seul crime reconnu de Miklan était d’avoir été du côté de l’ancien margrave, il ne pouvait pas le punir autant pour sa fidélité, même si elle était complètement intéressée et que Sylvain devait forcément faire un sort aux fidèles les plus proches de son père. Birka aurait d’autre chose à faire que de se soucier d’éventuel complot pour remettre un Isidore haï sur la chaire margravine.
Son grand frère s’approcha autant qu’il put, déclarant sans honte.
– Vous avez décidé de vous comporter comme des srengs alors, ça veut dire que tout le monde peut te défier pour te prendre ta place. C’est comme ça que vous fonctionnez vous les srengs, vous vous entretuez à la première occasion ! Alors, je te défie pour la place du margrave le porte-emblème ! Tu ne peux pas te défiler de toute façon ! Vient te battre contre moi que je t’écrase encore une fois !
Quelques lunes auparavant, Sylvain se serait figé, tétanisé de terreur à la seule idée de croiser Miklan, encore plus s’il tenait une arme, sûr d’y passer et s’excusant envers son frère d’avoir cet emblème dont il ne voulait pas… voir s’excuser d’être simplement né, avec ou sans, et de lui avoir tout prit comme Miklan ne cessait de le répéter pour le graver dans son crâne.
Mais aujourd’hui, le jeune homme avait affronté le Grand Thing et son père, avait vécu la famine et s’opposait frontalement à la famille royale elle-même, avait vaincu bien des adversaires bien plus coriaces et puissants que son frère, avait presque tout le peuple de Birka derrière lui… Miklan n’était plus un adversaire si effrayant. Juste un rival pour la place de margrave persuadé que tout lui était dû car, il était né le premier, et dont il connaissait les faiblesses.
Il lui fit donc face, même plus impressionné par leur différence de taille et de carrure, répondant sans trembler.
– Bien, que nos mots et nos armes désignent qui de nous deux est le clairvoyant et le roi sans yeux !
On fit un peu de place sur la place, chacun récupérant une arme en bois pour s’affronter. Sylvain serra à nouveau son porte-bonheur avant de prendre sa lance en main, alors que Miklan commençait à agiter sa hache pour l’effrayer.
– Allez le porte-emblème ! Approche ! On va voir qui est le plus fort !
– Il me semble que la dernière fois, tu as atterri dans le fumier, et qu’hier, tu fuyais devant les crocs acérés de Foa. Tu devrais plutôt demander ta revanche contre elle, répliqua-t-il en montrant la renarde retenue par Fregn, voulant foncer aider son ami. Ne t’en fais pas, à part quelques petites morsures, elle ne t’aurait rien fait de mal.
Tout le monde éclata de rire à sa remarque, se moquant de la couardise de Miklan qui avait fui devant l’ennemi, encore plus quand l’ennemi en question était une adorable boule de poil toute touffue et pas méchante pour deux sous. En Sreng, le duel serait déjà fini, les spectateurs auraient déjà jeté des pierres sur le prétendant à la fonction de roi puis l’auraient éjecté du village sans attendre. Mais à Birka, les gens n’oseraient surement pas intervenir ainsi et se contenteraient de commenter. Non, s’il voulait empêcher Miklan de devenir margrave et de conduire Gautier à sa perte, il devait le battre non seulement avec ses mots, mais aussi avec sa lance. C’était la seule solution pour le chasser tout en prouvant sa valeur et bien instaurer son autorité.
Miklan gronda, abattant sa hanche sur lui comme un bucheron frappait un tronc d’arbre en criant.
– Je vais te faire ravaler tes mots ! T’es rien à part ton emblème ! À cause de toi, j’ai tout perdu ! Tu as volé le titre qui me revenait de droit en naissant !
– Peut-être, répondit-il en évitant relativement facilement le coup, la frappe étant assez facile à anticiper à cause de sa lenteur, surtout comparé aux duels de force et d’esprit où les armes allaient aussi vite que les mots pendant le Grand Thing. Mais qu’à tu fais pour la regagner ? Qu’as-tu accompli pour prouver que tu méritais plus le titre que moi ?!
– Dans tous les cas, ton foutu emblème m’empêche d’être margrave tant que tu respires morveux !
– Autant dire que contrairement à Glenn Guillaume Fraldarius qui a prouvé sa valeur à maintes reprises, était le meilleur chevalier de tout Faerghus tout en étant un grand frère exemplaire pour son petit frère, tu n’as rien accompli ! Répliqua sans hésité le plus jeune en envoyant sa lance dans les côtes de Miklan.
Le coup coupa la respiration à Miklan qui dut reculer pour reprendre son souffle, de plus en plus rouge d’effort et de colère. Ses yeux brillaient de rage, se délectant d’avance du moment où il le vaincrait, comme quand il l’avait jeté dans ce maudit puits… un frisson remonta le long de son échine à ce souvenir mais, s’encrant sur ses pieds et sur sa lance, entouré par les encouragements des habitants de Birka et des srengs, Sylvain tient bon et resta en garde. S’il devait flancher, il le ferait après, une fois qu’il aurait arraché la marche à Isidore et Miklan pour de bon et les aurait chassés de Gautier !
– C’est pour ça que ce type était un idiot ! Répliqua-t-il après trop de temps, tentant de donner un coup de hache dans la jambe de son frère pour le déséquilibrer mais, il enragea encore plus quand il fut bloqué et que Sylvain retourna hors de sa portée. Il était juste un crétin qui n’arrivait pas à comprendre qu’il aurait dû avoir son duché car il était ainé, mais il cajolait son petit frère qui lui avait tout volé avec son emblème ! S’il s’en était débarrassé… si aucun de vous deux n’avaient été là, ton copain Glenn serait peut-être encore là ! Hurla-t-il en lui fonçant dessus. Il aurait dû faire comme moi et jeter son pleurnichard de frère dans un puits ! Il en aurait été débarrassé ! Comme j’aurais dû être débarrassé de toi !
– Ce n’est pas la naissance de Félix qui a tué Glenn ni la mienne, c’est les décisions irréfléchies du roi sans yeux qui a l’audace de continuer à nous voler après avoir tué plusieurs de nos frères et sœurs ! » Contra Sylvain, entendant tous les cris choqués des birkans, alors que Miklan avouait publiquement qu’il avait déjà tenté de tuer son propre frère dans sa colère. Ses mauvais traitements étaient un secret de polichinelle mais, peu de gens savaient qu’il était allé jusqu’au fratricide, même s’il avait heureusement échoué. Enfin bon, ça l’arrangeait, il n’aurait pas à le dire lui-même et risqué de montrer une faiblesse ou sa réaction en en parlant, et les gens y croirait plus si c’était le coupable qui se dénonçait tout seul. « Et tu parles des autres et te plaint beaucoup mais, tu ne dis toujours rien sur ce que tu as accompli toi !
– J’étais occupé à te reprendre MA place !
– Et pendant que tu geignais, j’ai étudié pour connaitre au mieux Gautier et Sreng, j’ai appris à parler le sreng, je me suis entrainé avec mes amis et j’ai tout fait pour les protéger ! Puis j’ai participé au Grand Thing où j’ai défendu avec force les intérêts de Gautier et de Faerghus et gagné des soutiens et le respect de plusieurs rois clairvoyants ! Puis je suis revenu et j’ai tout fait pour aider notre peuple en proie à la famine ! Et maintenant, je me bats pour le protéger du roi et du régent sans yeux qui veulent encore nous voler jusqu’au dernier grain de bled et la dernière goutte de sang ! Moi, tout ce que j’ai fait, c’était pour notre fief ! Pas pour mes propres désirs égoïstes !
– Remercie ton emblème ! Tu n’es rien sans elle ! Le nargua-t-il en lui courant de nouveau après avec sa hache.
– Je n’ai pas eu besoin d’elle ! Juste de ma tête et de ma langue ! Tu le saurais si tu avais tenté de les utiliser une seule fois pour le bien du fief, et non pour couvrir tes tentatives des pires crimes de sang !
Profitant de la poursuite aveuglée par la colère de Miklan, Sylvain le fit enfin tomber en lui assenant un gros coup de lance en pleine poitrine, priant pour que son emblème n’intervienne pas. Ses mots auraient plus de poids sans lui, et il voulait vaincre son frère sans son aide ! Au moins pour lui-même !
Heureusement, même s’il grondait comme un renard prêt à bondir sur sa proie à l’intérieur de son sang, l’emblème resta docilement en lui, ne sortant que quand Miklan était déjà au sol, vaincu. L’emblème ne brilla autour de Sylvan que quand le jeune homme força son frère à rester au sol en le menaçant du « fer » en bois de sa lance, pointé sur sa gorge.
– Tu as perdu Miklan, déclara Sylvain entre deux souffles, arrivant à peine à croire ce qui se passait.
Maintenant, la situation était vraiment inversée… encore plus que dans les escaliers. Maintenant, c’était lui qui pouvait tenir la vie de son frère entre ses mains et son arme…
– Alors quoi ? Vas-y, tue-moi… le provoqua-t-il, les yeux plantés dans les siens. Tue-moi si tu as les couilles de le faire ! Tue-moi comme le sauvage sreng que tu es !
– … le seul sauvage ici qui vient d’avouer ses tentatives de fratricide, c’est toi. Je ne suis pas comme toi, ce n’est pas Loki qui guide mes pas, je préfère suivre les enseignements du Bavard.
Sylvain resserra sa prise sur sa lance, toisant Miklan avec froideur alors qu’il ordonnait.
– Un prétendant à la place de margrave qui échoue ne gagne que la mort ou l’exil. Celui qui tente de tuer une personne partageant son sang n’est qu’un sous-fifre de la honte des hommes et de la honte des dieux. Le fratricide est le pire des crimes, celui qui entrainera le Ragnarök et qui est condamné par Sothis qui ordonne d’aimer son prochain. Pour un aspirant fratricide comme toi, le seul sort est la mort sans tombe, avec ton corps rendu à la nature pour nourrir le reste du vivant et ainsi payer pour tes crimes. Mais je vais faire preuve de clémence à ton égard. Je refuse de devenir comme toi et souhaiter avoir le sang de ma propre famille sur les mains.
Il releva sa lance, ordonnant sans hésiter.
– Miklan Anschutz Gautier. Pour ton échec du vol des responsabilités de margrave, et pour tes tentatives de fratricide, moi, Sylvain José Gautier, margrave temporaire de Gautier et chef de Birka, ordonne que tu sois condamné à l’exil à vie de Gautier. Tu partiras de ces terres et tu ne devras plus jamais y être revu. Reviens, et ton sort sera moins clément car, ce sera la mort qui t’attendra cette fois. Le même sort sera réservé à Isidore Mihkel Gautier qui est également condamné à l’exil à vie de Gautier. Je me réserve également le droit de choisir là où vous devrez aller. Emmenez-les dans les cachots. Nous les ramènerons à leur maitre s’ils veulent tant servir un roi sans yeux.
Les soldats lui obéirent sans hésiter, enchainant Miklan avant de l’emmener avec Isidore.
Quand personne ne vient le défier à nouveau, Sylvain sut qu’il était vraiment le margrave à présent, ceignant la couronne de son ancêtre en sachant qu’il avait gagné tout le respect des birkans par ses actions et non par son sang.
Il embrassa sa mère de joie et de soulagement que tout cela soit fini, puis passa aux négociations avec les rois srengs sous le nom de Sylvain le Renard, parlant d’égal à égal avec eux tous en tant que margrave clairvoyant, l’intérêt de son peuple toujours en tête et plus déterminé que jamais à récupérer tout ce qu’on leur avait volé.
*
Isidore ne savait pas comment s’en sortir, ruminant dans sa cellule. Sylvain l’avait fait attaché avec des chaines plus résistante que la moyenne, l’empêchant de les briser même quand son emblème intervenait. Les gardes étaient également des jeunes gens de son âge, n’ayant vécu que sous Lambert, connaissant la royauté que par son exemple et n’ayant donc pas le respect qu’ils devraient avoir envers elle. S’il se fiait à leurs discussions, ils étaient complètement d’accord avec son projet de s’en séparer ou d’au moins prendre ses distances avec Fhirdiad, l’ancien margrave ne pourrait surement pas les convaincre de le détacher pour le bien de la cohésion du Royaume. Son fils avait vraiment pensé à tout pour qu’il ne s’évade pas !
Quand la cinquième nuit depuis la révolte tomba, les gardes partirent, le laissant seul avec Miklan qui dormait. Isidore allait tenter à nouveau de se libérer de ses chaines, quand une voix qu’il haïssait se fit entendre.
« Notre fils est un excellent margrave. Tu dois être fier de lui.
Ignorant la douleur dans sa jambe, il se redressa d’un coup sur ses pieds et se précipita vers la porte de sa cellule, la chaine à sa cheville cliquetant quand elle se tendit, ivre de rage en la voyant venir le narguer sans qu’il ne puisse rien faire.
– Fregn…
Sa femme lui fit face. Elle était habillée comme une sreng, une grosse broche ronde tenant sa cape chaude, un poignard et une épée à la ceinture. Une longue épingle d’argent avec une tête en forme d’oiseau retenait ses cheveux bruns, pointue comme le stylet qu’elle était en réalité. Même ses bijoux étaient des armes… Isidore rêverait d’attraper cette épingle pour lui planter dans le cœur comme elle l’avait planté dans sa jambe, afin d’effacer à jamais cet air narquois et satisfait de son visage, exprimant dans cette seule expression plus d’émotion que pendant plus de vingt ans de mariage.
– Rassure-toi, je ne suis pas venu pour vous tuer. Je ne veux pas que votre sang souille ses mains et vous êtes plus utiles vivants pour le moment. Cela ferait mauvais genre s’il faisait assassiner son propre père et son propre frère alors qu’ils sont hors d’état de nuire. Mieux vaut être clément dans ces moments-là.
– Comme si des srengs comme vous connaissaient la clémence.
– A sa place, tu aurais tué Sylvain dès à la fin du duel pour les responsabilités de margrave si tu avais gagné. Je le trouve déjà extrêmement gentil de ne pas être plus sévère avec vous après tout ce que vous avez fait.
– C’est tellement aimable de sa part, gronda-t-il en désignant sa cellule. Je parie qu’il s’entend à merveille avec sa tante et les autres sauvages qui vous servent de rois.
– Estime-toi heureux d’avoir des vêtements et de la nourriture chaude ainsi que des soins, tu faisais croupir les traitres dans le froid avec de la boue gelée comme toute ration. Et effectivement, il arrive à trouver des accords avec les différents royaumes pour leur visite à Fhirdiad. Il doit t’y emmener après tout avec Miklan. Si vous tenez tant aux rois sans yeux, il sera content de vous y emmener et de laisser le Porte-Couronne se charger de vous. Il doit également récupérer tous les hommes et la nourriture qu’il a déjà volé à Gautier. Autant dire que Sylvain prend les choses en main, et que cela permet d’envoyer un message fort d’entrer de jeu : hors de question d’obéir et de respecter les irrespectables. Si Lambert et Rufus veulent qu’il les serve, il faudra qu’ils lui prouvent leur valeur et qu’ils sont dignes de son respect, comme Loog l’a prouvé à Gylfe le Berserkr.
– Il faut toujours tout arracher avec vous… et il ne perd pas de temps pour trahir Faerghus… le voilà convolant déjà avec vous pour défier l’autorité royale en personne…
– C’est plutôt le Porte-Couronne qui a trahi son Royaume en envoyant son propre peuple à la mort, en abusant de ses amis fidèles en les étranglant avec le travail et des obligations sans aucun sens, à part qu’elles ont été gagnées par Loog à la sueur de son front sans qu’il ne le mérite lui-même. Et le Tyran Égoïste n’est guère mieux, lui ne fait qu’agir pour ses propres envies en voulant envoyer encore plus de ses sujets à la mort dans sa vengeance et voler les richesses de personnes qui ne sont surement pas toutes responsables de ce massacre. Il en profite pour nous voler jusqu’au dernier grain de bled, comme un gamin attardé qui fait une fixation sur ce qu’il veut. Enfin, c’est de famille. Sylvain le Renard agit en vrai souverain en refusant de leur obéir pour privilégier la survie de son peuple, plutôt que d’obéir à des promesses brisées depuis longtemps et ne reposant sur rien.
Isidore serra le poing, sachant que quoi qu’il dise, Fregn rétorquera qu’il était indigne de sa position. Autant débattre avec un mur, même si les srengs se vantaient de le faire bien plus souvent que les fodlans. Il se contenta de grogner, sachant que c’était le vrai point de bascule entre l’agacement et la fureur du peuple de SA capitale.
– Maudit sois-tu…. Et maudit soit Adrastée… sans elle… si elle ne nous avait pas volé.
– Effectivement, son caractère odieux a été très utile pour créer une source de détestation supplémentaire qui a fini de rendre les habitants de Birka furieux, surtout qu’elle venait nous voler sur ordre de Rufus. Alors nous voler pour elle-même et son propre enrichissement, il n’y avait qu’un pas… elle était tellement détestable que tout le monde y a cru sans sourciller. C’était la coupable idéale…
En entendant ses mots, Isidore releva plus la tête, dévisageant Fregn. Non, elle ne pouvait pas… il la surveillait encore étroitement à ce moment-là, il contrôlait le moindre de ses faits et gestes ! Elle avait pu commettre autant de crimes cette nuit-là car, il avait dû mobiliser ses hommes sur la défense de la forteresse et la répression de la révolte ! Impossible qu’elle ait…
– Non… ne me dit pas que… que tout ça, c’était toi… mais comment… par quelle diablerie as-tu pu…
Fregn eut un petit sourire satisfait, déclarant sans hésiter.
– Simple question d’organisation, de préparation et de connaissance de l’ennemi. Pour commencer, il m’a fallu des complices et dans l’espionnage, il a trois manières de les trouver : corruption, chantage et connivence. Adrastée m’a donné l’argument idéal pour les recruter : empêcher le vol de la nourriture de nos frères et nos enfants. Je n’ai eu qu’à prendre son apparence afin de parfaire l’illusion qu’elle venait plus souvent que nécessaire, et elle se retrouvait à faire plusieurs fois l’inspection de nos coffres. Ensuite, j’ai échangé ma place avec ma dame de compagnie, qui m’est fidèle depuis des années. Elle est devenue moi et je suis devenue elle. Tu aurais dû choisir une personne avec une corpulence bien distinct de la mienne. Même si nos visages ne se ressemblent pas, j’ai pu atténuer les différents avec les bons accessoires et maquillage, ainsi que la bonne position pour atténuer la différence de taille. De plus, comme je ne suis guère bavarde, personne ne s’est étonné que je ne dise rien pendant des heures. Ensuite, il a fallu piéger Adrastée. Elle était capricieuse et voulait imposer son autorité en nous forçant à obéir aux ordres, tout en prenant les habitants de Gautier de haut car, vous venez de la frontière et seriez donc plus sauvages et moins éduqués qu’à la capitale dans son esprit. Je n’ai eu qu’à jouer le rôle d’une servante maladroite qui a fait tomber « accidentellement » sa boisson sur ses draps pour l’énerver et la pousser à la boire rapidement pour se calmer. Elle n’a même pas remarqué le gout du somnifère, le tout en ayant l’excuse d’avoir pris beaucoup plus de drap que nécessaire pour refaire le lit. Le soir chez les lavandières, j’ai dit qu’elle voulait beaucoup de drap comme une grande dame, et le lendemain, elles ont pensé que c’était son excuse pour avoir plus de draps discrètement et faire son subterfuge.
– C’est donc à ce moment-là que tu as mis tout ce que tu avais volé dans sa chambre…
– Oui, mes jupes m’ont été utiles pour une fois, déclara-t-elle d’un ton froid et professionnel, même si cela n’étonna pas Isidore, elle parlait de son métier après tout. Même un débutant pourrait y penser mais, c’est efficace.
– Et les gardes… comment as-tu pu passer entre ? Je faisais attention à changer les chemins de ronde régulièrement pour que tu ne puisses pas les apprendre !
– Ce qui était plutôt malin de ta part, je dois le reconnaitre, mais même si tu les changes souvent, en plus de vingt ans, tu as eu le temps d’user tous les chemins de rondes possibles. Même si la forteresse est grande, leur nombre est limité. Et pendant toutes ses années, je les ai appris, notés et étudiés, un par un, angle mort par angle mort. Je n’ai eu qu’à comprendre lequel était en place ce soir-là pour me déplacer sans me faire repérer. Toujours sous l’apparence d’une servante portant des draps à la laverie où était enroulée Adrastée, je me suis faufilée dans un angle mort de l’écurie. Là, j’ai pris son apparence en récupérant ses vêtements. Je l’ai mis sur son pégase comme un bagage avec les objets volés et ses affaires. J’ai également fait en sorte que le palefrenier de garde me repère, afin qu’il voie le paquet contenant les affaires et les bijoux volés. Personne ne la connaissait vraiment alors, dans la pénombre et en modulant ma voix dans mon échappe, c’était plus simple de créer l’illusion. J’ai ensuite poussé le pégase jusqu’à l’étang, après avoir attaché le sac de toile à sa ceinture avec des boyaux très fins, qui se sont vite décomposés pour servir de poids et empêcher le corps de remonter trop vite à la surface. Avec un coup à la tête pour donner l’illusion qu’elle a touché le fond de l’étang dans sa chute, et assez de temps pour que les traces du somnifère disparaissent, il devenait impossible de remonter jusqu’à moi. Il fallait que la colère enfle encore un peu à Birka afin d’être sûr qu’une révolte éclate alors, qu’un agent du régent soit aussi malhonnête et voleur de surcroit était le catalyseur idéal. Tes rois sans yeux sont vraiment mes meilleurs atouts pour monter la ville contre eux et toi par la même occasion.
– Une vraie professionnelle, gronda-t-il avant d’ironiser, sachant très bien qu’il n’accepterait surement jamais une telle chose, il avait le cœur trop tendre pour cela. Je parie que Sylvain va être ravi d’apprendre comment sa chère mère occupe ses nuits et lui prépare le terrain pour prendre le pouvoir… si tu lui avoues un jour tes activités évidemment…
– Sylvain est au courant. Dès qu’il a été élu et que les choses les plus urgentes ont été réglés, je lui ai tout avoué de moi-même. Il est moins bête que tu ne le penses, il avait déjà compris que j’étais la responsable des meurtres de la nuit de la révolte, même si apprendre que j’étais celle qui avait mis en scène la fuite et la mort d’Adrastée l’a plus surpris, même si après ma performance de cette nuit-là, il se doutait que j’avais un lien avec sa mort. Il a cependant compris pourquoi j’avais agi ainsi et que je l’avais fait dans l’intérêt de Gautier…
– Tu parles, tu l’as fait dans l’intérêt de Sreng et de ta sœur, contra Isidore, la connaissant assez bien pour deviner ses intentions. Tu dis que je sous-estime notre fils et le traite mal mais toi, tu le manipules afin qu’il se tourne vers Sreng et serve les ambitions de sa tante sans s’en rendre compte. Une mère modèle également…
– C’est vrai, je ferais tout pour que mon fils ne subisse pas un roi sans yeux et soit aussi fort que ma petite sœur, qui est la plus grande reine de tout Sreng. Je n’ai même pas besoin de le manipuler, ton roi est tellement irrespectable qu’il retourne ses fidèles contre lui comme on écaille un poisson. Ses décisions odieuses et ses actes inconscients sont les plus grandes sources de trahison de tout ce Royaume. Entre le créateur d’un chaos digne de la honte des hommes et de la honte des dieux, et celui qui se bat contre lui pour protéger les siens, lequel a plus trahi que l’autre ?
– … !
– Mamma !
Isidore allait répondre quand il entendit la voix de Sylvain appelé sa mère en sreng, Fregn le rejoignant sans souci avec juste un dernier regard froid à son mari. Entre les barreaux, il vit le jeune homme parler à sa mère sans hésitation ni gêne, même en sachant qui elle était vraiment, une assassine aux mains couvertes de sang et à la botte de Sreng. S’il se fiait au fait qu’ils ne parlaient pas fodlan, c’était évident que lui aussi allait basculer dans l’influence de Thorgil le Kaenn… et maintenant, il allait défier lui-même le roi dans sa propre capitale…
Isidore ne put s’empêcher de se laisser tomber au sol. Tout… toute sa vie… tout pour ce quoi il s’était toujours battu… la grandeur de Gautier et de Faerghus… tout…
Fregn avait tout réduit à néant en une nuit, et Sylvain consacrait surement sa vie à annihiler tous ses efforts en tant que margrave…
Si l’objectif de sa mère Erika et du roi Ludovic était bien de mettre des bâtons dans les roues de Sa Majesté Lambert, ils avaient réussi au point de fracturer le Royaume entier par cette seule alliance…
Gautier allait devenir un territoire Sreng… tout ça à cause de cette vipère détruisant tout sur son passage…
*
Rodrigue et Alix dévoraient leurs proies quand ils sentirent une odeur humaine inconnue les approcher. Se redressant, ils filèrent en vitesse, évitant de justesse deux flèches. Ils s’enfuirent en courant, profitant des gros buissons denses et impénétrables par les humains pour distancer les arcs.
« Là-bas ! Lâchez les chiens pour les rattraper !
– On ne peut pas les laisser filer !
– On pourra s’acheter pour six mois de bled pour tout le village si on arrive à récupérer leurs peaux ! »
Rodrigue entendit à peine les ordres des humains, plus préoccupé par l’odeur de chiens qui les poursuivaient, encore plus quand quatre gros molosses leur foncèrent dessus, tous crocs et bave dehors. Ils aboyaient tous des choses incompréhensibles mais, c’était évident que cela ne signifiait qu’une chose : ils étaient là pour les empêcher de retrouver son petit !
Quand l’un d’entre eux lui sauta sur le dos, le père le repoussa en lui mordant la nuque et en l’envoyant valser, pendant que son frère enfonçait ses dents dans la cuisse d’un autre. C’était pas vrai ! Il le ralentissait trop ! Il n’avait plus de temps à perdre ! Son petit l’attendait depuis trop longtemps !
« HORS DE MON CHEMIN !!! »
Des éclairs sortirent alors de son corps, foudroyant les chiens de chasse qui battirent en retraite en gémissant. Rodrigue était affamé et épuisé après une telle attaque mais, ils devaient filer d’ici au plus vite ! Trouvant une issue dans les ronces, les deux frères distancèrent enfin leurs poursuivants, trouvant refuge au plus profond de la forêt.
Quand les chasseurs retrouvèrent leurs chiens, ils étaient tous en vie mais, morts de peur, électriques s’ils avaient été foudroyés.
« Par la Déesse, ils sont en quoi ces loups…
– Vous croyez que ce sont les loups de cendre des rumeurs ?
– J’en sais rien mais, envoyés de la Déesse ou pas, il faut les retrouver… on a besoin de leurs peaux pour pouvoir manger au village… »
*
Une fois sa fièvre complètement tombée, Félix se mit tout de suite à se préparer pour rentrer chez lui. Il n’arrivait pas à s’arrêter, même pas une seule seconde. L’inaction était comme la pire des pertes de temps. Même dormir lui était difficile, tellement il avait l’impression qu’il avait perdu déjà trop de temps ces dernières semaines. Il devait vite rentrer chez lui pour voir si tout allait bien à Egua, puis il foncerait à la capitale pour retrouver son père et son oncle. Il ne savait pas pourquoi Lambert les retenait là-bas mais, il savait que les jumeaux ne resteraient jamais volontairement à Fhirdiad en laissant leur fief seul aussi longtemps ! Loréa avait toute leur confiance et pouvait gérer aussi bien qu’eux mais, ça ne se faisait pas dans leur famille de rester loin d’Egua pendant trop de temps, il fallait toujours être auprès de son peuple…
« J’irais avec Moralta et Aegis s’il le faut mais, je les retrouverais tous les deux ! Hors de question de laisser Lambert les retenir je ne sais où à Fhirdiad ! »
Enfin, c’était enfin le jour de partir pour Egua. Étant donné que c’était quand même urgent et que les routes terrestres étaient dangereuses, ils voyageraient par les airs, un petit groupe de quatre pégases menés par Cassandra qui avait pour consigne de ne pas le lâcher apparemment. Enfin, c’était elle qui avait le plus de chance de l’emmener chez lui sans problème alors, c’était tout ce qui comptait.
« Tu es sûr qu’il peut rester ici ? Lui demanda Dimitri, retenant Fleuret dans ses bras, assis dans son fauteuil roulant.
Ses jambes refusaient de bouger à nouveau, même s’il les sentait encore, encore heureux, ça diminuait le risque qu’elles soient complètement paralysées comme celles de Théo.
Mais si Dimitri se retrouvait handicapé à vie à cause de la connerie de Lambert, ça ferait une raison de plus à Félix de l’étrangler cet abruti, qui aurait complètement ruiné la vie de son propre fils jusqu’au bout.
– Oui, c’est trop rude comme voyage pour lui, il sera mieux avec toi que dans les airs, lui assura-t-il. Il risque de tomber en plus.
– D’accord, je te promets de bien m’en occuper, lui jura-t-il, avant de lui attraper la main en lui souhaitant. Retrouve-les vite tous les deux. Que Fraldarius te protège.
– Merci Dimitri. Tu seras dans les premiers prévenus quand je les aurais retrouvés et que je leurs aurais tirés les oreilles pour ne pas m’écrire.
– J’espère, arriva-t-il à sourire. Bonne chance.
– Toi aussi, t’as intérêt à être de nouveau sur tes jambes quand je reviendrais ! Et Dedue ! Il se tourna vers le duscurien, même s’il se doutait qu’il ne comprendrait pas grand-chose à ce qu’il disait. S’il recommence à parler tout seul ou à fixer quelque chose qui n’existe pas, tu lui fais cracher le morceau ! D’accord ?
– Félix ! Tenta de le reprendre le blond avant de se faire couper par le magicien.
– J’ai pas le temps de m’inquiéter pour ça aussi alors, tu avoues quand ça arrive, on gagnera du temps et on pourra comprendre ce qui se passe avec toi ! Donc, tu le surveilles ! D’accord Dedue ?
Ce dernier répondit dans sa langue mais, à sa tête, il avait compris le gros du message. Dimitri grimaça un peu mais, souhaita encore bon voyage à son ami, alors que Félix rejoignait Cassandra pour rentrer à Egua, après que son père lui ait confier leur Relique. Elle le fit monter devant elle, puis le petit groupe s’élança dans les airs.
C’était une sensation étrange de voler… c’était un peu comme être dans l’eau mais, à cheval… et il devait faire confiance à ce cheval pour ne pas tomber, contrairement au lac où il flottait sans effort, bien protéger par l’onde et son ancêtre… enfin, là, c’était Cassandra qui le tenait, ça devrait aller normalement…
Au bout d’un moment, il jeta un œil vers le sol quand il entendit le bruit d’un groupe de chevaux au galop, en alerte mais, releva vite les yeux en voyant le paysage défilé. C’était aussi bizarre comme air… il bougeait à peine mais, il avait l’impression d’être essoufflé…
« Évite de regarder en bas au début, ça t’évitera d’avoir le vertige, surtout que tu n’es pas habitué à respirer à une telle altitude, lui recommanda la cavalière. Le premier jour, c’est le plus dur !
– D’accord… mais, c’était quoi ?
– Un groupe d’une cinquantaine de cavalier qui semble venir de Galatéa on dirait mais, ils ont l’air d’avoir les couleurs de Blaiddyd sur eux. Ma main au feu, c’est des agents de Rufus qui sont aller leur réclamer de la nourriture !
– À Galatéa ?
– Ouais, on sait, ils sont aussi venus chez nous quand tu étais malade mais, ils ont fait demi-tour quand Dimitri leur a interdit de nous voler quoi que ce soit. Enfin, ils ont l’air de repartir les mains vides alors, espérons que les galatéeins ont su soit leur faire entendre raison, soit les repousser !
– D’accord… c’est quand qu’on arrive ?
– Dans cinq jours et ne me rabâche pas ça sur tout le trajet ! La prévient-t-elle tout de suite. Plus tu demanderas, moins ça arrivera vite !
Ne pouvant pas faire grand-chose à part attendre, Félix se cala un peu plus confortablement sur la selle, pensant à sa maison. Il rentrait enfin chez lui… l’image du lac, de la forteresse, le visage des gens d’Egua, la cuisine de Margot, l’odeur d’eau omniprésente, l’impression de sécurité… tout lui revenait en mémoire, comme ramené par les vagues sur la plage… il s’était à peine rendu compte qu’Egua lui manquait autant… pas autant que son père et son oncle mais, c’était un gros manque quand même…
« Ça fait longtemps aussi que je n’ai pas vu maman… et Glenn… »
Il ravala sa bile en pensant à la réaction de son grand frère s’il avait vu tout ça… il espérait qu’il n’était pas trop en colère…
Inconsciemment, le jeune garçon posa sa main sur la poche intérieure de sa veste, contenant l’éperon de Glenn, la dernière lettre de son père, celle de son oncle et celle qu’il avait reçu de Sylvain pendant qu’il était malade.
« Góðan daginn Félix,
J’espère que tu vas bien ! Je sais que je réponds avec des semaines de retard mais, je rentre à peine du Grand Thing.
En tout cas, j’ai lu toutes tes lettres et tu m’étonnes que tu sois inquiet si tu ne reçois plus de lettre de Rodrigue ! N’essaye même pas de me mentir, je sais que tu t’inquiètes pour lui, je te connais mieux que ça. T’essayes d’hurler très fort que tu es en colère contre lui à cause de ce qui s’est passé mais, même avec des jours de voyages et de l’encre et du papier à la place de ta tête, on sent à chaque mot que tu t’inquiètes beaucoup pour ton père. Honnêtement, vu les derniers évènements (dont je suis au courant si les nouvelles n’ont pas trop de retard – merci les routes enneigées et les tempêtes de neige) c’est normal de s’en faire et même s’il est surchargé de travail, ce n’est pas son genre d’arrêter d’écrire du jour au lendemain, surtout pour toi.
Je ne sais pas trop quoi te dire à part de commencer par être honnête envers toi-même. Si tu continues à nier ce que tu ressens comme dans tes lettres, ça va juste exploser au bout d’un moment et ce ne sera jamais au bon moment. Alors, assumer pourrait être un bon début, même si c’est dur. C’est peut-être sans trop de rapport mais, pendant le thing, je me sentais toujours mieux quand j’assumais mes propres convictions, j’arrivais bien mieux à argumenter et à avancer quand je défendais quelque chose en quoi je croyais. Tu devrais essayer d’appliquer cette logique avec ce que tu ressens. Quand t’auras commencé à assumer, tu pourras comprendre ce que tu ressens plus facilement, et ce sera plus facile d’agir en fonction de ça.
Enfin, encore une fois, c’est mon avis, tu en fais ce que tu veux.
… »
La suite, c’était sur tout le reste de ce que Félix disait dans ses autres lettres. Lui aussi, il lui disait d’assumer…
« Je vais essayer… même si je ne garantis rien… au moins, ce sera déjà ça… »
*
Les fermiers travaillaient dans les champs comme ils pouvaient, mâchonnant des galettes d’argile crue pour occuper leurs dents et oublier leur faim, quand un groupe de personnes étranges arrivèrent. Ils étaient habillés tout en noir avec un grand chapeau ou une capuche, comme les mages royaux. Cela se confirma quand ils présentèrent un document officiel. Bon, il n’y en avait pas beaucoup parmi eux qui savaient lire mais, c’était écrit sur le long côté avec un gros sceau décoré de l’emblème des Blaiddyd, ainsi que le monographe du roi, celui qui était sur tous les documents officiels et les affiches de la capitale, ça devait un vrai…
« Nous sommes à la recherche de deux loups noirs avec des yeux bleus et une taille inhabituellement grande. Ils se déplacent sans meute.
– Hum… ça ne me dit rien…
– Moi non plus…
– Je crois que je les ai vus ! S’exclama le berger.
– Vraiment ? Et où est-ce qu’ils étaient ? Demanda celui avec un œil brodé sous l’emblème du roi sur son habit.
– Ils sont sortis à l’orée de la forêt, là-bas, vers les pâturages du côté du soleil levant. J’ai eu peur qu’ils viennent pour manger un mouton mais, ils ont juste levé les oreilles avant de faire demi-tour.
– Aaahhh… oui ! Tu nous en avais parlé ! Dit un paysan en s’appuyant sur son outil de travail. Tu les trouvais bizarres ces deux-là…
– Ouais. Je crois que c’était leurs yeux… ils semblaient vraiment humains… un peu comme les loups de cendre… je les ai pris pour ça d’ailleurs… mais pourquoi vous les chercher ? Ils semblaient pas vouloir approcher du village…
– Y a aussi des rumeurs que des loups comme ça auraient sauvé plusieurs personnes sur leur chemin… ils n’ont pas l’air méchant…
– Parce que vous avez eu de la chance, on les soupçonne d’être des mangeurs d’hommes ou des animaux anormaux. L’un d’eux a déjà attaqué des humains et l’autre pourrait lancer des éclairs. Nous avons pour ordre de les capturer afin de les étudier, au moins pour savoir comment ils ont pu devenir aussi grand. Faites passer le mot à vos voisins de ne pas les approcher dans tous les cas. »
Les magiciens partirent dès qu’ils surent dans quelle direction aller, en silence, disparaissant comme ils étaient apparus.
« Les inférieurs sont tellement bêtes… marmonna l’un des enquêteurs en jetant un regard derrière eux.
– Cela nous arrange matricule 951. Plus vite on les retrouvera, plus vite nous pourrions étudier les mécanismes de la transformation… Matricule 951 vit son chef Myson sourire, ravi d’avance. J’ai hâte de tester leurs résistances avec l’emblème. En plus, avec de vrais jumeaux, les expériences sont toujours intéressantes pour voir ce qui est dû au hasard et ce qui est dû à l’intervention agarthaise… il faudra également que je compare le cobaye qu’on a récupéré à Duscur avec son géniteur, histoire de mieux cerner pourquoi la progéniture n’a pas eu d’emblème et les différences avec le parent à emblème dû à l’emblème, tout en ayant un point d’appui non-magicien avec son frère. Il faudra également qu’on mette la main sur l’échantillon avec l’emblème majeur mais, si on a son géniteur et un membre de sa lignée, l’emblème majeur devrait tomber facilement dans nos filets.
– Les inférieurs sont grégaires, surtout avec ceux qui partagent leur sang… fit observer l’ouvrier.
– En effet, et on dirait que nos deux futurs cobayes ont changé de cap, leur cible doit se déplacer. Fascinant… mouhouhahah… j’ai tellement hâte de tous les étudier sous toutes les coutures ! Dépêchons-nous de les retrouver tous ! »
*
Au bout de quelques jours, le groupe de pégase se posa enfin à Egua. Félix sauta tout de suite de la selle, bien content de retrouver la terre ferme, vite suivit par Cassandra. Même en ville, une odeur aqueuse s’infiltra en lui, coulant dans son nez et sa poitrine. Ça sentait bon la brise et l’eau du lac… il voulait tellement se jeter dans le lac… enfin, il y avait plus important à faire avant.
Loréa les accueillit avec un sourire, soulagée de les voir. Sans hésiter, la femme le prit dans ses bras, lui faisant un gros câlin en passant sa main dans ses cheveux. Même s’il hésita au début, Félix lui rendit le geste, retrouvant le parfum rassurant de la lavande séchée s’échappant de la pomme d’ambre à sa ceinture. C’était la fille de Nicola après tout, c’était aussi sa famille, il pouvait bien le faire.
« Félix… je suis contente que tu sois de retour, même si j’aurais préféré que ce soit dans de meilleures circonstances…
– … moi aussi Loréa… mais où sont mon père et mon oncle ?
– Je l’ignore, avoua-t-elle avec dépit, sachant que c’était inutile de lui mentir. Nous avons pratiquement perdu tous contact avec Fhirdiad. Certaines de nos missives reviennent mais, il est clair que plusieurs ont été retenues à la capitale.
– Ils retiennent les lettres ? Hum… ils m’ont envoyé une fausse lettre en disant que c’était mon père qui l’avait écrit, à toi aussi ?
Le visage sombre et grave de la femme fut une réponse en soit, cette dernière confirmant avec un hochement de tête.
– Oui… nous avons reçu plusieurs faux qui tentaient d’imiter l’écriture de Rodrigue et d’Alix, ce qui nous pousse encore plus à la méfiance.
– Ici aussi ?! Il faut vite aller les chercher à Fhiridiad alors ! Rufus déteste mon père et Alix car, ils sont plus compétents que lui et son crétin de frère ! Qui sait ce qu’ils sont en train de leur faire ! Il faut aller les chercher !
– Je ne pense pas que ce soit la meilleure des idées de se précipiter ainsi, commença Loréa avant de noter en le voyant ouvrir la bouche. Laisse-moi finir Félix. Nous n’avons plus aucune nouvelle ni de l’un, ni de l’autre, et si j’ai bien compris grâce à une missive du capitaine Drake ainsi qu’aux lettres qu’arrivent à faire passer sous le manteau la capitaine Duchesne et l’adjudant Parjean grâce aux marchands, quelqu’un à la capitale a surement volé les lettres que tu envoyais à Rodrigue, comme celle d’Alix. C’est étrange et inquiétant, ce qui a poussé Alix a allé voir directement à Fhirdiad ce qui s’y passait, et il n’est pas revenu. Je sais comme toi que Rufus haït les jumeaux du plus profond de son âme depuis toujours, autant par jalousie de leur compétence que par rancune contre son père mais…
– Raison de plus pour aller là-bas ! S’exclama-t-il avec force, pointant dans la direction de Fhirdiad, mort d’inquiétude. Rufus a déjà tué quelqu’un pour les menacer et dire que tous ceux qui ne lui disent pas « amen » subiront le même sort ! Il a massacré quelqu’un qui a juste dit la vérité que Duscur, c’était la pire connerie de toute l’histoire de Faerghus ! Ils sont les prochains sur sa liste !
– Justement ! Réfléchit Félix ! Le coupa-t-elle à son tour en posant ses mains sur ses épaules. S’il les retient bien à Fhirdiad, sadique comme le gamin attardé qu’il est, Rufus va vouloir tout leur prendre et leur faire du mal. Eux, ils peuvent encaisser, on le sait tous mais, il y a un moyen de les faire craquer et accepter de faire tout ce que veut Rufus, même le plus absurde et dangereux…
Félix se figea avant de dire, trop conscient de cette vérité.
– C’est moi… c’est moi leur faiblesse…
Un frisson glacial remonta le long de son échine alors qu’il repensait à l’exécution d’Acace, la peur dans le regard de son père après ce massacre alors qu’il décidait de le renvoyer chez eux… le départ de leur dispute alors que Félix refusait de le laisser tout seul et voulait qu’il rentre avec lui…
« Il est toujours comme ça… il fait toujours passer les autres avant lui… même quand il est malade et en danger… même si on pourrait lui couper la tête… c’est toujours le bouclier des autres… et Alix est pas forcément mieux… lui, il fonce tout le temps comme une flèche mais, il cherche toujours à protéger les autres… il est juste plus sélectif… alors… et moi, j’ai… je n’ai même pas pensé à le protéger alors que j’allais bien… je voulais rester, même si ça le mettait lui en danger… et à cause de ça, j’ai… idiot… idiot… idiot… »
– Eh, Félix. Je ne sais pas à quoi tu penses mais, si tu te dis que c’est ta faute, quelque chose comme ça ou quoi que ce soit vis-à-vis de Rodrigue et Alix, enlève-toi ça de la tête, le reprit Cassandra avec un petit coup sur son front. C’est normal que ton père s’en fasse pour toi et essaye de te protéger, pareil pour ton oncle. Ils t’aiment et c’est normal dans une famille saine de vouloir se protéger les uns les autres. En plus, les seuls responsables de tout ça, c’est Lambert et Rufus, personne d’autre. Alors, ne fait pas une Dimitri quand il se blâme de tout, c’est clairement pas ta faute.
Félix hocha la tête, demandant en se tournant vers Loréa.
– Qu’est-ce qu’on peut faire ?
– Pour le moment, pas grand-chose, j’en ai peur. Nous essayons de regrouper des soutiens, et louez soit la bonne gestion de ta famille, le fief est assez uni derrière vous. Beaucoup d’entre nous sont redevables aux jumeaux et même par calcul, c’est plus rentable pour les vassaux d’aider une personne qui les a toujours soutenus, protégé et dont ils dépendent, que quelqu’un qui se fiche de ses subordonnés. Je n’ai honnêtement aucune idée de jusqu’où cela pourra aller mais, c’est notre seule solution pour au moins résister aux vols intempestifs de Rufus. Donc pour toi, à part attendre, il n’y a pas grand-chose que tu puisses faire.
– Mais je veux t’aider ! Je ne peux pas rester les bras croisés alors que mon père et Alix sont là-bas ! Je peux le faire ! Les jumeaux ont fait leur premier plaid quand ils avaient huit ans pour aider leur mère Aliénor ! T’es la mieux placer pour le savoir ! Je peux le faire aussi et t’aider !
– Je comprends que ce soit frustrant et que tu ais très envie de nous aider, ce dont je te remercie mais, il n’y a vraiment rien que tu puisses faire pour le moment. La seule chose que tu pourrais faire, c’est que te voir pourrait encourager des seigneurs réticents ou peu sûr de rester fidèles à ta famille à rester de notre côté. Après tout… maintenant que les jumeaux sont portés disparus, c’est toi le duc en titre, jusqu’à ce qu’on les retrouve au moins… même s’ils ne souhaiteraient pas que tu ais autant de responsabilités qu’eux aussi jeune…
– C’est eux les ducs, pas moi, et ils le seront encore très longtemps, répliqua-t-il avant d’ajouter, faisant tout pour oublier leur galerie de portrait. Eux, ils vivront très vieux, tu verras… Enfin, si ça peut aider Egua, je le ferais. Juste… je veux aider à les retrouver.
– Bien sûr, je te le dirais sans faute. Merci beaucoup en tout cas Félix. Et merci à vous aussi de l’avoir ramené à Egua et protégé jusqu’ici, ajouta-t-elle en regardant Cassandra. Au nom de la famille Fraldarius qui est celle de mes seigneurs, mais également de ma propre famille, celle des Terrail qui est liée à celle de mes seigneurs depuis mon père Nicola, je ne peux qu’exprimer toute notre gratitude.
– C’est normal, déclara simplement Cassandra, avant de dire plus solennellement. Les Charon ont toujours été des amis et des alliés des Fraldarius, et c’est un devoir et normal de s’entre-aider en ces temps difficiles. Mon père, qui assure la fonction comtale le temps qu’on élise la nouvelle comtesse, m’a chargé de veiller sur lui le temps que cette histoire se termine.
– Je voie, nous vous sommes reconnaissants de ce soutien fort, ajouta Loréa.
– En plus, ajouta-t-elle en ressortant du protocole, même si c’est un petit chat qui fait souvent le grand dos et qui crache, il n’est pas désagréable.
– Nous sommes bien d’accord, arriva à sourire Loréa. Merci encore.
Félix ne prit pas le temps de grogner à Cassandra, étant libéré par Loréa. Il embrassa Margot qui leur apporta de quoi manger et se reposer après un voyage aussi rude dans les airs. Cela fit un peu sourire les chevalières mais, le petit garçon but d’une traite son verre, se resservit même plusieurs fois, savourant bien plus l’eau du lac que la nourriture de chez lui. Il n’y avait plus un arrière-gout de vase, juste celui de l’onde claire et pure, pleine d’arôme frais et minéral… Elle lui avait tellement manqué elle aussi… même s’il retrouva aussi avec plaisir le pain frais de Margot…
N'ayant pas grand-chose à faire sur le moment, Félix sauta de son banc et alla réexplorer sa maison. Il déambula dans les couloirs, retrouvant des souvenirs à chaque recoin. Il revoyait de trop longue après-midi d’hiver où il ne pouvait pas sortir, courant au final dans les couloirs avec Glenn pour passer le temps, avant de se mettre tous ensemble au coin du feu, dans une pièce douillette, couverte de tapisseries et de tapis afin de garder la chaleur, un livre ou un travail de couture, souvent une chanson berçant l’atmosphère…
« Eh ! Félix ! Tu viens ?!
– J’arrive Glenn ! Attends-moi ! »
« Louveteau ! Où est-ce que tu coures ?
– J’ai fini mes devoirs ! Je vais nager !
– D’accord ! Fais attention à toi !
– …et ne renverse personne dans ta course louveteau !
– D’accord ! Et oui, je sais Alix ! Je reviens pour le diner ! A tout à l’heure papa ! »
Le jeune garçon se força à ne pas penser à tout ça… ça faisait trop mal sans la colère pour les repousser et se dire que c’était que des mensonges… il osa à peine retourner dans sa chambre, juste à côté de celle de son frère et tout près de celle de son oncle et de ses parents…
Il déambulait dans les couloirs quand il arriva devant la grande salle seigneuriale, fermé en l’absence de seigneur pour recevoir les doléances d’Egua ou des vassaux de sa famille… Félix hésita un peu… puis posa la main sur la poignée et la tira pour entrer.
Dès qu’il rentra, il vit la chaire ducale de son père, soigneusement sculptée avec des motifs de loup et de flots, avec la chaise d’Alix, juste en-dessous de leur blason, un loup assit hurlant à la lune où était gravé leur emblème, faisant face à un banc où pouvait s’asseoir une personne venant porter une doléance. Pile en face, au-dessus de la porte, il y avait les portraits de Guillaume et Aliénor, veillant sur la pièce et les deux sièges. Les jumeaux disaient que cela leur donnait l’impression que leurs parents étaient toujours à leurs côtés de les voir ainsi…
Timidement, le louveteau s’approcha de l’ouvrage en bois d’orme, assez solide pour faire un bateau, passa sa main sur l’un des accoudoirs… Rodrigue le laissait souvent rester avec lui pendant les séances de doléances, Félix l’écoutant attentivement et donnant son avis quand il comprenait un peu ce qui se passait, son père lui souriant ou le corrigeant selon ce qu’il disait… quand il était encore assez petit, son père le prenait même sur ses genoux, l’enveloppant dans sa cape pour le protéger du froid, le laissant parfois s’endormir dans son étreinte… le jeune garçon manquait souvent de patience avec tout ça, autant les doléances que l’administration mais, quand Rodrigue arrivait toujours à le convaincre de continuer à étudier tout ça.
« Il s’agit de notre fief et de nos sujets, des personnes qui dépendent de nous pour leur sécurité. C’est notre devoir en tant que seigneur de les protéger et de faire en sorte que leur vie soit meilleure chaque jour. Si la Déesse nous a confié Aegis, le seul bouclier parmi ses Reliques, c’est afin que nous protégions notre peuple de toutes nos forces, mais aussi notre famille… »
« Papa… il posa sa tête contre le bois. Tu l’as toujours fait toi… comment tu fais ? Comment tu as fait ? Tu m’étonnes que tu ais craqué après tout ce que tu as dû supporter… »
« Miaou… rrrroooonnnn… rrrooonn…
Félix se tourna et vit une énorme boule de poil se frotter contre ses jambes en ronronnant.
– Glaïeul…
Il se baissa pour le caresser, la chatte ronronnant sous ses mains en frottant son museau tout doux contre lui. Ça faisait du bien de la revoir aussi… c’était une des petites de Fleurette alors, c’était un peu sa mère aussi… Rodrigue racontait souvent que quand Félicia avait réussi à convaincre Aliénor de la laisser épouser son fils, cette dernière avait commencé à parler de chats avec elle afin de signifier son accord en partant sur un sujet plus léger. Sa mère était bien tombée pour son mariage, tout le monde aimait les chats dans leur famille…
« Ce qu’on aime pas, c’est plutôt les chiens… surtout ceux comme… »
Il dut se crisper et faire une caresse de travers car, Glaïeul cracha un peu et s’en alla, la queue haute et l’air un peu hautain. Félix le suivit, ne voulant pas que le chat s’en aille mais, il fila se réfugier dans la chambre de ses parents, se faufilant par la chatière ouverte.
Cette fois, le jeune garçon n’osa pas tendre la main vers la poignée, même s’il était rentré des milliers de fois dans la chambre de Rodrigue, n’osant plus le faire tant qu’il ne s’était pas encore excusé…
« En plus… ça ne sert à rien… papa n’est pas là… il n’est plus là… comme Glenn n’est plus là… … … s’il te plait papa… Alix… revenez tous les deux… »
*
Après avoir enfin semé une nouvelle les mages puants, Rodrigue et Alix s’installèrent dans une grotte afin de passer la nuit, après avoir tué l’ours qui s’y trouvait pour leur repas du soir.
« On se rapproche de plus en plus… songea Rodrigue, le cœur prêt à débordé d’espoir.
– Oui, encore quelques jours, et on retrouvera le louveteau ! Surtout qu’il est à la maison maintenant ! Ajouta avec force Alix en déchirant un bout de viande, évitant la peau et les poils avant d’avaler la chair en se léchant les babines.
– Il faudra que j’attrape un faisan quand nous serons tout près de mon petit, » ajouta le père en grignotant sa part coincée entre ses pattes. Il ajouta en voyant l’étonnement dans les oreilles et les traits de son frère. « C’est son plat préféré, je voudrais lui en apporter un après être resté aussi longtemps loin de lui… j’ai tellement de choses à lui dire après l’avoir laissé tout seul aussi longtemps… je sais à peine par où commencer…
– Je comprends… il se pressa contre le flanc de son frère, le soutenant par ses gestes. On lui attrapera le plus gros et le plus gras des faisans de toute la forêt, il va se régaler… et tu vas voir, même si on ne l’a pas, je suis sûr qu’il sera très content de te revoir…
Rodrigue hocha la tête, avant de se lever, regardant la lune brillant de mille feux dans le ciel. À nouveau, il se mit à chanter, priant pour qu’elle porte sa berceuse à son petit, jurant encore et encore.
« Je vais revenir, c’est promis… c’est promis mon petit, je vais bientôt te retrouver… je ne te laisserais plus tout seul, c’est promis… »
Enroulé dans ses couvertures, incapable de s’endormir à nouveau dans sa propre maison maintenant que les jumeaux n’étaient plus là, Félix se tourna et se retourna, cherchant le sommeil.
Se déplaçant dans le ciel, un rayon de lune finit par l’atteindre, inondant toute sa chambre avec sa lueur, comme si quelqu’un avec une chandelle venait d’ouvrir la porte pour vérifier s’il dormait bien. Le jeune garçon sentit un baiser lui effleurer le front, l’endormant en douceur alors qu’il était bercé par la voix de son père…
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elmaxlys · 1 year
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Requin : grand requin blanc
Marteau : requin marteau (évidemment)
Coud'boule : requin taureau peut-être ?
Pouss'Mousse : requin du Groenland ?? requin lutin ??
Cartoon : requin renard ou requin bleu 🤔
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mytherbalegwladys · 2 years
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LEGO Monkie Kid OC - Fei Yong info
Nom: Yòng Prénom: Fèi Surnom: Dame Renarde
Espèce: Huli Jing Sexe: Féminin Alignement: Neutre
Âge: 18 Taille: 165cm Yeux: Bleu cyan Personnalité: Elle est curieuse de tout, intelligente et un peu naïve.
Famille: Les bibliothécaires (famille adoptive) Alliés: MK et sa team, les Quatre Furies, Tang Ennemis: Macaque, Red Son
Aime: La danse, la musique, les romans chinois, la méditation, les animaux, la nature, les légendes chinoises N'aime pas: Les bruits forts, qu'on fasse du mal aux innocents, la déforestation
Armes: Deux éventails Habilités: Style du Renard, Feux Follets, Griffes Ancestrales, Vision Nocturne, Métamorphose
Histoire: Fèi Yòng a été recueillie bébé par une famille de bibliothécaires. Ils l'ont élevés en secret et lui ont appris la lecture et la passion pour les légendes mythiques. Fèi a également appris ses capacités de démon-renard, puis elle se liera d'amitié avec Tang.
Voix: français - Jaynelia Coadou; anglais - Rosalie Chiang; chinois - Jingluo Liu
Thème: https://www.youtube.com/watch?v=bl4Sw5qJBgE
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