Tumgik
obsidianbunny · 4 years
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Cette journée d’automne s’était travestie en jour de canicule estivale. Derrière les épaisses toiles de la tente de la baronne, Octavia peinait à garder sa concentration sur son travail. De lourdes gouttes de sueur roulaient sur ses pommettes dont les angles marqués rappelaient l’ascendant elfique de la magistère, avant de venir s’écraser sur le bureau qu’elle s’était improvisée en empilant quelques planches en pin. Elle avait attaché son épaisse tignasse rousse à l’aide d’un curieux anneau élastique que lui avait donné Jubilost : une de ses récentes découvertes alchimiques. Cela n’empêchait pas les charmantes boucles de quelques mèches de cheveux indisciplinées de venir chahuter devant ses yeux ; agacée, elle passait son temps à les ranger derrière ses oreilles pour les maintenir en place, sans succès. Ses mains impeccablement entretenues s’affairaient à tisser un charmant sortilège. Elle brodait dans les air des runes avec finesse, puis les mêlait aux mailles très concrètes d’une paire de gants de soie. C’était ses sortilèges préférés, ceux qui étaient aussi beaux qu’utiles. La chaleur mettait sa concentration à rude épreuve, mais elle parvenait à la maintenir tout juste assez pour continuer à travailler efficacement. Les yeux fixés sur son ouvrage, elle ne laisserait rien la perturber.
Le voile d’entrée de la tente se souleva soudain, faisant sursauter la magicienne. Les runes s’envolèrent et se mélangèrent dans un son dissonant de verre brisé.
« Dame Octavia ! », lança une voix de jeune homme un peu tremblotante. « Je souhaiterais m’entretenir avec vous, sauriez-vous m’accorder quelques minutes ? »
Octavia contempla le gâchis de son travail : son sursaut lui avait fait emmêler tous ses glyphes dans une pelote éthérée indébrouillable. Tout son ouvrage était à refaire. Elle poussa un soupir agacé et se retourna pour contempler la source de sa surprise. Elle ne fut que davantage étonnée lorsqu’elle découvrit Tristian devant elle, lui qui d’habitude ne quittait jamais sa tente de guérisseur. Il semblait tout penaud de son entrée maladroite, et rougissait de honte. Peut être même semblait-il intimidé par le regard courroucé que lui avait porté la magicienne.
« Je… je suis navré, je ne voulais pas vous déranger ! Je vous dérange n’est-ce pas ? Oh, pardonnez-moi…
– Calmez-vous, Tristian », le rassura Octavia avec un sourire attendri par sa candeur, « je ne vais pas vous manger. C’est ma faute, si j’ai perdu le fil de mon travail. »
À ces mots, Tristian sembla se détendre un peu. Il continuait cependant à jouer nerveusement avec ses mains, comme s’il ne savait pas quoi en faire.
« C’est rare de vous voir sortir de votre antre », reprit la magistère. « Le travail vous manquerait-il ?
– Oui. Enfin ! Non, je veux dire… J’ai bien assez à faire, j’ai même abandonné une jambe cassée pour venir vous voir. Enfin elle va bien, rassurez-vous ! Vous êtes plus intéressante qu’une jambe cassée. Enfin ça n’a rien à voir, et par ça je veux dire vous. Oh… Pardonnez mon inconséquence... »
Tristian rougissait de plus en plus à mesure qu’il se perdait en bafouilles. Octavia continuait de le regarder avec un sourire aux lèvres, partagée entre la compassion et l’amusement. Le garçon, si candide fut-il, restait très agréable à regarder. Malgré sa nature innocente et son jeune âge manifeste, sa carrure était celle d’un homme, avec de larges épaules et une poitrine puissante. Les traits de son visage, tout comme ses mains, étaient d’une finesse presque artistique. Ses yeux d’un bleu très clair étaient proprement captivants, et ses cheveux blonds brillaient comme d’une lumière divine. Il dissimulait constamment sa tête d’une capuche, comme s’il était conscient d’attirer les regards et qu’il voulait s’en garder. Sa capuche, d’un blanc immaculé, tombait le long de son dos en une cape qui, quand elle s’envolait sous le vent, semblaient le doter de grandes ailes d’ange. Octavia songea que si Sarenrae avait voulu s’incarner sur terre, elle n’aurait peut être pas été plus belle que son humble serviteur.
« Reprenez vous Tristian », lui répondit-elle d’un rire attendri. « Il y a quelque chose dont vous vouliez me parler ?
– En effet, excusez moi. » Le jeune prêtre semblait gêné d’aborder le sujet dont il semblait si pressé de parler en entrant. « Je voulais vous parler du comportement que vous avez à mon égard. Vous prononcez souvent des paroles qui m’interrogent, au sujet de… de nous. C’est comme si vous attendiez quelque chose de moi, et je vous avoue que j’ai de la peine à en saisir la nature.
– Ah, ça ! », lança Octavia dans un éclat de rire assez franc. « Je vous taquine Tristian, vous êtes amusant à embêter. Vous virez au rouge pivoine à l’instant où j’ouvre la bouche, c’est terriblement divertissant.
– Oui mais… Quel en est le but, où souhaitez vous en venir ? » La naïveté de la question prit la magicienne au dépourvu.
« Eh bien… Je vous aime bien Tristian, voilà tout. J’aimerais simplement que nous apprenions à mieux nous connaître. »
Octavia n’était guère habituée à tenir ce genre de discours. Souvent, ses relations avec les hommes tenaient en quelques mots et à beaucoup de langage corporel. Tristian semblait se calmer, peu à peu. Il prit un instant pour réfléchir à ces quelques mots, puis sembla en réaliser le sens. Il fut pris d’une curieuse toux, avant de reprendre :
« Je crains de vous décevoir, Octavia. Les sentiments mortels me sont bien méconnus : toute ma vie est dévouée à Sarenrae. Je ne voudrait pas que mon… ignorance, ne vous fasse défaut.
– Je vois. Mais finalement, qu’en savez-vous ? Peut-être est-ce cette ignorance qui me plaît, chez vous », répondit Octavia, un peu décontenancée.
Tristian souleva un sourcil. Il semblait confus. « C’est… amusant. J’ai l’habitude d’être apprécié pour mon savoir plutôt que pour mon inexpérience », répond-il en souriant. Il reste pensif un instant, avant d’ajouter : « Vous continuez de me surprendre, Octavia. Encore et toujours. »
Les magnifiques yeux de Tristian ne semblaient pas vouloir se détacher de ceux de la magicienne. Octavia se surprit elle-même à rougir, si bien que ce fut-elle qui détourna le regard la première.
« Je… J’en suis ravie. Je suis navrée, j’ai du travail à reprendre, et assez peu de temps…
– Oh, oui ! Naturellement, veuillez m’excuser. Je vous laisse à votre œuvre, je ne voudrais pas vous distraire davantage.
– Merci. » Elle le rappela alors qu’il s’apprêtait à quitter la tente. « Tristian ?
– Oui ?
– J’ai apprécié notre échange. J’aimerais que nous discutions ainsi de nouveau, si le cœur vous en dit. »
Un sourire radieux illumina le visage du jeune prêtre. « Cela me ferait très plaisir. »
Octavia se réveilla lorsque les premiers rayons du soleil vinrent lui percer les paupières. Parfait, pensa-t-elle, maussade. Les derniers jours avaient été longs et douloureux, passés entre attaques de loup-garous et de trolls enchantés. Pour une fois, elle avait voulu s’accorder une grasse matinée bien méritée mais manifestement, un certain astre céleste semblait en avoir décidé autrement. En grommelant, elle se hissa hors de son lit puis de sa tente où tous ses camarades dormaient encore. Quitte à être réveillée, autant mettre à profit les précieuses prochaines heures. Elle se dirigea vers le gué, le point de jonction des trois rivières, au cœur de la future cité de Kandrakhar. Encore habillée légèrement pour la nuit, elle procéda à ses ablutions matinale : elle ne pouvait se sentir correctement réveillée qu’après avoir rincé son visage à l’eau claire. L’eau lui fit un bien fou et le vent frais qui lui battit les joues la réconcilia avec ce début de matinée. Après quelque étirements, Octavia tourna les talons prête à commencer une journée de travail. Elle s’arrêta nette cependant car elle s’aperçut qu’à quelques mètres d’elle, Tristian était en train de prier sur la berge. Il était si calme que la rouquine ne l’avait pas remarqué, ses murmures étaient couverts par le bruit de l’eau. Elle s’assit un peu derrière lui, et le regarda terminer sa prière. Il tenait entre ses mains un chapelet blanc et or, au bout duquel pendait son symbole sacré : un petite statuette de Sarenrae en bois. Octavia l’avait vu la tailler lui même, lors de leur périple à travers les Terres Volées.
À la fin de son rituel, Tristian ne releva pas. Elle resta au bord de l’eau, le regard perdu dans le vide. Ses yeux portaient une émotion carrément sinistre ; même ses cheveux, d’habitude si beaux, semblait à ce moment rêches et grisâtres. Octavia fut prise d’inquiétude.
« Tristian… Vous allez bien ? »
Lentement, comme s’il s’éveillait d’un rêve, Tristian prit la parole faiblement. « Toute ma vie est vouée à la grande déesse, la radieuse Sarenrae. C’est ce que je suis, une part d’elle. Ma vie ne m’appartient pas, parce qu’elle ne compte pas. Ma vie sans elle serait comme une vie sans soleil. Je n’ai pas choisi de l’aimer ou pas : mon amour pour elle est dans ma nature profonde. Et je sais que je serai à jamais auprès de mon véritable amour, même au-delà de la mort. Pourtant ici, parmi les autres mortels... » Il secoua la tête. Il prit une courte pause, avant de poursuivre d’une voix presque distante : « Je ne cesse d’entendre parler d’une autre sorte d’amour. Un amour qui se donne, comme n’importe quelle possession matérielle, pour être repris ensuite. Tout cela semble si… éphémère ? Factice ? Je peine à trouver le mot juste. Quel courage démesuré faut-il, pour tomber amoureux d’un personne que l’on peut perdre ? Que l’on finira inévitablement par perdre ? ».
Octavia se sentait attendrie par les interrogations du jeune homme. Il était si naïf qu’elle aurait pu le prendre pour un enfant dans un corps adulte. Lui qui n’avait vécu que cloîtré dans une église ou livré à lui même dans les étendues sauvages semblait bien perdu, confronté aux réalités de la vie auprès de ses semblables.
« Votre vision de l’amour souffre de votre manque de recul », lui dit-elle d’une voix douce. « Un amour que vous auriez donné de votre plein gré, aurait-il moins de valeur que celui sur lequel vous n’avez aucun contrôle ? »
Tristian garda le silence un instant, puis se tourna vers Octavia. « Je ne pense pas, non. Je ne l’ai simplement jamais rencontré. Loin de moi la présomption de juger quelque chose dont la nature m’échappe. » Sur ses mots, le prêtre se mit à regarder attentivement, intensément la magicienne. La pureté de ses yeux semblait sonder son âme. « Octavia, avez-vous déjà éprouvé tel amour ?
– Ça m’est arrivé, en effet. C’est le genre de sentiment dont on se souvient toute sa vie tant il nous change, même bien après qu’il nous ait été repris. Quand on a vécu dans la souffrance et la haine pendant de nombreuses années, comme j’en ai eu le malheur, on prend pleinement conscience de la valeur de l’amour entre deux mortels. »
Tristian inspira profondément. Il semblait choisir ses mots avec minutie. « Dites-moi. Comment choisissez vous la personne à qui vous confierez votre… confiance ? Écoutez-vous plutôt votre cœur, ou bien votre raison ? Je vous navré de vous infliger des questions si personnelles, mais… je brûle de comprendre. »
C’est avec un sourire amusé que répondit Octavia, presque sans y penser. « J’écoute mon cœur. Il ne fait jamais d’erreur. »
Tristian hocha la tête, comme s’il s’attendait à cette réponse. « Évidemment. Je ne sais pourquoi, mais ça ne me surprend pas. Vous êtes toujours si sincère, dans tout ce que vous faites. C’est ce qui se passe quand les actions d’une personne lui viennent de son cœur. »
Tristian se lève enfin, et Octavia fit de même. Mais à sa grande surprise, le jeune homme s’approcha d’elle tout près, si près qu’elle cru qu’il allait la prendre au creux de ses bras. Il s’arrêta au dernier moment, puis comme s’il avait subitement pris conscience de ses actes, fit un pas en arrière.
« Merci beaucoup pour ces conversations, Octavia. Je chéris chaque moment que j’ai la chance de passer avec vous. J’espère que vous ne me voyez pas trop comme un fardeau. »
Avant même que la magistère puisque rétorquer quoi que ce soit, Tristian s’excusa et prit le chemin de la ville sans attendre. Octavia se demanda ce qu’il venait de se passer, abasourdie. Jamais elle n’avait vu Tristian si tourmenté, si direct aussi. Cela coupait totalement avec son caractère de jeune homme maladroit. Pantoise, Octavia prit un instant pour réunir ses esprits. Tristian avait disparu. Elle décida qu’elle retournerait le voir sous peu. Cette matinée n’avait pas été totalement perdue, en fin de compte.
Octavia attendit dans le froid un bon quart d’heure devant la tente de son ami. Le ciel abandonnait le rose du crépuscule pour le mauve du début de nuit, le soleil était depuis longtemps parti pour d’autres contrées. Elle guettait le départ de Jhod, le vieux soigneur, pour avoir l’occasion de parler seule à seule avec Tristian. Lorsque enfin le voile d’entrée se souleva, elle fut ravie de voir Jhod raccompagner son dernier patient à son lit. Elle le salua d’un signe de tête, il lui sourit en retour. La rouquine attendit quelques instants encore, puis pénétra silencieusement dans l’antre des guérisseurs. Assis sur l’un des lits des patients, éclairé par la faible lueur d’une lanterne à huile, Tristian tournait le dos à l’entrée de la tente. Il tenait un livre dans ses mains, dont Octavia ne parvenait pas à voir la couverture. Le jeune homme semblait absorbé dans sa lecture, tant qu’il ne remarqua pas la magicienne qui se glissait subrepticement dans son dos. Octavia tenta de jeter un œil au livre du jeune prêtre. Si elle ne parvint pas à saisir la nature précise de cet ouvrage, ses yeux rencontrèrent quelques lignes intrigantes qui semblait traiter du « feu sous sa peau » ou encore d’un « puissant désir dans sa voix ». Octavia tendit le cou pour en saisir davantage mais une mèche de ses boucles rousses tomba sur le cou de Tristian, qui sursauta sur le champ. Il referma son livre avec hâte avant de s’écrier :
« Octavia ! Que faites-vous là ? Je ne vous ai pas entendue rentrer.
– Qu’est-ce que vous lisez ? », demanda la magicienne avec un sourire taquin.
Tristian écartait le livre du bout de la main, d’un geste plein de malaise. « Il s’agit de quelque traité sur les relations humaines. C’est Dame Kanerah qui me l’a recommandé. Je lui ai demandé conseil, et elle m’a suggéré de lire ceci. Elle m’a dit que c’était l’ouvrage le plus approprié à traiter… des passions. » Le jeune homme semblait très embarrassé. « Je pense que je ne saisis rien à la littérature.
– J’ai cru voir que ce traité proposait des descriptions plutôt explicites », continua de le taquiner son amie.
Tristian rougit légèrement. « C’est ce qu’il semble, oui. Mais ce qui est décrit là dedans semble tellement… peu naturel, voire prétentieux ! On pourrait croire qu’il s’agit non pas d’une communion entre mortels, mais de vénérer un dieu.
– Pour les avoir vécus, ce genre de moments peut donner quelques aspirations célestes.
– C’est ce dont je veux parler ! », s’agaça Tristian. « Je pensais pouvoir calmer mon esprit, trouver des réponses à ces sujets – non, à ces problèmes, qui me tourmentent. Je pensais trouver des mots à placer sur que je suis incapable d’exprimer. À la place, je n’en suis qu’encore plus confus. »
Octavia et Tristian se regardèrent quelques secondes, l’une tentant d’envelopper de tendresse la détresse de l’autre. Puis soudain ils se mirent à rire, gagnés par l’absurde de la situation.
« Souvent, j’admire la facilité que vous avez à choisir les mots justes pour exprimer ce que vous ressentez », dit joyeusement Tristian.
« Vous vous tourmentez. Vous essayez toujours de trouver les mots justes pour ce qui ne saurait être décrit.
– Que voulez vous dire ? » L’incompréhension sur le visage de Tristian était si lisible qu’Octavia dû se mordre la joue pour ne pas repartir dans un éclat de rire. « Les mots sont les mots, toute la sagesse du monde peut se lire dans les pages de nombreux livres. Même la miséricorde de Sarenrae trouve son reflet dans les textes sacrés... »
Avec une grande délicatesse, Octavia glissa sa main sur celle de Tristian. Rien n’aurait pu trancher le lien invisible qui joignait le regard de ces deux jeunes gens à cet instant. Le temps semblait se figer, ils en oubliaient le son de leurs cœurs dans leurs tempes qui battaient à tout rompre.
« Pourtant, les réponses que vous cherchez ne se trouvent pas dans les livres. »
Les doigts de Tristian venaient s’emmêler avec ceux de la rouquine, dans une caresse qui fit courir un flot de frissons le long de son échine. La chaleur la gagnait, partait de son cœur et empourprait son visage entier. Elle porta son autre main à la joue du jeune prêtre avec une délicatesse infinie. Le temps semblait se suspendre dans cet instant de tendresse.
« Vos mains sont si chaudes. C’est comme si elles étaient vos rayons et vous, le soleil... », lui glissa-t-il dans un souffle. Il lui adressa un sourire désolé avant d’ajouter : « Je ne suis finalement pas plus doué avec les mots que le livre.
– Pas du tout, vous êtes adorable. C’est votre cœur qui parle, et si vous le laissez faire ce sera toujours avec justesse. »
Tristian sembla se figer. Entre deux battements de cœur, il ferma les yeux et couvrit la main d’Octavia de la sienne. Il tourna la tête, et vint poser ses lèvres sur la paume de la magicienne qui sentit une vague de chaleur se propager dans tout son corps.
« Comme les rayons du soleil... », murmura-t-il.
Il restèrent ainsi quelques secondes suspendus dans l’instant. Tristian ouvrit alors de nouveau les yeux, et réalisant la position dans laquelle il se trouvait, jeta un regard effrayé vers la magistère et repoussa doucement sa main.
« Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi, j’ai outrepassé tout ce qui m’était permis.
– Quoi ? Ne vous en faites pas, il n’y a pas de... », tenta d’objecter Octavia.
« C’était inconvenant, je prie Sarenrae que je ne vous ai pas mise en colère. Veuillez m’excuser, je dois… aller retrouver Jhod. » Il jeta un dernier regard timide à la magicienne abasourdie par l’inattendu de cette réaction, et lui dit avant de quitter la tente : « Croyez moi, je tiens beaucoup à vous. »
Octavia se retrouva seule dans la demi-pénombre de cette tente. Elle ne revenait pas de ce qu’elle venait de vivre. Jamais un homme n’avait été pour elle un tel mystère. Elle sortit pour tenter de le rattraper, mais elle ne distinguait plus rien d’autre dehors que la lumière des torches des patrouilles de gardes. Le lendemain, ses compagnons et elle partiraient de nouveau hors de la ville, elle ne pourrait pas revoir Tristian. Elle jura de frustration. Les explications devraient encore attendre.
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obsidianbunny · 5 years
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Journal de Ssayap, première entrée
Certains pourraient se poser la question suivante : Qui donc est Ssayap, cette kobold pas bien grande, pas bien costaude, mais aussi adorable que redoutable et, disons-le, carrément séduisante ?
En ce qui vous concerne, vous vous la poseriez peut-être si m’aviez rencontrée. Donc finalement, cette question ne viendra pas à l’esprit de grand monde. Mais ça viendra ! J’ai encore du chemin à parcourir. Le monde voudra me connaître le jour où je serai devenue une grande dragonne, et même avant ! Mes exploits seront connus dans tous Golarion, et même plus loin. J’aurai ma propre caverne remplie de trucs qui brillent. J’aurai plein de bijoux, ce sera joli. J’aime bien le contraste entre les bijoux qui brillent et mes écailles toutes noires et luisantes. J’aime bien être jolie.
Il y a quelque chose que je veux voir à tout prix. Dans les livres d’histoires de Grand-Mamie, il y avait un conte que j’adorais entendre : celui de la Pierre-Étoile. C’est un gros caillou très brillant qui serait tombé sur le monde il y a 10 000 ans. Il paraît qu’elle parle, et qu’elle a réponse à tout ! On dit qu’elle serait gardée au chaud dans la cathédrale d’Absalom, au milieu de la mer. Je veux y aller, et voir la Pierre-Étoile : j’ai des question à lui poser. Je lui ai même apporté un cadeau : ma première mue, de quand j’étais encore petite. Je suis très grande maintenant, je n’en ai plus besoin, mais c’est une partie de moi et elle me rappelle les bons souvenirs de chez Grand-Mamie. C’est un objet précieux, j’espère que ça plaira à la Pierre-Étoile. Je veux lui demander d’où je viens, comment devenir un dragon et comment va Grand-Mamie. Ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue.
C’est Grand-Mamie qui s’est occupée de moi quand je suis sortie de l’œuf. Elle est rabougrie et ne marche plus beaucoup, mais elle est très gentille. Elle a une très grande maison au milieu de Kerse, au Druma. Elle a acheté mon œuf il y a longtemps en croyant que c’était un œuf de salamandre. Quelle bonheur elle a dû ressentir on constatant que l’œuf n’était pas celui d’un petit et misérable reptile inférieur, mais d’une puissante représentante de la race héritière des dragons ! Elle m’a élevée alors, d’abord comme un animal de compagnie, puis comme sa propre fille et elle me racontait des histoires fabuleuses de dragons. Ma préférée est celle de Dahak, le dieu-dragon destructeur ! Celui qui fait pleuvoir les pierres quand il est en colère, à la fois détesté et admiré par tous. Apsu et les dragons de métal l’ont supplié de les aider à combattre Rovagug, mais Dahak est resté fidèle à ses principes et leur a dit d’aller se faire voir. Quelle classe. On dit qu’il a de très grandes cornes courbées, comme les miennes, donc je pense qu’il avait aussi des écailles noires comme moi. Ce serait logique. Peut-être que c’est mon papa. On sait jamais.
Comme j’ai été adoptée, je sais pas qui étaient mes parents. Donc j’ai le droit de croire c’est Dahak ! Ou bien c’est peut-être juste des kobolds normaux. Ça me dérangerait pas, c’est déjà noble des kobolds. Grand-Mamie tenait à ce que je connaisse la culture kobold alors elle m’a lu des livres et m’a appris à parler le draconique. Elle me dit que j’ai un accent humain, mais qu’est-ce qu’elle y connaît ? Elle parle couramment le draconique peut-être ? C’est moi la kobold, c’est moi qui sais mieux. Et c’est tout.
Grand-Mamie m’a appris à lire aussi, et plein d’autres choses. J’aime beaucoup Grand-Mamie, mais je déteste ses chats. Harut et Marut sont encore plus hautains et égoïstes que moi, je trouve ça très désagréable. Je suis presque sûre que ce sont eux qui m’ont dénoncée aux garde de la ville, quand il m’attendaient devant la maison.
Ah oui, je n’en ai pas parlé ! À Kerse, les monstres sont interdits en ville, et manifestement cette loi s’applique aussi aux kobolds. Donc c’est pas clair du tout ! Ils auraient dû préciser « les monstres, ET les kobolds », s’ils y tenaient. Pendant des années, Grand-Mamie m’a gardée au chaud et à l’abri dans sa grande maison, quand des gens venaient lui rendre visite je devais aller lire dans la bibliothèque. La seule autre-personne que j’avais le droit de voir, c’était Grand-Tata, la sœur de Grand-Mamie. Elle ne restait jamais longtemps mais elle m’apportait toujours un cadeau. C’est dommage qu’elle soit morte. Grand-Mamie avait l’air très triste quand elle l’a su, elle n’a plus rien dit pendant des jours, elle bougeait à peine et c’est moi qui devait aller nourrir Harut et Marut ! C’était un moment difficile pour moi, j’avais plein de corvées à faire et en plus, Grand-Mamie ne me faisait plus mes gratouilles du soir. Donc j’ai cherché comment je pouvais arranger les choses.
Ramener Grand-Tata d’entre les morts, c’était une option ; malheureusement, la seule prêtresse que je connaissais, c’était Grand-Tata. Alors j’ai plutôt pensé à faire plaisir à Grand-Mamie : juste en face de la maison, dehors, il y a un petit magasin de thé et je sais que Grand-Mamie aimait beaucoup partager une tasse d’infusion de radis lunaire avec sa sœur. J’ai pris la bourse de Grand-Mamie dans l’entrée et je suis partie acheter son infusion.
Ça se passait plutôt bien au début, j’ai quand même réussi à faire trois pas sans que personne ne m’embête. Mais j’avais à peine commencé le quatrième que j’ai entendu une voix dans mon dos crier « Un monstre, un monstre ! » avant de voir que des carreaux d’arbalète commençaient à pleuvoir autour de moi ! Non mais vous y croyez, une créature aussi mignonne et inoffensive que moi, qui se fait agresser par les gardes de la ville ? C’est là que je me suis vraiment rendue compte que les grandes races étaient inférieures à moi. De vrais sauvages. Ils ne m’ont même pas permis de rentrer dans le magasin de thé, alors même que je leur expliquais que c’était pour Grand-Mamie. J’ai pris la fuite à travers la ville pendant plusieurs heures, à courir où je pouvais, à esquiver tantôt les flèches des gardes, tantôt leurs épées ! Encore un avantage d’être petite. J’ai fini par les semer ; je suis retournée près de chez Grand-Mamie, je me suis faufilée chez le vendeur de thé, j’ai attrapé une grosse poignée d’infusion et je suis rentrée. Grand-Mamie m’attendait, debout au milieu du salon ; elle avait l’air encore plus triste qu’avant. « Tu n’es plus en sécurité ici », qu’elle m’a dit. « Les gardes finiront par te retrouver, et ils vont te tuer. Parce que c’est ce que les humains idiots font toujours : ils tuent ce qu’ils ne connaissent pas ». Elle ne m’a même pas dit merci pour l’infusion. Elle m’a chassée, en ne me donnant que sa bourse et une petite perle noire et brillante comme mes écailles qu’elle disait avoir été cherché au grenier. Elle m’a dit avant que je parte : « Quitte la ville au plus vite, et retrouve les tiens : la perle te guidera », puis elle m’a serrée dans bras. Je m’en fiche moi de sa perle pourrie, je voulais pas partir ! J’ai vu les deux yeux mauves et moqueurs des deux chats qui me regardaient, ils semblaient jubiler. Je suis montée au grenier prendre quelques affaires, puis j’ai tourné le dos à mon chez-moi.
Comme j’ai toujours été obéissante je suis partie même si je ne voulais pas, parce que je suis une bonne kobold. Et en effet, la perle m’a bien aidée : bizarrement elle semblait me parler, d’une voix rauque et grave. J’avais l’impression qu’elle me regardait parfois. Elle me donnait des indications pour sortir de la ville, où tourner, où se trouvaient les gardes, dans quelle direction était la sortie. Elle en savait beaucoup, pour une perle. Elle m’a dit qu’elle s’appelait Apopi. Je lui suis reconnaissante, c’est grâce à elle que j’ai pu m’échapper.
Depuis, je voyage seule avec Apopi. On voyage en direction d’Absalom, pour voir la Pierre-Étoile. Une fois qu’on fait abstraction de sa grosse voix, on se rend compte qu’elle est gentille en fait. Elle me dit des choses que j’aime beaucoup, elle me parle de ma noblesse naturelle, de la supériorité des kobolds sur toutes les autres races, de mon droit de naissance à devenir un dragon ! On s’entend bien toutes les deux. Elle me défend aussi : une nuit, je me suis faite attaquer par des affreuses mites, toutes bleues et toutes moches, qui comptaient bien me dévorer jusqu’à ce qu’il ne reste plus de moi sur ce monde que le souvenir de ma grandeur. J’ai été prise par surprise, mais je n’ai pas eu peur ! Si je tremblais c’est parce qu’il faisait froid et c’est tout, n’allez pas croire tout ce qu’Apopi vous raconte non plus. Je n’avais pas d’armure et pas d’arme, je me préparais à défendre chèrement mes écailles de mes griffes quand, entre mes doigts, Apopi s’est mise à changer de forme : elle s’est transformée d’un coup en une espèce de chaussette aux bords tranchants pile poil à la taille de ma queue ! Comme une sorte d’épée, mais pour queue-bold. Très pratique. Et alors, hop ! Tchik, tchak, un coup à gauche, une pirouette à droite, et la vilaine mite tombait au sol, toute bleue, toute moche, toute morte. Les autres ont été tellement terrifiées qu’elles se sont enfuies sans demander leur reste ! J’étais très fière : j’inspirais la même terreur dans le cœur des mites que celle que Dahak inflige à… à peu près tout le reste du monde. C’était mon premier pas sur le chemin qui fera de moi une grande et terrifiante dragonne. J’ai volé l’armure de ma victime, et j’ai repris ma route.
Apopi était très contente de moi. Finalement, elle n’est jamais retournée à sa forme de perle : elle est restée comme une arme, une lame caudale rien que pour moi, pile à ma taille. Ce qui est moins pratique cependant, c’est qu’elle ne tient plus dans la bourse de Grand-Mamie ; je suis obligée de l’attacher aux lanières de mon armure si je ne veux pas la porter mais Apopi n’aime pas ça. Elle dit que ça lui met la tête à l’envers. Je ne sais pas bien comment, mais du coup j’évite. Depuis que je me sers d’elle comme d’une lame, des choses bizarres sont arrivées : les bêtes sauvages m’approchent moins, j’arrive à faire briller mes mains et à allumer un feu de nuit juste en y pensant. Apopi dit que c’est de la magie, sa magie : d’une certaine façon, elle coulerait jusqu’à moi et ça m’aurait donné la possibilité de faire de petits tour. Alors je me suis entraînée, pour parfaire ma dextérité à l’épée et mes sortilèges, et les deux en même temps ; Apopi est une professeure dure, mais efficace. Maintenant, je pense que je suis prête ! J’ai voyagé longtemps, j’ai travaillé dur, je mérite enfin la reconnaissance et l’admiration.
D’après Apopi, j’arrive bientôt dans une zone habitée par des humains. Des créatures inférieures, idéales comme premiers admirateurs ! La Pierre-Étoile m’attend depuis dix-mille ans, elle peut bien m’attendre quelques jours de plus. Si j’ai de la chance, ils vivront un grand malheur ! Peut-être des gens qui meurent, ce serait idéal ! Alors, je viendrai être leur sauveuse, et ils me couvriront de louanges et de bidules qui brillent. Sinon je leur causerai leur malheurs discrètement moi-même, ça marchera bien aussi.
Humains préparez-vous, car Ssayap la Très Très Grande Sycophante, votre idole, vous parvient bientôt !
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obsidianbunny · 5 years
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« À la santé du patron, le grand Seigneur Cerf ! »
Les choppes s’entrechoquèrent violemment dans un bruit sourd alors que de lourdes gouttes de bière s’écrasèrent sur la table en bois, éclaboussant les trois camarades. Cela faisait longtemps qu’un tel esprit de fête ne s’était pas invité dans la forteresse des bandits. La grande salle, dont les froids murs de pierre donnaient d’habitude une atmosphère lugubre, résonnait ce soir-là des cris d’allégresse du clan de brigands. Bien que les victuailles restaient maigres, l’alcool coulait à flot.
« Akiros, tu m’impressionnes », lança une femme de sa voix grave et enrouée. Elle affichait une mine patibulaire et ses épaules étaient larges et inquiétantes, mais son sourire était franc. Ses cheveux, longs et noués en une unique et épaisse natte, tombaient sur une armure de cuir renforcé qui laissait ses articulations découvertes. « Comment tu as su, pour cette caravane d’alcool ? On en a pour plusieurs semaines de beuverie quotidienne ! »
« Tu sais Kressle, je crois que ce n’était qu’un coup de chance », répondit l’intéressé. Sa voix était faible et monocorde, ce qui tranchait avec son physique athlétique. Son corps était visiblement solide et musclé mais il n’était guerre mieux bâti que la moyenne, et ses cheveux mi-longs, poivre et sel et détachés ne parvenaient pas à dissimuler la grande balafre qui lui traversait l’œil droit. « À vrai dire, je n’ai pas beaucoup de mérite, on a repéré des traces de passage avec mes gars pendant la dernière patrouille. Il nous a suffit de lancer l’assaut quelques heures après avec nos renforts, et de voler les caisses dans la carriole. J’aurais préféré laisser ces pauvres marchants en vie, mais tu sais ce que c’est, ils commencent à brandir leur fourche avant même qu’on puisse s’expliquer. Quant à la bière et au vin, c’était un hasard. Nous aurions tout aussi bien pu tomber sur des jupons.
– Je suis certain que tu aurais très bien porté le jupon, Akiros », siffla son voisin de table d’une voix suave.
– Ce n’est pas que j’y sois opposé », rétorqua l’homme avec amusement, « mais je crains que cela ne soit pas d’une grande aide au combat. Mais toi Dovan, tu ne te sens pas tenté ? Je ne crois pas déjà vu te battre depuis que je suis arrivé au fort ; si tu ne combats pas, profites-en pour t’habiller avec fantaisie.
– Hors de question ! », s’offusqua le dénommé Dovan avec exagération. Sa voix haut perchée semblait bien correspondre à cet homme à la silhouette très grande et très fine, aux cheveux très longs et sombres qui lui tombaient sur les reins et aux manières d’aristocrate vaniteux. Vêtu seulement d’un pantalon de cuir plutôt serré et d’un plastron sans manche et si court qu’il ne couvrait pas plus que quelques côtes, le brigand semblait utiliser son corps comme un instrument de scène tant ses mimiques et ses intonations étaient théâtrales. La chair nue de son ventre, de son collier, de ses épaules et de ses bras semblait offrir ses nombreux tatouages au regard de quiconque souhaitait l’observer. Quelques paires d’yeux s’y aventuraient, et cela semblait beaucoup plaire au bandit. « Tout d’abord, je tiens à te faire remarquer que tu n’es parmi nous que depuis quelques semaines, tu n’as encore rien vu. Je me bat quand il le faut, mais jamais pour le plaisir. Céder à ses pulsions de violence, quel manque de distinction ! Si je dois faire couler le sang, je préfère que le travail soit fait rapidement, sans hurler comme un bœuf et sans risquer d’esquinter ma plastique parfaite. Donc non Akiros, je ne me bat pas : je tue. Ne t’avise pas de penser que c’est une preuve de paresse. Et puis, des jupons, quelle idée saugrenue ! Tu me verrais, affublé d’une étoffe si large qu’on me croirait enroulé dans une voile ? J’ai un certain sens de la tenue qu’il me faut respecter.
– Oh excusez-nous, môsieur le grand nobliau Dovan de Nisroch ! », rétorqua Kressle avec une obséquiosité forcée. « On voulait pas vexer vot’ petit cœur fragile ! Mais je crois pas t’avoir vu souvent manier le couteau à beurre non plus. Hé, tu serais pas super faiblard en fait ? », asséna-t-elle, volontairement vexante.
Dovan se renfrogna. La discussion semblait commencer à l’agacer.
« Je me fiche de tes provocations, femme », répond-il, acerbe. « Tu te bats peut-être avec plus de violence que moi, mais contrairement à toi je suis parfaitement au clair avec mes sentiments.
– Je… quoi ? Comment tu... », bafouilla la bandit qui ne semblait plus savoir où se mettre.
« Tu sais parfaitement de quoi je parle. Maintenant si vous voulez bien m’excuser », s’exclama Dovan en se levant de son tabouret, « mes propres "sentiments" réclament d’être satisfaits. Passe une bonne soirée, ma chère Kressle ! », dit-il avant de tourner les talons.
Ses propos avaient mis la jeune femme mal à l’aise : elle jouait avec sa choppe ou ses couverts pour se donner de la consistance, son regard passait nerveusement du fond de son bol aux trophées de chasse accrochés au mur de la grande salle, et osait parfois s’aventurer vers le visage d’Akiros pour tenter de deviner ce qu’il était en train de penser. Ce dernier suivait le départ de Dovan, une lueur amusée dans les yeux. Peut-être était-ce à cause de l’alcool ou de l’heure avancée, mais il ne semblait pas avoir saisi les insinuations du bandit, ni le fort intérêt que lui portait Kressle. Dovan saisit sèchement un autre bandit par la nuque et, sourd aux bruyantes protestations de sa proie, le traîna au sol en dehors de la pièce. Akiros alors se retourna vers sa camarade, l’air pensif.
« Heureusement que Dovan est ici. C’est un psychopathe, mais c’est peut-être le seul parmi nous qui soit vraiment heureux.
– J’ai pas l’impression qu’il t’aime beaucoup », répond Kressle, la voix empreinte d’une inhabituelle timidité. Elle ne semblait toujours pas à l’aise dans ce tête à tête.
– Oui, j’ai pu voir ça. Tant pis pour lui, on ne va pas l’attendre pour être amis toi et moi, n’est-ce pas ? »
Kressle ne répondit pas immédiatement. Le regard fixé à ses chausses, elle semblait en plein conflit intérieur. Après quelques secondes silencieuses, elle lâcha un « Merde ! » à peine audible et ficha son regard dans celui d’Akiros.
« Je n’ai aucune envie d’être amie avec toi ! », lui cria-t-elle, le joues empourprées, sûrement plus fort qu’elle ne l’aurait voulu. Les autres bandit interrompirent leurs bavardages et se tournèrent vers leur table. Akiros ne parvint pas à dissimuler la surprise qui passa sur son visage. La jeune femme s’empressa de se corriger :
« Je veux dire… Ça ne me convient pas, amis. Tu es beau Akiros, tu me plaît ! »
La bandit pris conscience qu’elle se donnait en spectacle. Après une courte interruption, le temps d’attendre un semblant d’intimité, elle reprit plus doucement : « Je veux pas juste faire des concours de boisson avec toi, ou qu’on compare la taille de nos muscles. Je veux que tu me regardes comme je te regarde. »
Akiros gardait le silence. Il baissait doucement les yeux, son visage était empreint d’une sombre mélancolie. Lasse d’attendre une réponse, Kressle poursuivit :
« Le patron m’envoie au camp du gué de l’Épine. Je pars demain. Akiros, viens avec moi !
– Je ne pense pas que… Ce n’est pas possible, Kressle », répondit enfin Akiros d’une voix morne et triste. « Je t’apprécie beaucoup tu sais, mais tu ne me connais pas.
– Je m’en fiche ! J’ai pas besoin de te connaître, j’ai besoin que tu vives avec moi au camp. Juste nous deux, on sera aussi des seigneurs !
– Mon cœur est déjà pris, Kressle. Je suis désolé. »
La bandit fut prise d’un sursaut. L’idée qu’Akiros appartienne à quelqu’un d’autre ne l’avait pas effleurée.
« Mais qui… qui c’est ? Dis-moi qui c’est ! », s’énerve-t-elle. « Tu mens, Akiros, c’est impossible. Il n’y a pas d’autres femmes que moi ici, avec qui tu… Attends, c’est Dovan ? Tu es amoureux de Dovan ?
– Quoi ? Mais enfin, pas du tout ! », s’exclama Akiros, tout à fait confus. « Voilà pourquoi je te disais que tu ne me connais pas. On a tous nos histoire, on vient tous de quelque part. Moi, mon cœur est resté à des lieues d’ici, dans mon village natal. Il ne m’appartient plus de te l’offrir. Je suis sincèrement désolé. »
Kressle affichait une expression de dégoût sur son visage. Elle s’était levée, et surplombait de sa carrure solide un Akiros misérable et désolé, presque recroquevillé, ses yeux plongés dans la bière de sa choppe.
« Tu m’écœures », cracha-t-elle. « C’est bien la peine d’avoir une queue, si t’es pas foutu de t’en servir. Ne t’avise pas de recroiser ma route », lâche-t-elle, acerbe, avant de quitter la table, puis la pièce.
Akiros était seul. La clameur joyeuse autour de lui s’était tue, remplacée par les ronflements des bandits ivres-morts et les murmures des curieux qui avaient assistés à la dispute. Il saisit une bouteille et remplit sa choppe. Il fallait boire, boire plus, afin de se noyer. Il remplit sa choppe.
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obsidianbunny · 5 years
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Gris radieux
Derrière la poupe de l’embarcation de fortune, la côte du continent n’était plus qu’une vague ligne grisâtre et floue. Noka l’avait devinée plus qu’elle ne l’avait vue, car la terre se mêlait au ciel terne et nuageux et aux eaux sombres de la mer. Elle s’était promis de ne pas regarder derrière elle, mais cet ultime coup d’œil lui avait échappé. Si morne lui paraissait ce paysage, c’était aussi sa terre, son foyer qu’elle quittait. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus voyagé sans aucune autre compagnie que le silence. Ce silence qui lui pesait depuis son départ. Les bruits des vagues et du vent battaient aux oreilles de la jeune fille, mais ne parvenaient pas à le rompre. Il prenait un malin plaisir à lui rappeler les personnes qu’elle avait laissé derrière elle, les douloureux efforts qui lui avait coûté des larmes plus d’une fois, et pourquoi donc ? Pour vivre ce douloureux sentiment d’abandon volontaire, cette crise existentielle à plusieurs miles de toute terre ? Noka fut saisie d’un haut-le-cœur. En urgence, elle traversa sa misérable bicoque d’une seule enjambée et jeta la tête par-dessus bord pour la plonger dans l’eau noire et glacée en ce soir d’été. Allongée sur la toile tendue qui lui servait de pont, elle se força à rester ainsi plusieurs secondes, plusieurs minutes, pour reprendre ses esprits et calmer ses angoisses tandis que dérivait son navire au gré des bourrasques.
Elle se força à se rappeler la raison qui l’avait poussée à partir pour cette épopée : deux grands yeux d’un bleu très clair, presque argentés. Un regard d’une couleur polaire qui recelait une ardente chaleur, telle qu’il parvenait à allumer un brasier dans la poitrine de celle qui pensait ne plus jamais pouvoir brûler. Ces yeux, elle n’avait pu s’y plonger qu’une seule fois, à sa première rencontre avec leur propriétaire. C’était un garçon impudent, arrogant, qui l’avait aidée à s’échapper des cachots de la Tour de l’Unique avant de s’enfuir sans un mot et avec sa dague préférée, qu’elle avait réussi à garder cachée tout le long de son séjour en prison. Pour celle qui se targuait d’être la meilleure voleuse du pays, quelle humiliation ! Les vagues de l’océan glacial sur lequel elle voguait et qui lui fouettaient le visage n’empêchaient pas ses joues de virer à l’écarlate en repensant à cet affront, et à ce garçon. Noka avait suivi sa trace pendant de longues semaines ; d’abord à Noirepénombre, réputée pour être le berceau de tous les voleurs, puis à Port-Chaleureux, où on lui avait narré qu’un jeune fou avait pris la mer il y a peu, par tempête et sans vivres, en direction de l’horizon où pourtant nulle autre terre n’existait. Alors elle se fit folle à son tour, et s’en fût vers l’horizon à bord d’un bateau de pêche volé sur la plage.
Noka sortit d’un coup la tête de l’eau. Ses poumons la brûlaient, elle avalait l’air à grandes goulées et inspirait de l’eau au passage. Après avoir calmé sa respiration, elle fit prise d’un délicieux fou rire, si bon qu’elle s’en laissa tomber sur le dos. Ses cheveux roux, qu’elle avait coupés pour l’occasion, lui tombaient en bataille sur le visage. Elle se sentait de nouveau sûre d’elle, certaine de son objectif. Elle retrouverait cet insolent, lui reprendrait sa dague et lui volerait son cœur en retour. Cette pensée illumina son visage d’un grand sourire. Sa tunique ouverte laissait le vent marin lui caresser la poitrine, vivifiant. Elle posa ses yeux verts sur le ciel au-dessus d’elle. Les nuages avaient laissé leur place aux étoiles, comme pour illuminer la route et l’esprit de Noka. La mer s’était calmée, elle semblait alors guider l’embarcation de la voleuse vers le lointain, un horizon nocturne qui lui semblait moins noir que son passé. La jeune fille ferma les yeux et s’abandonna à la fatigue, sereine. La nuit lui montrait sa vie sous un jour nouveau, radieux.
Le première lueurs de l’aube qui caressèrent la joue de Noka lui firent délicatement quitter les paysages oniriques qu’elle arpentait depuis plusieurs heures. Elle quitta Morphée à contrecœur, se débarrassant du sommeil comme d’une couverture douillette par une froide matinée. Le soleil était encore bas dans le ciel, et ses rayons faisaient scintiller la forêt devant la voleuse tant qu’elle crut un instant ne pas avoir quitté ses rêves. D’autant plus qu’elle ne s’attendait pas du tout à se réveiller face à un océan de verdure. Elle descendit de son navire et ses pieds nus s’enfoncèrent dans le sable fin de cette plage sur laquelle elle s’était échouée. Elle s’étira, laissant quelques frissons lui glisser le long de l’échine, et examina les alentours. Face à elle, quelques mètres d’un blanc littoral la séparait de grands arbres dont les troncs étaient comme couverts d’écailles. Les perles de rosée ruisselaient le long de leurs feuilles grasses et très longues, et s’abattaient sur l’humus en autant de bruits, sourds et ronds. Le ciel était d’un bleu très pur, et pourtant Noka entendait la mélodie de l’averse qui s’abattait sur le sol de la forêt. Derrière elle, l’océan couvrait tout l’horizon : aucune trace du continent. La terre où elle se trouvait avait des allures de sanctuaire, qu’aucune botte n’avait jamais foulé. Noka était la première à découvrir cette terre à l’aura mystique – quoique, un détail lui ôta cette idée de la tête. Non loin, à quelques dizaines de mètres au plus, elle distinguait une forme brune et sombre qu’elle avait prise pour un rocher au premier coup d’œil. Elle comprit en s’approchant qu’il s’agissait d’une barque esquintée, trouée, retournée sur la plage. Son bois avait souffert de nombreux impacts, contre des récifs sûrement. Après inspection, la jeune fille se rendit compte qu’il ne restait rien d’autre de cette barque que la carcasse, ni passager, ni effets personnels, ni rames. Malgré l’inquiétude montante, Noka ne pouvait s’empêcher de se réjouir : elle était sur une île, n’est-ce pas ? Sa proie ne pouvait que s’y trouver aussi ! Sa traque touchait au but. Mais ce qu’elle vit de l’autre côté de la coquille de noix percée lui glaça le sang. Une longue traînée rouge sombre, ou brune, partait du bateau et plongeait au sein de la forêt. Sur sa route, les rochers et les arbres arboraient les traces d’une main ensanglantée à la recherche d’un appui.
Noka se ressaisit, et son sang ne fit qu’un tour. D’une agilité bestiale, elle bondit par-dessus les restes de l’embarcation et se rua dans la forêt, suivant la piste funeste. Les feuilles lui fouettaient le visage, les racines tordaient ses chevilles, les branches déchiraient ses vêtements et sa peau mais elle n’en avait que faire. Les arbres et les oiseaux chantaient autour d’elle ; n’était-ils pas conscients que quelqu’un souffrait, sur cette île ? La jeune fille pressa encore sa course, et la forêt s’épaississait autour d’elle à tel point que le soleil ne traversait plus les frondaisons que par endroit. Alors qu’une ronce terminait d’arracher ce qui lui restait de manche, elle s’arrêta. Elle venait de pénétrer une petite clairière entourée de buissons aux feuilles d’argents, ornés de baies rouges. À travers une trouée, l’aube baignait l’endroit d’une lumière très blanche, apaisante. Le lieu semblait protégé par un voile diaphane. En son centre, assis dans l’herbe et contre une grosse pierre, Noka reconnut le garçon qu’elle cherchait. Sa jambe était béante, sa vie s’écoulait goutte par goutte par une large plaie. Son teint était d’albâtre, plus blême encore que la première fois qu’elle l’avait vu. Les boucles de sa chevelure châtaine couvraient ses épaules pour certaines, tandis que d’autres effleuraient son visage angélique. Ses yeux, dans lesquels Noka avait tant espéré se noyer de nouveau, étaient tristement clos. Elle s’approcha de lui sans prêter attention un instant à la dague qu’il lui avait volée, posée dans l’herbe non loin, et plaqua son oreille contre sa poitrine. Elle l’entendit. Il vivait ! Sans perdre un instant, elle ôta sa tunique déchirée – qui ne la protégeait plus de rien, de toute façon – et s’employa à la nouer sur la jambe du blessé, au dessus de la blessure. Elle sursauta alors, quand elle sentit une main lui caresser les cheveux.
« Tu sais chaton, murmura une voix faible, d’habitude les femmes m’offrent un verre avant de se dévêtir, ça fait meilleur genre. »
Noka se retourna d’un coup et vit un sourire malicieux sur le visage de l’estropié, qui gardait encore les yeux fermés.
« Comment… Tu étais conscient ? s’affola-t-elle. Depuis combien de temps es-tu ici ?
– Assez pour voir que tu tiens davantage à moi qu’à cette dague, répondit-il lentement. Et si tu te demandais plutôt depuis combien de temps je perds du sang, je dirais une petite heure. Ma blessure est impressionnante et m’empêche de marcher, mais je ne pense pas que j’en mourrais. Sauf si… aïe ! tu continues de me torturer de la sorte !
– Si tu as l’énergie de dire des âneries, tu peux bien supporter que je serre ton garrot. Ça fait des mois que je te suis, tu m’as volée ! Et toi, tu ne trouves rien d’autre à faire qu’aller chercher la mort dans une tempête de haute mer ? Tu es fou à lier !
– Manifestement, nous sommes tous les deux fous à lier.»
Les joues empourprées, Noka ne sut quoi répondre. Elle poursuivit les premiers soins, rassurée de savoir le garçon hors de danger. Ils restèrent ainsi pendant un moment, en silence. Lorsqu’elle eut fini, Noka posa son regard sur le visage de son patient. Il avait ouvert les yeux et la couvait d’une amoureuse attention. Ce voyage fou en avait valu la peine, finalement. Peut-être que rejoindre le continent pouvait attendre. Ici, tout pouvait attendre qu’elle ai fini d’admirer le gris de ses yeux. Un gris radieux.
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obsidianbunny · 5 years
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Dieu ne te voit plus
Il n'en était plus à sa première agression. Il avait su faire ruisseler la pression, Que lui avaient infligée d'autres tant d'années. Être bourreau, c'était à son tour à présent. Pour fuir la douleur, il n'avait pas hésité À corrompre la jeunesse de ses treize ans. Papa l'emmenait prier régulièrement. Sous le regard du prêtre il s'était pris au jeu, Il avait tenté de vendre son âme à Dieu Mais il avait compris que Dieu était absent. De toute façon, il n'avait plus d'âme à vendre Depuis qu'il avait forcé sa mère à se pendre. Dieu ne le voyait plus, il en était fort aise : Il était libre alors de jouir de la baise Forcée que lui infligeait Papa, aviné. À son tour il voulait partager cet amour Vicié avec chacun de ses suppliciés, Déjà ses mains privaient sa soeur de ses atours Quand il plongeait dans le turquoise de ses yeux. Le jeu fini, et son corps aussi était bleu. Il voulait aimer son prochain comme lui-même Avait chaque jour été aimé : violemment, À coup de poing, à coup de rein, à coup de dent. Il avait les mains rouges et le cœur bohème. La détresse et la honte l'avaient quitté aussi, Rien ne le protégeait de sa propre folie. Les aiguilles et la neige devinrent ses amies, Elles l'incitèrent à s'abandonner à leur danse Funeste, pour oublier ses méfaits sur autrui, Pour croire que tout cela n'a plus d'importance. Il sentait leur odeur, il sentait leur morsure Qui l'invitaient dans une matrice, un doux rêve Où ses actes étaient ceux d'un enfant encore pur Qui n'a vu ni les poings d'un père, ni la sève. Il recherche cette danse chaque jour un peu plus, Son nez poudré, son corps de garçon transpercé Des plaisirs d'Éros, Thanatos et Agapé, Entouré de leurs sourires, leurs malsains rictus. Ils savent que rien d'autre n'attend l'enfant au cœur d'or Que les sombres griffes de l'oubli et la mort.
Je revois encore, secoué de convulsions Le fruit de mes entrailles, mon fils, mon garçon. Manquera-t-il à quiconque, à sa sœur, à vous ? Moi, non. Je referai un fils, et voilà tout.
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obsidianbunny · 5 years
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Prouver qu'on existe
Une sonnerie, puis une autre avant que le vieux Gontran n'abattît son poing sur son réveil. Le vieil homme se leva de son lit en bougonnant, puis amorça sa routine matinale. Enfiler son pantalon gris, faire une toilette sommaire, prendre plaisir à se brosser les dents en rythme avec le battement des pales d'éolienne qui tournaient juste devant sa fenêtre. À force de les entendre à longueur de journée, elles ne le dérangeait plus ; comme il avait rouspété en les voyant pousser devant chez lui comme du chiendent ! Encore une invention du Parti. Malgré tout, ils avaient de la chance de profiter de la sagesse du Parti et de l'Enfant-Roi. Juste avant que le Déluge n'engloutisse toute la Terre, ce sont les ingénieurs du Parti qui les avaient tous sauvés : ils avaient fait voler la ville plusieurs dizaines de mètres au dessus du sol pour échapper à la montée des eaux. Depuis, les habitants de Mörlna s'élevaient au dessus du monde, nourris et entretenus par les machines du Parti.
Gontran ramassa le journal devant chez lui. Une espèce de petit golem de rouages quadrupède lui apportait tous les matins, il l'appercevait de temps en temps. Ce cabot mécanique, Gontran l'avait appelé Rouille. Il savait que Rouille n'était qu'une machine et qu'il ne répondrait jamais à son nom, mais les créatures des ingénieurs du Parti étaient les derniers semblants d'animaux de Mörlna et le vieil homme s'y était attaché. Elles arpentaient, nombreuses, les rues et les bâtiments de la cité volante et travaillaient à la place des habitants : elles cultivaient fruits et légumes, elles produisaient de l'electricité. C'était les machines qui fabriquaient dans les usines, qui soignaient dans les hôpitaux, qui récupéraient les ressources manquantes dans l'océan sous la ville, si bien que les habitants avaient tout le loisir de se livrer à l'oisiveté. Gontran était né ici et n'avait jamais eu besoin de travailler. Dans sa jeunesse il aimait faire du sport et participer aux soirées du Parti, mais il était trop vieux maintenant. Il avait rencontrer une fois un illuminé qui lui avait dit "aimer peindre", mais il n'en avait pas cru un mot : de toute façon, il ne l'avait jamais revu et la pratique des arts était strictement interdite par le Parti. C'était écrit en gros sur le mur de Gontran, sur le manifeste du Parti : "L'art corrompt l'esprit et nuit à la tranquillité de vos voisins et à la votre". Le vieil homme respectait scrupuleusement cette loi : hors de question de mettre en péril sa vie tranquille. Il était heureux ici et ne comprenait pas pourquoi d'autres auraient voulu rompre cet équilibre si confortable.
Gontran ouvrit le sac contenant la ration matinale du Parti. Il alluma la télévision du Parti sur la chaîne du Parti et commença à tartiner l'un des morceaux de pain du Parti de confiture. Il ne savait pas bien de quel fruit elle était faite, mais elle n'était pas si mauvaise et venait du Parti.
"Bonjour à vous camarades, il est six heure ! s'exclamait la speakerine dans la petite lucarne en noir et blanc. Le temps est doux et printanier et le ciel au dessus des nuages est dégagé aujourd'hui encore. Nous remercions l'Enfant-Roi pour ce temps si agréable. De nouvelles images de sa chambre nous sont parvenues dans la nuit, et une formidable nouvelle est à annoncer ! Notre futur souverain s'est tenu debout seul pour la première fois. Nous sommes enchantés de constater son port altier : il fera sans aucun doute un dirigeant sage et fort. Le Parti continue de superviser au mieux son éducation et vous souhaite une très bonne journée."
Gontran aimait bien l'Enfant-Roi. Ce petit était le fils du précédent Roi de Mörlna, qui avait succombé à une fulgurante maladie. Le Parti avait annoncé sa mort à peine quelques semaines auparavant. Cela n'était pas plus mal, selon Gontran, car l'ancien Roi était un original. Ses nombreuses prises de bec avec le Parti et son goût prononcé pour la danse étaient de notoriété publique, et on n'avait jamais vu autant de dissidents au Parti que sous son règne. Ce changement de souverain ramènerait la tranquillité dans la cité, le vieil homme en était persuadé.
"Je laisse la parole à Laurent, journaliste du Parti, pour votre journal du matin, repris la speakerine.
— Merci Claire", intervint le présentateur Laurent après une brève transition musicale. Ses cheveux étaient coiffés de façon impeccable, son maquillage était discret et le rajeunissait juste ce qu'il faut et son costume mettait en valeur ses épaules larges et rassurantes. Quel allure ce Laurent. Comme tous les matins, pensa Gontran. Comme tous les matins depuis plus de soixante-dix ans.
"Scoop du jour, les robots sentinelles ont déjoué cette nuit une attaque terroriste contre le Parti. Deux individus aux allures de sauvages se sont introduits dans les appartements de l'Enfant-Roi armés de débris de métal et vêtus de bâches en plastique. Si l'accès à la chambre leur a été rendu impossible par les sentinelles, les deux coupables sont tout de même parvenus à s'enfuir en détruisant plusieurs de vos serviteurs mécaniques. Les recherches sont en cours pour retrouver les forcenés. Jusqu'à nouvel ordre et pour votre sécurité, il vous est interdit de sortir de chez vous. Veuillez nous contacter si vous avez la moindre information concernant les deux cibles du Parti, que vous pouvez voir sur ces images de surveillance."
Dans le poste de télé, les images semblaient sorties d'une fiction. Au dessus de l'océan, là où travaillent les machines qui récupèrent les ressources des fonds marins, se balançaient deux silhouettes, d'une créature mécanique à l'autre, escaladant les rouages et les hélices avec l'agilité de petits singes. D'où venaient ces personnes ? Du fond de l'eau ? C'était impossible, les livres d'histoire du Parti parlaient du Déluge comme d'une catastrophe ayant tout rasé et tué tout de ce qui restait sur le sol. Pourtant les images étaient claires : ces deux personnes s'élevaient depuis la mer pour s'infiltrer dans la citadelle volante. D'autres images succédèrent aux premières : sur celles-là, les deux intrus ramassaient leurs armes parmi les déchets de la fonderie, dont la grande cheminée dominait tout Mörlna et par où arrivaient les débris métalliques ramassés par les machines dans les fonds marins. Dans les lueurs rougeoyantes du métal en fusion, Gontran pu mieux distinguer les personnages : il s'agissait d'un garçon et d'une fille, à peine adultes et complètement nus. Leurs cheveux avaient été rasés complètement, leurs côtes étaient si saillantes que Gontran se demanda avec quels muscles ils avaient réussi leurs acrobaties aériennes. Leurs poignets et leurs chevilles étaient bardés de cicatrices atroces, comme s'ils avaient grandis menottés. Lorsqu'ils se saisirent de longs bouts de ferraille incandescent, ils semblèrent ne sentir qu'à peine la douleur du fer brûlant et du feu sur leurs paumes : armés de la sorte, maigres et meurtris, on aurait cru des démons. Ils se parlaient, mais Gontran ne pouvait pas les entendre. Le Parti avait choisi de souligner l'horreur de la situation par une musique stridente et angoissante.
Tandis que d'autres images défilaient, Gontran fut distrait par un affreux grincement, proche du crissement d'une craie sur un tableau. Un bruit sourd et puissant se fit entendre, et d'un coup le sol fut pris de violentes convulsions. Gontran tomba au sol, déséquilibré, sa tête manqua de peu de frapper la table de sa cuisine. Un nuage de poussière pénétra par la fenêtre. Enfin, ne régnait plus dans la pièce qu'un silence de mort. Après quelques instants, à moitié sonné et totalement apeuré, le vieillard tenta de se relever en s'agrippant à ses meubles. Il ne sentit aucune autre douleur que ses rhumatismes habituels, ce qui le rassura un peu, et après de longues minutes d'efforts Gontran parvint à se remettre debout. Toute sa cuisine était couverte de poussière, de suie et de minuscules morceaux de métal. Qu'est-ce qui avait bien pu causer un tel raffut, un tel bazar ? Quand il découvrit la cause de tout cela, Gontran faillit tomber de nouveau : devant sa fenêtre, la grande éolienne avait disparu. Non, pas disparu, constata-t-il en s'approchant de la fenêtre : elle était encore là, mais couchée de tout son long au milieu de la rue. Sur son tronc meurtri et sur ses pales inertes, des messages avaient été écrits. "Nous existons". "Le peuple sous la mer". "Esclaves". "Honte au Parti, mort à l'Enfant-Roi".
"On vous cache tout".
Face à Gontran, juchés sur un toit, les deux dissidents le toisaient de leurs grands yeux fourbes, d'un air de défi. Ou bien était-ce de la peur dans leurs regards ? Non, Gontran faisait confiance au Parti, ces démons étaient déviants et dangereux. Le vieillard tourna les talons et attrapa son téléphone. Il était hors de question que ces jeunes fous lui gâchent la matinée.
"Merci pour votre aide Gontran, le remercia la standardiste de sa voix nasillarde. Ces animaux seront traqués et abattus dans les meilleurs délais. Vous pouvez désormais retourner à votre tranquillité."
Il y comptait bien. Et alors que les doutes et les remords commençaient à poindre dans son esprit, il s'endormit paisiblement sur son canapé poussiéreux. "Je suis tranquille", songea-t-il. Les coups de feu dans la rue ne le réveillèrent pas, le bruit de deux corps tombant d'un toit non plus. Il était tranquille.
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obsidianbunny · 5 years
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Souffler les cieux
Votre poing, après une prise d'élan formidable, vient percuter de plein fouet la poitrine de votre adversaire, et à mesure que vous ressentez l'impact dans vos chairs, dans vos os, dans votre âme, le temps semble ralentir. Vous ne voyez plus que l'expression estomaquée figée sur le visage de l'ennemi, et cela vous conforte dans votre sentiment : ce coup était décisif et vous avez déjà gagné. Vous n'entendez plus rien, ni le vent autour de vous qui souffle par bourrasques, si fort qu'il pourrait déchirer le tissu même du réel ; ni la foudre qui chute régulièrement tout près de là où vous teniez une seconde auparavant, comme si elle tentait de vous ratrapper en vain. Vous ne percevez que le son sourd de cet impact entre deux titans de force brute, et ce vrombissement pénètre vos tympans, fait vibrer la terre, souffle au loin toute impureté pour ne laisser présente sur ce champ de bataille que votre punition pour le Mal. Alors, au bout de ce qui vous semble être de longues secondes, vous entendez un craquement, puis un autre, puis une multitude, une feuille de métal qu'on chiffonne, et vous sentez contre vos phalanges se rompre toutes les côtes, tous les os de votre cible. Autour de votre poing, sa peau devient rouge puis bleue, presque noire. Derrière elle, un souffle puissant, et dans le ciel nocturne les nuages, les étoiles et la Lune s'écartent sous sa force et les petits points blancs de la sombre voute céleste sont remplacés par de vastes tâches rouges. La vie s'écoule hors du corps de votre adversaire et vient se répandre parmi les astres. Elle en crache une gerbe sur votre visage, vous n'en avez que faire : rien ne saurait effacer votre sourire victorieux de votre visage. Alors le temps semble reprendre son cours normal : immédiatement, le corps déjà sans vie que vous venez de frapper est projeté à une vitesse fulgurante vers la ligne d'horizon en un sifflement sinistre avant de s'écraser comme un météore au sol, creusant la terre en un cratère fumant. Vous l'observez, ce corps désarticulé, celui de l'être qui menaçait votre vie et votre Terre. Vous avez gagné.
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obsidianbunny · 5 years
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Confortable
Vous n'avez pas vraiment de quoi vous plaindre. Votre vie s'est passée sans trop d'accrocs, sans trop d'évènements finalement. Vous avez suivi l'autoroute qu'on a tracé pour vous. L'école, le lycée, quelques années d'études, un métier qui allait de soi, vous avez un bon salaire depuis quelques années, c'est quand même confortable. Vous êtes enthousiaste à vous lever le matin, "d'autres ont moins de chance" vous repétez-vous chaque jour au volant de votre voiture. Vous avez de bons amis. Vous n'avez plus le temps de les voir mais au moins, vous avez de bons souvenirs de cette époque où vous étiez moins fatigué. Votre cou vous fait mal et votre sang bat à vos tempes, comme tous les soirs. "La rançon du bonheur", encore une de vos devises. Mais vous retrouverez bientôt votre cocon, votre bel appartement et ses coussins douillets sur lesquels vous vous reposez plusieurs heures chaque soir pour vous débarrasser du confort de la journée. Vous poussez un soupir en tournant la clé dans la serrure de votre appartement : tout cet enfer de stress est repoussé à demain. Vous n'avez plus besoin de contempler les cadavres défigurés de vos espoirs, le dégoût de vous même, la tristesse et les regrets. Et ce soir, vous ne faites rien, comme chaque soir, que d'endormir votre douleur par de bonnes injections de paresse.
"Je ne t'aime plus."
Peu importe, vous vous en remettrez. Ce soir, vous ne vous sentez pas la force de ressentir quoi que ce soit. Alors que la porte claque derrière elle, vous vous en fichez et vous saisissez votre téléphone dans une main, la télécommande de votre télévision dans l'autre. Mais vos doigts restent immobiles sur le verre de votre écran, vous ne parvenez plus à bouger. Ces saletés de doigts, ils vont bouger, oui ?! Végéter devant votre quotidien, c'est la dernière chose que vous faisiez bien. Vous essayez de vous forcer à bouger mais le trou dans votre cœur ne cesse de devenir plus grand chaque instant. Vous savez que vous n'en serez plus capable. Votre cocon vient de tomber en morceaux, vous ne le pensiez pas assez fragile pour être brisé par une porte qui claque. Vous vous sentez mal, vous suffoquez, votre palpitant semble vouloir se rompre et s'arrêter tout à la fois. Le vide que vous ressentez doit se situer dans vos poumons car vous n'arrivez plus à les remplir d'air. Vos mains lâchent leurs babioles et tente d'aggriper la table, le verre d'eau pour vous empêcher de tomber gauchement à genoux sur le sol, sans succès, et vous êtes trempé. Tout votre corps se déchire de l'intérieur mais vous ne parvenez pas à pleurer. Ç'aurait été trop simple, n'est-ce pas, si vous aviez été capable d'exterioriser vos sentiments ? Elle est partie, et c'était elle la dernière chose qui vous laissait vous persuader que vous étiez heureux. Maintenant vous êtes seul face à votre vie et vous êtes terrifié.
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obsidianbunny · 5 years
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Masques
Une nuit sans étoiles et sans lune mais pourtant très claire s'élevait au dessus d'elle. La tête balancée vers l'arrière, elle avait tout le loisir d'observer le décor qui l'entourait. Le printemps n'était pas encore là, et les cerisiers arboraient toujours leurs longs doigts crochus et froids. Ils faisaient partie de cette rue où la jeune femme avait vécu toute sa vie, cette rue très large où passaient d'habitude et à toute heure des marchands, des cuisiniers ambulants ou des colonnes de soldats bardés de plaques de bois et d'acier et armés d'une lance courbe dans le dos.
Ils étaient là pour protéger la population, selon leurs dires, mais nombreux en ville en avaient douté. On pouvait retrouver ces mêmes soldats le soir, ivres morts, à se jeter leurs bouteilles de saké à la figure d'un bout à l'autre de la chaussée, quand ce n'étaient pas les villageois qui faisaient les frais de leur ivresse. La jeune femme était contente de les voir passer malgré tout : les soldats dissimulaient leurs visages avec des masques d'animaux très colorés, qu'elle trouvait très amusants. Elle aimait beaucoup les regarder passer. Elle avait même appris à reconnaître les soldats par leur masque : il y avait Renard, une joyeuse drille un peu boufonne mais gentille ; Chouette, un redoutable vétéran à la langue aussi acérée que sa naginata ; ou encore Loup, le jeune chef maladroit de cette compagnie haute en couleur. La jeune fille se demandait, rêveuse, comment devait être une vie de soldat, passée à voyager par monts et par vaux aux côtés de ses camarades, des frères de bataille plus précieux que ceux de sang. Elle n'avait jamais vécu rien d'autre que sa rue, son écurie et sa forge. Elle avait appris le métier de maréchal ferrand depuis son plus jeune âge, mais contrairement à ce que lui disait sa mère elle ne croyait pas qu'elle était destinée à planter des clous dans des chevaux toute sa vie. Une fois, elle avait trouvé le courage de parler aux soldats, puis elle avait mangé des nouilles avec eux quelques fois. Chouette lui prêtait son naginata les jours de repos pour qu'elle s'entraîne à le manier, et elle avait embrassé Loup un soir où le saké avait un peu trop coulé. Loup comptait beaucoup pour elle. Et pendant de longues semaines, elle ne les avait pas revus. Son humeur s'assombrissait de jours en jours, et la rue l'oppressait. Les fumées de la fonderie au bout de la rue lui piquaient le nez. Auparavant, leur odeur de fer lui semblait délicieuse et leur chaleur la réchauffait. Le cliquetis des marteaux des artisans voisins lui semblaient insupportable désormais, et la rue était remplie de leurs boutiques. L'odeur du riz en train de cuire la rendait triste, car elle lui rappelait ses amis qu'elle désespérait de revoir un jour. Les feux follets qui dansaient le soir au creux des lanternes ne l'amusaient plus, et les estampes du salon de thé en face ne lui semblaient plus aussi jolies.
Au matin de ce jour là, les soldats étaient revenus. Ils étaient plus nombreux qu'à l'accoutumées, plus tendus aussi. La jeune fille avait vu le Shogun passer parmi eux sur son haut cheval noir. Elle l'avait reconnu à la richesse de son armure et contrairement à tous les autres, lui ne portait pas de masque. Elle avait cherché ses amis dans la foule. Elle avait reconnu Renard de loin, et Loup lui avait lancé un regard fauve. Chouette n'était plus parmi eux. Et quelques heures après l'arrivée des soldats, d'autres sont arrivés. Ceux là n'étaient pas protégés par des armures de métal mais simplement couverts par des habits de tissu. Leur chef ressemblait davantage à un bourgeois qu'à un guerrier. Leurs armes ne semblaient pas pourvus de lame, et les soldats masqués en ricanèrent. Mais lorsqu'éclata l'affrontement, nul rire ne se fit plus entendre.
Avant même que tous les soldats masqués n'aient brandi leur arme, les nouveaux arrivants lâchèrent l'enfer sur le village. Leurs bâtons crâchaient un feu fulgurant et dévorant qui tuaient sur le coup quiconque le subissait. Ce fut le début d'un massacre qui dura toute la journée. Les villageois et les soldats tentaient de fuir, de semer leurs assaillants à travers les rues étroites de la ville, mais dussent-ils croiser la route de l'un de ses démons et de son bâton de feu, leurs chairs s'embrasaient aussi vite que le bois des maisons alentours.
La tête penchée en arrière, la jeune fille était cachée dans sa rue, derrière la porte de sa forge, la dernière de la rue à ne pas avoir pris feu. Elle trouvait une beauté certaine à ce ciel sans astres mais baigné dans les lueurs jaunes, rouges et oranges du brasier de la ville. Dans sa fuite elle avait trouvé le masque de Loup près d'un corps carbonisé, qui serrait dans sa main la naginata de Chouette. Elle avait ramasser les deux reliques pour ne pas oublier ses amis. Elle les avait posées près d'elle, à sa droite, et y accrochait son regard alors que la douleur transperçait son ventre. Elle le sentait se comprimer de lui même. Elle maudissait le sort qui la faisait accoucher dans de telles circonstances. Renard était près d'elle et l'aidait dans son travail, jouant tantôt le rôle de la sage-femme, tantôt de la compagne aimante, couvrant de baisers le visage de la jeune fille pour lui donner du courage. Alors la douleur s'arrêta d'un coup, et Renard posa un petit tas de peau rose gémissant sur le ventre de la jeune mère. Elles étaient trois alors, à s'étreindre au milieu d'un brasier en fin de vie. L'aube pointait son nez timidement, et le bonheur emplissait le cœur de la jeune fille. C'était la fin de ce cauchemar, et des cendres de sa vieille vie naquirent une famille et un avenir qui ne demandait qu'à être radieux.
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obsidianbunny · 6 years
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push yourself to get up before the rest of the world - start with 7am, then 6am, then 5:30am. go to the nearest hill with a big coat and a scarf and watch the sun rise.
push yourself to fall asleep earlier - start with 11pm, then 10pm, then 9pm. wake up in the morning feeling re-energized and comfortable.
get into the habit of cooking yourself a beautiful breakfast. fry tomatoes and mushrooms in real butter and garlic, fry an egg, slice up a fresh avocado and squirt way too much lemon on it. sit and eat it and do nothing else.
stretch. start by reaching for the sky as hard as you can, then trying to touch your toes. roll your head. stretch your fingers. stretch everything.
buy a 1L water bottle. start with pushing yourself to drink the whole thing in a day, then try drinking it twice.
buy a beautiful diary and a beautiful black pen. write down everything you do, including dinner dates, appointments, assignments, coffees, what you need to do that day. no detail is too small.
strip your bed of your sheets and empty your underwear draw into the washing machine. put a massive scoop of scented fabric softener in there and wash. make your bed in full.
organise your room. fold all your clothes (and bag what you don’t want), clean your mirror, your laptop, vacuum the floor. light a beautiful candle.
have a luxurious shower with your favourite music playing. wash your hair, scrub your body, brush your teeth. lather your whole body in moisturiser, get familiar with the part between your toes, your inner thighs, the back of your neck.
push yourself to go for a walk. take your headphones, go to the beach and walk. smile at strangers walking the other way and be surprised how many smile back. bring your dog and observe the dog’s behaviour. realise you can learn from your dog.
message old friends with personal jokes. reminisce. suggest a catch up soon, even if you don’t follow through. push yourself to follow through.
think long and hard about what interests you. crime? sex? boarding school? long-forgotten romance etiquette? find a book about it and read it. there is a book about literally everything.
become the person you would ideally fall in love with. let cars merge into your lane when driving. pay double for parking tickets and leave a second one in the machine. stick your tongue out at babies. compliment people on their cute clothes. challenge yourself to not ridicule anyone for a whole day. then two. then a week. walk with a straight posture. look people in the eye. ask people about their story. talk to acquaintances so they become friends.
lie in the sunshine. daydream about the life you would lead if failure wasn’t a thing. open your eyes. take small steps to make it happen for you.
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obsidianbunny · 6 years
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More often than not I’ll crack into a sprawling fantasy series and, while I appreciate the luscious descriptions of furniture, landscapes, and clothing, all I’m focused on is that I don’t actually know how this world works. I only know what it looks like.  
Including some functionality to your universe can add to immersion and give your reader a strong foundation on which to build their mental model of your universe. 
You certainly don’t need to use all of these questions! In fact, I recommend against that, as all of these certainly won’t make it into your final draft. I personally find that starting my worldbuilding off with 5 to 10 functional questions helps pave the way for glittery and elaborate aesthetic development later on.
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How is the healthcare funded in your world?
How does healthcare functionally differ between the wealthy and the poor? (i.e. can only the wealthy go to hospitals? do poor families often have to rely on back-alley procedures?)
Where are health centers (i.e. hospitals, small clinics, etc.) organized in your cities?
Does it differ in smaller towns?
How does this affect people’s ability to get healthcare?
Is healthcare magical, and if it is, how does that affect the healthcare system? 
If healing is instantaneous, how does that affect people’s views on injury, illness, and chronic ailments?
If you have both magical and physical healthcare, which one is deemed superior and how does that affect society? 
What illnesses are common in your world? 
How does this affect daily life? 
What do the people in your world think illnesses are? 
Is it a miasma theory? 
Humor theory? 
Demons? 
Do they know about biological viruses and bacteria? 
How does this affect healthcare?
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How do people get water? 
Is the water sanitary and if not, how do they sanitize it?
How does agriculture work? 
Is it large corporations or individual farms?
What sort of agricultural technology exists in your world and how does it affect food production?
Are farmers wealthy or poor?
What sort of natural resources does your world/country(ies) have and how are they obtained?
How does this affect the average wealth of the country?
How does this wealth affect the culture? 
What livestock or beasts of burden are most valued? Least valued? Why?
What is considered a luxury good vs. a regular good?
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What forms of transportation does your world have?
What classes use what forms of transportation?
How far has the average citizen traveled, given your transportation limitations?
Which cities are the most accessible and which are the least? Why?
How do popular transportation methods change how cities/towns are laid out?
Does your world have public transportation? What is it?
Is there a coming-of-age aspect to travel?
Describe your world’s postal system or whatever equivalent there is. 
Who pays for it? 
How reliable is it? 
Are there emergency methods for transporting information?
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How does your world keep time (i.e. watches, sundials, water clock, etc.)?
Does your world have a currency system, barter system, or something else? 
If you have multiple countries, do different currencies have different values across said countries?
How does this affect travel?
Do you have banks in your world and if so, how are they run?
Who owns the banks? Government? Wealthy? How does this affect the economy and/or class system?
How does credit operate in your universe?
Does your world operate more on big corporations or small business? Something in between?
How are workers/labourers treated in your world? 
Are there workers unions and if so, what are common views on unions? 
Describe your tax system. If you don’t have a tax system, explain why and how your world is affected by that. 
Can certain social classes not own property, certain livestock, certain businesses, etc.? Why?
How are business records kept? Are business records kept?
If your world has technology, does your world prioritize developing entertainment tech, communications tech, transportation tech or something else entirely?
What does this say about your world?
How does this affect your economy?
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To the closest approximation, what type of government does your world have? 
How are rulers/presidents/nobles put in place? 
How much power does an individual ruler have? 
Is there a veto process? 
If you have multiple countries, do they have different types of rulers?
Describe any large-scale alliances (i.e. countries, factions, etc.) that are present in your world. 
How did they come about and how are they maintained? 
Are they strained or peaceful? 
How does it affect the greater politics of your world?
Describe how wars are fought both internationally and nationally. 
Do methods of war differ between countries/races? 
What about philosophies about war?
If there is a military, what is its hierarchy structure?
How does the military recruit?
Is the military looked upon favourably in your society?
What weapons are used by each country/type of people during warfare, and how does that affect war strategies?
Describe the sentencing system of your world. 
Is your accused innocent until proven guilty, or guilty until proven innocent?
How are lawbreakers punished? 
If you have prisons, describe how they are organized and run, and who owns them. 
Does differing ownership change how the prisons operate?
What are the major ways in which laws between countries vary? 
Do laws between cities vary? If so, how and why?
How does citizenship work in your world? What rights and privileges do citizens have that others do not? 
Can certain classes or races not become citizens?
Are there certain taboo subjects or opinions that artist/authors/musicians are not allowed to depict (i.e. portraying the official religion in a negative light, explicit sexual material, etc.)? What does this say about your society?
How do people get around these censorship laws?
What is the official hierarchy of duty in your world? (i.e. is family the most important, or patriotism? What about clan?)
How many languages are there in your world, and how many languages share a common origin? 
How many people are multilingual? 
Which language is the most common?
How is multilingualism viewed?
How are different languages viewed? (i.e. is one language ugly/barbaric while another is romantic and sensual?)
Feel free to add your own questions in reblogs or in comments!
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