Un Noël Sans Gluten, Partie 1
Un Noël Sans Gluten devait être une super production cinématographique américaine. Mais, de toute évidence, et malgré mon insistance, Hollywood porte plus facilement plainte pour harcèlement qu’elle ne reconnaît le talent.
Ne supportant pas l’idée de vous priver d’une si belle histoire, je vous la retranscris pêle-mêle sur le papier, la police américaine ayant gardé mon manuscrit comme pièce à conviction.
J’espère que ce conte de Noël vous fera rêver, et vous fera pousser des ailes d’anges, et des canes à sucre dans le derrière.
I.
Il est 8h37, à New York.
On est en septembre. Le temps est radieux, bien qu’il fasse un peu frais le matin. Une météo tout à fait normal pour la saison, car aux Youhéçay, le réchauffement climatique n’existe pas.
Mandy sort de la ligne C du métro pour se rendre à l’agence de comm Big Pub qu’elle a crée il y a six ans. Elle kiff son taff, c’est sa vie. Elle ne s’encombre ni de mec, ni de gosse, encore moins d’animaux de compagnie : elle a pas le temps pour ce genre de connerie.
Quand elle n’est pas au bureau, elle passe du temps avec ses amis, ou à la salle de sport pour ses entraînements de catch hebdomadaires, ça la défoule.
Elle est stylée, comme d’hab. Un trench imprimé léopard, un jean slim noir troué aux genoux laissant apparaître ses tatouages, des baskets blanches, un make-up rose pétant au top, ses longs cheveux blonds comme les blés au vent.
Ah, les blés.
Voilà bien la seule ombre au tableau de Mandy.
Mandy est… Gluten-free.
Mais attention : ce n’est pas un choix de bobo hypster new-yorkaise à la con qui s’invente des problèmes tant sa vie est merdique. Non. Il s’agit plutôt d’une malédiction.
Si Mandy ingère ne serait-ce qu’un milligramme de gluten, alors son cul devient un volcan. Elle chie instantanément partout, avec des douleurs si intenses que Saw, Saw 2, Saw 3, Saw 4, Saw 5, Saw 6, Saw 3D Chapitre Final et Jigsaw, à coté des latrines de Mandy, c’est pour les enfants.
La voilà donc, descendue une station avant pour choppé un food-truck qui délivre une nourriture inestimable à ses yeux : des pâtisseries sans gluten. Ne me demandez pas comment c’est possible. On est à New York, seul the sky is the limit (le ciel est la limite).
Un café latte soja à la main et un cinnamon roll dans l’autre, notre héroïne s’engouffre dans un immense building de verre et de soixante dix huit étages où se trouve son bureau…
II.
La secrétaire de Mandy, Marlène, entre dans son bureau.
Elle a l’air toute excitée. Elle est toujours beaucoup trop enthousiaste pour pas grand-chose…
Marlène exaspère Mandy au plus haut point.
Elle déteste ses fringues de meuf casual à tendances geek, avec ses jeans informes et ses t-shirt bariolés, ses cheveux ébouriffés, son make-up nude genre « ça va j’ai bien dormi merci » et son air guilleret, comme si elle était née hier.
Et pourtant, sans trop savoir pourquoi, elle s’est prise d’affection pour elle.
Et c’est réciproque.
Il faut dire que Marlène est hyper efficace au boulot, et pas de si mauvaise compagnie quand on évite de trop regarder sa tronche ébahie pour rien.
Marlène tend un dossier rouge à Mandy.
Mandy sait parfaitement ce qu’il contient : c’est un dossier spécial Noël.
Marlène n’est que secrétaire, mais il lui arrive d’avoir des idées. Et Mandy, dans sa grande mansuétude, l’autorise a sélectionner un projet spécial Noël une fois par an.
En fait, ça arrange bien Mandy : elle ne peut pas saquer cette fête de merde.
Marlène, elle… elle adore.
« Un concours de pâtisserie !!! »
Et merde. C’est objectivement une super idée.
En vrai, pas du tout. Mais en tant que spectateur, vous devez accepter le monde qu’on vous impose pour pouvoir croire en notre merveilleuse histoire. Ça fait partie du jeu. Désolée. C’est donnant-donnant.
« - Avec des bonhommes d’épices et leurs petits yeux en sucre glace, des puddings dégoulinants, des cakes en forme de Rudolph, DES CAKES EN FORME DE RUDOLPH !!! s’enflamma Marlène, les yeux injectés de sang et les orifices fumants…
-Et des montagnes de gluten. » Répondit Mandy sans même relever ses yeux du dossier dont chaque page est ornée de candy cane et autre connerie du folklore consumériste de cette fête à la con.
Mais elle est au top de sa carrière, et rien ne pourra la stopper, pas même du gluten.
« - Ok choupette. Au vu des circonstances, on va bosser autrement. Histoire qu’il se passe un truc rocambolesque dans ce conte de Noël à deux balles dont je n’ai jamais demandé à être l’héroïne, il nous faut créer une situation… cocasse… »
III.
Marlène est anxieuse. Elle ramène moins sa gueule de meuf contente pour un oui ou pour un non. Elle n’aime pas du tout l’idée de Mandy. Mais elle l’aime tellement : elle est si indépendante, drôle et vive d’esprit !!! Tout ce qu’elle ne sera jamais… Comment lui dire non ?
Et avec ses problèmes de santé… Elle ne peut pas prendre le risque de laisser sa patronne littéralement dans son caca au beau milieu du Plus Grand Concours de Pâtisseries de New York de Tous Les Temps.
Alors elle est là, dans le fauteuil de Mandy, à attendre le client.
Mandy, elle, est à coté, en mode secrétaire.
Son plan est nul à chier, et on n’est pas sûr que ça serve à un moment donné, mais au moins il se passe un truc.
Étant gluten-free, elle ne pourra pas s’investir physiquement dans cette vaste mascarade sans tâcher sa petite culotte : un seul contact avec un unique grain de farine et le Vésuve ne sera plus qu’un détail de l’Histoire.
Alors elle a proposé à Marlène d’échanger leur rôle !!!
Comme ça, Marlène se fait la main avec le client, et Mandy chapote le tout en mode secrétaire, loin de toute source de problème gastrique.
Comme dirait notre incroyable héroïne : « c’est de la merde, on la garde ».
Voilà le client : Monsieur Gihayla.
Il est grand, grisonnant, plutôt sexy pour un mec de son âge. Il a bien la soixantaine, et il est pété de pognon. Il incarne parfaitement le père de substitution, atout charme indispensable pour espérer chopper la minette d’une génération au fort taux d’absentéisme paternel. Il n’en faut pas plus à Marlène : c’est le coup de foutre foudre.
Il est accompagné de son fils : Tristan, la trentaine, quelconque.
En fait, il est tellement lambda et insipide que si on ne vous avez pas signalé sa présence, vous n’auriez jamais su qu’il était là.
Tristan est pâtissier. Depuis pas longtemps, mais c’est une étoile montante. Il a un passé sombre et beaucoup de talent. Il aimerait évoluer ailleurs que dans l’ombre de son père. Mais Monsieur Gihayla, magnat du cake à échelle internationale, voit là l’occasion de montrer à son fils unique qu’il l’aime, malgré ses absences injustifiées, malgré leurs différences… malgré tout.
En fait, il organise tout ça pour son mioche.
C’est beau putain. La magie de Noël quoi.
IV.
Une fois les présentations faites (scène longue et chiante dans laquelle Marlène inverse absolument tous les prénoms, le tout ponctué par les rires enregistrés les plus dissonants du monde), Marlène se rassoit dans son fauteuil de boss.
Elle est clairement en flippe.
Elle jette un œil à Mandy qui lui répond par un regard malicieux et empli de confiance.
Ça ne veut rien dire, mais ça fait 27 caractères en plus, sans compter les espaces.
Rassurée, Marlène de lance.
« Monsieur Gihayla. Avec mon assistante, nous avons développé un projet parfait pour relancer vos cakes sur le marché des bobos new yorkais de merde. Haha, nul besoin de respecter les clients pour leur vendre vos produits haha ! »
Fou rire général.
Marlène enchaîne, on ne l’arrête plus…
« … Le Plus Grand Concours de Pâtisserie de New York de Tous Les Temps se déroulera sur deux semaines, avec un Grand Final grandiose la veille de Noël. On fera ça dans le plus grand hôtel de la ville, bien sûr. Avec des guests de fou comme jurés, genre mannequin sur le déclin, acteur déchu, comique en herbe… »
Pendant que Marlène soliloque de façon plutôt convaincante pour une petite secrétaire, Mandy remarque que Tristan n’écoute pas. Le jeune homme fade semble perdu dans ses pensées, ou sous substances illicites.
Il est rapidement extirpé de ses rêveries par son géniteur :
« Tout me parait absolument parfait. Ma seule et unique condition est que mon fils ici présent participe. Il est doté d’un incroyable don et il gagnera le concours, quoi qu’il arrive ! Haha ! » En prononçant ces inepties, il lance un clin d’œil complice à Marlène…
Elle s’empresse de chercher les petits yeux sur-maquillés et réconfortants de sa patronne, mais celle-ci est trop occupée à fusiller Monsieur Gihayla du regard.
Mandy n’aime pas les tricheurs.
« - Si je puis me permettre Monsieur, lança t’elle avec le plus grand calme, si Tristan est si doué, ce dont je ne doute pas, je pense qu’il s’en sortira sans l’aide de personne. Elle conclu par un petit sourire adressé à Tristan.
- Madame, répond Monsieur Gihayla en s’adressant à Marlène, vous avez ici une assistante peu banale !
- Elle a simplement l’incroyable faculté de voir très clairement en chaque individu le talent qui l’anime, Monsieur Gihayla. Si elle voit cela en votre fils, je me porte garante de son succès. »
Waouh, Marlène, tu gères.
Situation gênante avortée.
Un peu plus et Monsieur Gihayla faisait capoté le conte de Noël !
Pour la première fois, Tristan prend vie et rend timidement son sourire à Mandy, les yeux plein de cœurs et de crème pâtissière dégoulinante aromatisée à la fraise, comme ça c’est bien rose, bien niais, le tout saupoudré de sucre glace, ou de coke, on sait pas trop.
1 note
·
View note