Ma voie dorée sur AM en OS ! ... un OS en deux parties ! Je sais, moi aussi, désolé...
Bon ! J'avais envie de changer d'ambiance avec CF oĂč je savais que pour la majoritĂ© des persos vont mal finir parce que CF, mĂȘme quand leur dĂ©veloppement Ă©tait positif (j'essaye de toujours avoir des dĂ©veloppements positifs pour les persos du bon cĂŽtĂ© de la barriĂšre - soit contre Delagarde) alors, je voulais changer d'air. Donc, voici ma voie dorĂ©e toute dorĂ©e oĂč tout le monde de gentils survit ! (et quand je dis tout le monde, c'est tout le monde mais, ce sera pour la seconde partie) Et quand je dis tout le monde, c'est tout le monde. C'est complĂštement craquĂ© avec quelques libertĂ©s du cĂŽtĂ© de mes propres rĂšgles selon les interprĂ©tations aussi mais bon, c'est pas vraiment canon alors, ça marche quand mĂȘme. En plus, j'ai essayĂ© de garder les choses un peu ambigĂŒe, mĂȘme si je ne sais pas si c'est rĂ©ussi. C'est juste un peu un mĂ©lange de choses que j'aime et pour me faire plaisir donc, ça part dans tous les sens.
Pour poser les choses histoires de mieux comprendre :
-On est sur la route AM vu que c'est dĂ©jĂ la voie dorĂ©e du jeu. Quand on commence, tout s'est dĂ©roulĂ© comme dans le jeu. C'est au dĂ©but de l'OS en deux parties oĂč les choses commencent Ă changer.
-La toile de fond par contre, c'est celui que j'ai développé pour CF. Logiquement, avec ce que j'ai mis sur mon blog devrait suffire pour comprendre, et je rappelle certains éléments pour que ce soit compréhensible... enfin j'espÚre donc, n'hésitez pas à demander s'il y a un point obscure.
-C'est aussi ma version des choses ainsi que des Braves
-Les liens familiaux sont Ă©galement toujours les mĂȘmes, et l'interprĂ©tation des personnages aussi. La seule personne qui change, c'est Byleth qui a des neurones dans cette histoire (car personne du cĂŽtĂ© de Delagarde en a).
-Je reprend aussi des phrases et des éléments du canon à ma sauce donc, c'est normal si des mots sonnent comme du déjà vu, c'est que c'est repris du jeu mais, dans des contextes / avec des personnes différentes.
Je crois que j'ai tout dit sinon, s'il y a des questions, je vous répondrait sans problÚme.
Dans cette premiÚre partie, on commence à Gronder jusqu'à avant la prise de Fhirdiad (en gros, la moitié / deux tiers de l'OS en deux parties), le reste de la route en accélérée sera pour la seconde partie (encore pardon pour ce "petit OS" qui a fini par faire plus de cent pages).
@ladyniniane voilà ce dont je t'avais parlé !
FĂ©lix sentit la sueur perlĂ©e sur son front Ă cause de l'effort, ses mains se fripĂ©es comme aprĂšs un trop long sĂ©jour dans l'eau alors que la magie coulait d'elles, se dĂ©versant dans la plaie bĂ©ante et sale pour la nettoyer et la refermer. Merde ! Cette maudite gosse avait utilisĂ© un couteau rouillĂ©Â ! Et la DĂ©esse seule savait ce qu'elle avait pu mettre dessus ! Qu'elle l'aurait empoisonnĂ© pour ĂȘtre sĂ»re de rĂ©ussir son coup que ça ne l'Ă©tonnerait mĂȘme pas !
« Va en enfer ! »
Sous ses mains, il sentait le sang de Rodrigue lutter contre lui pour tenter de sâĂ©chapper, ses cĂŽtes bougeant trop peu sous ses respirations devenues silencieuses mais, FĂ©lix sentait encore son pouls, il le sentait d'ici. Le sanglier ne le lĂącherait pas ou ne le bougerait pas â et il le faisait, l'Ă©pĂ©iste jurait qu'il allait l'envoyer lui-mĂȘme s'expliquer avec son vieux ! â donc, il n'avait pas Ă s'inquiĂ©ter pour ça, sa main ne bougerait pas d'Aegis. MĂȘme si tout Ă©tait flou, FĂ©lix se souvenait de quand il avait Ă©tĂ© griĂšvement brĂ»lĂ©, de la terreur qu'il avait ressentie dĂšs qu'on l'Ă©loignait du contact rassurant de leur Relique, des chants de Fraldarius restĂ©s gravĂ©s Ă l'intĂ©rieur. Sans lui, les eaux du lac ne l'auraient jamais sauvĂ©, il le savait alors, peut-ĂȘtreâŠ
« Allez Fraldarius ! On a besoin d'un autre de tes miracles ! Alors, lac ou pas, tu vas le faire et le sauver ! »
La peau sous ses mains devenait froide, vide de sang. Non ! Juste tout mais pas ça ! Le vieux n'Ă©tait quand mĂȘme pas si faible Ă la mort que ça ! Il avait dĂ©jĂ survĂ©cu Ă pire ! Il n'allait pas les lĂącher maintenant !
C'est à ce moment qu'un souvenir remonta à la surface, tout doux malgré la situation, allant dans ses mains et sur sa langue alors que les notes résonnaient à nouveau dans son esprit.
« Au clair de la lune, le vent chante,
Tu pleures dans cette forĂȘt de cendres,
Les nuages vont alors tous descendre,
Pour que plus jamais, le mal te hante.
Au clair de la lune, les loups murmurent,
Sans un bruit, ils sâapprochent de tes blessures,
Ils tâentourent, te rĂ©chauffent avec leur fourrure,
Cette protection douce, elle te rassure.
Au clair de la lune, la forĂȘt te protĂšgera toujours ici,
Aux hurlements des loups, la brise te réconforte,
Tous pansent tes blessures et au loin les emporte,
Dans leur rassurante Ă©treinte, enfin tu tâendors guĂ©ri. »
« ça va aller louveteau... ça va aller... tu vas guérir... tu es trÚs fort, je le sais... reste avec nous... ne pars pas... protÚge-le Félicia... je t'en supplie... ça va aller... ça va aller... je te protégerais... »
De ses souvenirs, la berceuse guĂ©risseuse de Rodrigue passa dans ses mains, coula de ses propres lĂšvres malgrĂ© les fausses notes, alors que la marque de leur ancĂȘtre rĂ©agissait aussi, son Ă©nergie l'aidant enfin Ă faire un meilleur soin. D'autres chants lui revinrent en mĂ©moire, il les rĂ©cita aussi avec autant d'efforts pour que ça marche aussi bien que sur lui.
« FĂ©lix⊠il ne prit mĂȘme pas le temps de reconnaitre Ă qui appartenait cette voix. Il faut que tu tâarrĂȘtes⊠Tu saignes toi aussiâŠ
â La ferme ! Tu me dĂ©concentres ! DĂ©gage ! »
Plus personne ne vient le déranger.
Et celui qui tentait de lâarrĂȘter ou dâutiliser le sort « silence » signait son arrĂȘt de mort.
FĂ©lix n'avait aucune idĂ©e de combien de temps il s'Ă©tait acharnĂ© ainsi, ni si cela servait Ă quoi que ce soit, ou s'il rĂȘvait les respirations sous ses doigts. Il n'en avait aucune idĂ©e et il sâen moquait, refusant d'arrĂȘter tant qu'il ne s'effondrait pas, et personne ne pourrait l'en empĂȘcher ! Le vieux n'allait pas mourir comme ça ! Jamais ! Faudrait le tuer d'abord !
« Ne laisse pas Alix tout seul ! Il va claquer aussi sans toi ! Vous ĂȘtes de tellement de vrais jumeaux que ça vous fait mal quand vous ĂȘtes trop loin lâun de lâautre ! Tu ne vas pas lui faire ça ! Tu ne vas pas me laisser comme ça ! »
« Je tâinterdis de crever⊠tu mâentends ? Je tâinterdis de crever comme çaâŠ
â FĂ©lixâŠ
Il sâarrĂȘta en entendant son nom murmurer dans un souffle. Relevant les yeux de sa tĂąche, il rencontra ceux mi-ouverts de Rodrigue, le fixant comme sâil nâĂ©tait pas lui-mĂȘme en train de se vider de son sang aprĂšs sâĂȘtre jetĂ© sous un couteau pour protĂ©ger Dimitri. Pourtant, mĂȘme si ce dernier le tenait et quâil aurait Ă©tĂ© plus facile pour lui de le regarder, il ne semblait le voir que lui, que FĂ©lix alors que sa main se levait, son doigt tremblant se posant sur sa joue, essuyant une larme dont le jeune homme aurait pu jurer quâelle nâexistait pas.
â Ne pleure pas louveteau⊠ça va allerâŠ
â La fermeâŠÂ » grogna-t-il en rĂ©cupĂ©rant sa main, pour la porter Ă la place de cet idiot qui gaspillait ce qui lui restait de force pour un geste aussi ridicule, sans prendre la peine Ă relever ce surnom puĂ©ril et ridicule qui lui rĂ©chauffait pourtant le cĆur. « Occupe-toi de toi pour une fois.
Les yeux de son pĂšre se refermĂšrent mais, le sang ne coulait plus de la plaie, et ses respirations Ă©taient plus rĂ©guliĂšres que tout Ă lâheure, son air plus serein. FĂ©lix sentit alors les mains douces de Mercedes se poser sur ses Ă©paules, le tirant lĂ©gĂšrement en arriĂšre pour lâempĂȘcher de recommencer alors quâelle lui assurait avec sa voix calme.
â Il est hors de danger FĂ©lix. Tu lâas sauvĂ©. »
Ces mots Ă©taient tout ce quâil voulait entendre. Le vieux Ă©tait en vie, câĂ©tait le principal. Il sentit alors sa propre douleur et Ă©puisement le foudroyer, son corps protestant quâil lâait vidĂ© de ses forces alors quâil sentait le sang couler de sa marque dans son dos. Le monde se mit Ă tourner, et il sombra lui-mĂȘme dans les tĂ©nĂšbres du sommeil, sâaccrochant Ă la magie quâil sentait dans la main quâil tenait, alors que sa tĂȘte tombait sur les genoux de son pĂšre.
« LouveteauâŠÂ » un bisou tout doux sur ses cheveux, une voix rassurante, une Ă©treinte toute chaude⊠« Ăa va aller⊠il est parti le vilain cauchemar⊠tu es en sĂ©curitĂ© ici⊠nous sommes tous lĂ âŠÂ »
« Papa ? PapaâŠÂ »
Il enfouit son visage dans la chaleur de son pĂšre qui sâĂ©tait mis Ă fredonner une berceuse apaisante, Ă nouveau tout petit, assez pour se rouler en boule sur ses genoux et se presser contre sa poitrine, bien au chaud dans ses bras et sa cape⊠Rodrigue Ă©tait si rassurantâŠ
FĂ©lix sentait Alix poser une couverture sur ses Ă©paules, puis se joindre Ă son frĂšre, lâaccompagnant de sa voix toute identique Ă celle de son jumeau. Glenn Ă©tait lĂ aussi, Ă cĂŽtĂ© de lui, chantant avec eux⊠comme quand il Ă©tait encore enfant, et que toute leur famille se rĂ©unissait autour du feu lors des longues soirĂ©es dâhiver pour passer le temps ensemble⊠le benjamin sâassoupissait tout le temps avant tout le monde et quand il faisait un cauchemar, il se rĂ©fugiait toujours dans les bras de Rodrigue qui se mettait Ă chanter avec Alix et Glenn, leurs belles voix Ă©loignant tous les mauvais rĂȘves du monde et le faisant dormir jusquâau matinâŠ
Comme Ă lâĂ©poque, il sâendormit dans son Ă©treinte sans craindre le danger ou les cauchemars, protĂ©gĂ© par tout lâamour de sa famille et de son pĂšre.
*
Comme un Ă©clair de rĂ©el, le poids du corps du jeune loup noir tomba sur ses genoux, rejoignant le poids blessĂ© de son pĂšre dont il tenait la patte. Il Ă©tait froid⊠ils Ă©taient froids⊠ils Ă©taient si froid⊠comme de lâeau lentement piĂ©gĂ© par le gel et transformĂ© en glace jusquâĂ ce quâil ne reste plus rien de liquide vif, juste un bloc inerte⊠commeâŠ
« FĂ©lix⊠Rodrigue⊠je tâen supplie Mercedes ! Sauve-les ! Sauve-les de la mort ! »
*
Ingrid et Sylvain attendaient nerveusement devant la tente de Mercedes, veillant sur Rodrigue alors que Flayn sâoccupait de lui, profondĂ©ment endormi malgrĂ© un sommeil trĂšs agitĂ©. Leur guĂ©risseuse et Manuela essayaient de maintenir FĂ©lix en vie. La surcharge de magie avait provoquĂ© une grave hĂ©morragie interne, une partie de ses veines avait explosĂ© sous la pression et lâeffort alors, câĂ©tait Ă son tour de se balancer entre la vie et la mort.
« Pourquoi câest aussi long ? Marmonna Ingrid, lâinquiĂ©tude lui faisant perdre toute sa patience pourtant lĂ©gendaire. Elles devraient dĂ©jĂ avoir fini !
â Il a donnĂ© Ă©normĂ©ment dâĂ©nergie Ă Rodrigue pour lui sauver la vie. Mieux vaut quâelle prenne le temps quâil faut pour ĂȘtre sĂ»r quâil nây a plus rien, lui rappela Sylvain, mĂȘme si ses yeux fixaient le rabat de tissu servant de porte Ă la salle dâopĂ©ration improvisĂ©e sans dĂ©vier, comme sâil voulait voir Ă travers.
â En plus, je suis sĂ»re quâil va sâen sortir ! Ajouta Flayn avec son optimisme habituel. FĂ©lix ne se laissera pas mourir comme ça, et Mercedes et Manuela sont toutes les deux dâexcellentes guĂ©risseuses ! Tout va bien se passer !
â On espĂšre⊠rĂ©pondirent-ils tous les deux.
â AprĂšs tout⊠il vient dâaccomplir un vĂ©ritable miracle⊠le seigneur Rodrigue est hors de danger Ă prĂ©sent mais, la lame Ă©tait empoisonnĂ©e et elle a perforĂ© plusieurs organes vitaux⊠FĂ©lix serait arrivĂ© une seconde plus tard et il nâaurait pas eu Aegis pour ralentir lâhĂ©morragie, jâai bien peur que⊠Flayn se tut, tous Ă©tant trop conscients de ce qui avait failli se produire. Câest un vrai miracle⊠tout comme le fait quâelle ne soit pas arrivĂ©e Ă tuer Dimitri sur le coup⊠heureusement que son armure lâa protĂ©gĂ© et a dĂ©viĂ© la lame⊠elle lâa blessĂ© Ă cause dâun endroit cassĂ© mais au final, plus de peur que de mal, mĂȘme sâil devra surement rester aussi en convalescence. Elle aurait frappĂ© justeâŠ
â Dimitri lâaurait laissĂ©e le tuer⊠câĂ©tait un suicide, pas un assassinat⊠souffla Sylvain, Ă peine audible. Cette gosse ne savait surement pas mais, il a profitĂ© de la premiĂšre occasion quâon lui offrait de se faire tuer, surtout quâelle voulait aussi se venger⊠câĂ©tait presque dâune ironie sans nom quâil soit tuĂ© par quelquâun qui voulait se venger de lui, alors que lui-mĂȘme a surement tuĂ© le frĂšre de cette gamine pour se venger⊠la boucle est bouclĂ©eâŠ
â Hum⊠je dĂ©teste le reconnaitre mais, tu nâas pas tort⊠je me dis presque quâon a eu de la chance quâil ne prenne pas sa lance pour le faire lui-mĂȘme avant⊠je crois que câest Ă cause des voix quâil entend quâil ne lâa pas fait⊠pour une fois, elles ont servi, mĂȘme si elles lâenfoncent en lui disant de le venger, alors quâils ne lui demanderaient jamais ça. Glenn ne dirait jamais de choses aussi cruels Ă Dimitri⊠il Ă©tait trĂšs critique envers Lambert et je crois mĂȘme quâil le mĂ©prisait, reconnut-elle avant dâajouter, mais pas Dimitri. Il lâadorait et voulait le servir lui car, il mĂ©ritait son dĂ©vouement. Jamais il ne lui dirait des choses pareils.
â Et s'il arrive quoi que ce soit Ă FĂ©lix ou Rodrigue⊠mĂȘme avec les mots de Rodrigue, sa maladie risque de les lui montrer rejoindre les rangs de ses hallucinations⊠marmonna le cavalier.
â Je nâespĂšre pas, mĂȘme si avec ce genre de mal, il est dur de prĂ©dire comment cela Ă©voluera, confirma Flayn, mĂȘme si elle ajouta avec plus dâoptimisme. Par contre, Dimitri a suppliĂ© quâon les sauve, et il sâest rendu compte tout de suite de ce qui Ă©tait vrai ou non. Il a su tout de suite que ce qui se passait devant ses yeux Ă©taient matĂ©riels et ce quâil fallait prioriser. Ses hallucinations sont aussi rĂ©elles pour Dimitri mais, il a su ne pas les Ă©couter pour se concentrer sur ce qui Ă©tait devant lui alors quâĂ lâinstant dâavant, elles lui hurlaient de poursuivre Eldegard pour la tuer. Il a pourtant rencontrĂ© des difficultĂ©s Ă savoir si la Professeure et Dedue Ă©taient rĂ©els ou non mais lĂ , il a tout de suite su que lâĂ©puisement de FĂ©lix Ă©tait rĂ©el et il a agi en consĂ©quence. Je pense que câest un bon signe, sourit-elle.
Les deux cavaliers hochĂšrent un peu la tĂȘte, prenant un peu de sa positivitĂ© pour eux.
â Fraldarius lui a sauvĂ© la vie mais, il a survĂ©cu pendant deux mois Ă des brĂ»lures magiques avant que lâeau du lac ne les fasse disparaitre, dĂ©clara le rouquin, une vieille Ă©caille sarcelle entre ses doigts. Il survivra encore.
â Oui. Sâil doit avoir une seule chose qui dĂ©finit FĂ©lix, câest quâil est horriblement tĂȘtu et obstinĂ©, il ne va pas se laisser mourir comme ça. Il rendrait la Mort folle en tentant de revenir dans son corps par tous les moyens, arriva Ă sourire un peu Ingrid malgrĂ© tout.
Flayn sourit aussi alors quâelle finissait dâausculter la blessure de Rodrigue, avant de sâen aller quand on lâappela pour soigner le coup de masse Ă la jambe dâHapi. Les deux cavaliers nâĂ©taient pas trop blessĂ©s et ils avaient dĂ©jĂ aidĂ© Ă soigner les Ă©clopĂ©s quâils pouvaient alors, ils restĂšrent devant la tente Ă attendre la fin de lâopĂ©ration.
Quand la pluie commença Ă tomber, ils prirent cela comme une sorte de soulagement. La magie de Fraldarius Ă©tait liĂ©e Ă lâeau, une atmosphĂšre humide renforcerait peut-ĂȘtre ce qui en restait pour ses miracles⊠ils attendirent encore, enfoncĂ©s sous une couverture et serrant leur propre Relique contre leur poitrine, cherchant lâĂ©nergie rassurante de leur ancĂȘtre Ă lâintĂ©rieur malgrĂ© tout.
Aucun des deux ne savait depuis combien de temps ils attendaient que ce foutu rabat se soulĂšve, quand ils virent une ombre bleu et noir surmontĂ© de blond glisser sous les gouttes en direction de la porte du camp. Devinant qui sâĂ©tait sans problĂšme, Ingrid laissa Sylvain continuer Ă attendre les nouvelles pour le suivre, lui criant quand elle le rejoignit Ă la sortie du camp.
« Eh ! Dimitri !
Son ami sâarrĂȘta, pivota la tĂȘte, son Ćil unique la regardant sans la voir. Il ressemblait encore plus Ă un fantĂŽme Ă cheval entre deux mondes maintenant. Avec la pluie qui collait tout au corps, on ne pouvait que voir que Dimitri Ă©tait dĂ©charnĂ©, fait que de muscle, de peau et dâos. Il mangeait Ă peine et ses amis d'enfance Ă©taient sĂ»rs qu'ils se nourrirait encore moins, s'il n'en avait pas besoin pour survivre. Il Ă©tait un vĂ©ritable squelette, ne prenait pas soin de lui au point quâil devait ĂȘtre infestĂ© de vermine, refusant de sâoccuper de lui-mĂȘme en prĂ©tendant quâil nâen avait pas besoin et nâĂ©tait pas digne de tels soins, ce nâĂ©tait pas nĂ©cessaire Ă sa mission.
Quand il la reconnut, Dimitri se tourna complĂštement vers elle, la regarda avec son Ćil vide, bougeant mĂ©caniquement, le visage perdu dans lâombre et les illusions. Elle nâosait mĂȘme pas imaginer quelles horreurs pouvaient se jouer devant son regard et quelles demandes odieuses il entendaitâŠ
â Que veux-tu ? Demanda-t-il de sa voix caverneuse, dĂ©pourvu de toute la vie quâil avait pu y avoir autrefois.
â OĂč est-ce que tu vas comme ça ? Alla droit au but Ingrid, ne voulant pas perdre de temps pour savoir ce qu'il avait en tĂȘte.
â Cela ne te regarde pas, rĂ©torqua-t-il.
â Si. Ăa te concerne donc, ça nous regarde tous. En plus, tu es blessĂ©, tu ne devrais mĂȘme pas bouger, rĂ©pliqua-t-elle immĂ©diatement dâun ton sĂ©vĂšre. OĂč tu vas Dimitri ? Et rĂ©ponds cette fois !
Bon, finalement, ce serait elle qui tuerait le blond pour ĂȘtre toujours aussi horriblement tĂȘtu quand il avait une idĂ©e en tĂȘte. Ils partageaient ce mĂȘme dĂ©faut tous les quatre mais lĂ , câĂ©tait particuliĂšrement insupportable !
â Tu vas Ă Embarr, nâest-ce pas ? Devina la chevaliĂšre devant son silence. Câest pour ça que tu tâes faufilĂ© comme ça hors du camp sans quâon te voie ? Tu voulais y aller tout seul sans que personne ne te suive ? Et bien, câest hors de question ! Dâun, tâes blessĂ© quand mĂȘme ! Câest moins grave que ça aurait pu lâĂȘtre mais, tu tâes pris un couteau empoisonnĂ© je te rappelle ! De deux, tu vas te faire tuer si tu y vas tout seul et ça, câest hors de question ! Et tu nây vas pas car de trois, personne nâest en Ă©tat de suivre ! Surtout pas Rodrigue et FĂ©lix ! FĂ©lix se bat encore pour sa vie et Rodrigue en a rĂ©chapper de peu ! Tu crois que câest ce quâils voudraient ? Que tu jettes ta vie alors que Rodrigue a tout fait pour te sauver, puis FĂ©lix a tout fait pour sauver son pĂšre quitte Ă sâen mettre en danger lui-mĂȘme ? Et ce que voudrait vraiment Glenn ? Il adorait sa famille plus que tout, il ne voudrait jamais ça ! Est-ce que tu crois que câest ce que veulent vraiment les morts ?! SâĂ©nerva-t-elle. Je ne pense pas moi ! Personne ne veut ça ! Autant les morts que les vivants !
â Silence ! » SâĂ©cria-t-il, visiblement furieux que ce soit elle qui ait invoquĂ© les morts cette fois mais bon, Ingrid ne le craignait pas. MĂȘme dans cet Ă©tat, Dimitri ne leur ferait jamais aucun mal et il le savait autant quâeux tous. « Tu ne sais pas de quoi tu parles IngridâŠ
â Bien sĂ»r que si ! Lui renvoya-t-elle dans la figure sans le laisser finir, les plumes autour de son Ćil et de son oreille droite sâhĂ©rissant de frustration. Câest toi qui tâes mis martel en tĂȘte et qui ne veut pas changer dâavis ! Et pourquoi tu veux tant aller Ă Embarr ? Ce serait du suicide et tu le sais ! Si je ne sais pas de quoi je parle, dâaccord mais, explique-moi pour que je comprenne un peu !
â La mort est la fin⊠commença-t-il dâune voix caverneuse, lui parlant sans vraiment lui parler, regardant par-dessus son Ă©paule oĂč devait se trouver des morts. Quâimportent tous nos regrets, nous sommes impuissants une fois morts. Incapables de souhaiter la moindre vengeance, et encore moins de lâassouvir. La haine. Les regrets. Il revient aux vivants dâhĂ©riter de la volontĂ© des morts. Je dois poursuivre dans cette voie. Je vous lâai dĂ©jĂ dit. Il est trop tard pour revenir en arriĂšre.
â Pas forcĂ©ment, et tu crois vraiment que câest ce que les morts voudraient ? Les personnes quâon a connues ? Vraiment ? Dâaccord, une fois mort, tu ne peux plus rien faire et les vivants doivent parfois poursuivre ce quâils voulaient faire sans avoir le temps de les achever eux-mĂȘmes, on est dâaccord mais, tu crois quâil demande tous vengeance ? Quâils te demandent tous vengeance ? Ce nâest pas ce que Lambert voudrait pour toi, ni Glenn, ni Nicola, ni Patricia, ni FrĂ©dĂ©rique⊠ni personne. Et tu peux revenir en arriĂšre mais, il faut que tu acceptes de le faire en premier lieu⊠je⊠je sais que câest difficile, quand on a pris une mauvaise voie de revenir en arriĂšre et de comprendre quâon sâest trompĂ©, admit Ingrid, repensant Ă toutes ses annĂ©es aprĂšs Duscur et aux horreurs quâelle avait dites et pensĂ©es envers ce pays et ses habitants en croyant pleurer ses morts et avoir sa vengeance, autant pour son grand frĂšre FrĂ©dĂ©rique que pour Glenn. Mais tu peux toujours faire marche arriĂšreâŠ
â Nâessaye mĂȘme pas de me dire que je dois vivre en allant de lâavant pour honorer leur mĂ©moire ou quelque ineptie de ce goĂ»t, rĂ©torqua-t-il avec un sourire, ayant presque pitiĂ© d'elle en entendant ses mots quâil devait trouver trop naĂŻf. Ce ne sont que de belles paroles, la logique des vivants. Ceux qui sont morts pleins de regrets⊠ne me laisseront aucun repos.
â Vraiment ? Jâai des doutes les connaissant ! Et pour FĂ©lix et Rodrigue ? Leurs avis et leurs actions, ça ne compte pas ? Car eux, ce quâils veulent, câest clair et net ! Et ils ne veulent pas te voir ou voir quelquâun dâautre mort ! Rodrigue ne veut pas ta mort et FĂ©lix a enfin assumĂ© quâil aime son pĂšre et ne veut pas le perdre ! Et ça, on lâa tous vu ! MĂȘme toi tu le sais ! Quâest-ce que tu en fais dâeux ? Leurs avis ne comptent pas car ils sont vivants ? Tu sais bien que FĂ©lix ne se le pardonnera jamais si tu meures et Rodrigue aussi ! Encore plus aprĂšs avoir mis leur vie en jeu pour Ă©viter un mort de plus ! ça, ça leur ressemble vraiment ! Pas comme ton Glenn qui veut juste tuer tout le monde alors quâil nâĂ©tait jamais comme ça de son vivant ! Quâest-ce que tu vas leur dire quand tu te seras Ă nouveau fait trouer la peau ? Que câĂ©tait ce que demandait Glenn ? Ils ne comprendraient surement rien Ă raison !
â Ne les implique pas lĂ -dedans ! Refusa Dimitri. Tu ne sais vraiment pas de quoi tu parles ! Il faut queâŠ
â Oh que si ! Le coupa Ingrid. Je sais de quoi je parle ! Alors, tu vas me faire le plaisir de me suivre, de te reposer car tâas rien Ă faire debout, de veiller Ă ce que Rodrigue nâait besoin de rien avec nous, et dâattendre avec nous que FĂ©lix sorte vivant de cette foutue tente ! Ordonna-t-elle. Et il nây a pas de mais qui tienne ! Tâattend avec Sylvain et moi ! Ne me force pas Ă te trainer par les pieds jusquâĂ lĂ -bas ! Je lâai fait avant, je recommencerais en appelant des renforts sâil le faut !
â ArrĂȘte de parler de ça ! Nous ne sommes plus des enfants ! CâestâŠ
â Alors ne te comporte pas comme un qui fait une fixation sur ce quâil veut ! Lui hurla-t-elle presque dessus. Donc, tu me suis ou je te traine, tu choisis ! Et moi aussi, je suis pressĂ©e car, Mercedes et Manuela vont bientĂŽt sortir !
Elle ne sut pas trop par quel miracle quand aprĂšs une longue minute dâattente tendue, Dimitri accepta de la suivre, glissant avec elle dans le camp pour retourner aux cĂŽtĂ©s de Sylvain, qui leur dit que les deux guĂ©risseuses travaillaient encore. Rodrigue dormait toujours et heureusement, son Ă©tat semblait stable, Flayn ayant fini aussi par retourner Ă sa tente avec Seteth qui dormait Ă©galement, se remettant dâune flĂšche prise dans sa jambe. Ils se posĂšrent tous les trois sur des caisses sous le rabat tendu de la tente, sâenroulĂšrent Ă nouveau dans une couverture pour se protĂ©ger du froid, les deux cavaliers en passant un pan de la leur sur les Ă©paules du blond quand il refusa dâen mettre une malgrĂ© le froid. Enfin, ils attendirent en silence le verdict des guĂ©risseuses.
Au bout dâun moment, alors que la pleine lune se levait en chassant les nuages dans le ciel, le pan de tissu finit enfin par se soulever, rĂ©vĂ©lant Manuala ainsi que Mercedes qui rangeait leur tente dâopĂ©ration. Elle semblait Ă©puisĂ©e, son teint Ă©tait cireux et des cernes creusaient ses yeux mais, un grand sourire illuminait son visage quand elle leur annonça, radieuse.
« Nous avons rĂ©ussi Ă stopper lâhĂ©morragie. Sa vie nâest plus en danger. Il lui faudra Ă©normĂ©ment de repos et une longue convalescence mais, il va sâen sortir. »
Ingrid et Sylvain sourirent de soulagement et de bonheur Ă cette nouvelle, se retenant dâhurler de joie tellement ils Ă©taient heureux et soulagĂ©s. FĂ©lix allait vivre ! Il allait vivre ! Par rĂ©flexe, Ingrid se tourna vers Rodrigue toujours endormi, lui annonçant encore la bonne nouvelle de peur quâil nâait pas entendu, Dimitri la suivant de son unique Ćil.
« Félix vit Seigneur Rodrigue, il vit ! Il vit ! »
Elle sentit lâombre immobile du blond frĂ©mir en voyant un petit sourire soulagĂ© se dessiner sur les lĂšvres du pĂšre. Il semblait toujours entendre quand il Ă©tait inconscient, comme ses fils. Dimitri se tourna alors vers la mĂ©decin, son filet de voix faible ressemblant plus Ă une supplique quâĂ un ordre ou une demande.
â Peut-on le voir ?
â Bien sĂ»r mais, restez silencieux et ne le bouger surtout pas, il a besoin dâĂ©normĂ©ment de repos et cela risque de rouvrir ses plaies sâil bouge.
Sans un mot, Dimitri se leva, dĂ©passa le rossignol, et avança en silence dans la piĂšce de tissu. Le loup dormait sur le ventre, son dos sans chemise recouvert de bandage, mĂȘme si la marque dâĂ©caille flĂ©tri dĂ©passait toujours, scintillant faiblement Ă la lumiĂšre du sort de feu. Il Ă©tait immobile, comme inerte.
â Il ne bouge pas⊠fit-il remarquer.
â Câest normal, il a besoin de repos, lui assura Mercedes, avant dâajouter aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chit une seconde. Peux-tu me confier ta main Dimitri ? Promis, je ne ferais rien dâextraordinaire avec, ronronna-t-elle.
AprĂšs une seconde dâhĂ©sitation, il lui confia. Elle le fit tendre le bras jusquâĂ la gorge pale, posant dĂ©licatement ses doigts sur le pouls de son patient.
Il battait. Vite, trĂšs vite mĂȘme mais, il battait.
MĂȘme sâil Ă©tait complĂštement inerte et avait frĂŽlĂ© la mort, vidĂ© de ses forces, son pouls Ă©tait encore lĂ .
â Son cĆur continue toujours de battre. FĂ©lix continue toujours Ă se battre. Il est encore en vie, jura-t-elle en le relĂąchant, mĂȘme si Dimitri ne bougea pas, incapable de se dĂ©tacher de ce rythme si rĂ©gulier.
Elle finit de nettoyer et de ranger leur matériel avant de lui assurer, un sourire sur son museau de chat tout doux et moelleux quand elle le vit regarder fixement Félix sans un mot.
â Il est hors de danger et il va vivre, ne tâen fais pas Dimitri. Si tu veux lui dire un mot⊠je suis sĂ»re quâil sera trĂšs content de tâentendre.
Comme si la rĂ©alisation le frappait enfin, le monstre ne put sâempĂȘcher de de soupirer de soulagement, ses Ă©paules se relĂąchant pour la premiĂšre fois depuis quâil avait retrouvĂ© lâarmĂ©e du Royaume, une seule pensĂ©e en tĂȘte.
â Ne recommence pas.
Ă la porte de la tente, Ingrid et Sylvain prirent cette phrase comme une immense victoire.
*
Le retour Ă Garreg Mach fut un peu pĂ©rilleux mais, les grands blessĂ©s survivraient sans trop de problĂšme. La DĂ©esse soit louĂ©e, Dimitri avait ordonnĂ© avec Byleth de retourner au monastĂšre plutĂŽt que de poursuivre Eldegard, surement parce quâil ne voulait pas risquer la vie des Fraldarius dans la manĆuvre. Mercedes devait avouer que cela la soulageait beaucoup. GrĂące Ă FĂ©lix, la blessure du Seigneur Rodrigue sâĂ©tait refermĂ©e correctement mais, il avait tout de mĂȘme perdu beaucoup de sang et le poison sur la lame pouvait ĂȘtre restĂ© dans son organisme alors, mieux valait rester prudent, surtout que plusieurs organes avaient Ă©tĂ© touchĂ©s. De plus, le systĂšme digestif Ă©tait trĂšs fragile, ils ne devaient pas relĂącher leur vigilance. De mĂȘme, son fils Ă©tait complĂštement vidĂ© de ses forces Ă cause de lâeffort de soigner son pĂšre. Il Ă©tait un magicien douĂ©, et la guĂ©risseuse sentait quâil avait dĂ» beaucoup la pratiquĂ© Ă un moment donnĂ© Ă cause de toute la magie dans son corps mais, il avait perdu lâhabitude dâen utiliser autant dâun coup, et nâimporte qui se serait effondrĂ© aprĂšs un tel tour de force. Sans lâintervention dâAegis et du Seigneur Fraldarius, il y aurait des chances pour queâŠ
« Mieux vaut ne pas y penser⊠songea-t-elle. Le principal, câest que tant quâon sâoccupe dâeux, leur vie est hors de dangerâŠÂ »
Elle terminait de sâoccuper du duc avec Annette et partait rejoindre Ingrid et Sylvain qui restaient au chevet de FĂ©lix pour sâassurer quâil se reposait, quand elle entendit le bruit de quelque chose qui tombait par terre. Elles se retournĂšrent et virent le duc Ă moitiĂ© dĂ©couchĂ©, le haut de son corps pendant depuis son matelas alors quâil cherchait difficilement un appui pour tenter de se lever. Elles se prĂ©cipitĂšrent pour le recoucher, le blessĂ© devant le moins bouger possible.
« Non⊠bafouilla-t-il, Ă moitiĂ© inconscient. Mon fils⊠il pleure⊠je dois⊠mâen occuperâŠ
Les deux jeunes femmes Ă©changĂšrent un regard, avant que Mercedes ne lui assure avec sa voix toute douce, posant sa main sur ses yeux avec un sort pour le rendormir.
â Il va bien, ne vous en faites pas, nous nous occupons de lui.
â Oui ! Il est ressorti de la bataille presque sans blessure ! Il faut juste quâil se repose ! Ajouta Annette avec plus dâĂ©nergie et dâenthousiasme, mĂȘme si elle mentait par omission, ne voulant pas lâinquiĂ©ter.
â ⊠prenez soin de mon louveteau⊠souffla lâhomme avant de sombrer Ă nouveau dans le sommeil.
â Câest promis Seigneur Rodrigue, câest promis, souffla-t-elle en le remettant correctement le drap autour de lui.
â Salut vous deux, livraison de repas ! Annonça Caspar en ouvrant la porte sans sâannoncer, comme toujours, deux bols de soupe et deux miches de pain noir sur son plateau. Vous devez avoir faim en plus ! Vous avez pas fait de pause depuis quâon est rentrĂ©s non ?
â Oui ! Merci Caspar ! On mangera tout ça aprĂšs quâon se soit occupĂ©es de FĂ©lix ! RĂ©pondit Annette en se lavant les mains.
â Merci beaucoup Caspar, câest trĂšs gentil, sourit Mercedes en le dĂ©barrassant. Comment va ton Ă©paule ?
â Bien, tâinquiĂšte, câest tout bon ! Linhardt lâavait soignĂ© et recousu en deux temps trois mouvements. Au fait, jâai croisĂ© Marianne, elle a fini de sâoccuper de Dimitri et elle va aider les autres guĂ©risseurs. Elle a dit quâil Ă©tait trĂšs calme mais, il ne bougeait pratiquement pas Ă part si on lui ordonnait. Il parlait aussi de mots ou quelque chose comme ça. Enfin, il suit les instructions de Marianne et se repose, Dedue est avec lui.
â Hum⊠dâaccord, il est toujours assez doux avec elle, et mĂȘme sâil a tendance Ă ĂȘtre surprotecteur, il lâĂ©coutera surement, surtout si Dedue lui dit aussi », soupira un peu de soulagement Mercedes. MĂȘme si elle faisait des renforts envoyĂ©s par Claude en signe dâamitiĂ© et de bonne volontĂ©, et malgrĂ© le fait quâHubert avait tentĂ© de semer la zizanie entre eux Ă Gronder, la prĂ©sence de Marianne Ă leur cĂŽtĂ© Ă©tait une bĂ©nĂ©diction quand le prince Ă©tait blessĂ©, tout comme celle de Dedue depuis son retour. Il sâĂ©tait aussi mis Ă Ă©couter Ingrid et Sylvain quand ils sâagissaient des Fraldarius ou de lui-mĂȘme alors, elle prenait aussi ça comme un signe de victoire contre sa maladie. « Bien, trouvons quelquâun pour le surveiller au-cas oĂč il tenterait de se relever et ensuite, allons-nous occuper de FĂ©lix, dâaccord Annie ?
â Oui, ce sera plus prudent ! Dis Caspar ? Tu peux⊠commença la magicienne avant de se reprendre tristement. Enfin, je ne suis pas sĂ»r que Son Altesse accepte de laisser un adrestien veiller sur le Seigneur RodrigueâŠ
â Je crois pas quâil mâait Ă la bonne non plus⊠marmonna-t-il. Il est mĂȘme mĂ©fiant avec Linhardt pour dire alors, quelquâun comme moi⊠dĂ©solĂ© les filles mais, il va falloir trouvĂ© quelquâun dâautreâŠ
â Oui⊠Dedue veille sur Dimitri, Ashe est blessĂ© Ă la jambe⊠peut-ĂȘtre que RaphaĂ«l pourrait, il sâentendait bien avec Son Altesse Ă lâacadĂ©mieâŠ
La porte sâouvrit sur ses mots, dĂ©voilant Ingrid, suivit de Sylvain qui portait FĂ©lix dans ses bras, ce dernier serrant Aegis contre sa poitrine. La lumiĂšre du bouclier Ă©tait bien plus faible que dâhabitude quand câĂ©tait lâĂ©pĂ©iste qui le maniait, en reflet Ă sa perte colossale dâĂ©nergie mais, il restait toujours une lueur de vie dans ses mains, semblable Ă une onde fraiche et vive.
â Excusez-nous de le dĂ©placer comme ça mais, on pense quâil sera mieux ici avec Rodrigue, dĂ©clara la chevaliĂšre alors que Sylvain couchait leur ami dâenfance dans le deuxiĂšme lit. Il nâarrĂȘte pas de bouger et de parler dans son sommeil alors, on se demande sâil ne sâinquiĂšte pas pour son pĂšre.
â Vraiment ? Je croyais quâil ne pouvait pas le saquer ? Fit remarquer Caspar, Ă©tonnĂ©. Bon, il lâa sauvĂ© mais, câest pas son genre de laisser les gens mourir je crois donc, je pensais quâil ne lâaimait pas beaucoup.
â Il fait bien semblant mais, si tu le connais, tu voies quâil tient encore beaucoup Ă lui, mĂȘme sâils se sont disputĂ©s, assura Sylvain avec sĂ©rieux. Quand on Ă©tait petits, il Ă©tait toujours collĂ© Ă Rodrigue et mĂȘme quand il rejetait sa famille en bloc, câĂ©tait Ă©crit sur sa figure quâil lâaimait encore. Juste⊠il nâassumait plus quâil tenait Ă son pĂšre pour faire simple.
â Oui, faut juste parler le FĂ©lix pour comprendre et depuis le temps, on sait dĂ©coder ce quâil raconte, ajouta Ingrid. Enfin, il nâassume pas aprĂšs sâĂȘtre Ă©puisĂ© Ă ce point pour le sauver, il va mâentendre ! Et de toute façon, personne ne le croira donc, il va falloir quâil se regarde en face et arrĂȘte de se mentir au bout dâun moment.
Sylvain ne put sâempĂȘcher de rire devant ses affirmations, avant de laisser Mercedes ausculter lâĂ©pĂ©iste pour vĂ©rifier que ses blessures ne sâĂ©taient pas rouvertes, notamment sa grande marque dâĂ©cailles dans son dos. Heureusement que Manuela et Mercedes Ă©taient avec eux, elles lâavaient surement arrachĂ© de peu Ă la mort, mais sa marque semblait plus enfoncĂ©e dans son dos, ancrĂ©e plus profondĂ©ment et lĂ©gĂšrement flĂ©trie, comme si on avait absorbĂ© quelque chose de lâintĂ©rieur dâelle. Enfin bon, câĂ©tait le signe de la bĂ©nĂ©diction de Fraldarius, cela ne devait pas ĂȘtre quelque chose de trĂšs rationnel.
â Hum⊠elle semble toujours assĂ©chĂ©e⊠ou plutĂŽt vide, commenta la guĂ©risseuse en allant chercher de quoi tenter de lâhydrater.
â Fraldarius est liĂ© Ă lâeau, et il a surement utilisĂ© une partie de lâĂ©nergie quâil lui a donnĂ© pour sauver Rodrigue alors, câest peut-ĂȘtre pour ça ? Proposa Sylvain.
â Vous avez des trucs bizarres qui apparaissent sur votre corps quand vos ancĂȘtres vous sauvent la vie, câest ça ? Leur demanda Caspar, un peu moins au courant de tout ça que les guĂ©risseuses. Comme avec les plumes qui sont apparues sur ton visage et ton oreille aprĂšs la bataille d'Ailell Ingrid ?
â Oui, tu as saisi lâidĂ©e, dĂ©clara-t-elle en passant sa main sur la petite aigrette de plumes tout autour de son oreille droite et qui descendait jusquâautour de son Ćil, son lobe aussi Ă©tant partiellement emplumĂ© aprĂšs un mauvais coup dâĂ©pĂ©e Ă la tĂȘte, il sâen Ă©tait fallu de peu dâarriver sur les terres de Daphnel Ă temps. Pour FĂ©lix, câest beaucoup plus vieux, on Ă©tait encore enfants alors, peut-ĂȘtre quâil y avait moins dâĂ©nergie en lui ? En plus, normalement, il faut ĂȘtre sur les terres du Braves en plus de sa Relique pour que ça marche donc, il a surement dĂ» utiliser plus de son Ă©nergie Ă lui que de celle de Fraldarius.
â Peut-ĂȘtre, mĂȘme si la prĂ©sence rĂ©siduelle de son ancĂȘtre pourrait expliquer pourquoi ses veines ont aussi bien tenus le choc, bien quâelles aient fini par exploser sous la pression de sa magie. Celle de Fraldarius qui reste dans Aegis a dĂ» aider aussi, analysa Annette. MĂȘme pour un guĂ©risseur expĂ©rimentĂ© avec une relique ou lâemblĂšme de Lamine ou de Sainte Cetheleann, câest trĂšs compliquĂ© et dangereux de mobiliser autant dâĂ©nergie dâun coup.
â Dangereux comment ? Comme⊠quoi ? Il nâaurait pas eu lâaide de Fraldarius ou sa marque ou sa Relique ou un mĂ©lange de tout ça, il se serait passĂ© quoi sâil sâĂ©tait acharnĂ© comme ça pour sauver le seigneur Rodrigue ? Demanda le combattant en mĂȘlĂ©e.
Un silence trĂšs lourd de sens sâinstalla dans la petite piĂšce, personne nâosant rĂ©pondre. Seule Mercedes eut le courage de le faire une fois quâelle eut fini dâausculter lâĂ©pĂ©iste et de lui donner Ă boire pour quâil ne se dĂ©shydrate pas.
â Ils seraient sans doute morts tous les deux⊠la blessure du Seigneur Rodrigue Ă©tait mortelle mĂȘme avec de la magie, sauf Ă ĂȘtre Lamine en personne et lâeffort aurait Ă©tĂ© trop important pour le corps de FĂ©lix. Ce ne serait pas une premiĂšre quâun guĂ©risseur meure Ă sâĂȘtre trop entĂȘtĂ©. MĂȘme maintenant, sa convalescence va ĂȘtre longue avant quâil puisse juste retrouver assez de force pour bouger seul, et il risque de ne plus pouvoir utiliser la magie de sa vie⊠espĂ©rons que nous pourrons faire escale Ă Fraldarius, nous pourrons les confier au Seigneur Alix, il doit sâinquiĂ©ter pour eux. On dit que lâeau du lac est curative, elle pourrait leur faire du bien.
â Elle lâait, elle est mĂȘme miraculeuse cette eau, encore plus pour la famille du Brave donc, il faut quâon y passe ! Sâexclama Ingrid. Dimitri devrait accepter ! Surtout pour eux !
â Oui, par contre, faudrait peut-ĂȘtre attendre un peu avant de lui dire, ajouta Sylvain avec un regard indĂ©chiffrable Ă part pour son amie dâenfance.
â Hum⊠tu nâas pas tort⊠mieux vaut attendre un peu⊠de toute façon, je crois quâil en est dĂ©jĂ trop conscient⊠soupira-t-elle.
FĂ©lix frissonna dans son sommeil, marmonnant des syllabes qui nâallaient pas ensemble en sâagitant comme il put. Les deux cavaliers le rejoignirent alors en murmurant quelques choses que les autres ne comprirent pas mais, le blessĂ© se calma un peu, replongeant dans les limbes.
*
Dimitri dĂ©ambulait dans les couloirs de Garreg Mach, la lumiĂšre de la demi-lune ne frappant que son cĂŽtĂ© aveugle, quâimportait comment il tournait. Il avait mal mais, il ne fit pas attention. Il avait pratiquement toujours mal, mal au corps ou mal Ă la tĂȘte, ce nâĂ©tait pas grave, quâune partie des suppliques des morts rĂ©clamant vengeance en creusant sa peau de leurs ongles et phalanges⊠il devait accomplir son office. Seul. Sinon, les autres se mettraient encore en travers de son chemin, que ce soit pour venger leurs morts Ă tous, ou quand la Mort venait enfin le punir pour avoir survĂ©cu et ĂȘtre un monstre qui ne mĂ©ritait que dâĂȘtre frappĂ© par ce couteau.
Mais⊠Rodrigue avait refusĂ© que cette juste punition le frappe⊠il lâavait pris Ă sa place⊠alors que cet homme mĂ©ritait seulement dâenfin vivre en paix aprĂšs avoir perdu toute sa famille Ă cause de lui⊠il nâĂ©tait pas aveugle⊠Rodrigue nâavait pas perdu que Glenn Ă Duscur⊠il avait aussi perdu FĂ©lix, et il avait perdu Alix⊠obligĂ© de vivre sĂ©parĂ© de son propre jumeau alors quâil Ă©tait insĂ©parable, tellement inquiet que cela en faisait mal⊠mais quâil ne rejoignait pas afin de sâoccuper du Royaume Ă leur place, sauf quand Rufus le chassait avant de le rappeler, bien incapable de faire un dixiĂšme de son travail⊠obligĂ© dâentendre les beuveries et les insultes constantes de Rufus, les menaces constantes sur sa vie, celle de son frĂšre puis celle de FĂ©lix quand il se rapprochait de la majorité⊠mais Rodrigue restait Ă Fhirdiad pour le Royaume autant que pour lui⊠Dimitri lâavait dĂ©jĂ bien assez abusĂ© de lui⊠il nâaurait jamais dĂ» prendre en plus ce poignard Ă sa place comme tant de membres de sa famille lâavait fait avant lui⊠les Blaiddyd nâavaient survĂ©cu que parce les Fraldarius leur avait donnĂ© jusquâĂ tout leur sang⊠que ce soit les prĂ©cĂ©dents Alix et Rodrigue, les grands-parents des jumeaux tuĂ© dans les innombrables guerres de Clovis le Sanglant, leur propre pĂšre Guillaume qui sâĂ©tait sacrifiĂ© pour son grand-pĂšre le roi Ludovic, Glenn qui avait donnĂ© sa vie pour lui Ă Duscur, ou Rodrigue aujourdâhui⊠il aurait dĂ» mourir Ă cause de ce coup de poignardâŠ
Mais non, FĂ©lix avait refusĂ© de le laisser se faire faucher et lâavait sauvĂ©, mais il avait payĂ© le prix fort⊠il aurait pu en mourir⊠il aurait dĂ» en mourir⊠pour avoir arrachĂ© la vie de son pĂšre du chemin de la faux de la Mort, il aurait dĂ» donner la sienne Ă la place⊠Fraldarius nâaurait pas Ă©tĂ© là ⊠ou quiconque⊠sans ce miracle, les deux seraient morts⊠les deux seraient morts⊠mort et mort⊠mort pour lui⊠alors queâŠ
« Tu aurais sacrifiĂ© mon pĂšre et mon petit frĂšre Ă ta place, et mon oncle nâaurait pas survĂ©cu longtemps sans notre famille ou son frĂšre, gronda Glenn en creusant sa gorge, ses larmes de sang coulant le long de la tempe du monstre, impuissant Ă lui faire vraiment du mal. Vous aimez le gout de notre sang câest ça ? Vampire que vous ĂȘtes⊠vampire que tu es⊠tu nâas pas le droit de les arracher Ă Alix ! Tu nâas pas le droit de pulvĂ©riser encore plus notre famille ! Ne les approches plus ! Plus jamais !
â Je sais Glenn, je sais. Je ne les approcherais plus, plus personne⊠au moins, Rodrigue et FĂ©lix pourrontâŠ
â Leurs avis et leurs actions, ça ne compte pas ?
â Tais-toi Ingrid⊠se remĂ©mora Dimitri, les mots de la chevaliĂšre sonnant dans ses oreilles. Tu ne comprends pasâŠ
â Oh que si ! Le coupa-t-elle Ă nouveau dans sa tĂȘte. Je sais de quoi je parle !
â Câest plus compliqué⊠si tu pouvais les voir⊠si tu voyais Glenn⊠si tu lâavais vu⊠il faut queâŠ
Le souvenir de dispute se fit couper quand il entendit des notes⊠non, un chant⊠un doux chant semblable Ă un ruisseau coulant entre les rochers⊠comme il en avait des milliers Ă Fraldarius⊠une berceuse⊠une douce mĂ©lopĂ©e qui sonnait vaguement familier Ă ses oreilles sensibles, encore plus depuis quâil avait perdu un Ćil⊠comme le chant des sirĂšnesâŠ
Dimitri le suivit, et sâil devait se faire dĂ©vorer par un autre monstre, tant pis, il lâaurait de toute façon bien mĂ©ritĂ©.
Ătrangement, au lieu de le mener Ă lâĂ©tang, la mĂ©lopĂ©e lâemmena Ă lâinfirmerie, devant laquelle veillait RaphaĂ«l, sa masse Ă la ceinture, sa hache dĂ©gainĂ©e et ses protections de poings enserrant ses doigts⊠ça pouvait aller, mĂȘme sâil semblait complĂštement indiffĂ©rent au chant⊠au moins, il Ă©tait concentrĂ© sur sa mission⊠mais câĂ©tait tout de mĂȘme Ă©trange⊠ce nâĂ©tait pas la voix de Manuela, ni celle de Flayn, de Mercedes ou dâAnnette, câĂ©tait une voix dâhomme⊠ce nâĂ©tait surement pas la voix de Linhardt, hors de question quâil sâoccupe des deux loups⊠Ashe pouvait aider Ă lâinfirmerie mais, ce nâĂ©tait pas lui, ni Ignatz⊠non⊠sâil devait donner un nom Ă cette voix, câĂ©tait⊠Glenn⊠ou au moins, cette voix ressemblait beaucoup Ă la sienne en plus douce, un peu comme celle de Rodrigue et Alix mais pas vraiment⊠Il passa devant RaphaĂ«l et entra, voulant en avoir le cĆur net.
Dimitri dĂ©couvrit alors un homme, penchĂ© sur FĂ©lix alors quâil lui caressait les cheveux, la berceuse coulant de ses lĂšvres dans une langue que Dimitri ne comprenait pas. Il Ă©tait tout petit, vraiment minuscule et maigre mais, il voyait la force dans tous ses mouvements, mĂȘme les plus doux, comme la surface dâun lac dissimulant tous les courants fougueux au regard de lâimprudent. Ces joues Ă©taient recouvertes dâĂ©cailles blanches, surement de la mĂȘme couleur que sa peau dâorigine, bien que son cou lacĂ©rĂ© de branchies prenne une couleur sarcelle qui devait entiĂšrement le recouvrir. Ces ouvertures ne semblaient cependant pas le gĂȘner pour porter son collier, composĂ© de quatre plaques en forme de mains ouvertes, couvertes dâune toute petite Ă©criture dans diffĂ©rents alphabets. Sa propre main Ă©tait palmĂ©e et ses doigts griffus, son chant rĂ©vĂ©lait des crocs dans sa bouche, comme celle dâune crĂ©ature lacustre sortie de lâeau. Quand il se redressa pour diriger son chant vers le pĂšre de FĂ©lix, ses yeux de chat bleu comme lâeau du lac sâaccrochĂšrent Ă son Ćil unique, les mĂȘmes que ceux de Rodrigue et Glenn⊠les yeux en amande des Fraldarius⊠les yeux de Fraldarius, lâĂpĂ©iste de lâOnde⊠Brave de lâeau et premier receveur de lâemblĂšme confiĂ© par la DĂ©esse avant de la trahir⊠il Ă©tait lĂ en personneâŠ
La surprise passa dans ses prunelles, puis un cĂŽtĂ© blasĂ© alors quâil lui demandait quelque chose dans sa langue. CâĂ©tait fou comme ses expressions Ă©taient celles de FĂ©lix.
« Je ne parle pas latin, déclara froidement Dimitri.
â Ego loquor tua lingua, rĂ©torqua-t-il visiblement (peut-ĂȘtre que lui comprenait le fodlan), avec la voix de Rodrigue en beaucoup plus cinglant, comme le ton dâAlix, ainsi que plus grave que la voix des jumeaux.
Il continua Ă parler en appuyant ce quâil disait avec ses mains, montrant Dimitri, puis faisant un geste de quelquâun qui marchait avant de montrer le sol de la piĂšce.
â Je tâai entendu chanter, comprit-il. Je me demandais Ă qui appartenait cette voix. Je mâen vais.
â Dicendi finem jacere », dĂ©clara-t-il sĂšchement en sâapprochant de lui. Comment pouvait-il ĂȘtre aussi petit ? Cet homme arrivait Ă peine Ă sa poitrine⊠il devait ĂȘtre Ă peine plus grand quâAnnette⊠il nâavait pas dĂ» manger Ă sa faim souvent⊠« Ubi is ? Is urbi adversariis ?
â Je te lâai dĂ©jĂ dit, je ne parle pas ta langue⊠lui rappela-t-il, mĂȘme sâil dĂ» rĂ©pondre sur les mots transparents. Je vais Ă Embarr tuer Eldegard, tu ne mâarrĂȘteras pas.
Fraldarius cribla Dimitri du regard, furieux. Tant pis, ce nâĂ©tait pas lui directement quâil devait venger, il devait tous les venger⊠dont les descendants de lâhomme devant luiâŠ
â Câest que tu ne comprends pas sa langue⊠il te dit dây aller, vas-y⊠souffla Glenn Ă son oreille, Dimitri se dĂ©tournant pour le regarder alors qu'il lui assurait avec un grand sourire entendu. Va nous venger⊠tous autant que nous sommes avant de les mettre Ă nouveau en dangerâŠ
Une gifle aqueuse le força Ă regarder Fraldarius, ce dernier le fixant impĂ©rieusement avec son regard dâeau trop semblable Ă celui des jumeaux et de Glenn. Il montra ses yeux, puis lâĆil de Dimitri, avant de recommencer dans le sens inverse, des mots difficilement articulĂ© sortant de sa bouche.
â ErâŠcouvté⊠moi⊠sole⊠soli⊠sol. Ri⊠rien dâotr.
Il continua sans un mot, parlant avec ses mains et ses expressions. Il lui montra Rodrigue et FĂ©lix, profondĂ©ment endormi, dĂ©signa leurs blessures et bandages, fit des gestes traduisant aussi bien que possible ce quâil voulait dire. Il fit un signe dâattente, banda des membres blessĂ©s, nourrit quelquâun alors quâil faisait entre chaque geste un arc de cercle, comme pour mimer le passage du soleil et de la lune. Il montra Ă nouveau ses descendants mais, il ajouta aussi Dimitri Ă son Ă©numĂ©ration, puis dĂ©signa alors le sol oĂč il se trouvait avec un signe de sâendormir.
â Je ne peux pas dormir ou me reposer, je dois les venger⊠et je ne peux pas rester. Je les mettrais encore plus en danger.
â Es contineri, et nominor Pertinax, marmonna-t-il avant de lui demander en montrant ses descendants. Tu aliquid respuo ? Mei filii filiorum elegerunt. Et tu eligis aliquid respuere delectuum ? Delectus no gravia sunt ?
â ArrĂȘte⊠je tâai dĂ©jĂ dit que je ne comprends pas un traitre mot de ce que tu racontes, marmonna Dimitri en se frottant la tĂȘte, incapable de le regarder dans les yeux, ou mĂȘmes ses enfants, nâentendant que les autres morts lui hurler de partir, de laisser Fraldarius lĂ et dâaller les venger. Je dois venger les morts⊠câest ce quâils me demandent sans cesse. Je doisâŠ
Il sentit alors des doigts plus doux lui faire relever le menton jusquâĂ ce quâil regarde Ă nouveau le Brave dans les yeux, bien que toujours autoritaire. FĂ©lix Ă©tait vraiment son portrait crachĂ©âŠ
â Puer.
Il montra lâĆil restant de Dimitri, puis les morts autour de lui avant de faire un signe de croix en dĂ©clarant.
â No gravia sunt.
Il dĂ©signa ensuite Ă nouveau son Ćil, puis lĂ oĂč devait ĂȘtre son cĆur dans sa poitrine.
â Est. Anima gravissima est.
Le brave se dĂ©tourna alors de lui, attrapant les mains quâil portait en pendentif pour les tenir entre ses doigts, comme le faisait Rodrigue avec son chapelet, avant que des notes coulent Ă nouveau de ses lĂšvres. Il ne regardait plus Dimitri, ne sâoccupait plus de lui, tournant plutĂŽt toute son attention vers FĂ©lix et Rodrigue Ă qui cette berceuse Ă©tait destinĂ©e, le vengeur aurait pu partir accomplir son devoir sans problĂšme. Mais il resta sur place, ne pouvant se dĂ©tourner de ce chant⊠la voix de Fraldarius Ă©tait vraiment magnifique⊠certaines lĂ©gendes disaient que le mythe des sirĂšnes venait en fait de lui⊠en lâentendant, Dimitri voulait bien y croire⊠ce chant Ă©tait si beau quâil pourrait faire tout oublier⊠emportĂ© nâimporte qui⊠comme un bout de bois Ă la surface de lâeau du lac, ballotĂ© par les vagues⊠lâemporter lui-mĂȘmeâŠ
La seconde dâaprĂšs, Dimitri se retrouva dans son lit, seul et en silence. Il ignorait complĂštement sâil dormait ou non, il ne faisait plus la diffĂ©rence Ă prĂ©sent entre les deux. Sa blessure lui faisait toujours aussi mal mais, les appels des morts semblaient plus faibles comparĂ© Ă la douleur, cette derniĂšre lui ordonnant encore plus fort de rester couchĂ©.
Il se laissa dĂ©river Ă nouveau, comme si son esprit cherchait Ă rĂ©entendre la voix de la sirĂšne, jusquâĂ ce quâil soit tirĂ© Ă nouveau vers son lit par le bruit dâune petite dispute. Il ouvrit son Ćil et vit Manuela entrer, accompagnĂ© dâHanneman, Dedue sur les talons Ă©tant donnĂ© quâil le veillait.
« âŠet moi je te dis que tu nâas rien Ă dire sur mon mĂ©nage car⊠ah ! Bonjour Votre Altesse, je suis heureuse de vous voir rĂ©veiller ! Gazouilla Manuela. Je viens vĂ©rifier votre blessure si vous me le permettez. Excusez-nous que ce ne soit pas Mercedes, Flayn ou Marianne mais, elles sont de gardes.
Dimitri hocha la tĂȘte, la laissant faire en demandant.
â FĂ©lix et Rodrigue ?
â Ils dorment toujours mais, leur Ă©tat est stable. Ils ont besoin de temps pour se remettre.
â Bien⊠⊠⊠. . . Professeur Hanneman ? Finit-il par demander avant que lâĂ©rudit sâen aille, ayant posĂ© les bandages de Manuela sur le bureau de Dimitri.
â Oui Votre Altesse ?
â Parlez-vous latin ? Lui demanda le blessĂ©, des mots tournant dans sa tĂȘte.
â Oui, Ă©videmment, cela a Ă©tĂ© la langue de lâadministration et de la science pendant longtemps au nord, lui assura le lĂ©rot. Pourquoi donc ?
â Pouvez-vous traduire « puer », « no gravia sunt » et « esse. Anima gravissima est » ? Dit par quelquâun qui le parle tous les jours.
â Bien sĂ»r ! Câest du latin un peu commun, ce nâest pas de la grande littĂ©rature mais, puer est un mot commun qui peut autant se traduire par « enfant » que « jeune esclave » selon le contexte. Ă lâĂ©poque oĂč on parlait le latin comme langue vivante, on ne faisait pas la diffĂ©rence entre un enfant qui nâest pas le sien et un jeune esclave et la traduction dĂ©pend du contexte. Cela nous permet dâavoir des informations sur la maniĂšre dont lâenfance et le dĂ©but de la vie Ă©tait considĂ©rĂ© Ă lâĂ©poque, ainsi que des indices sur la condition des enfants Ă ce⊠enfin, je mâĂ©gare. Pour « no gravia sunt », cela peut vouloir dire « ce nâest pas lourd » ou « ce nâest pas important » selon le contexte. Et pour « Esse. Anima gravissima est », cela veut dire « lâĂąme est la plus importante », lui expliqua en dĂ©tail Hanneman, le regard brillant de plaisir de partager ses connaissances. Puis-je vous demander dâoĂč vient cette demande ?
â Quelquâun me lâa dit⊠cette nuit.
â Cette nuit ? Vous nâavez pas bougĂ© de votre lit pourtant, sâĂ©tonna Dedue.
Dimitri se mura un peu dans le silence, pensif avant de marmonner, la lumiĂšre dâAreadbhar brillant Ă cĂŽtĂ© de son lit, protectrice. Dâhabitude, il dormait carrĂ©ment avec elle quand il avait vraiment besoin de se reposer, la Relique couvrait les suppliques des morts avec la mĂ©lodie dâune fluteâŠ
â Jâai juste entendu une sirĂšne chanter⊠nous restons tous ici tant que nous avons des blessĂ©s, finit-t-il par ordonner.
Ses mots durent un peu Ă©tonnĂ© sâil se fiait au silence gĂ©nĂ©ral des morts et des vivants mais, Manuela assura avant que son pĂšre ne le reprenne.
â Câest une trĂšs sage dĂ©cision, nous avons tous besoin de repos.
â Je vais immĂ©diatement prĂ©venir le capitaine Eisner, ajouta Hanneman avec un sourire sous sa grosse moustache. Avez-vous autre chose Ă lui transmettre Votre Altesse ?
â ⊠non, Ă part de faire attention Ă tous les blessĂ©s.
â Bien sĂ»r, cela va de soi, assura-t-il en partant, sa longue queue de lĂ©rot volant derriĂšre lui sous son imposant manteau.
Manuela gazouilla en inspectant sa blessure, passant prudemment un onguent avec ses ailes.
â Bien, la blessure se referme correctement, vous ĂȘtes trĂšs rĂ©sistant ! Dans quelques semaines, vous pourrez rebouger normalement !
â Et Rodrigue et FĂ©lix ? RĂ©pĂ©ta-t-il, voulant au moins autant de prĂ©cision que pour lui.
â Hum⊠ses plumes se resserrĂšrent autour dâelle alors quâelle avouait plus doucement, tirant de la bande pour changer son pansement. Câest plus dur Ă dire⊠leur blessure est plus profonde et grave, et ils ont tous les deux perdus Ă©normĂ©ment de sang et dâĂ©nergie⊠il leur faudra beaucoup de temps pour se remettre, sâils le font complĂštement, FĂ©lix risque de garder des sĂ©quelles⊠nous saurons avec le temps, finit-elle en coupant la bande avant de reprendre. Cependant, je pense que lâon peut ĂȘtre optimiste. Ils ont tous les deux de bonnes raisons de sâen remettre. Cela ne fait pas tout, Ă©videmment mais, si le patient veut survivre et sâen sortir, cela simplifie la tĂąche du mĂ©decin car, il nâa pas Ă lutter contre son propre patient pour le maintenir en vie. La force de la volontĂ© peut faire Ă©normĂ©ment de chose parfois.
Dimitri resta silencieux, la laissant changer son bandage en songeant Ă ses mots.
Une fois quâelle eut fini, il tenta de se relever mais, Dedue lâen empĂȘcha, posant sa grosse patte dâours sur son Ă©paule.
â Vous devriez continuer Ă vous reposer Votre Altesse, vos blessures sont encore ouvertes.
â Je suis dâaccord, vous devez Ă tout prix Ă©viter de bouger, le soutint Manuela.
â Je nâen ai que pour quelques minutes.
Dimitri se releva malgrĂ© leurs protestations, attrapa Areadbhar puis descendit en sâappuyant sur elle. Il traversa toute la cour sans prĂȘter attention aux regards qui le suivaient, mĂ©langeant sans doute de la crainte et de lâĂ©tonnement mais, il les ignora, luttant dĂ©jĂ assez contre les rĂ©primandes de son pĂšre et de sa belle-mĂšre, ainsi que les railleries de Glenn lui disant quâEldegard se trouvait de lâautre cĂŽtĂ©. Il se força Ă ne pas les Ă©couter, avançant en sâappuyant sur sa Relique afin de se dĂ©placer plus facilement malgrĂ© ses blessures.
Le jeune homme se traina autant quâil put jusquâĂ la piĂšce oĂč dormait les Fraldarius. Balthus le laissa passer sans discuter, alors que Mercedes et Marianne changeaient les bandages de FĂ©lix avec lâaide dâIgnatz, lâune empĂȘchant les hĂ©morragies de reprendre avec sa magie, pendant que lâautre changeait les bandages, lâartiste tenant aussi dĂ©licatement que possible le corps de lâĂ©pĂ©iste. Sans perdre son objectif de vue, Dimitri sâavança jusquâau fond de la piĂšce, lĂ oĂč se trouvait Aegis. FĂ©lix pouvait tenir sans lui apparemment, tant mieux. DĂ©licatement, il posa Areadbhar Ă cĂŽtĂ© du bouclier, leurs deux gemmes de sang scintillant Ă lâunisson.
« Comme ça, vous jouerez à nouveau en duo⊠le chanteur et le flutiste non ? Il ne manque plus que Dominic mais bon, ça ferait trop de bruit si elle dansait dans la piÚce. »
Leur lueur Ă©trange sembla changer un peu mais, il ne prit pas la peine de dĂ©coder. Il se tourna Ă nouveau dans lâautre sens pour partir.
« Merci beaucoup pour lâattention, ronronna Mercedes, faisant signe Ă Ignatz de reposer FĂ©lix alors quâelle venait de finir ses bandages.
LâĂ©pĂ©iste dormait profondĂ©ment, le visage neutre nâexprimant aucune Ă©motion, pas mĂȘme de la douleur, comme celui dâun mort paisiblement dans son sommeil. Il semblait encore plus petit comme ça⊠il Ă©tait musclĂ© mais, FĂ©lix semblait frĂȘle ainsi, le torse entourĂ© de bandage, le teint encore plus blafard Ă cause de la perte de sang, renforcĂ© par lâencre de ses cheveux⊠Rodrigue aussi⊠on aurait deux poupĂ©es de verres sur le point de se briserâŠ
â Ils vivent encore ? Demanda-t-il.
â Oui, bien sĂ»r. Il leur faut beaucoup de soin mais, ils vivent toujours et vivront encore, lui assura la chatte crĂšme. Leur cĆur bat toujours.
Dimitri hocha la tĂȘte, avant de demander.
â Personne nâest rentrĂ© ici cette nuit ?
â Non, Ă part nous pour nos gardes, rĂ©pondit Marianne, avant que la brebis ne note. Par contre, il y avait une sorte de magie dans la piĂšce⊠une sorte de prĂ©sence mais, elle nâĂ©tait pas agressive⊠elle semblait baigner la piĂšce pour la protĂ©gerâŠ
Le jeune homme jeta son Ćil vers Aegis, brillant toujours faiblement mais, ayant repris de la force quand Areadbhar fut Ă cĂŽtĂ© de lui. Il marmonna, ne sachant mĂȘme pas comment lâexpliquer de toute façon.
â CâĂ©tait juste Fraldarius. Je lâai entendu chanterâŠ
Il vit Glenn se dĂ©coller du chevet de son petit frĂšre et de son pĂšre pour se tourner vers lui, visiblement furieux quâil dĂ©voile que leur ancĂȘtre Ă©tait apparu hier soir, voulant peut-ĂȘtre le garder pour eux⊠mais Ignatz le coupa, le gorgebleue gazouillant avec bonne humeur.
â Je suis sĂ»r que lâĂpĂ©iste de lâOnde est toujours Ă leurs cĂŽtĂ©s pour les protĂ©ger ! Jâai lu plusieurs lĂ©gendes oĂč il apparait pour veiller sur eux sa famille, et il vient dâintervenir pour les sauver tous les deux. Si⊠si vous voulez, je peux peindre une icĂŽne de lui pour les protĂ©ger ? Nous faisons souvent ça Ă Leicester, nous gardons des petites icones des Braves sur nous pour nous accompagner dans nos tĂąches quotidiennes, selon leur spĂ©cialitĂ©. Ou au moins attirĂ© la chance mais, câest comme vous le dĂ©sirez Votre Altesse, proposa-t-il plus timidement, hĂ©sitant. Mais je comprendrais si vous refusiezâŠ
Dimitri ne savait mĂȘme pas lui-mĂȘme pourquoi il accepta dâun signe de tĂȘte, sans un mot, ni mĂȘme prendre en compte le refus catĂ©gorique de Glenn, ainsi que celui de son pĂšre et de sa belle-mĂšre. Mais ils disparurent quand le gazouillement joyeux dâIgnatz qui lui promit de faire de son mieux rĂ©sonna dans la piĂšce.
ArrivĂ©e entre temps, Dedue et Manuela le ramenĂšrent dans son lit afin quâil se repose et que ses blessures se referment correctement. De toute façon, aprĂšs Gronder, tous les belligĂ©rants devaient reprendre des forces avant de se rĂ©affronter. Eldegard avait Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ©e alors, elle sâĂ©tait retirĂ©e du cĂŽtĂ© dâEmbarr. Si Ignatz avait bien tout compris, ceux qui sâen Ă©tait les mieux sortis, câĂ©tait lâarmĂ©e de lâAlliance, Claude ayant vite fait reculer leurs troupes quand il comprit que lâImpĂ©ratrice tentait de faire sâaffronter Faerghus et Leicester pour nâavoir quâĂ finir le travail. Heureusement, en voyant Dimitri et avec les signes de ses camarades, le grand-duc avait fait reculer leurs troupes, dĂ©jĂ trĂšs peu nombreuses. Claude ne voulait pas affronter Dimitri et avait dĂ©jĂ envoyĂ© tous les cerfs dâor mise Ă part Hilda Ă ses cĂŽtĂ©s en signe de bonne volontĂ© dĂšs la reprise du grand pont de Myrddin, ainsi que Lorenz qui jouait encore les agents doubles auprĂšs dâEldegard. C'Ă©tait lui qui les avait prĂ©venus des attentions de l'ImpĂ©ratrice. La DĂ©esse soit louĂ©e, Dimitri ne les avait pas attaquĂ©s une fois la confusion Ă©cartĂ©e, le brouillard de magie noire levĂ©e, et les « troupes spĂ©ciales » dâHubert rayĂ©es de la carte. Le bras droit dâEldegard avait eu lâidĂ©e dâhabiller deux de ses bataillons avec un Ă©quipement trĂšs proche de celui de lâAlliance et du Royaume, puis de les lancer contre les vraies factions alliĂ©es et royales, ce qui nâavait en rien aidĂ© Ă amĂ©liorer la situation, surtout aprĂšs la mort des messagers du Royaume dans lâAlliance⊠mĂȘme eux ne savaient pas qui blĂąmer pour ça⊠les impĂ©riaux, Gloucester, des bandits, la malchance... trop de possibilitĂ©... encore heureux, ils Ă©taient arrivĂ©s Ă Ă©craser rapidement les troupes dĂ©guisĂ©es⊠sans ça, peut-ĂȘtre que⊠enfin, le principal Ă©tait quâune grande partie dâentre eux sâen Ă©tait sortie vivantâŠ
Quand Marianne et Mercedes nâeurent plus besoin de lui, Ignatz se prĂ©cipita aux Ă©curies, oĂč il savait quâil trouverait Ingrid en train de sâoccuper de sa monture. Sylvain nâĂ©tait pas avec elle pour une fois, partit en infiltration. Pendant les cinq ans, il sâĂ©tait plusieurs fois rendu Ă Sreng avec sa mĂšre pour sâassurer que les traitĂ©s de paix avec sa tante, la reine Thorgil, tenaient toujours et en avait profitĂ© pour se faire tatouer un de leurs sorts dans le dos, lui permettant de se transformer en renard alors, il Ă©tait un de leurs meilleurs Ă©lĂ©ments pour lâinfiltration. Shamir lâavait chargĂ© de vĂ©rifier si aucun soldat impĂ©rial ne rĂŽdait autour du monastĂšre discrĂštement, il ne devrait pas revenir avant plusieurs jours. Il lui raconta ce qui venait dâarriver Ă lâinfirmerie, ainsi que les mots de Dimitri et son attitude. La chevaliĂšre eut un sourire victorieux.
« Il continue sur la bonne voie ! »
*
Le soir suivant, Dimitri se retrouva Ă dĂ©ambuler Ă nouveau dans le monastĂšre malgrĂ© ses blessures. Il entendait toujours le fredonnement de Fraldarius venir bercer ses oreilles mais, il se retient de le suivre, il refusait de dĂ©ranger encore plus cette famille⊠Glenn lui en voulait assez de retarder sa vengeanceâŠ
Il sortit donc dans la cour, le vengeur bien dĂ©cidĂ© Ă enfin donner aux morts ce quâils rĂ©clamaient depuis des annĂ©es, avant de recommencer Ă se trouver des excuses pour ne pas le faire⊠il devait se rendre Ă lâĂ©vidence et arrĂȘter ses enfantillages Ă vouloir rester Ă leurs cĂŽtĂ©s Ă tous⊠câĂ©tait trop dangereux pour euxâŠ
Dimitri traversa la cour devant le rĂ©fectoire, puis contourna lâĂ©tang pour sortir, quand il vit une silhouette colorĂ©e lui bloquer le passage, entourĂ© des chats et des chiens habitants le monastĂšre. Ses cheveux roux prenaient une teinte plus douce sous la lumiĂšre tamisĂ©e de la lune, retenus autour de son front par un bandeau dĂ©corĂ© de clochettes, sa tresse entourant ses Ă©paules jusquâĂ tomber au sol, habillĂ© de feutre et de cuir colorĂ©s et brodĂ©s, avec une grande veste croisĂ©e sur sa poitrine, dâun pantalon Ă©pais et de bottes remontant jusquâĂ ses genoux, un habit idĂ©al pour un cavalier. Une longue canne reposait aussi sur son Ă©paule, Ă©galement agrĂ©mentĂ© dâune clochette teintant dans la brise de la nuit. Une longue queue de renard dĂ©passait de sa tunique, sa face Ă©tait couverte de poils aussi roux que ses cheveux, ses ongles semblaient plus durs de loinâŠ
Lâhomme colorĂ© semblait bavarder avec les animaux tout autour de lui, mais il redressa la tĂȘte dĂšs que Dimitri sâapprocha, demandant dans une sorte de latin avant de rĂ©pĂ©ter en fodlan avec un trĂšs fort accent.
« Qui est lĂ Â ? Je sens quâil y a quelquâun⊠il prit appui sur sa canne pour se relever, demandant encore. Il y a quelquâun⊠ne vous en faites pas, je jure devant les dieux que mes attentions sont pacifiques⊠il tourna la tĂȘte vers Dimitri, mĂȘme sâil ne rĂ©pondait toujours rien. Je crois que vous ĂȘtes là ⊠je sens votre odeur dans ce sens-lĂ âŠ
Ses yeux Ă©taient ouverts mais, ils ne voyaient rien. Ses yeux et sa cornĂ©e Ă©taient opaques, recouverts dâun voile brun teintĂ© de rouge⊠cet homme Ă©tait complĂštement aveugle⊠et sâil se fiait Ă sa derniĂšre rencontre nocturne ressemblant Ă quelquâun quâil connaissait, Dimitri devinait sans trop de problĂšme Ă qui il avait Ă faire.
â Tu es Gautier, nâest-ce pas ? Que veux-tu ? Et comment peux-tu parler notre langue ? Tu es mort depuis des siĂšclesâŠ
â Tiens, ta voix ressemble beaucoup Ă celle de Simplex mais, on dirait que tu nâas rien mangĂ© depuis des jours⊠elle sonne creuse⊠ou tu es beaucoup plus vieux⊠enfin, je me comprends pour le coup⊠et oui, câest bien le nom de ma famille, je mâappelle Atta Gautier Loquax et ne te gĂȘnes pas, tu peux mâappeler Loquax. Câest peut-ĂȘtre parce que je suis douĂ© pour apprendre dâautres langages et que jâaime discuter si jâarrive Ă parler ta langue, mĂȘme si lâhistoire durerait toute la nuit je pense⊠enfin, je ne suis que de passage. AprĂšs tout, nos pas nous mĂšnent nâimporte oĂč et peuvent nous faire croiser nâimporte qui.
â Alors, que me veux-tu ? Tu es comme Fraldarius ? Vas-tu me faire la leçon aussi ? Si tel est le cas, tu ne comprends pas, je dois le faire.
â Non, je ne le ferais pas, savoir ce que tu dois faire Ă ta place alors que je ne te connais pas serait prĂ©somptueux de ma part. Mmmhhnn⊠peut-ĂȘtre que je cherche tout de mĂȘme un peu mon chemin⊠un chat mâa dit quâici, il y avait un lieu bĂ©ni par une dĂ©esse. Si cela ne lâoffense pas, je serais curieux de mây rendre mais, jâai du mal Ă mâorienter, cet endroit est construit Ă©trangement⊠puis-je te demander de mâaccompagner ? Je te laisserais vaquer Ă tes occupations aprĂšs, je te le promets. Jâai juste besoin dâun bras et dâyeux qui me guident.
Son pĂšre lui hurlait de le laisser se dĂ©brouiller, quâil nâavait pas Ă lâaider et quâil devrait savoir se dĂ©brouiller tout seul avec sa cĂ©cité⊠il le hurlait si fort, voulait tellement quâilâŠ
« Tu crois que câest ce quâils voudraient ? »
La voix impĂ©rieuse dâIngrid rĂ©sonna dans ses oreilles, sĂ»re dâelle et autoritaire, ses plumes de pĂ©gases et autour de son Ćil se hĂ©rissant de colĂšre en le voyant tenter de partir accomplir son devoir, dont envers son fiancé⊠mais dâun autre cĂŽté⊠Lambert ne dirait jamais ça dans son Ă©tat normal⊠mais il nâĂ©tait pas dans son Ă©tat normal⊠il Ă©tait mort⊠mort assassiné⊠sa tĂȘte nâĂ©tait plus sur ses Ă©paules mais sous son bras⊠il Ă©tait mort horriblement alors, câĂ©tait normal que mĂȘme lui soit dĂ©vorĂ© par la haine⊠câĂ©tait normal quâil soit dĂ©vorĂ© par la haine⊠câĂ©tait normal pour tous⊠câĂ©tait normal queâŠ
â Je te sens troublĂ©, reprit Loquax, sa voix toute douce comme pouvait parfois lâĂȘtre celle de Sylvain quand il sâinquiĂ©tait. Si tu es occupĂ© ou que ma demande te gĂȘne, je comprendrais et ne tâen fais pas, je me dĂ©brouillerais⊠ce village ne doit pas ĂȘtre construit si diffĂ©remment de la ville de la reineâŠ
â Non, ne put sâempĂȘcher de dire Dimitri en le voyant se dĂ©tourner, ne voulant pas quâil parte tout de suite sans trop savoir pourquoi. Je tâaccompagne⊠ce ne sera pas long, la cathĂ©drale est Ă cinq minutes de marche, dix sâil marche vraiment lentement⊠je pourrais vite accomplir mon office.
Loquax sourit, soulagĂ© dâavoir un peu dâaide. Il tendit sa main en cherchant le bras de Dimitri mais, ce dernier la mit directement sur son coude pour lui Ă©viter de chercher dans le vide. De la fourrure rousse les recouvrait, et des griffes remplaçaient ses ongles mais, il fit tout pour que seule la partie tendre le touche, lui Ă©pargnant les pointes dures. DĂ©esse, comment quelquâun qui semblait ĂȘtre aussi doux pouvait-il ĂȘtre le Protecteur Sauvage, le guerrier fĂ©roce qui broyait tous ceux qui sâapprochait trop prĂšs de son peuple ? Cet homme semblait ĂȘtre tout lâinverse des lĂ©gendes autour de luiâŠ
â Tu es donc trĂšs maigre, mĂȘme si tu as aussi beaucoup de force, ce nâĂ©tait pas lâĂąge⊠dĂ©clara-t-il en sentant les os sous les muscles de son bras, un air triste se gravant sur ses traits expressifs sous la fourrure. Les temps sont durs⊠jâai un peu de nourriture dans mon sac, je peux partager si tu veux, je mangerais lâherbe que je sens autour de nous.
â Ce nâest pas la peine, se serait gaspiller de la nourriture de me la donner, je nâen ai pas besoin, rĂ©torqua Dimitri. Garde-la pour toi.
â Tout ĂȘtre vivant a pourtant besoin de manger, tu risques de tomber malade ou de mourir si tu manges mal⊠je suis sĂ»r que beaucoup de monde serait triste sâil te perdait⊠et ne tâen fais pas pour moi, Ă force de me transformer en cheval ou en cerf, jâarrive Ă digĂ©rer lâherbe et les feuilles des arbres, je peux me passer de la nourriture normale.
â Je ne mourrai pas avant dâavoir accompli ma mission. Ce nâest pas important pour lâinstant. Attention aux marches, le prĂ©vient-il, voulant couper la conversation avant que Gautier nâaille trop loin.
Loquax fit buter sa canne contre les marches de lâescalier, tapa un peu dessus et autour pour voir ce que câĂ©tait puis, suivit le rythme lent de Dimitri pour grimper, attentif Ă ce qui lâentourait, ses oreilles nâarrĂȘtant pas de bouger dans tous les sens sur le cĂŽtĂ© de son crĂąne.
â Hum⊠tu as donc une mission, souffla-t-il en avançant prudemment. Elle doit ĂȘtre trĂšs importante si câest ta raison pour continuer Ă manger. Est-ce que cela veut dire que tu arrĂȘteras de manger une fois quâelle sera accomplie ?
â Tu nâarrĂȘtes donc jamais de parler, grogna-t-il, ne voulant pas rĂ©pondre Ă cette question, ça ne le regardait pas.
â Ah ! Ah ! Rit-il de bon cĆur, et câĂ©tait encore le rire de Sylvain. Effectivement, je suis une vĂ©ritable pie ! Je parle tout le temps ! Câest pour ça quâon mâa surnommĂ© Loquax, je suis horriblement bavard et je nâarrĂȘte pas de poser des questions. Le seul moment oĂč je ne parlais pas, câest quand jâai perdu la vue jusquâĂ ce que RĂ©gina ne me sorte de mon mutisme.
â RĂ©gina ? Et tu as perdu la vue ? Comment tu tâes dĂ©brouillĂ© pour ne plus rien y voir ? Je croyais que c'Ă©tait de naissance, tes yeux n'ont pas l'air si endommagĂ© que ça.
â Câest ma meilleure amie, et mon Ă©pouse. Câest une femme extraordinaire avec une volontĂ© de fer, elle mâa beaucoup aidĂ© quand jâen avais le plus besoin. Câest avec elle que jâai rĂ©appris Ă me dĂ©placer mĂȘme sans mes yeux par exemple, elle allait jusquâĂ se bander les yeux pour voir comment je percevais les choses et mieux comprendre, ronronna-t-il comme un chat. Et oui, jâai perdu la vue⊠jâĂ©tais encore brulant de fiĂšvre Ă cause de mes entrainements de sorcellerie, jâai essayĂ© de dĂ©couper un de nos moutons pour cuisiner, sauf que je tremblais trop⊠jâai Ă©chappĂ© mon couteau qui est parti se ficher dans mon Ćil⊠on a tentĂ© de le soigner mais, la plaie sâest infectĂ© et a fini par contaminĂ© mon autre Ćil⊠les dieux soient louĂ©s, et surement merci Ă ma sorcellerie, jâai survĂ©cu Ă lâinfection mais depuis, je ne vois plus rien⊠je voyais surement autant que toi avant⊠mĂȘme si on dirait que tu as une faiblesse du cĂŽtĂ© droit, fit-il remarquer. Tu prends toujours plus de temps quand il faut tourner dans cette direction⊠tu voies mal de ce cĂŽtĂ©-lĂ Â ? Si ce nâest pas trop impoli ou indiscret, se corrigea-t-il.
â Au point oĂč on en est⊠Je nâai plus dâĆil Ă droite. Un coup de lance au visage, jâai arrachĂ© lâĆil avant de finir comme toi quand il a commencĂ© Ă noircir, jâai trouvĂ© de quoi soigner lâinfection trop tard.
â Dâaccord, cela a dĂ» ĂȘtre douloureux⊠tu devrais essayer de boire beaucoup de lait. Jâai entendu dire que quelquâun qui ne mangeait rien dâautre que de lâavoine avait perdu la vue et plusieurs autres sens. Raison de plus pour manger un peu.
â Nâinsiste pas, rĂ©torqua-t-il.
â Je peux toujours tenter, souligna Loquax. Et je comprends mieux pourquoi tu marches ainsi. Est-ce Ă cause de cela que tu manges si peu Ă part pour ta mission ?
â Comment ça ? Cela nâa rien Ă voir. Ă part si câest une punition pour avoir tant tarder Ă accomplir la vengeance des mortsâŠ
â Dâaccord. Câest peut-ĂȘtre moi qui pense Ă ta place pour le coup. Je me sentais tellement inutile quand jâai perdu mes yeux⊠aveugle, comment pouvais-je aider mon groupe ? Je pouvais Ă peine monter Ă cheval, je ne pouvais plus sculpter, je mâinquiĂ©tais de ne plus pouvoir garder les moutons ou les tondre, encore moins les chevaux⊠jâĂ©tais persuadĂ© que je ne pouvais plus que baratter le lait, ce qui est un devoir important mais, je ne voyais vraiment pas comment ĂȘtre utile aux miens ainsi⊠mĂȘme si je dĂ©testais dĂ©jĂ la violence, je pensais mĂȘme que je nâĂ©tais pas utile car je ne pouvais plus me battre ou chasser⊠Ce nâest que quand jâai rĂ©appris Ă me dĂ©placer normalement que jâai pu retrouver ma place en faisant ce que je savais le mieux faire, parler avec tout, humain comme animaux. » Un grondement amusĂ© sortit de sa poitrine alors quâils arrivaient sur le pont de la cathĂ©drale. « Jâavais tellement la tĂȘte dans le sable de ma tristesse que je ne pensais mĂȘme plus Ă ce que je prĂ©fĂ©rais faireâŠ
â Tu avais quel Ăąge ?
Dimitri nâaurait pas dĂ» poser cette question. Loquax semblait prĂȘt Ă enfin se taire et Ă marcher en silence, ils Ă©taient pratiquement arrivĂ©s Ă la cathĂ©drale en plus mais, sans vraiment savoir pourquoi, il voulait encore lâentendre. Peut-ĂȘtre parce que la voix du Brave couvrait celles des morts, balayant leurs suppliques et leurs ordres avec ses intonations douces et calmes, peut-ĂȘtre aussi parce que ça faisait longtemps quâil nâavait pas parlĂ© aussi longtemps Ă quelquâun qui ne lui ordonnait pas de ramener la tĂȘte dâEldegard⊠câĂ©tait⊠agrĂ©able⊠mĂȘme sâil ne mĂ©ritait pas autant dâattentionâŠ
â Jâavais « vu » seize Ă©tĂ©s. JâĂ©tais encore plus frustrĂ© de me dire que je perdais la vue et toute utilitĂ© avant mĂȘme dâĂȘtre adulte⊠heureusement que RĂ©gina mâa tirĂ© la tĂȘte de tout ça et mâa bien aidĂ©, ronronna-t-il encore.
Loquax semblait un peu amusĂ©, comme une sorte de souvenir tendre⊠il lui racontait pourtant quâil sâĂ©tait cru complĂštement inutile et que jamais, il ne retrouverait ce qui aurait pu le rendre Ă nouveau utile Ă son peuple⊠quâil vivrait Ă jamais dans le noir sans aucun espoir de retrouver ses yeux⊠ils Ă©taient complĂštement morts⊠pourtant, ils se plissaient dans une expression joyeuse⊠son visage restait expressif et toujours doux⊠comme un vieux renard qui Ă©coutaient les autres avec la nostalgie dâune vie bien remplieâŠ
â Toi aussi, tu ne fais pas ton Ăąge, souffla Dimitri en le faisant pĂ©nĂ©trer dans la cathĂ©drale. Nous sommes arrivĂ©s.
â On me le dit souvent. Merci beaucoup de mâavoir emmenĂ© ici⊠câest vrai que lâatmosphĂšre est diffĂ©rente ici⊠on a lâimpression dâĂȘtre dedans et dehors Ă la fois⊠cela ressemble bien Ă un endroit aimĂ© dâune dĂ©esseâŠ
Il le lĂącha, avançant avec prudence en esquivant les gravats que rencontraient sa canne de marche, avant de trouver un relief quâil inspecta du bout des doigts.
« Câest bon ? Tu as assez paressĂ© comme ça ? Laisse-le et va nous venger Ă prĂ©sent ! Mon assassine de fille sâĂ©loigne de plus en plus de nous de seconde en seconde ! » SâĂ©cria sa belle-mĂšre, sa robe de cendre semblant brĂ»ler encore et encore.
« Oui⊠jây vais⊠il nâa plus besoin de moi⊠songea Dimitri avant de demander, Ă©tonnĂ© en le voyant se baisser et fouiller dans sa besace. Quâest-ce que tu fais ?
â Je fais rĂ©chauffer ma nourriture, afin de partager mon repas avec la divinitĂ© ici prĂ©sente comme il est de tradition de le faire. Jâavoue quâen plus, je commence Ă avoir faim. Enfin, si câest interdit de cuisiner dans sa maison, je comprendraisâŠ
â ⊠non⊠je reste encore un peu, juste au cas oĂč il aurait un problĂšme. »
Le jeune homme sâavança vers Loquax, ayant sorti une sorte de purĂ©e de lĂ©gumes et de fĂšves, ainsi quâune gourde et les bols qui se trouvaient dans son grand sac. Il alluma du feu et plaça un plat de fer dessus, faisant Ă nouveau cuire ses aliments. MĂȘme si la langue de Dimitri Ă©tait complĂštement morte, son nez pouvait encore dire que la nourriture sentait bon⊠un peu Ă©trange mais bon⊠tout du long, Loquax discuta encore et encore avec lui, lui expliquant sa recette, la maniĂšre dont ils avaient troquĂ© les pois et les plantes cultivĂ©s avec le village dâun certain Pertinax, en passant par la maniĂšre dont on trayait les juments chez lui.
« Que la fumĂ©e de notre cuisine rejoigne la DĂ©esse qui habite en ce lieu, et que nous puissions partager ce repas avec elle, afin quâelle protĂšge notre route⊠pria-t-il en sortant deux gobelets quâil remplit du contenu de sa gourde, que Dimitri reconnut comme Ă©tant du lait. Vu que tu ne veux manger, laisse-moi au moins partager avec toi un verre de lait. Je lâai rĂ©cupĂ©rĂ© ce matin, il est encore tout frais, je te le jure.
Le blond comprit Ă peine lui-mĂȘme pourquoi il leva la main pour prendre le verre. Les morts levĂšrent les yeux au ciel, mais Dimitri prĂ©fĂ©ra voir le sourire de Loquax quand il accepta le verre. Il prit alors le sien et le leva en lui souhaitant.
â A notre route Ă tous les deux et quâelles soient toujours tranquilles. »
Dimitri se rĂ©veilla en sentant encore lâodeur du repas et du lait dans son nez. Encore un rĂȘve Ă©trange⊠aprĂšs Fraldarius, Gautier⊠il perdait tellement de temps⊠câĂ©tait dĂ©jĂ lâaprĂšs-midi.
« Je devrais y allerâŠÂ »
« Dimitri ? Tu es rĂ©veillĂ©Â ? Sylvain entra dans la piĂšce, un grand plateau bloquĂ© sur sa hanche pour libĂ©rer son autre main, son apparence de renard laissant place Ă son visage humain depuis longtemps. Ah ! Tant mieux ! Mercedes a dit que tu tâes rĂ©veillĂ© ce matin avant de resombrer direct ! Enfin, câest mieux vu quâil faut que tu te reposes.
â Tu es dĂ©jĂ rentrĂ©Â ? Lui demanda-t-il, se souvenant quâil ne devait revenir que demain.
â Oui, jâai parcouru ma zone de recherche un peu plus vite quâon ne le pensait. Ătre sur quatre pattes, mĂȘme si elles ne sont pas bien longues, et pouvoir passer sous les buissons sans faire de dĂ©tour, ça aide, lui assura-t-il. Dans tous les cas, livraison de repas ! Bouillon de la mer au fromage avec du poisson sĂ©chĂ© façon sreng par nos seigneurs et maitres en cuisine Dedue et Ashe ! Tu as mangĂ© quelque chose ce matin ?
â NonâŠ
Sylvain soupira un peu, son masque joyeux tombant un peu en dĂ©voilant lâinquiĂ©tude. Il le reprit vite avant de dĂ©clarer.
â Je sais que tu ne veux pas manger plus que nĂ©cessaire ou que tu nâas pas faim mais, il faut que tu manges plus⊠tu as la peau sur les os⊠dĂ©jĂ que pour lâhygiĂšne, câest aussi le minimum du minimum, tu vas finir par tomber malade si tu continues⊠⊠avale au moins un peu de bouillon histoire de te caler un peu, dâaccord ? MĂȘme deux ou trois cuillĂšres et une bouchĂ©e de poisson, ce serait dĂ©jĂ bien, câest une recette trĂšs nourrissante dâaprĂšs ma cousine Hlif et mes tantesâŠ
â ⊠dâaccord⊠mais tu peux rester ici ? Sâil te plait⊠lui demanda-t-il.
Le rouquin ne cacha pas sa surprise mais, finit par sourire en acceptant avec joie. Il avait le mĂȘme sourire que LoquaxâŠ
â Dâaccord, si tu veux ! Tu me laisses juste cinq minutes pour aller rĂ©cupĂ©rer mon repas dans ma chambre ? Jâavais prĂ©vu dâĂ©tudier un peu les rapports des autres Ă©claireurs mais, ça me semble une bien meilleure option ! Je reviens tout de suite !
⊠et sa langue bien pendue aussi. Mais Dimitri ne voulait pas que ça sâarrĂȘte⊠rien que quand il se retrouva Ă nouveau seul dans le silence, les morts recommençaient Ă grommeler et Ă marmonner dans ses oreilles⊠et il avait juste envie dâencore parler Ă quelquâun de physiqueâŠ
Il revient assez vite avec son repas aprĂšs que Dimitri ait hochĂ© la tĂȘte, composĂ© dâun vrai ragout de viande et pas seulement dâun bouillon comme lui. En voyant son Ćil posĂ© sur son bol, Sylvain le reprit avec amusement, sur le ton de la taquinerie quâil utilisait depuis toujours, mĂȘme sâil semblait faire attention Ă son dos.
â DĂ©solĂ©, faut que tu te contentes du bouillon, câest pas bon de trop manger dâun coup aprĂšs une grosse disette et en Ă©tant aussi maigre que toi. Faut que tu rĂ©habitues ton corps petit Ă petit avec des plats qui ne te pĂšseront pas trop sur lâestomac. TâinquiĂšte, ma mĂšre nous a envoyĂ© un livre de recette de chez elle quâelle tient dâArnina, la cuisine sreng est passĂ© maitre dans ce genre de plat. Et ma tante Huld mâa bien dit de manger plus de viande quand je me transforme⊠et dâexpĂ©rience, câest mieux aussi quand je passe ma journĂ©e en renard. DĂ©jĂ que jâai le dos brĂ»lant⊠enfin, une petite tĂȘte dans lâĂ©tang et ça allait mieux. Dans tous les cas, bon appĂ©tit ! Je meurs de faim !
â Merci⊠mĂȘme si ton dos te fait encore mal. Tu le bouges Ă peine. La magie sreng semble douloureuse⊠et comment vont Rodrigue et FĂ©lix ?
â Hum⊠un peu, câest une grosse question dâhabitude. Jâai mis cinq ans avant de pouvoir me transformer et il fallait y aller doucement. Au dĂ©part, je ne tenais mĂȘme pas deux minutes avec juste les capacitĂ©s dâun renard, alors une transformation entiĂšreâŠÂ ! Enfin, les transformations, une fois que tâes habituĂ©, câest ce qui fait le moins mal vu que ton corps encaisse pas mal de magie pour te transformer. Câest les autres sorts en dehors du rappel de lâarme qui sont vraiment difficiles Ă supporter sans ĂȘtre habituĂ©. Tu verrais ma tante Huld et Hlif ! Elles sont couvertes de tatouages des pieds Ă la tĂȘte ! Et Hlif a autant galĂ©rĂ© que moi avec ses sorts ! Enfin, le principal, câest que maintenant, elles peuvent tenir longtemps, mĂȘme si elles piquent toutes les deux une tĂȘte dans lâeau glaciale aprĂšs. Hlif voulait me rejoindre ici mĂȘme si lĂ , elle aide Gautier Ă contrer les assauts de CornĂ©lia. Elle dĂ©teste mon paternel et le trouve indigne de ma mĂšre mais, elle veut aussi protĂ©ger Fregn et câest un devoir dâaider les proches chez les srengs, surtout quand les temps sont durs. Pour Rodrigue, il se remet tranquillement, mĂȘme sâil dort encore mais, câest normal. Il a Ă©puisĂ© toutes ses forces aprĂšs tout. Pour FĂ©lix, de ce que jâai compris en revenant, il sâest un peu agitĂ© cette nuit mais, Mercie, Marianne et Flayn se relaient pour bien les surveiller au cas oĂč. Pour le moment, lâhĂ©morragie nâa pas repris alors, câest dĂ©jĂ un bon point. Il faut surtout faire attention Ă ce quâil boive beaucoup vu quâil semble ĂȘtre un peu dĂ©shydratĂ©.
â Tant mieux. Hlif⊠Câest une de tes cousines de mĂ©moire⊠tu nous as dĂ©jĂ parlĂ© dâelle avant. Tu en as beaucoupâŠ
â Ouaip, câest la fille de ma premiĂšre tante Arnina ! On a le mĂȘme Ăąge tous les deux, et elle adore sâoccuper des valravens alors, ça fait des sujets de conversation. Quand jâallais Ă Sreng avec ma mĂšre, je passais beaucoup de temps avec elle. Tu la verrais sur un valraven, elle est impressionnante ! Câest pourquoi on lâappelle la Hrafn, le corbeau, elle est trĂšs douĂ©e dans les airs ! Câest vraiment quelquâun de sympa, et elle voudrait vous rencontrer. Jâai aussi un petit cousin qui a failli me suivre, le petit Hveiti, il est trĂšs curieux de Fodlan Ă force dâen entendre parler mais, il est trop petit pour partir. Tu le verrais, câest pratiquement un mini-toi ! Câest un tout petit gosse tout blond avec des yeux bien bleu qui colle pratiquement tout ! Ă chaque fois, il tentait de se planquer dans les bagages pour aller en Fodlan ! CâĂ©tait son dĂ©fi Ă lui ! Il rendait Thorgil folle ! Et beaucoup⊠oui et non, les srengs ont pas la mĂȘme dĂ©finition de la famille. On peut appeler cousin quelquâun si on se souvient quâon a un lien de sang avec lui, mĂȘme si ce lien remonte Ă dix gĂ©nĂ©rations. Câest une expression pour marquer un lien ou de lâaffection, mĂȘme si ça nâest pas forcĂ©ment de la parentĂ©. Genre, pour un sreng, tu peux appeler Claude cousin vu que vous ĂȘtes parents Ă©loignĂ©s et que vous le savez. Pour Hlif et Hveiti⊠il avala un morceau de viande de son ragout avant de reprendre. Enfin⊠Ludwig dit Hveiti, on lâappelle juste tous par son surnom parce que ça lui va juste comme un gant de sâappeler « blé », il est aussi blond quâeux, câest des cousins au sens fodlan du terme⊠et content de voir que tu manges un peu aussi ! Sourit-il avec joie et soulagement.
Dimitri constata alors quâeffectivement, il avait pratiquement vidĂ© son assiette en Ă©coutant Sylvain bavarder⊠il sâen Ă©tait Ă peine rendu compte, enchainant les coups de cuillĂšres dans le bouillon au fil de la conversation⊠tout Ă©tait silencieux aussi. Cela faisait du bienâŠ
â Tu ressembles beaucoup Ă Gautier tu sais⊠lĂącha-t-il.
â Hum ? Câest-Ă -dire ? Lui demanda le rouquin.
Dimitri entendit la voix de Glenn revenir, se moquant de lui dâavoir dit ça, quâil ne le croirait jamais⊠mais personne ne lâavait vraiment remis en question quand il avait avouĂ© avoir entendu Fraldarius⊠et Sylvain lâavait souvent cru⊠pratiquement toujours mĂȘme⊠il avait Ă©tĂ© un des premiers Ă le croire sur le fait que les duscuriens nâĂ©taient pas responsables de la TragĂ©die⊠et lui aussi avait vu Gautier qui lui avait sauvĂ© la vie aprĂšs que Miklan lâait abandonnĂ© dans la forĂȘt enneigĂ©, en tĂ©moignait les petits crocs qui remplaçaient ses canines Ă prĂ©sent⊠peut-ĂȘtre queâŠ
Le blond marmonna alors, devenant aussi bavard que Sylvain et Loquax.
â Jâai vu Gautier pendant mon sommeil⊠il te ressemblait vraiment beaucoup⊠et Ă©tait tout le contraire des lĂ©gendesâŠ
â Vraiment ? DiffĂ©rent comment ? Le questionna-t-il Ă son tour.
â TrĂšs doux, trĂšs gentil et surtout, trĂšs bavard⊠il nâarrĂȘtait pas de parler⊠il disait lui-mĂȘme quâil Ă©tait une vraie pie⊠tu lui ressemblais vraiment⊠mais je suis sĂ»r que câĂ©tait lui⊠mĂȘme si je ne sais pas comment je lâai vuâŠ
â Hum⊠la Lance de la Destruction est appuyĂ©e contre le mur qui sĂ©pare nos chambres, ça aide peut-ĂȘtre ? En tout cas, je te crois.
â Tu ne me prends pas pour un fou ? S'Ă©tonna-t-il tout de mĂȘme un peu.
â ⊠honnĂȘtement, je ne sais pas ce qui se passe dans ta tĂȘte, Ă part que pour toi, câest rĂ©el, mĂȘme si ce nâest pas cohĂ©rent. Tu as fait des choses vraiment horribles que je ne suis pas sĂ»r de te pardonner⊠nous mettre en danger comme ça pour ta vengeance par exemple. Mais dâun autre cĂŽtĂ©, je sais aussi que pour toi, ce que tu voies est rĂ©el alors, tu ne mentiras pas lĂ -dessus, et je ne vais pas tâen vouloir de me dire ce que tu vois en Ă©tant honnĂȘte. Je tâai toujours cru, je vais pas arrĂȘter maintenant. Jâaurais plutĂŽt prĂ©fĂ©rĂ© que tu nous dises avant que tâĂ©tais hantĂ© par des fantĂŽmes qui te hurlaient de les venger avant, on aurait pu tâaider plus tĂŽt.
â Donc, tu me crois quand je dis que jâai vu ton ancĂȘtre ? Sans toucher ta Relique ? Et quâil Ă©tait totalement diffĂ©rent des lĂ©gendes sur lui ?
â Oui, je te crois. Je te fais confiance depuis toujours, on est amis tous les quatre depuis quâon est tout petit, et jâai pas envie de mâarrĂȘter maintenant. De toute façon, je te suivrai jusquâau bout, lui assura-t-il avec un peu de dĂ©sinvolture dans sa voix mais, elle disparut vite sous le sĂ©rieux. DĂ©jĂ , je me dis que câest une bonne chose si tu avoues ce que tu vois. Pour moi, si tu affrontes ce que tu vois et que tu vas de lâavant, ça me va, ça me donne envie de te donner une seconde chance.
â Hum. Qui te dit que jâabandonnerais ma vengeance ? Elle devra bien ĂȘtre accomplie un jour ou lâautre, les morts doivent bien finir par reposer en paix ! Sâexclama-t-il, presque autant pour se lâaffirmer Ă lui-mĂȘme et sâen reconvaincre tout seul.
â Si tu repars direct sur ça aussi⊠enfin, et si pour commencer, tu relevais un dĂ©fi ? Lui proposa le rouquin en levant un doigt.
â Un dĂ©fi⊠marmonna Dimitri, mĂ©fiant de ce quâil allait dire, le regard dĂ©rivant vers Glenn qui lui montrait la porte et tapait dessus pour couvrir leur conversation.
â Par ici Dimitri, je suis lĂ , le rappela tout de suite Sylvain. Il nây a personne Ă la porte⊠en plus, sâil y a quelquâun que je ne vois pas, il peut aussi entendre que ça te rendra service et que ça ne tâempĂȘchera pas dâaccomplir ta vengeance quâils dĂ©sirent tous absolument, lui assura-t-il. Câest juste la maniĂšre sreng de faire. Ils font souvent comme ça que quand ils ont des objectifs Ă rĂ©aliser, ils se lancent un dĂ©fi ou plusieurs pour se motiver.
â Ce serait quoi ?
â Le dĂ©fi, câest que tu continues Ă manger aussi bien que maintenant jusquâà ⊠hum⊠disons jusquâĂ ce que FĂ©lix et Rodrigue se rĂ©veillent. Ăa leur fera plaisir de te voir un peu mieux nourri alors, ça vaut encore plus le coup que tu acceptes. Quâen dis-tu ?
â ⊠⊠⊠dâaccord⊠si on discute encore.
â Pas de souci, je suis sĂ»r que les autres seraient aussi content de manger avec toi en bavardant ! Lui assura-t-il en souriant.
Les fantĂŽmes faisaient toujours du bruit, ils hurlaient toujours leurs suppliques mais, elles semblaient un peu moins fortes⊠câĂ©tait juste un petit temps dâattente supplĂ©mentaire et juste pour rassurer FĂ©lix et Rodrigue en mangeant un peu plus⊠Glenn nâaimerait pas les inquiĂ©ter tous les deux⊠il ne devrait pas trop lui en vouloir mĂȘme sâil le faisait encore attendre⊠son pĂšre aussi⊠Rodrigue Ă©tait son ami, tout comme Alix⊠lâun des jumeaux mourrait, lâautre le suivrait surement de prĂšs dans la tombe, encore plus sâil perdait aussi son neveu⊠cela devrait les calmer sâil voyait les choses comme çaâŠ
*
Tout Ă©tait noir, sombre⊠mais aussi calme⊠comme sâil flottait dans lâeau⊠son ventre lui faisait mal mais, il le sentait presque plus⊠la plaie se soignait petit Ă petit, autant sa peau que ses organes⊠lâeau faisait du bienâŠ
Il entendait un petit rĂąle.
CâĂ©tait tout faible, presque inexistant⊠mais il ne pouvait que lâentendreâŠ
« Mon louveteauâŠÂ »
Rodrigue entrouvrit les yeux, voyant la forme lointaine de FĂ©lix⊠sa respiration aussi sifflanteâŠ
La derniĂšre fois quâil avait entendu ses rĂąles, câĂ©tait quand il Ă©tait brĂ»lĂ© par ce monstre dâArundel⊠ils avaient eu si peur⊠toutes ses brĂ»lures atroces⊠il avait failli⊠heureusement que Fraldarius avait⊠mais pour çaâŠ
Aucune lumiĂšre dorĂ©e nâĂ©tait prĂšs de son filsâŠ
Aegis nâĂ©tait pas avec luiâŠ
NonâŠ
Non⊠non⊠il devaitâŠ
Aegis devrait ĂȘtre avec luiâŠ
Il lâavait toujours⊠protĂ©gé⊠mĂȘme du pireâŠ
Fraldarius tenait Ă sa famille mĂȘme par-delĂ la mortâŠ
Rodrigue se redressa comme il put, se tenant Ă tout en cherchant oĂč Ă©tait leur Relique quâil entrevit prĂšs du mur⊠juste Ă cĂŽtĂ© dâune autre Relique mais, elle nâavait pas dâimportance⊠justeâŠ
En boitant de fatigue, il le rejoignit et attrapa le bouclier malgré son poids et le tira comme il put contre lui. Ses jambes tremblaient, comme ses bras, sa poitrine, ses mains, ses os⊠mais il ne pouvait pas tomber⊠il devait amener leur Relique à son fils⊠il en avait besoin.
Le pĂšre sâeffondra quand il se retrouva Ă son chevet, mais ce nâĂ©tait pas grave, il Ă©tait arrivé⊠il tira le bouclier sur le lit, puis sous le bras de son petit qui le serra un peu contre lui par rĂ©flexe, comme toujoursâŠ
« Ăa va aller⊠ça va aller⊠souffla Rodrigue malgrĂ© ses yeux de plus en plus flous, le souvenir de sa propre mĂšre leur disant que ça irait pour les rassurer avec Alix. Tu as toujours Ă©tĂ© trĂšs fort⊠tu tâes toujours battu⊠toujours⊠je tâen supplie, reste encore⊠il arriva Ă attraper sa main, sourit en sentant ses doigts se serrer autour. Mon petit louveteau⊠FĂ©licia⊠Glenn⊠veillez bien sur lui⊠merci pour tout FraldariusâŠ
â Mais quâest-ce que⊠seigneur Rodrigue !
Il entendit la voix du jeune Ashe entrer et ses pas se prĂ©cipiter vers eux, aprĂšs la sonnerie dâune cloche.
â Ce nâest rien⊠souffla-t-il alors que les bras de lâarcher lâentouraient. Sa respiration sifflait⊠il a besoin dâAegis⊠il faut lui laisserâŠ
â Euh⊠dâaccord, nous le ferons. Ne vous en faites, on sâoccupe bien de vous deux.
â Faites attention Ă FĂ©lixâŠ
Il resombra dans ce sommeil aqueux, sentant toujours la main de son fils dans la sienne.
*
Mercedes se rĂ©veilla en sursaut en entendant la cloche dâurgence sonner dans ses oreilles. Elle se mit tout de suite sur ses pieds, encore habillĂ©e pour sa garde, prit sa sacoche dâurgence, puis fila en vitesse vers la chambre des Fraldarius. Elle trouva Ashe en train de tenter de tirer Rodrigue sur ses Ă©paules, aidĂ© par sa force dâarcher, alors quâil Ă©tait accoudĂ© au chevet de son fils.
« Ah ! Mercedes, tu es déjà là  ! Souffla-t-il à mi-voix.
â Je suis venue dĂšs que jâai entendu la cloche. Quâest-ce qui sâest passĂ©Â ? Demanda-t-elle en prenant tout de suite le pouls du blessĂ©.
â Jâai entendu du bruit alors, je suis entrĂ© et je lâai trouvĂ© Ă cĂŽtĂ© de FĂ©lix avec Aegis⊠il a dit quâil a entendu que sa respiration Ă©tait sifflante alors, quâil fallait quâil lui donneâŠ
â Une respiration sifflante⊠rĂ©pĂ©ta-t-elle, pensive.
Elle lâaida Ă remettre Rodrigue dans son lit, puis retourna auprĂšs de FĂ©lix. Mercedes se pencha Ă cĂŽtĂ© de lui et Ă©couta son souffle, posa doucement son doigt sur sa gorge pour prendre son pouls. Son cĆur battait Ă toute vitesse, cognant avec force dans sa poitrine mais, cela restait stable avec son Ă©tat.
Le regard de la guĂ©risseuse se posa alors sur Aegis. FĂ©lix le tenait contre sa poitrine comme si câĂ©tait sa propre vie, la lueur jaunĂątre semblant le protĂ©ger. Ătant donnĂ© quâil semblait tenir sans, les guĂ©risseurs avaient tentĂ© dâenlever sa Relique pour observer ce quâil allait se passer. Elle tira alors la couverture, dĂ©couvrant son dos bandĂ©Â : sa marque dâĂ©nergie brillait lĂ©gĂšrement, de lâĂ©nergie circulant Ă lâintĂ©rieur, comme si la magie remplaçait le sang⊠quand elle le frĂŽla, elle avait lâimpression de plonger ses doigts dans de lâeau, alors que la peau Ă©tait trĂšs sĂšche Ă cet endroit. FĂ©lix buvait beaucoup mais, sa peau restait sĂšche, mĂȘme sâil nây avait pas dâautre symptĂŽme de dĂ©shydratation. Peut-ĂȘtre queâŠ
Prudente, Mercedes souffla, mĂȘme si elle ne savait pas si le blessĂ© lâentendrait mais, elle devait tenter. Sylvain et Ingrid lui avait dit quâil entendait toujours tout quand il Ă©tait inconscient, et elle avait malheureusement pu le vĂ©rifier par elle-mĂȘme auparavant, mĂȘme si le doute persistait. Ce serait surement trop brutal si elle ne le faisait pas, ou alors leur ami ne le lĂącherait pas.
â FĂ©lix⊠il faut que tu me laisses te prendre Aegis. Je te jure que je te le rendrai presque tout de suite mais, il faut que je vĂ©rifie ta respiration. Rodrigue dit quâelle est sifflante alors, je dois tâausculter sans ta Relique, surtout quâelle semble agir sur ton organisme encore plus quâauparavant. Ce ne sera pas long, câest promisâŠ
La DĂ©esse soit louĂ©e, la guĂ©risseuse arriva Ă retirer le bouclier des mains de son patient sans trop de difficultĂ©, remerciant aussi lâarme de ne pas lâattaquer. FĂ©lix les entendait dâune certaine maniĂšre, ce qui Ă©tait une bonne nouvelle, et mĂȘme si câĂ©tait Ă©trange quâun bouclier lâĂ©coute, il sâagissait un don de la DĂ©esse, ce nâĂ©tait pas une arme ordinaire.
DĂšs que la protection physique de son ancĂȘtre sâĂ©loigna, la lumiĂšre dans son dos disparut, la magie dans ses veines semblant se dissiper avec elle et comme Rodrigue lâavait dit, sa respiration devient sifflante, comme sâil Ă©tait essoufflĂ©. CâĂ©tait trĂšs faible, presque inaudible mais, le rĂąle Ă©tait bien lĂ âŠ
â Il a bien entendu. On dirait quâil a du mal Ă respirer⊠vu quâil a perdu beaucoup de sang Ă cause de lâhĂ©morragie, il doit avoir du mal Ă en refaire. Il faudra quâil mange des plats Ă base de foie et de rognon, câest trĂšs bon pour le sang.
â Dâaccord, je lui cuisinerai tout ça. Mais comment le Seigneur Rodrigue a-t-il pu lâentendre de son lit ? On lâentend Ă peine en Ă©tant Ă cĂŽtĂ© de lui pourtantâŠ
Mercedes fredonna avec un sourire, touchĂ©e. Il aimait vraiment son fils de tout son cĆurâŠ
â Lâinstinct paternel je dirais.
*
Ă nouveau, Dimitri se retrouva Ă dĂ©ambuler dans le monastĂšre pendant la nuit mais, il arriva un peu mieux Ă comprendre que câĂ©tait un rĂȘve cette fois. Juste un rĂȘve⊠peut-ĂȘtre⊠les morts continuaient Ă le supplier dâaccomplir son devoir de toute façonâŠ
« Juste le temps quâils se rĂ©veillent tous les deux⊠jura-t-il. Comme pour les repas et le dĂ©fi de Sylvain⊠Rodrigue sâest rĂ©veillĂ© la nuit derniĂšre, mĂȘme sâil sâest tout de suite rendormi⊠cela ne devrait plus ĂȘtre trĂšs longâŠÂ »
Il dĂ©ambula sans vraiment dâautres buts que de passer le temps, quâil soit Ă©veillĂ© ou endormi, quand il entendit un petit fredonnement. Il crut au dĂ©part que câĂ©tait la voix de Fraldarius, avant de se rendre compte que câĂ©tait une voix de femme avec un timbre bien diffĂ©rent du sien. Elle Ă©tait bien plus lĂ©gĂšre et semblait un peu se rĂ©pĂ©ter, comme certains danseurs le faisaient pour sâaccompagner en absence de musicien.
Arrivant Ă deviner qui il allait rencontrĂ©, Dimitri suivit la voix, et trouva une femme minuscule en train de virevolter entre les grands plans de lin trempĂ©s quâelle Ă©tendait, dansant tout en travaillant avec un air joyeux. Elle Ă©tait minuscule avec de trĂšs longues et innombrables tresses rousses qui drapaient chacun de ses mouvements, tout comme son collier oĂč se cĂŽtoyaient quatre mains de fer en pendentif oĂč un petit texte Ă©tait Ă©crit, trĂšs semblable Ă celui de Fraldarius. Sous ses chĂąles Ă carreaux se dessinaient les contours dâune sorte de squelette extĂ©rieur, semblant fait de bois et de racine, lâentourant complĂštement, rendant sa silhouette Ă premiĂšre vue frĂȘle plus solide et forte, bien quâelle semblĂąt ĂȘtre une danseuse trĂšs expĂ©rimentĂ©e et musclĂ©e. Quand il la vit de face, il vit que ses pupilles Ă©taient blanches au milieu des iris viridines mais, il sut assez vite quâelle le voyait quand elle le fixa et le salua. CâĂ©tait fou ce quâelle ressemblait Ă AnnetteâŠ
« Dominic jâimagineâŠ
â Suis. Annia Dominica Laeta, se prĂ©senta-t-elle surement. Et tu ? Quo nomine es ?
Elle Ă©tait encore plus dur Ă comprendre que Fraldarius⊠son accent Ă©tait assez diffĂ©rent du sien mĂȘme sâils parlaient tous les deux latin normalement, surtout quâelle s'exprimait trĂšs vite. Enfin, sâil Ă©tait logique, il avait dĂ» lui demander son nom.
â DimitriâŠ
â No nomen ? Es servus ?
â Je ne parle le latin, et tu es dure Ă comprendre⊠je ne comprends Ă peine ce que tu dis.
Elle fit une petite moue, avant de sâavancer vers lui. Une fois Ă cĂŽtĂ© de lui, elle traça des lettres au sol, puis se montra.
â Annia Dominica Laeta, arriva Ă lire le blond, ce qui la fit sourire quâil arrive Ă se comprendre ainsi.
MĂȘme si la graphie des lettres avait changĂ©, elle Ă©crivait en majuscule ce qui la rendait plus facile Ă lire. Elle sourit avant de faire partir un trait de son nom qui se divisa en deux. Dâun cĂŽtĂ©, elle Ă©crivit un nom qui semblait fĂ©minin « Livia Justinia Fusca », puis un autre de lâautre cĂŽtĂ© « Annius Dominicus Messorinus ». De ce nom, elle fit remonter un autre trait avec un autre nom « Dominicus », puis un autre, puis un autre, puis un autre.
Elle pointa alors ce nom en répétant.
â Nomen.
â Tu parles des noms de familles ? ⊠Blaiddyd. Je mâappelle Dimitri Alexandre Blaiddyd.
Elle eut lâair un peu Ă©tonnĂ©e, puis eut un sourire.
â Sicut Simplex. Nominorat Blaiddyd Simplex. EsâŠ
Elle commenta quelque chose mais, elle parlait trop vite avec un accent trop fort pour quâil comprenne quoi que ce soit⊠mais il la laissa faire, sa voix Ă©tait apaisante et chassait un peu les fantĂŽmes.
Dominica⊠ou plutĂŽt Laeta si son nom fonctionnait comme celui de Loquax, finit par fixer sa tĂȘte, lâinspectant de la tĂȘte au pied, avant de grimacer et de dire quelque chose quâencore une fois, il ne comprit pas. Elle dut sâen rendre compte car, elle rĂ©pĂ©ta mais, en faisant mine de se gratter de partout, avec des poux qui sautait sur ses bras et ses cheveux.
â Ce nâest pas important. Ce serait gaspillĂ© du savon de lâutiliser pour moi.
Elle ajouta autre chose en faisant un signe de cercle avec son doigt, mimant une puce sauter sur son autre main et la gratter Ă son tour. Laeta sortit alors un grand peigne de sa ceinture, mima de lâutiliser sur elle puis le pointa lui. Elle mima autre chose qui devait ĂȘtre le fait de se savonner vu le contexte mais, il Ă©tait bien incapable dâen ĂȘtre sĂ»râŠ
« AprĂšs manger autant, tu veux quâon te pomponne ? Tu ne mĂ©rites pas, arrĂȘte de lambiner et va nous venger. »
Le sermon des morts rĂ©sonnait dans ses oreilles, rĂ©pĂ©tant encore et encore la mĂȘme chose. Ils avaient raison, il ne mĂ©ritait aucun soin et gaspillait assez le temps et la nourriture des autres. Il devrait envoyer Ă NĂ©mĂ©sis le dĂ©fi de Sylvain et repartir les venger immĂ©diatementâŠ
Mais Laeta le regardait avec une telle insistance, son peigne en bois dans les mainsâŠ
Elle ressemblait tellement Ă Annette quand elle voulait quelque chose et quâil Ă©tait impossible de lui dire nonâŠ
CâĂ©tait de famille visiblementâŠ
â Bon, cĂ©da-t-il. Dâaccord, je veux bien que tu me peignesâŠ
Elle sourit en lui faisant signe de se baisser, Ă©tant beaucoup plus petite que lui. Elle devait faire la mĂȘme taille quâAnnette⊠elle avait la mĂȘme Ă©nergie et bonne humeur quâelle en tout cas.
Sâasseyant en tailleur Ă cĂŽtĂ© dâelle, Laeta passa dans son dos pour le peigner plus facilement. CâĂ©tait presque comme Ă Gronder⊠aprĂšs le premier coup, il Ă©tait Ă genoux⊠câĂ©tait mĂ©rité⊠cette fille nâavait fait que rĂ©clamer justice pour son frĂšre⊠il mĂ©ritait toute sa fureur⊠et il sâĂ©tait agenouillĂ©, prĂȘt Ă recevoir sa juste punition⊠un deuxiĂšme coup de poignard quâil savait mĂ©rité⊠câĂ©tait son juste sort⊠jusquâĂ ce que lâombre de Rodrigue seâŠ
Le lĂ©ger tirement du peigne dans ses cheveux lâarracha Ă ses ruminations, entrecouper parfois de doigts qui farfouillait entre ses mĂšches pour lâĂ©pouiller ou ce qui ressemblait Ă une petite pince pour tirer des tiques, accompagnĂ© du bavardage de Laeta. Cela faisait longtemps que personne ne lâavait peigné⊠il lâavait fait lui-mĂȘme depuis toujours, mĂȘme si sa nourrice ou ses parents le coiffaient parfois pour les occasions importantes oĂč il devait ĂȘtre apprĂȘtĂ©. Un souvenir aqueux sortit de ses mĂšches, son pĂšre qui rit un peu dâune bĂȘtise quâil avait faite Ă Fhirdiad avec FĂ©lix et qui les avaient complĂštement Ă©bouriffĂ©s⊠peut-ĂȘtre quâil avait essayĂ© dâutiliser la magie de vent ? FĂ©lix Ă©tait autant un magicien quâun Ă©pĂ©iste avant la mort de Glenn, imitant Rodrigue pour manier aussi bien la magie que lui alors, ils avaient pu essayer de faire de lâaĂ©romancie⊠il revoyait Rodrigue prendre FĂ©lix sur ses genoux, passant doucement un peigne dans ses cheveux aprĂšs une petite leçon, tout comme Lambert le faisait aussi avec lui⊠le mouvement rĂ©gulier du peigne dans ses mĂšches pour enlever les nĆuds⊠câĂ©tait apaisant.
Laeta parlait tout du long quâelle passait les petites dents souples dans les cheveux de Dimitri, comme si elle nâaimait pas le silence comme Loquax. Son ton Ă©tait assez joyeux mais Ă un moment, il devient plus sombre, nostalgique mais lourd, comme si elle remuait des souvenirs durs.
â Je ne comprends toujours rien de ce que tu dis mais, tu as lâair de parler dâune mauvaise pĂ©riode de ta vie⊠je suis dĂ©solĂ© pour ce qui tâes arrivĂ©âŠ
Dimitri ne savait mĂȘme pas pourquoi il avait dit ça⊠il ne comprenait rien, elle aurait pu parler des pires idioties du monde quâil nâaurait pas fait la diffĂ©rence, et ça ne le regardait pas, il devrait penser Ă sa vengeance uniquement et pas se soucier de ceux qui le ralentissait⊠mais il nâavait pu sâen empĂȘcher, sentant que câĂ©tait quelque chose dâimportant pour Laeta.
Il sentit son sourire en demi-teinte derriĂšre sa tĂȘte, avant quâelle reprenne. Le ton Ă©tait sĂ©rieux mais, plus elle avançait, plus ses mots semblaient gorger dâespoir avant de finir sur une joie qui ressemblait Ă une dĂ©livranceâŠ
Elle finit par retourner Ă ses cĂŽtĂ©s, faisant onduler les dents de son peigne pour nettoyer les restes de vermines. Dimitri passa ses doigts dans ses cheveux⊠ils Ă©taient de nouveau plutĂŽt doux et en ordre, autant quâil Ă©tait possible⊠on lui avait toujours dit quâil avait la criniĂšre dâun lion, comme sa mĂšre biologique, HĂ©lĂ©na⊠ça grattait moins⊠câĂ©tait agrĂ©ableâŠ
Laeta dĂ©clara quelque chose quâil ne comprenait pas mais, Ă son visage, cela semblait ĂȘtre un bon souvenir. Elle fit alors un geste de peigner quelquâun dans le vide, ainsi que le fait que quelquâun dâautre la peigne, son visage exprimant toute lâaffection pour les personnes quâelle mimait, des mots remplis de douceur quittant ses lĂšvres, ses mains finissant sur son cĆur, attrapant ses mains en pendentif avec affection.
« Je crois que jâai compris ce que tu disâŠÂ » souffla Dimitri en se rĂ©veillant dans son lit.
Il se redressa, sa blessure lui permettant de plus en plus de mouvements, bien quâils restaient douloureux. Se mettant sur ses pieds, il se dirigea vers son bureau, chercha dans les chiffons dont il se servait pour entretenir ses armes et ses cuirs, ainsi que son matĂ©riel de pansage, oĂč il trouva un peigne pour la criniĂšre des chevaux. Il enleva le crin qui se trouvait encore entre les dents, avant de les faire onduler afin de faire tomber la poussiĂšre dessus, travaillant mĂ©ticuleusement afin de ne pas casser les petites tiges de bois toutes fines.
Il finissait de le nettoyer quand Annette entra avec Ashe, lui apportant tous les deux son repas avec le leur. Comme tout le monde depuis quelques jours, il les voyait comme des humains et plus comme des animaux⊠il ne savait pas trop pourquoi ou sâil fallait remercier Loquax pour celaâŠ
« Ah ! Bonjour Votre Altesse ! Vous ĂȘtes dĂ©jĂ rĂ©veillĂ©Â ? On vous apporte le petit dĂ©jeuner ! Et on peut rester pour discuter si vous voulez, lui proposa Ashe, plus timidement que Sylvain et Ingrid qui venaient toujours sans hĂ©siter manger avec lui.
â Oui, merci.
â Câest normal ! Sourit la magicienne en entrant un peu plus. Vous avez ressorti un peigne ? Demanda-t-elle en le voyant avec le petit instrument Ă la main.
â Oui⊠hum⊠pour mettre de lâordre sur⊠enfin, pour mettre de lâordre pour faire simple⊠marmonna-t-il. Les riviĂšres ne sont⊠peut-ĂȘtre pas les meilleurs endroits pour se laverâŠ
Sâil voulait bien dire ce quâil voyait en rĂȘve Ă Sylvain ou Ă Ingrid si lâoccasion se prĂ©sentait, il nâĂ©tait pas prĂȘt Ă le faire avec Annette et Ashe. CâĂ©tait juste⊠pas le moment.
â Dâaccord ! Il faut dire, ça doit ĂȘtre bien emmĂȘlĂ©Â ! Sâexclama-t-elle, toute contente de le voir accepter de prendre soin de lui. Par contre, il vous faudra un peu dâaide pour vous nettoyer correctement aprĂšs tout ce temps⊠En plus, vous ĂȘtes encore faible et trĂšs maigre, il faut faire attention, ajouta-t-elle plus doucement.
â Je demanderais Ă Sylvain ou Ă Dedue sâils peuvent vous aider mais, je suis sĂ»re quâils seront dâaccord ! Assura Ashe. Vous devriez ĂȘtre plus Ă lâaise avec eux.
â Je peux aussi vous peignez si vous voulez en attendant, proposa Ă son tour Annette. Ăa permettra de dĂ©grossir un peu !
â Dâaccord, accepta Dimitri sans trop de souci, lâenthousiasme de ses deux cadets couvrant les soupirs de consternation des fantĂŽmes.
Ils sâinstallĂšrent tous les trois pour manger, Ashe et Annette bavardant des derniĂšres nouvelles du monastĂšre et de leur armĂ©e. La nourriture disparut toute seule au fil de leur voix, avec aucun bruit de fond qui les gĂȘnait.
Quand ils eurent fini, Ashe repartit avec les plateaux vides chercher Sylvain ou Dedue. Annette lâemmena alors devant sa chambre, le faisant asseoir dehors, devant sa porte, pour Ă©viter de mettre des parasites Ă lâintĂ©rieur, puis prit une minute pour aller rĂ©cupĂ©rer un peigne en meilleur Ă©tat dans sa chambre, ainsi quâune petite pince et un petit rĂ©cipient pour mettre les lentes. Elle inspecta le cuir chevelu pour enlever les tiques qui sây accrochait, avant de passer le peigne tout doucement en fredonnant un air connu Ă Faerghus. CâĂ©tait apaisantâŠ
« Annette⊠finit-il par murmurer.
â Oui Votre Altesse ?
â Je voulais te demander pardon⊠pour avoir Ă©tĂ© aussi froid et nĂ©gligeant avec toi⊠avec vous tous⊠jâai Ă©tĂ© odieux et mĂ©prisable⊠tu avais raison quand tu disais que nous devions nous soutenir⊠jâai dĂ» te faire beaucoup de peine⊠je le regrette⊠je comprendrais si tu ne me pardonne pas⊠je lâaurais mĂ©ritĂ©âŠ
â Hum⊠câest vrai que ça a fait mal quand vous lâavez dit, avoua-t-elle, la voix sombre et lourde comme celle de son ancĂȘtre. Mais si vous regrettez, je veux bien vous donner une autre chance ! Jâai envie de plus vous connaitre, et de vraiment vous connaitre ! Alors, je suis heureuse de vous voir aller mieux et de pouvoir bavarder avec vous ! Lui assura-t-elle avec son ton joyeux et gai.
Les fantĂŽmes levaient tous les yeux au ciel, semblaient lui hurler quelque chose, rĂ©clamant surement encore et encore leur vengeance mais ainsi, avec Annette Ă ses cĂŽtĂ©s⊠avec tout le monde Ă ses cĂŽtĂ©s⊠ils semblaient moins insistants⊠cela pouvait continuer encore un peu⊠au moins jusquâĂ la fin de son dĂ©fi et quand le seigneur Rodrigue et FĂ©lix seront complĂštement rĂ©tabli⊠câĂ©tait une bonne Ă©chĂ©anceâŠ
Annette avait presque fini dâenlever le plus gros des nĆuds, lorsquâAshe arriva avec Sylvain qui lâaccompagna jusquâaux bains et lâaida Ă se nettoyer. Cela ne le gĂȘnait pas trop, ils se connaissaient depuis trop longtemps pour ĂȘtre vraiment incommodĂ© et ils s'Ă©taient dĂ©jĂ baignĂ©s ensemble en Ă©té⊠la seule chose qui le gĂȘnait Ă prĂ©sent, câĂ©tait de montrer Ă quel point il Ă©tait squelettique mais, le rouquin ne fit aucune remarque, ni aucun commentaire. Il lâaida juste Ă enlever la crasse et les parasites sur lui sans rien dire de plus, Ă part lui demander sâil ne lui faisait pas mal.
Quand ils ressortirent, Dimitri avait des habits en bien meilleur Ă©tat que ceux quâil se bornait Ă mettre dâhabitude, et il ne portait pas dâarmure. CâĂ©tait des vĂȘtements de rechange de Sylvain, Ashe avait prit tout son linge pour aller le dĂ©sinfecter et Ă©radiquer tous les parasites qui pouvaient sây trouver.
« Fais respirer un peu ta peau et ton corps ! Câest pas bon dâĂȘtre tout le temps enfermĂ© dans une cage en mĂ©tal ! Tu vas choper des affections en plus si tu continues ! » Lui avait pratiquement ordonnĂ© Sylvain, et dĂ©cidemment Ingrid dĂ©teignait sur lui pour çaâŠ
Le bain et la vapeur lâavaient Ă©puisĂ©, pompĂ© ses forces mais, il se sentait bien mieux maintenant quâil Ă©tait propre⊠moins dĂ©mangĂ© par les parasites⊠plus lĂ©ger mais⊠mais ce qui gĂȘnait le plus Dimitri, câĂ©tait lâimpression dâĂȘtre presque nu sans son armure⊠sans cette protection⊠câĂ©tait plus simple dâĂȘtre complĂštement enfermĂ© et dissimulĂ© sous lâacier et la toile de sa cape⊠il se drapa dans son manteau pour se cacher dedans, tout en se tenant un peu Ă Sylvain pour marcher correctement.
Ils allĂšrent tous les deux vers lâinfirmerie clopin-clopant pour que Mercedes vĂ©rifie si sa blessure se refermait bien correctement, quand ils entendirent quelques notes volĂ©es. CâĂ©tait tout faible mais, ils ne purent que reconnaitre ce timbre et dâoĂč il venait.
Ăchangeant un regard, ils accĂ©lĂ©rĂšrent le pas comme ils purent pour monter Ă lâinfirmerie, Sylvain portant mĂȘme un peu Dimitri afin de gagner du temps et ne pas risquer quâil tombe dans les escaliers. Quand ils y arrivĂšrent, ils virent Mercedes, Marianne, Flayn, Manuela et Ignatz dont câĂ©tait le tour de garde, attroupĂ©s devant la porte avec Ingrid, Ă©coutant attentivement le chant dont les paroles Ă©taient pratiquement toutes claires Ă prĂ©sent.
Quand elle les vit, la chevaliĂšre leur fit signe dâapprocher en silence, puis leur laissa un peu de place pour quâils puissent observer Ă lâintĂ©rieur de la piĂšce.
« Au clair de la lune, le vent chante,
Tu pleures dans cette forĂȘt de cendres,
Les nuages vont alors tous descendre,
Pour que plus jamais, le mal te hante.
Au clair de la lune, les loups murmurent,
Sans un bruit, ils sâapprochent de tes blessures,
Ils tâentourent, te rĂ©chauffent avec leur fourrure,
Cette protection douce, elle te rassure.
Au clair de la lune, la forĂȘt te protĂšgera toujours ici,
Aux hurlements des loups, la brise te réconforte,
Tous pansent tes blessures et au loin les emporte,
Dans leur rassurante Ă©treinte, enfin tu tâendors guĂ©ri. »
Rodrigue Ă©tait assis Ă cĂŽtĂ© de son fils, passant sa main dans ses cheveux, sa voix claire et douce sâĂ©levant sans difficultĂ© dans les airs, chantant les paroles de la berceuse de guĂ©rison sans trembler malgrĂ© les frissons de faiblesse qui parcourait son corps. Il semblait toujours aussi fatiguĂ© mais, il sâĂ©tait enfin rĂ©veillé⊠enfinâŠ
Quant Ă FĂ©lix, il semblait toujours aussi frĂȘle et fragile, enveloppĂ© dans sa couverture et ses bandages, comme un poisson forcĂ© de rester hors de lâeau trop longtemps⊠cependant, son visage dâhabitude neutre semblait plus calme, comme apaisĂ© par la voix de son pĂšre, sa tĂȘte serrĂ© contre sa hanche, plus proche de lui Ă lâinstant que pendant ses neuf derniĂšres annĂ©es⊠il tenait toujours leur Relique contre son cĆur, Aegis les baignant de sa lueur protectrice⊠comme si toute la famille Ă©tait rĂ©unie⊠il ne manquait plus quâAlixâŠ
Sylvain et Ingrid jetĂšrent un regard Ă Dimitri⊠cela faisait une Ă©ternitĂ© quâil ne lâavait plus vu sourire ainsiâŠ
*
Dimitri nâavait aucune idĂ©e du temps quâil Ă©tait restĂ© Ă la porte sans osĂ© entrer. Il avait rĂ©glĂ© ce quâil devait faire avec Gilbert, Ă part une chose, ce dernier lui ayant demandĂ© quâest-ce quâil voulait faire Ă prĂ©sent⊠Dimitri devait avouer quâil ne savait pas lui-mĂȘme⊠les morts lui hurlaient de foncer vers Embarr mais, petit Ă petit et Ă sa grande honte, il commençait Ă se dire quâil devrait Ă©viter pour le moment, que câĂ©tait trop dangereux⊠il croyait pourtant que câĂ©tait ce quâil voulait aussi⊠mais maintenant, alors que leurs troupes retrouvaient petit Ă petit des forces⊠il ne savait plus⊠il avait remis ça Ă plus tard et lâavait aidĂ© avec lâapprovisionnement ainsi que la mise en dĂ©fense du monastĂšre comme il put, aiguillĂ© par Byleth. Elle Ă©tait souvent passĂ©e voir comment il allait mais, elle restait silencieuse la plupart du temps et quand il lui avait demandĂ© pourquoi, elle avait juste rĂ©pondu.
« Vos camarades vous disent bien mieux que moi ce que je pense. »
Encore une rĂ©ponse cryptique⊠au moins, câĂ©tait en fodlanâŠ
Enfin, depuis quâil avait fini son travail avec Gilbert, le jeune homme Ă©tait lĂ , coincĂ© devant cette porte⊠ne sachant pas quoi faire ou mĂȘme dire ou autre chose⊠Rodrigue sâĂ©tait enfin rĂ©veillĂ© et apparemment, il nâavait pas trop de sĂ©quelle, mĂȘme si sa convalescence serait trĂšs longue et que la douleur de la blessure restera toujours, comme un fantĂŽme⊠est-ce quâil avait juste le droit de le voir ? AprĂšs tout, câĂ©tait de sa faute si lui et son fils⊠lui et ses fils⊠en Ă©taient là ⊠et que son frĂšre avait Ă©tĂ© Ă deux doigts de perdre son jumeauâŠ
« Non⊠je nâai pas le droit dâĂȘtre iciâŠÂ » songea-t-il en partant.
Cependant, il dut faire du bruit car, la voix usĂ©e de fatigue mais douce de Rodrigue sâĂ©leva, demandant.
« Qui est lĂ Â ? Mercedes ? Marianne ? Câest vous ?
RepĂ©rĂ©, Dimitri ne put que se rĂ©soudre Ă entrer, saluant bien bas lâhomme.
â Bonjour. Excusez-moi de vous dĂ©ranger.
Il Ă©tait assis au chevet de FĂ©lix, toujours profondĂ©ment endormi, Aegis contre lui. MĂȘme quatre jours aprĂšs son Ă©veil, le pĂšre Ă©tait encore fatiguĂ© et trĂšs pale, chaudement enveloppĂ© dans sa couverture sur sa chaise mais, ses prunelles se posĂšrent doucement sur lui malgrĂ© tout et il lui sourit⊠des yeux de chat bleu comme de lâeau⊠exactement les mĂȘmes que ceux de FraldariusâŠ
â Tu ne dĂ©ranges pas, lui assura-t-il. Entre donc, cela ne doit pas ĂȘtre bon pour toi de rester debout trop longtemps⊠tu dois aussi te reposer. Il y a une autre chaise lĂ .
Timidement, le jeune homme prit le siĂšge quâil lui dĂ©signait et sâinstalla Ă ses cĂŽtĂ©s, mĂȘme sâil resta Ă une distance respectueuse, ne voulant pas sâimposer, encore moins Ă cet homme dont il nâavait jamais mĂ©ritĂ© le sacrifice. Glenn recommençait Ă sâagiter, furieux quâil approche de sa famille, crachant ce qui lui restait de sang sur lui⊠Dimitri pouvait presque sentir les gouttes sur ses mains⊠cependant, le mort se tut quand son pĂšre demanda.
â Comment te sens-tu ? Tes blessures se referment bien ? Je nâai pas pu te parler depuis mon rĂ©veilâŠ
â Oui, elles se referment bien, je ne devrais pas avoir de sĂ©quelles Ă part une lĂ©gĂšre douleur chronique. Je serais prĂȘt Ă retourner me battre dans quelques jours.
â VoilĂ une excellente nouvelle, mĂȘme si faites attention Ă ne pas repartir trop tĂŽt. Cela risquerait de les aggraver, lui recommanda-t-il avec prĂ©venance.
â ⊠dâaccord. Et⊠et vous Rodrigue ?
â Je vais mieux. Je suis encore en convalescence pendant un moment mais, je devrais guĂ©rir, aussi Ă part quelques douleurs fantĂŽmes. Il faudra aussi que je fasse attention Ă ce que je mange pendant un temps, lâarme a surtout touchĂ© mon estomac mais, heureusement, mes poumons sont intacts. Je ne devrais pas non plus avoir de marque qui apparaissent comme pour FĂ©lix, Sylvain, Ingrid ou toi, Ă©tant donnĂ© que câest la magie de FĂ©lix aidĂ© par Fraldarius qui mâa soignĂ©.
â Dâaccord, tant mieuxâŠÂ » souffla Dimitri, rassurĂ© pour Rodrigue que ses poumons soient Ă©pargnĂ©s. Il aimait beaucoup chantĂ© alors, une plaie aux poumons aurait pu entravĂ© sa capacitĂ© Ă le faire. Puis il demanda, plus timide quâil ne lâaurait voulu. « Et FĂ©lix ? ⊠comment va-t-il ?
â LâĂ©tat de FĂ©lix semble stable tant quâon lui laisse Aegis. Cela a toujours Ă©tĂ© ainsi quand il Ă©tait gravement blessĂ©, notre Relique lâa toujours protĂ©gé⊠il est encore trĂšs faible mais, guĂ©rit et retrouve un peu plus de force chaque jour pour guĂ©rir⊠il est trop attachĂ© Ă la vie pour la laisser filer ainsi, dĂ©clara-t-il, confiant envers son fils. Câest un battant qui ne laisse jamais rien tombĂ©, je sais quâil nâabandonnera pas aujourdâhui aussi⊠un sourire nostalgique fleurit sur le visage de Rodrigue, comme sâil glissait dans des souvenirs. Il est vraiment le portrait de FĂ©licia⊠elle sâaccrochait toujours et ne laissait jamais rien tombĂ©, mĂȘme si son cĆur lui interdisait beaucoup de choses⊠elle ne supportait pas de ne pas aider les autres quand elle pouvait agir, mĂȘme si cela impliquait de se mettre en danger elle-mĂȘme Ă cause de sa santĂ© fragile⊠FĂ©lix est aussi tĂȘtu et dĂ©terminĂ© quâelle.
Dimitri voyait Ă peu prĂšs ce que Rodrigue voulait dire. Il se souvenait du tableau de lâĂ©pouse de Rodrigue, FĂ©licia⊠pas de son vrai visage, il ne lâavait jamais connu. Elle Ă©tait morte en couches aprĂšs avoir donnĂ© le jour Ă FĂ©lix, elle Ă©tait de constitution trĂšs fragile⊠malgrĂ© tout, on leur avait beaucoup parlĂ© de cette femme, les jumeaux les premiers. On la dĂ©crivait comme quelquâun de trĂšs joyeux et vif, souvent au mĂ©pris de sa propre santĂ©, mais qui nâoubliait jamais dâaider les autres. CâĂ©tait ce qui revenait le plus sur sa personnalitĂ©, un rayon de soleil trĂšs inconscient, sauf quand on parlait commerce oĂč elle Ă©tait trĂšs habile et prudente. Sâil se souvenait bien de la peinture qui la reprĂ©sentait, FĂ©lix Ă©tait le portrait vivant de sa mĂšreâŠ
â Tant mieux⊠jâespĂšre quâil se remettra viteâŠ
â Jâen suis sĂ»r. Et toi aussi, tu as lâair dâaller beaucoup mieux.
â Oui, mes blessures se referment bien.
â Je ne parle pas de cela, le corrigea-t-il doucement. Tes joues sont un peu moins creuses et on voie que tu tâes lavĂ© correctement il y a peu de temps. Cela me rassure de te voir prendre soin de toi-mĂȘme.
â Je ne mĂ©rite pas tant dâattention⊠marmonna-t-il, tous les fantĂŽmes hurlant dans ses oreilles, lui rappelant encore et encore sa mission malgrĂ© tout, alors que tant dâautres vivants tentaient de la lui faire oublier. Surtout pour la nourriture⊠si je nâavais pas relevĂ© le dĂ©fi de Sylvain⊠ils me le disent bien⊠tous⊠ce nâest que de la futilitĂ© et du gaspillage de temps et de ressourcesâŠ
Un air triste apparut sur le visage de Rodrigue, au grand mĂ©contentement de Glenn qui lui reprochait dĂ©jĂ de faire de la peine Ă son pĂšre. Dimitri aurait dĂ» lâĂ©couter et ne jamais venir iciâŠ
â Dimitri⊠pourquoi serait-ce une perte de temps ? Tu risques de tomber malade Ă cause des carences ou des vermines si tu ne manges pas plus et que tu ne prends pas soin de toi-mĂȘmeâŠ
â Jâai survĂ©cu ainsi pendant cinq ansâŠ
â Et nous tâavons retrouvĂ© comme lâombre de toi-mĂȘme, rĂ©torqua lâhomme plus ĂągĂ©. Nous avons dĂ©jĂ eu si peur de tâavoir perdu ou de ce qui aurait pu tâarriver⊠et quand⊠Rodrigue secoua la tĂȘte. Personne ne veut te perdre, nous tenons tous Ă toi⊠il nâaimerait surement pas que je te le raconte mais, malgrĂ© tout ce quâil te disait, FĂ©lix aussi Ă©tait fou de chagrin pendant tout ce temps, mĂȘme sâil nâa jamais acceptĂ© que tu Ă©tais mort⊠il tâa toujours cherchĂ© aussiâŠ
â Je ne vous apporte pourtant que des problĂšmes⊠la preuve, vous avez tous les deux failli mourir par ma faute⊠Glenn le dit bien⊠je ne devrais pas vous approchez⊠je ne fais que vous mettre tous en danger⊠tous autant que vous ĂȘtesâŠ
â Glenn te dirait donc ça⊠marmonna Rodrigue avant de le questionner, attentif. Dimitri, et si tu mâexpliquais clairement ce que tu vois ? Tu nâen avais jamais parlĂ© avant que nous nous te retrouvions, jâaimerais comprendre plus exactement ce qui tâarrive, si tu veux bien mâen parler.
« Nâose mĂȘme pas raconter ce que tu voies, il te prendrait pour un encore plus gros tarĂ© que tu ne lâes dĂ©jĂ , » lui commanda Patricia mais, malgrĂ© tout, les mots coulĂšrent de ses lĂšvres.
â Je vois les morts de ce jour-là ⊠partout⊠tout le temps⊠tel quâil Ă©tait le jour de la TragĂ©die⊠mon pĂšre dĂ©capitĂ© qui doit porter sa propre tĂȘte⊠ma belle-mĂšre qui est complĂštement calcinĂ©e pour avoir disparu ainsi⊠Glenn qui regrette dâĂȘtre venu Ă Duscur et de ne plus jamais vous revoir, toi, FĂ©lix et Alix⊠Nicola qui se brise en mille morceaux pour protĂ©ger Glenn⊠Myrina et Kimon qui se font massacrer alors quâils tentaient de se protĂ©ger lâun lâautre⊠FrĂ©dĂ©rique qui tente de fuir avec dâautres membres de lâintendance et appelle ses parents quand des flĂšches lui traversent le dos⊠Jacques qui est dĂ©chiquetĂ© par la magie⊠tous les soldats de ce jour⊠tous leurs visages dĂ©formĂ© par la souffrance⊠tous⊠tous⊠tous me rĂ©clament vengeance⊠leur sort a Ă©tĂ© si horrible⊠personne ne peut comprendre quelle horreur ils ont vĂ©cu⊠dans quelle horreur ils sont morts⊠à part moi⊠je suis le seul Ă avoir survĂ©cu alors⊠alors que bien plus aurait mille fois plus mĂ©ritĂ© de survivre⊠câest mon devoir de les venger⊠câest mon devoir Ă accomplir aprĂšs avoir survĂ©cu⊠raconta-t-il en dĂ©tournant de plus en plus le regard de Rodrigue, nâosant plus le regarder bien quâil soit incapable de sâarrĂȘter, mĂȘme si les morts souriaient, ivres de joie constater quâil nâavait pas oubliĂ© son devoir. Câest pour ça que jâai survĂ©cu⊠câest pour ça que je dois accomplir la mission quâils mâont donné⊠quâils me rappellent Ă chaque instant⊠mĂȘme maintenant⊠je ne peux pas les abandonner moi aussi⊠sinon⊠sinon⊠ils⊠ils ne pourront jamaisâŠ
â Tu connais la lĂ©gende des feux follets Dimitri ?
La question fit taire le blond, ne sâattendant vraiment pas à ça. Il pensait que Rodrigue allait le disputer, le gronder, avoir peur de lui, ou pire ne rien dire du tout, ĂȘtre juste impĂ©nĂ©trable comme quand il se disputait avec Lambert⊠mais non, câĂ©tait une question presque au hasard, poser au milieu de sa tirade en toute confiance. Ne pouvant pas faire vraiment autre chose, il rĂ©pondit, un peu hĂ©sitant de ce quâil allait suivre :
â Bien sĂ»r. Ce sont des feux magiques qui attirent les voyageurs perdus pour les entrainer vers la mort⊠certains disent que câest lâĂąme des morts dans les marĂ©cages ou lâeau trouble, et dâautres que ce sont des esprits malins qui sâamusent de la mortâŠ
â Oui, câest bien ce que dit la lĂ©gende Ă leur sujet⊠⊠⊠moi aussi, jâai perdu mon pĂšre de maniĂšre violente, il a pris un coup de poignard Ă la place de Sa MajestĂ© Ludovic pour le protĂ©ger⊠mĂȘme si jâĂ©tais bien plus petit que toi, jâĂ©tais encore un enfant qui ne comprenait pas la mort avec Alix. On ne comprenait mĂȘme pas que la « boite » oĂč il « dormait » Ă©tait son cercueil, on pensait quâil dormait dedans quand il est arrivĂ© Ă la maison⊠raconta-t-il, un peu perdu dans ses pensĂ©es, Dimitri nâosant pas le couper. On ne comprenait pas pourquoi il nâĂ©tait plus lĂ , pourquoi on nâavait plus notre pĂšre, pourquoi des gens sâen prenait Ă notre mĂšre, on Ă©tait triste et on faisait tout pour quâil revienne⊠mĂȘme si notre « oncle » Ludovic nous avait dit quâil Ă©tait mort comme un vrai chevalier, on voulait juste le revoir une derniĂšre foisâŠ
â Comme un vrai chevalier ? Hoqueta Dimitri en entendant cela, reliant les points entre eux. Et Ludovic⊠est-ce queâŠ
â Oui, câĂ©tait ton grand-pĂšre, Alix et moi le surnommions « Oncle Ludovic » quand nous Ă©tions petits. On le considĂ©rait ainsi, surtout quâil Ă©tait trĂšs proche de Guillaume, il considĂ©rait notre pĂšre comme son grand frĂšre⊠câest lui qui nous a annoncĂ© sa mort⊠et nous expliquait ce que sâĂ©tait en mĂȘme temps, câĂ©tait la premiĂšre fois quâon la rencontrait⊠comme on ne comprenait pas, il a utilisĂ© lâimage du chevalier des histoires quâon lisait, pour quâon arrive Ă comprendre ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă votre pĂšre⊠mĂȘme si on a mis longtemps Ă comprendre rĂ©ellement quâil ne reviendrait pas⊠on voulait tellement le revoir⊠au moins une fois⊠alors un jour, alors quâon Ă©tait tous les deux sur le bord du lac en pensant Ă lui, on a cru voir sa silhouette au-dessus de lâeau⊠on Ă©tait persuadĂ© que câĂ©tait Guillaume qui nous disait de le rejoindre⊠on ne pensait mĂȘme pas aux feux follets⊠on pensait que câĂ©tait vraiment papaâŠ
â Alors, vous ĂȘtes entrĂ©s dans lâeau, devina Dimitri.
â Oui, on a avancĂ© jusquâĂ en avoir jusquâĂ la taille et si notre mĂšre nâĂ©tait pas intervenue, on serait surement allĂ© plus loin avec Alix⊠on Ă©tait persuadĂ© que câĂ©tait Guillaume⊠et quand on sâest dĂ©battus pour tenter de le rejoindre en pensant quâelle ne le voyait pas, elle nous a dit que câĂ©tait des feux follets et elle nous a aussi posĂ©s une questionâŠ
â Et quelle Ă©tait-elle ? Demanda-t-il.
â « Quel pĂšre digne de ce nom mettrait en danger ses enfants ? ». Notre pĂšre avait toujours fait passer sa famille avant tout, il ne nous aurait jamais mis en danger ainsi, mĂȘme si notre envie de le revoir nous lâavait fait oublier⊠il posa doucement son regard dans le sien, lui demandant avec calme. Quâen penses-tu ?
Dimitri détourna les yeux, incapable de le fixer. Devant son silence, Rodrigue insista, posant sa main sur sa joue pour le forcer à au moins voir dans sa direction.
â Dimitri, regarde-moi. Penses-tu vraiment que Lambert voudrait que tu coures ainsi Ă ta mort pour le venger ? Penses-tu que Glenn voudrait que tu meures pour lui ainsi ? Penses-tu que ta tante Myrina et ton oncle Kimon voudrait voir le fils unique de leur sĆur HĂ©lĂ©na mourir ainsi ? Penses-tu que Nicola voudrait que tu suives un chemin ensanglantĂ©, alors quâil a aidĂ© Ludovic Ă dĂ©trĂŽner Clovis le Sanglant ? Penses-tu que tous les morts voudraient voir encore plus de cadavres sâempiler ? Que tu risques ainsi ta vie pour eux ? Ce nâest que mon avis mais, je ne pense pas que Glenn souhaiterait un tel sort Ă qui que ce soit, mĂȘme Ă lâĂȘtre quâil mĂ©prisait le plus au monde. Il tâaimait et te respectait Ă©normĂ©ment, il nâaurait jamais voulu te faire subir un sort aussi horrible et poser sur tes Ă©paules autant de responsabilitĂ©s si tĂŽt. Nicola aussi, il nâaurait jamais voulu ça. Ă la mort de Guillaume, il nâa jamais rĂ©clamĂ© une vengeance aveugle, il a toujours voulu la justice juste et rĂ©flĂ©chie, pas un bain de sang. Lambert aussi, mĂȘme si je le trouvais parfois trĂšs nĂ©gligeant sur certains points, ne voudrait jamais que son fils et lâenfant quâHĂ©lĂ©na voulait et aimait tant ne risque sa vie pour le vengerâŠ
â Mais⊠mais câest ce que je vois ! Câest ce que je vois et jâentends ! Je⊠je ne peux pas mâen empĂȘcher ! Ils me disent ça ! Paniqua-t-il encore en sâĂ©chappant de sa main. Je ne peux que les voir et les entendre encore et encore ! Jamais ils ne me laisseront en paix avant queâŠ
â Je le sais, le coupa Ă nouveau Rodrigue, son ton calme apaisant un peu Dimitri en voyant que lâhomme le croyait. Je sais que tu ne mens pas et que câest ce que tu vois. Je sais que ces fantĂŽmes sont bien rĂ©els pour toi, je ne le nie pas non plus. Je te demande juste de rĂ©flĂ©chir Ă ce quâils te disent, et de te demander si cela leur ressemblerait vraiment.
â Si ça⊠je sais que⊠mais⊠mais ils insistent tant⊠Dimitri passa sa main sur son visage, couvrant son Ćil restant avec ses doigts. Je ne sais mĂȘme pas par quoi commencer ou comment faireâŠ
â Cela viendra⊠lui assura Rodrigue en posant sa main sur son bras, faisant un peu glisser sa main de son Ćil, permettant Ă Dimitri de voir son sourire et la confiance qui irradiait de lui. Pour cela, tu dois trouver la rĂ©ponse non pas dans ce quâils te disent eux⊠dĂ©clara-t-il en montrant lâespace autour de la tĂȘte de Dimitri, avant de continuer en montrant sa tĂȘte puis sa poitrine, âŠmais lĂ , et lĂ . Câest lĂ que trouvera la rĂ©ponse qui te satisfera le plus.
Le jeune homme posa sa main sur son cĆur, regardant Rodrigue, puis FĂ©lix qui dormait toujours, puis encore Aegis contre lui, luisant toujours, mĂȘme si Dimitri y voyait Ă prĂ©sent le mĂȘme Ă©clat que dans les yeux de ses descendants.
« Anima gravissima est⊠il faut croire que câest de familleâŠÂ »
*
La nuit Ă©tait tombĂ©e quand Dimitri se rĂ©veilla. Il entendait la musique toute douce dâune flute⊠sâil se fiait aux prĂ©cĂ©dentes nuits oĂč il sâĂ©tait rĂ©veillĂ© ainsi, alors⊠alorsâŠ
Se levant avec le cĆur Ă la fois rempli dâespoir et dâapprĂ©hension, le jeune homme descendit des dortoirs et rejoignit la cour au bord de l'Ă©tang oĂč il vit une silhouette toute semblable Ă la sienne. Le flutiste y plongeait ses jambes, ses braies relevĂ©es dĂ©voilant des cristaux de glace qui recouvraient Ă©galement ses joues, sa gorge et tout le tour de sa tĂȘte, comme sâil portait une couronne sous ses trĂšs longs cheveux blonds comme les siens. Sa chevelure ressemblait Ă une riviĂšre dâor interminable, liĂ©e dans un chignon qui tombait comme une tresse jusquâĂ sa hanche. Mais ce qui lâĂ©tonna le plus Ă part quâils se ressemblaient Ă©normĂ©ment, câĂ©tait que câĂ©tait impossible de nier quâun Brave Ă©tait duscurien⊠sa peau Ă©tait aussi noire que celle de Dedue⊠si la plupart des seigneurs et faerghiens savaient que le Flutiste des Glaces Ă©tait duscurien, beaucoup le nieraient et diraient que câĂ©tait une erreur mais... il sentait son emblĂšme rĂ©agir Ă ses cĂŽté⊠il le sentait jusque dans son sang... et cette mĂ©lodie...
Lâair se finit sur une note toute douce et tendre, pleine dâaffection, puis lâhomme le regarda⊠ses yeux Ă©taient vairons, le gauche azur dâeau entourĂ© de quelques Ă©cailles semblables Ă celle de Fraldarius, le droit bleu faerghien comme les siens et ceux de son pĂšre⊠câĂ©tait fou comme ils se ressemblaient tous les deux⊠Dimitri avait presque lâimpression de se voir dans un miroirâŠ
BlaiddydâŠÂ » souffla Dimitri sans croire quâil voyait son ancĂȘtre Ă son tour et ses propres yeux... ils se ressemblaient tellementâŠ
Il lui sourit en le saluant mais, il avait un accent encore plus fort que Laeta, ressemblant Ă une sorte de mĂ©lange entre le latin et le duscurien, ce qui faisait quâil ne comprenait vraiment rien du tout Ă ce quâil racontait.
Blaiddyd dut comprendre car, il rĂ©pĂ©ta plus lentement, mĂȘme sâil avait beaucoup de difficultĂ©.
« P⊠pardonne⊠parle trÚs mal tes mots⊠comprendre, oui⊠parler este difficile⊠bon jour faste⊠nom à moi este Blaiddyd Simplex. Ete tu ?
â B⊠bonjour Ă toi. Je mâappelle Dimitri Alexandre Blaiddyd⊠et tu parles plutĂŽt bien ma langue, lui assura-t-il, mĂȘme si le jeune homme se doutait quâil aurait plus de mal sâil ne maitrisait pas le duscurien, son ancĂȘtre parlant avec un accent trĂšs prononcĂ© proche de ce langage.
Simplex sourit et lui fit signe de sâasseoir Ă cĂŽtĂ© de lui, commentant quand il le vit ramener ses jambes sous lui plutĂŽt que les plonger dans lâeau.
â Eau froide⊠este bon aprĂšs travail⊠moutons marchent beaucoup⊠pieds font mal Ă la nuit. Eau froide oublie douleur, et rappelle bons souvenirs.
â Tu es berger ? Et des bons souvenirs ? Que veux-tu dire ?
â Oui. Depuis toujours⊠mais maintenant⊠berger pour moi⊠pas pour maitre⊠et oui⊠avec⊠avec personnes trĂšs importantes pour moi, Laeta ete Pertinax », dĂ©clara-t-il en prenant son pendentif, un peu enfoui sous son grand chĂąle mais, qui Ă©tait le mĂȘme que ceux des ancĂȘtres de FĂ©lix et Annette : un fil avec quatre plaques en forme de main ouvertes, ainsi que des phrases gravĂ©es dessus dans deux alphabets diffĂ©rents. Ils avaient donc bien les mĂȘmes car ils Ă©taient amis. « AprĂšs journĂ©e dure, toujours dedans la riviĂšre pieds mettaientâŠ
« Câest vrai que selon les lĂ©gendes, il est nĂ© esclave avant de se libĂ©rer avec Fraldarius et Dominic⊠songea-t-il au mot de son ancĂȘtre. Il sâappelle Simplex on dirait⊠Loquax le connait donc aussi⊠si ce nâest pas un nom courant⊠il faut dire, leurs peuples sont voisins, ils ont dĂ» se croiserâŠÂ »
â Este comme musique, continua-t-il en posant sa flute sur ses genoux. Bons souvenirs ensembles⊠un commun amour pour musique⊠Pertinax a trĂšs beau chant⊠Laeta este meilleure danseuse⊠ete moi joue⊠⊠⊠âŠ
Il hĂ©sita en lui montrant son instrument, visiblement hĂ©sitant et ne sachant pas quel Ă©tait le bon mot. Il ne devait pas lâentendre souvent.
â Une « flute » ?
â Esse ! Une flute ! Flute aide à ⊠enlever problĂšme du cĆur et⊠le ranger pour rĂ©flĂ©chir⊠ete es une passion libre cum⊠aouec eux. Ete tu ? Commente te sense tu ?
Le jeune homme hĂ©sita, ne voulant pas rĂ©pondre au dĂ©but, avant de se rendre au regard attentif de Simplex. AprĂšs tout, parler avec tous les autres braves lâavaient aidĂ© jusque-lĂ âŠ
â ⊠je ne sais plus oĂč jâen suis⊠avoua-t-il. Mais⊠mais Ă chaque fois que rencontre lâun dâentre vous⊠vous⊠vous semblez dĂ©tenir toutes les rĂ©ponses⊠alors⊠est-ce⊠est-ce que je peux tâen parler ?
â Toutes les rĂ©ponses personne ne les a, mĂȘme tous les dieux⊠mais veu bien tâaider⊠autant que moi pe⊠lui assura-t-il, attentif, posant sa flute Ă cĂŽtĂ© de lui pour mettre ses mains sur ses genoux.
â Je⊠je nâarrĂȘte pas de les entendre⊠les morts me rĂ©clament tous leurs vengeances, de combler leurs regrets en les vengeant tous pour leurs morts affreuses⊠ils me le rĂ©pĂštent encore et encoreâŠ
â Tu voie toi comme ministre morts ?
â Le ministre ? Que veux-tu dire ?
â Oui ? Ministre, personne qui sert autres personnes, expliqua-t-il, Dimitri comprenant que son ancĂȘtre sâĂ©tait surement fait avoir par un faux ami pour « serviteur ». Ou arme morts ?
â Hum⊠si on veut pour les deux⊠aprĂšs tout, ils ne peuvent plus rien faire dâeux-mĂȘmes, ils ne peuvent pas plus assouvir la vengeance quâils me rĂ©clament tous tant⊠je lâai dit Ă Ingrid et elle ne lâa pas compris mais, il revient aux vivants dâhĂ©riter de la volontĂ© des morts⊠et il me revient comme seul survivant de ce massacre de les vengerâŠ
â Hum⊠mon sens m⊠mĂȘh ? Mais ? Mai, sens de tes mots Ă mĂšh⊠mĂšh⊠aures, se rendit-il en montrant son oreille. Sens de tes mots a mĂšh aures comme esclaves des morts tu te considĂšres toi⊠considĂšres comme esclave de maitres mortsâŠ
â Leur esclave ? Que veux-tu dire ? Se redressa un peu Dimitri pour le regarder quand il entendit sa voix triste.
â Esclave este bĂ©tail⊠esclave este objet⊠humain sans ĂȘtre humain⊠vie esclave este au maitre, pas Ă esclave⊠esclave parfait este objet sin⊠sans Ăąme ete esprit⊠raconta-t-il avec ses mots hachĂ©s et hĂ©sitants mais, le jeune homme pouvait voir toute la peine et le vĂ©cu Ă lâintĂ©rieur, Simplex parlant de quelque chose quâil connaissait que trop bien. Toi et tu mots di⊠dicez obĂ©ir Ă ordres morts⊠mais mon sens de tu mots este obĂ©ir sans penser⊠armes sont objets⊠si lance tu esse, objet esse tu ?
â Cela ressemble un peu Ă ce que disait Rodrigue⊠à ce moment, si câest ce quâil faut pour les venger, je lâaccepterais de lâĂȘtre⊠⊠⊠enfin, câest ce que je pensais⊠mais depuis que⊠depuis Gronder⊠je doute⊠je pensais que tous ces gens Ă©taient morts pour moi et mâimposaient alors de survivre pour les venger mais, Rodrigue sâest sacrifiĂ© pour me sauver en disant quâil le faisait pour ce en quoi il croyait et que ma vie mâappartenait⊠pas Ă quelquâun dâautre⊠puis FĂ©lix a mis sa propre vie en jeu pour sauver celle de Rodrigue, mĂȘme si cela le faisait souffrir et quâil risquait sa propre vieâŠ
â Ami FĂ©lix este pareil Pertinax, sourit Blaiddyd, faisant danser un peu ses mains jointes sur son cĆur pour mieux se faire comprendre. Aime son paire ete famiye.
â Oui⊠il a toujours aimĂ© sa famille plus que tout au monde⊠mĂȘme si Glenn me hurle de ne plus les approcher car je les mets en danger, je ne peux pas mâen empĂȘcher⊠tant de personnes mâont Ă©galement dit de vivre et tous leurs mots disent le contraire que ceux des morts⊠Ingrid, Pertinax, Loquax et Sylvain, Laeta, Annette et Ashe, Rodrigue quand il sâest rĂ©veillĂ©, maintenant toi et tant dâautres personnes⊠tous me disent de vivreâŠ
â Personne nâaime voir ami mourir⊠mĂȘme a⊠aprĂšs longue vie⊠amis tâaiment beaucou⊠lui assura-t-il.
â Je sais⊠mais⊠mais malgrĂ© tout ça⊠les morts sont encore lĂ , rĂ©clament toujours encore et encore⊠alors⊠alors, toi qui es un Brave⊠dit-moi comment faire ? Comment puis-je mettre fin Ă leurs lamentations ? Comment puis-je⊠Comment puis-je les sauver ? Depuis ce jour, il y a neuf ans... je nâai vĂ©cu que pour les venger. MĂȘme les journĂ©es passĂ©es Ă lâAcadĂ©mie des officiers avaient pour but d'accomplir ma vengeance et de les libĂ©rer de leurs regrets. Câest la seule raison pour laquelle j'ai continuĂ© Ă vivre⊠La seule raison qui me poussait Ă continuerâŠ
â Morts sont mort. Mort ne rend rien. Maintenant, aouec autres morts ete dieux Ă eux. Mort Ă eux pas ta faute. Dans mon peuple, aide mort en mangeant aouec ete les oubliant pas sous souvenirs ete tristesse⊠souvient bons moments, souvient mauvais moments autant⊠mort este viouant avant, viouant este difficile Ă expliquer avec bon ete mauvais face⊠este comme neige⊠neige repose sols en hiver mais, tue aussi vivants avec froid⊠tu esse comme neige. Aouec bons et mauvais faces. Morts que tu aimes comme neige, aouec bons et mauvais faces. Ta vouie este comme neige⊠beaucoup de mauvais jour mais, aussi bons, avant mais, demain este jour fasteâŠ
Il posa sa main sur une de ses jambes, le tira un peu pour quâil la dĂ©plie et la plonge dans lâeau, puis lâencouragea Ă mettre lâautre. Lâeau Ă©tait gelĂ©e et ses jambes de pantalon trempĂ©es mais, en mĂȘme temps, câĂ©tait agrĂ©able⊠comme si la douleur Ă©tait trop lourde et tombait au fond⊠il comprenait pourquoi aprĂšs une longue journĂ©e de travail, surement affamĂ©s, maltraitĂ©s, considĂ©rĂ©s avec autant dâattention que le bĂ©tail quâils gardaient, son ancĂȘtre et ses amis allaient plonger leurs pieds dans lâeauâŠ
â Ta journĂ©e atroce este longue comme annĂ©s mais, journĂ©e atroce peut sâarrĂȘter⊠assez souffert tu as⊠ete te pardonner en ce jour⊠droit at repos ete paixâŠ
â Me pardonner ? Le repos et la paix ? RĂ©pĂ©ta-t-il sans y croire, encore plus quand Simplex hocha la tĂȘte en souriant pour confirmer. Mais⊠mais alors⊠quâest-ce queâŠ
Dimitri se maudit lui-mĂȘme en se rĂ©veillant en sursaut dans son lit. Il se rĂ©veillait toujours dâun coup aprĂšs ces rĂȘves Ă©tranges avec les Braves mais, câĂ©tait la premiĂšre fois que câĂ©tait aussi brutal. Il devait y avoir une raison mais, quant Ă savoir laquelleâŠ
Il regarda par la fenĂȘtre, vit le soleil matinal sâĂ©lever doucement dans le ciel. CâĂ©tait aussi lâheure pour lui.
Le jeune homme descendit pour manger avec Ingrid et Sylvain, ses deux-lĂ le poussant Ă aller jusquâau rĂ©fectoire pour manger, ce quâil faisait sans trop de souci Ă prĂ©sent, mĂȘme si le regard lourd de ses hommes Ă©tait impossible Ă ignorer. Ils nâavaient pas tort aprĂšs tout⊠il nâĂ©tait quâun monstre sanguinaire qui mĂ©ritait leur crainte⊠câĂ©tait une autre forme de juste punitionâŠ
Une fois leur ventre Ă tous les trois pleins, ils allĂšrent dĂ©buter leurs taches de la journĂ©e. Dimitri rejoignit Byleth et Gilbert dans la salle du conseil pour discuter de lâapprovisionnement et de la marche Ă suivre.
« Le Seigneur Alix nous fournit toujours des vivres, tout comme la fratrie Charon qui sont arrivĂ©s Ă rassembler assez dâĂ©quipements pour nous les envoyer, dĂ©clara Gilbert. Ils nous ont aussi envoyer un grand nombre de lettres. Si une partie est pour Catherine afin dâavoir des nouvelles dâelles, lâautre est pour vous, et LachĂ©sis aimerait que vous donniez votre avis vous-mĂȘmes sur la situation dont sa fratrie et elle vous informent.
â Bien, jây rĂ©pondrais, rĂ©pondit-il en prenant le tas de lettres. Pourrais-je aussi avoir votre avis sur la question ?
â Bien sĂ»r, lui rĂ©pondit simplement Byleth, son air assez indescriptible, comme toujours.
â Je vous aiderai Votre Altesse. Cependant, une des questions principales est celle de la reprise de Fhirdiad et du Royaume de Faerghus. Alix nâen parle pas mais, câest la principale question de LachĂ©sis Charon.
Dimitri se rĂ©tracta un peu Ă la question. CâĂ©tait toujours aussi confus dans sa tĂȘte. Il penchait de plus en plus vers la reprise de Fhirdiad mais, il liait plus cela au fait quâil devenait de moins en moins attentif Ă ce que rĂ©clamait les morts⊠aprĂšs tout Fhirdiad avait besoin dâeux, ses sujets vivants souffraient du rĂšgne tyrannique de CornĂ©lia et seuls Alix et Gautier avec lâaide de quelques royaumes srengs arrivaient Ă arrĂȘter lâexpansion du Duché⊠et encore, il arrivait quoi que ce soit Ă la mĂšre de Sylvain et Ă Sylvain lui-mĂȘme, sa tante Thorgil risquait de retirer ses troupes, et il y avait toujours le risque quâelle se fasse renverser⊠les coups dâĂtat pour renverser un souverain jugĂ© incompĂ©tent Ă©tait monnaie courante en Sreng⊠non, il devait libĂ©rer la capitale au plus vite⊠mais Ă cĂŽtĂ© de cela, les morts maintenaient leur objectif de gagner Embarr pour ĂȘtre vengé⊠les vivants voulaient et voudraient tous libĂ©rer Fhirdiad⊠les morts voulaient la tĂȘte dâEldegard⊠choisir lâun ou lâautre lui donnait lâimpression de trahir le camp mis de cĂŽtĂ©âŠ
â Je pense que nous pouvons encore patienter avant de rĂ©pondre, intervient Byleth. Nous devons encore reconstituer certains pans de notre armĂ©e, notamment nos fournitures de guerres et une partie de nos hommes sont encore blessĂ©s. AprĂšs tout, le combat a Ă©tĂ© rude et cela ne fait mĂȘme pas une lune que nous avons remportĂ© la victoire.
â Je comprends mais, nous ne pouvons pas repousser Ă©ternellement cette dĂ©cision, lui rappela Gilbert. Il faudrait au mieux savoir quelle route nous suivrons Ă la fin de la lune du Grand Arbre ou au tout dĂ©but de la lune des Chapelets au plus tard. Chaque jour qui passe est un jour de plus pour que nos ennemis pansent leurs plaies et reprennent des forces.
â Jâen conviens mais, prendre une dĂ©cision de maniĂšre prĂ©cipitĂ©e ne ferait que nous achever. Comme vous lâavez dit, notre ennemi doit aussi reprendre des forces, surtout que nous avons dĂ©truit deux de ses principaux bataillons qui sâĂ©taient grimĂ© en nos troupes ou en celles de lâAlliance pour nous pousser Ă nous entretuer. Nous devons aussi finir de nous assurer que le Grand-Duc Claude est toujours notre alliĂ© malgrĂ© tout. Seteth sâattelle Ă cette tĂąche et notre alliance ne semble pas menacer mais, un mouvement trop brusque pourrait inquiĂ©ter Claude et ses proches, surtout que nous devons passer par les terres alliĂ©es pour nous rendre Ă Embarr au plus vite. Prudence et patience sont mĂšres de suretĂ©, le reprit-elle, avant de tourner son regard complĂštement neutre vers Dimitri. Vous pouvez encore rĂ©flĂ©chir, et ainsi prendre une dĂ©cision en laquelle vous avez vous-mĂȘme foi et confiance.
â Merci professeure, la remercia Dimitri, comprenant en partie oĂč elle voulait en venir.
Byleth hocha la tĂȘte avec un sourire discret, avant quâils ne reprennent le travail.
Ils discutaient de lâapprovisionnement en blĂ© de Garreg Mach quand un cri de douleur rĂ©sonna dans tout lâĂ©tage, Dimitri reconnaissant tout de suite la voix. Sans rĂ©flĂ©chir, il sauta hors de la salle du conseil, courut Ă toute vitesse Ă travers les couloirs et se prĂ©cipita dans lâinfirmerie. Il trouva le lit de Rodrigue vide, et FĂ©lix se tordant de fiĂšvre dans le sien alors que Mercedes et Manuela lui rendaient Aegis, toutes les deux Ă cran.
« Quâest-ce qui se passe ? Demanda-t-il, lâapprĂ©hension montant de plus en plus dans sa gorge alors quâil sâapprochait du lit. OĂč est Rodrigue ?
â Oh ! Dimitri ! Ne tâen fais pas pour Rodrigue, il se repose au soleil sur la terrasse de lâArchevĂȘque, le grand air lui fera du bien. Câest plus lâĂ©tat de FĂ©lix qui nous inquiĂšte⊠avoua sa camarade de classe, alors que le blessĂ© serrait Ă nouveau sa Relique contre sa poitrine par instinct.
â Cela fait une heure quâil sâest mis Ă haleter plus fort quâavant et Ă avoir de la fiĂšvre, lui expliqua Manuela. Nous lâavons auscultĂ© mais, aucune hĂ©morragie ne sâest dĂ©clarĂ©e et il nâa reçu aucun choc physique ou magique⊠on a tentĂ© de voir si on trouvait quelque chose sans Aegis mais, il sâest mis Ă hurler comme si on lui avait pris sa vieâŠ
â Il ne rĂ©siste plus sans Aegis⊠marmonna Dimitri, sâimaginant dĂ©jĂ le pire, alors que Glenn arrĂȘtait de lui hurler de sâĂ©loigner de sa famille pour aller trancher la tĂȘte dâEldegard, afin de rejoindre au chevet de son petit frĂšre.
FĂ©lix se mit Ă se tordre autour de sa Relique, la serrant de plus en plus contre lui, semblant souffrir comme sâil Ă©tait jetĂ© sur des braises. Des paroles faibles coulĂšrent de ses lĂšvres, suppliant comme il ne lâavait jamais fait Ă part brĂ»ler vif.
â De lâeau⊠par pitié⊠de lâeauâŠ
â De lâeau ? RĂ©pĂ©ta la mĂ©decin avant dâordonner. Mercedes ! Va vite chercher le pichet ! Peut-ĂȘtre quâil est plus dĂ©shydratĂ© quâon ne le pensait !
â Non, il nâa pas besoin dâeau comme ça, comprit Dimitri.
Sans hĂ©siter, il prit FĂ©lix dans ses bras en faisant tout pour Ă©pargner son dos, tout en le laissant serrer son bouclier, mĂȘme sâil dut redoubler de vigilance quand il le porta afin que le blessĂ© ne tombe pas. Il descendit aussi prudemment et vite quâil put les escaliers, avant de traverser tout le monastĂšre en ignorant le regard des soldats et membres de lâintendance, Ă©berluĂ©s de voir leur prince monstrueux porter lâĂ©pĂ©iste qui le dĂ©fiait si souvent comme un bïżœïżœbĂ©, Ă moitiĂ© courbĂ© en arriĂšre non pas Ă cause de son poids mais, pour Ă©pargner Ă son dos des pressions inutiles et pour Ă©viter quâil tombe.
Quand il arriva Ă lâĂ©tang de pĂȘche, Dimitri fit glisser FĂ©lix dans lâeau avec toute la douceur quâil avait encore en lui, priant pour ne pas se tromper et avoir vu juste.
« Normalement, il te faudrait le lac Egua⊠câest le lac de Fraldarius⊠enfin de Pertinax qui contient encore son pouvoir et fait des miracles⊠espĂ©rons que la Relique suffira pour lâinstantâŠÂ »
Le soulagement fit exploser son cĆur quand il vit la marque dans le dos de son ami luire, Ă lâunisson avec le joyau dâAegis, le blessĂ© se calmant au contact avec le liquide clair. LĂąchant un soupir, Dimitri resta Ă cĂŽtĂ© de FĂ©lix, le tenant par les Ă©paules dans lâeau, son visage du cĂŽtĂ© du ciel pour Ă©viter quâil se noie. FĂ©lix avait toujours Ă©tĂ© un excellent nageur qui flottait facilement, et sa Relique semblait aussi lâaider Ă rester Ă la surface mais, câĂ©tait trop dangereux de le lĂącher. Le jeune homme dĂ©cida donc dâattendre que son dos sâarrĂȘte de briller, cela voudrait surement dire quâil allait mieux et sinon, il aviserait Ă ce moment-lĂ .
Le jeune homme regarda autour de lui. Simplex Ă©tait lĂ la nuit derniĂšre, jouant cet air tout doux et affectueux avec sa double flute⊠le son quâil en tirait nâĂ©tait pas habituel mais, restait trĂšs agrĂ©ableâŠ
« Tu sais FĂ©lix, jâai vu mon ancĂȘtre ici hier soir, aprĂšs avoir vu le tien, celui de Sylvain et celui dâAnnette⊠Blaiddyd Simplex Ă©tait là ⊠juste lĂ avec les pieds dans lâeau⊠lui raconta-t-il, sâĂ©tait moins effrayant de parler Ă quelquâun qui ne rĂ©pondrait pas, pas immĂ©diatement en tout cas. Je lui ai racontĂ© ce qui sâest passé⊠ce que me demandent les morts⊠ce que demandent les vivants⊠et quand je lui ai demandĂ© quoi faire, il mâa dit que jâavais assez souffert et de me pardonner Ă moi-mĂȘme⊠je⊠je dois avouer que je ne sais pas si je peux⊠aprĂšs tout ce temps oĂč jâai vĂ©cu seulement pour me venger et libĂ©rer les morts de leurs souffrances, est-ce que je peux⊠et si oui, pour qui⊠pour quoi devrais-je vivre ?
â Alors, tu vivras pour ce que tu crois toi pour une putain de fois.
Dimitri sursauta Ă la rĂ©ponse, et se rendit alors compte que les yeux de FĂ©lix Ă©taient Ă prĂ©sent grands ouverts, lâambre plantĂ© dans son Ćil restant et dans son orbite vide. Il bĂ©gaya, ne sây attendant pas du tout, resserrant sa prise autour de ses Ă©paules pour ne pas lâĂ©chapper dans lâeau.
â Tu⊠FĂ©lix ! Tu es enfin rĂ©veillĂ©Â ! Mais⊠mais depuisâŠ
â Depuis que tu mâas enfin mis dans lâeau⊠bordel, je ne rĂȘvais que de ça mais, je nâavais mĂȘme plus assez de force pour le dire jusquâĂ ce que jâen puisse plus⊠jâavais lâimpression de sĂ©cher sur place Ă part quand il⊠il ravala ce quâil allait ajouter avant de lui rappeler. De toutes façons, jâentends toujours tout quand je suis inconscient, et câest pas le plus important. ArrĂȘte de vivre pour des morts qui ne voudraient jamais ça, et vis pour toi pour une fois. Glenn ne voudrait jamais te faire ça et tu le sais ! Encore plus si ça te pousse Ă te laisser poignarder par une gosse ! DĂ©esse ! Ne nous refais jamais un coup pareil ! Mon pĂšre recommencera Ă tenter de le prendre Ă ta place et mĂȘme si je ne pourrais surement pas recommencer, jâessaierais quand mĂȘme de le soigner car, refuser de laisser les autres mourir quand on peut faire quelque Ă sâen faire mal soi-mĂȘme, dĂ©cidemment, câest de famille ! MĂȘme quand ça va jusquâĂ la connerie car, ça va nous tuer comme FĂ©licia avec son cĆur trouĂ©, grogna-t-il, avec trop de pĂ©tulance pour quelquâun qui se rĂ©veillait Ă peine dâun coma de plusieurs semaines, mĂȘme si cela lui ressemblait bien. Alors, arrĂȘte de te jeter Ă la mort ou je te ressuscite pour te tuer aprĂšs pour ta connerie !
â FĂ©lix⊠murmura Dimitri, heureux de le voir toujours ĂȘtre Ă©gal lui-mĂȘme malgrĂ© tout, mĂȘme si les mots lui manquaient. Ce en quoi je crois⊠tu parles comme ton pĂšre⊠tu lui ressembles tellementâŠ
â Je ressemble Ă ma mĂšre, mĂȘme toi tu le sais et le vieux nâarrĂȘte pas de le rĂ©pĂ©ter. En plus, ce nâest pas le sujet. Le sujet, câest que tu arrĂȘtes de croire que tu dois venger tous les morts de ce jour, mon grand frĂšre le premier car, tâas toujours pas compris que Glenn ne voudrait jamais ça, et que tu commences Ă accepter de juste vivre ta vie pour ce que toi tu veux et pas les autres.
â Cela a lâair simple dit comme çaâŠ
â Car ça lâest, piqua-t-il. Faut juste que tu lâaccepte et ça, on ne peut pas le faire Ă ta place.
â Mais pourrais-je vraiment FĂ©lix⊠tu es le premier Ă le dire⊠le premier Ă lâavoir vu⊠je ne suis quâun phacochĂšre⊠mes mains sont tachĂ©es de sang⊠pourrais-je ne serait-ce quâespĂ©rer vivre ma vie ainsi ? Moi qui suis le seul survivant de ce jour tragique, ai-je⊠ai-je le droit de vivre pour moi-mĂȘmeâŠÂ ?
â Pas la moindre idĂ©e Ă part que tu rĂ©flĂ©chis trop pour un phacochĂšre. Tu ne le sauras jamais si tu nâessayes pas alors, arrĂȘte de tourner autour du pot et dĂ©cides-toi. Histoire que mon pĂšre ne se soit pas pris un coup de couteau dans le ventre et que je ne sois pas dans cet Ă©tat pour rienâŠ
â Si tu savais comme je regrette pour cela⊠souffla-t-il, les remords dĂ©vorant encore plus fort son cĆur Ă sa remarque. Je nâai rien dâautre que des mots pour lâexprimer maisâŠ
â Non, tu peux aussi arrĂȘter de marmonner et agir, rĂ©torqua-t-il.
Le blond se tut quelques secondes, faisant le point sur tout ce qui sâĂ©tait passĂ©, tout ce quâil avait vu, toutes les personnes avec qui il avait parlĂ© et Ă©changĂ©, le poids de FĂ©lix sur ses mains quâil ne devait surtout pas lĂącher lâempĂȘchant de dĂ©river trop loin.
â Jâai enfin compris⊠souffla-t-il, un fardeau semblant tomber de son cĆur alors quâil prenait sa dĂ©cision en sachant que câĂ©tait la sienne. Nous allons libĂ©rer Fhirdiad.
â Et bien enfin. Tâen as mis du temps Ă te dĂ©cider Dimitri. Tâas intĂ©rĂȘt Ă reprendre la capitale et Ă bouter CornĂ©lia et les impĂ©riaux hors de Faerghus.
â Je te le prometsâŠ
â Et bien, on avance⊠conclut-il avant de se reblottir contre sa Relique en fermant les yeux et de se laisser simplement flotter dans lâeau, ayant surement fini de dire ce quâil voulait.
Dimitri sourit un peu de le voir se dĂ©tendre autant en sa prĂ©sence, et le laissa tranquille. Ils sâĂ©taient dĂ©jĂ tout dit de toutes façonsâŠ
â FĂ©lix !
Les iris dâambre sâouvrirent Ă nouveau dâun coup, en entendant la voix toute faible et essoufflĂ©e de Rodrigue lâappeler. Dimitri se tourna pour voir lâhomme arrivĂ©e, Alois lâaidant Ă se dĂ©placer avec Marianne. Reprenant difficilement son souffle aprĂšs autant dâeffort malgrĂ© sa blessure, le pĂšre demanda, mort dâinquiĂ©tude.
â Dimitri⊠jâai entendu F⊠pfff⊠FĂ©lix crier⊠il nâĂ©tait pas Ă lâinfirmerie⊠Manuela et Mercedes mâont⊠arf⊠mâont dit que vous⊠que vous lâaviez emmené⊠est-ce queâŠ
â Il avait besoin dâeau, il mâa expliquĂ© quâil avait lâimpression de se dessĂ©cher, lui expliqua Dimitri avant de le rassurer. Il va mieux maintenant.
â Il te lâa expliqué⊠alors⊠devina-t-il, les yeux brillants dâespoir.
â Je suis rĂ©veillé⊠pĂšre⊠marmonna FĂ©lix, le visage Ă moitiĂ© cachĂ© par Aegis.
Rodrigue sâapprocha encore puis se dĂ©tacha comme il put dâAlois pour se baisser au plus prĂšs de son fils, mĂȘme si lâautre pĂšre lâaida Ă se baisser pour quâil ne parte pas la tĂȘte en avant. Des larmes de soulagement bordaient ses yeux quand ils rencontrĂšrent lâambre de ceux de son fils.
â FĂ©lix⊠la DĂ©esse soit louĂ©e⊠jâai⊠jâai eu si peurâŠ
â Toi aussi, tu⊠tu as Ă©té⊠à ⊠tu es⊠les mots de FĂ©lix se bousculĂšrent maladroitement dans sa bouche, avant que les plus justes arrivaient finalement Ă sâĂ©chapper, mĂȘme si lâĂ©pĂ©iste baissait les yeux pour fuir le contact visuel, Ă moitiĂ© cachĂ© par Aegis. Moi aussi, jâai eu peur⊠tu mâas fait peur⊠ne me refais plus jamais ça. Alix dĂ©pĂ©rirait sans toi⊠tâes la derniĂšre personne quâil veut perdreâŠ
Rodrigue sourit, Dimitri entendant aussi la phrase qui nâĂ©tait pas prononcĂ© mais, que les yeux et lâattitude de FĂ©lix hurlaient : « je ne veux pas te perdre ».
â Câest promis⊠lui jura-t-il en tendant timidement la main vers lui.
AprĂšs une seconde dâhĂ©sitation gĂȘnĂ©e, FĂ©lix leva Ă©galement la sienne de la mĂȘme maniĂšre, attrapant les doigts de son pĂšre.
â Je crois quâil faut quâon parle⊠marmonna le jeune homme, jetant un regard furtif Ă son pĂšre avant de se dĂ©tourner immĂ©diatement.
â Je pense aussi⊠confirma Rodrigue en serrant la petite main de fils dans la sienne lĂ©gĂšrement plus grande. Mais en attendant, repose-toi⊠tu as encore besoin de repos louveteauâŠ
Dimitri sourit Ă son tour quand il vit FĂ©lix sâendormir Ă nouveau mais, en tenant toujours la main de son pĂšreâŠ
« Cela fait des annĂ©es que tu nâas plus laissĂ© personne tâappeler louveteau⊠la famille du loup⊠cela vous va bienâŠÂ »
*
Deux semaines plus tard, lâarmĂ©e prit la direction Fhirdiad. Tous les rĂ©giments Ă©taient en ordre pour combattre CornĂ©lia, les soldats guĂ©ris et bien Ă©quipĂ©s avançant Ă un rythme soutenu, leur dĂ©sir de chasser les impĂ©riaux de la capitale et de Faerghus. Dimitri les regarda le suivre, sans hĂ©sitation malgrĂ© leur doute Ă son encontre, la peur quâil avait pu leur inspirer quand il ne pensait quâĂ la vengeance⊠il ne le mĂ©ritait pas⊠pas quand les fantĂŽmes lui hurlaient encore et encore de faire demi-tour et de foncer vers Embarr pour couper la tĂȘte dâEldegard pour leur offrir⊠il Ă©tait forcĂ© de regarder ses amis pour se rappeler ce quâil devait faire pour les vivants et pas pour les morts⊠le jeune homme avait encore besoin de cette bĂ©quille et de cette ancre pour ne pas perdre de vue ce quâil devait faire⊠enfin, il devait tenir, toute son armĂ©e comptait sur lui. Il devait ĂȘtre Ă la hauteur de leurs attentes et faire cesser la tyrannie de CornĂ©lia sur son Royaume.
Pour se rendre Ă Fhirdiad, la route la plus directe et praticable pour une armĂ©e comme la leur passait par Fraldarius. Il ferait escale par leur ville Fort Egua puis partirait par la GrandâRoute jusquâĂ la capitale directement, qui Ă©tait moins protĂ©gĂ© de ce cĂŽtĂ©-ci Ă cause des liens entre les familles royales et ducales, Ă part un rĂ©seau de fortification cĂŽtĂ© Fraldarius datant de lâĂ©poque de Kyphon et Clothilde, puis restaurĂ© sous les parents des jumeaux, Guillaume et AliĂ©nor. Ils en profiteraient pour confier Rodrigue et FĂ©lix, allongĂ©s dans une charrette en dormant la plupart du temps, Ă Alix, ils pourraient mieux sâoccuper dâeux et lâĂ©pĂ©iste serait prĂšs du Lac Egua. Il avait besoin dâaller rĂ©guliĂšrement dans lâeau sinon, il avait lâimpression de se dessĂ©cher et câĂ©tait presque quâĂ cette condition que ses blessures se soignaient rĂ©ellement. Le lac toujours pur de Pertinax lui ferait le plus grand bien⊠en plus, Alix devait ĂȘtre mort dâinquiĂ©tude pour eux.
Quand ils traversĂšrent les terres des Fraldarius, ils virent des habitants travailler dans les champs, une tĂąche rude et rigoureuse dans les terres gorgĂ©es dâeau de la famille ducale, les champs demandant Ă ĂȘtre rĂ©guliĂšrement drainĂ©es afin dâĂȘtre exploitable et pour chasser des maladies comme le paludisme. Si Dimitri se fiait Ă lâaspect des champs, les jumeaux avaient rĂ©ussi Ă conserver assez de ressources pour entretenir leurs terres⊠la nourriture que leur avait apportĂ© Rodrigue venait certainement dâici. Quand les paysans virent lâĂ©tendard royal et celui de lâOrdre de Seiros marcher cĂŽte Ă cĂŽte, ils sâarrĂȘtĂšrent dans leurs travaux agricoles pour se prĂ©cipiter vers eux, acclamant lâarmĂ©e royale, les encourageant et demandant oĂč Ă©tait leurs seigneurs. « OĂč sont le loup calme et le louveteau ? » Ă©tait la question sur toutes les lĂšvres.
« On a entendu dire que le loup avait pris un coup pour vous Altesse, puis que le louveteau a pratiquement donné sa vie pour le sauver, déclara une femme à la peau brûlée par le soleil. Comment vont-ils ?
â Ils vont bien ? Demanda un homme. Vu que pour les ducs, câest des vrais jumeaux, le loup vif risque de trĂšs mal le vivre de ne plus ĂȘtre avec son frĂšre⊠dĂ©jĂ que dâaprĂšs les rumeurs, câĂ©tait trĂšs dur dâĂȘtre sĂ©parĂ© ces derniĂšres annĂ©esâŠ
â Vous nous les ramenez en entier ? Demanda un autre.
â JâespĂšre ! Sâexclama une vieille femme. Ils ont dĂ©jĂ vĂ©cu plus longtemps que leur pĂšre pour les jumeaux mais, quâils ne perdent pas la vie si vite ! Tout comme le louveteau ! Câest un jeune loup Ă prĂ©sent mais, il est bien trop jeune pour y rester ! CâĂ©tait lâĂąge oĂč la duchesse Alix et son mari Rodrigue sont morts pour Clovis le Sanglant ! Et on a vu ce que ça a donnĂ©Â !
â Je comprends votre inquiĂ©tude, surtout que ces rumeurs sont vraies. Par la grĂące de lâĂpĂ©iste de lâOnde et leur force de vie, ils vont bien tous les deux, mĂȘme sâils devront beaucoup se reposer pour guĂ©rir complĂštement. Nous les ramenons aussi au Seigneur Alix afin quâils se reposent plus loin des lignes de front, une fois la capitale reprise.
â Câest vrai ?! Ils sont lĂ et vous allez reprendre la capitale ?!
â La DĂ©esse et Fraldarius soient louĂ©s !
â Ils sont en vie !
â Lâun des bons ducs et son fils sont sauvĂ©s et vivants !
â Vive le roi et les ducs !
â Hourra ! Hourra !
â Reprenez vite Fhirdiad de cette dĂ©mone envoyĂ©e de lâImpĂ©ratrice !
â Tout le monde vous attend !
â Il y a quelque chose que nous puissions faire pour vous Votre Altesse ?
â On peut aussi se battre Ă vos cĂŽtĂ©s !
â Câest vrai ! On a nos flĂ©aux et nos fourches !
â Restez en sĂ©curitĂ© et faites attention Ă vous, les calma un peu Dimitri avant de leur assurer. Vous ĂȘtes dĂ©jĂ une force centrale de notre armĂ©e : câest le blĂ© que vous cultivez qui nous nourrit. Sans votre travail acharnĂ©, nous ne pourrions pas combattre. Vous avez toute notre reconnaissance.
â On bossera encore plus fort alors ! SâĂ©criĂšrent-ils alors avant de scander Ă nouveau. Pour le roi ! Pour les ducs ! Pour Faerghus !
â Faites juste dĂ©gager CornĂ©lia de votre trĂŽne et on sera lĂ pour nourrir tout le monde derriĂšre !
Le soutien du peuple de Fraldarius toucha Dimitri en plein cĆur. Sâil savait ce qui Ă©taient arrivĂ© Ă Rodrigue et FĂ©lix, ils Ă©taient surement aussi au courant de lâĂ©tat oĂč il Ă©tait avant⊠ou au moins avait des Ă©chos de sa mauvaise gestion de leur armĂ©e Ă lâorigine⊠les soldats avaient surement envoyĂ© des lettres Ă leurs familles et fait passer les nouvelles, surtout dans un duchĂ© oĂč tout le monde savait lire et Ă©crire⊠ils devaient savoir⊠mais ils continuaient Ă lui faire confiance⊠ses sujets continuaient Ă lui faire confianceâŠ
Le prince sâinclina alors autant quâil put depuis son cheval en jurant, la main sur son cĆur, les fantĂŽmes plus silencieux que jamais.
â Je ne vous dĂ©cevrai pas. »
*
Leur route se passa relativement bien, leur chemin Ă©tant encore assez Ă©loignĂ© des lignes de front mais, dâaprĂšs leurs informations, Fort Egua Ă©tait encore assiĂ©gĂ©e par lâarmĂ©e de CornĂ©lia.
« Pendant les cinq ans, ils ont Ă©tĂ© trĂšs souvent en Ă©tat de siĂšge mais, la ville nâa jamais cĂ©dĂ©, mĂȘme avec des troupes bien supĂ©rieures en nombre, apprit Ashe Ă Dimitri.
â Effectivement, cette forteresse est pratiquement imprenable par un siĂšge, sauf sâil y a un traitre qui ouvre les portes, lui expliqua-t-il. Les murailles sont non seulement trĂšs Ă©paisses mais, les douves sont trĂšs larges et trĂšs profondes, ce qui empĂȘche les tours de siĂšges de sâapprocher. De plus, mĂȘme sâil y a beaucoup dâhabitants Ă lâintĂ©rieur, la ville borde le lac alors, ils peuvent se ravitailler en passant par-lĂ . Le principal enjeu, câest de garder le contrĂŽle du Lac Egua afin de pouvoir continuer Ă se fournir en vivre ou venir harceler lâennemi sur ses flancs. Cela les rend plus vulnĂ©rables Ă dâexcellents navigateurs comme les srengs mais, une armĂ©e de terre aura Ă©normĂ©ment de mal Ă les assaillir.
â Oui, mĂȘmes sâils ont aussi une faiblesse aux unitĂ©s volantes, fit remarquer Gilbert. Pour le moment, Alix et Rodrigue arrivaient Ă les repousser, notamment en trompant lâennemi sur qui dirigeait la citĂ©, et donc quel type de troupe serait le plus prĂ©sent Ă lâintĂ©rieur mais lĂ , ils savent que câest le seigneur Alix. Ils ont donc surement adaptĂ© leur stratĂ©gie pour affronter un chevalier archer qui emploie surtout des troupes Ă©quipĂ©es dâarmes blanches. De plus, leurs vassaux frontaliers ont pour consigne dâavant tout protĂ©ger la frontiĂšre avec le duchĂ© alors, sauf appel Ă lâaide de leur part, ils ne viendront pas dĂ©fendre Egua. Les villages environnant sont Ă©galement en sĂ©curitĂ© dans les divers forts et villes fortifiĂ©s alors, les pillages sont trĂšs limitĂ©s. L'armĂ©e impĂ©riale se retourne, ils se font attaquer par un fortin ou les eguanais qui les attaquent depuis le lac.
â Câest vrai⊠rejoignons-le au plus vite et prĂȘtons-lui main forte, dĂ©cida Dimitri, sĂ»r de lui. Nous avons quelles informations sur les assiĂ©geants ?
â DâaprĂšs nos Ă©claireurs, câest une armĂ©e spĂ©cialisĂ©e dans la prise dâune forteresse avec surtout des architectes pour construire les engins de siĂšges, ainsi que des armateurs et des vaisseaux. Cependant, ils ont presque tous Ă©tĂ© coulĂ©s par lâarmĂ©e ducale, le renseigna Byleth. Ils ont un corps dĂ©fensif mais, le gros de leurs forces est tournĂ© vers Fort Egua. Si nous frappons assez vite et fort, ils nâauront pas le temps de sâorganiser pour se dĂ©fendre, et nous devrions avoir le dessus rapidement.
Dimitri hocha la tĂȘte, rĂ©flĂ©chissant un peu avant de se dĂ©cider. La stratĂ©gie de Byleth pourrait marcher et il ne fallait pas que le verrou de Fort Egua tombe, cela exposerait trop les paysans de Fraldarius aux pillages de CornĂ©lia.
â Bien⊠si cela vous convient Ă tous, nous ferons cela si cette proposition est acceptĂ©e par tous. Il faudra cependant faire attention car, la ville est entourĂ©e de plaine. Nous ne pourrons pas partir dâune hauteur pour prendre de la vitesse. Nous devrions peut-ĂȘtre les contourner lĂ©gĂšrement pour quâils se retrouvent coincer entre le lac et nous ? Proposa-t-il.
â Ce serait une bonne idĂ©e, confirma-t-elle.
AprĂšs concertation, le plan dâattaque fut adoptĂ© par tout le monde, surtout que cela leur prendrait Ă peine plus de temps.
« Enfin, la moindre minute peut ĂȘtre dĂ©cisive dans un siĂšge⊠connaissant les jumeaux, leur ville est saine et derriĂšre eux mais, il faut penser Ă toutes les Ă©ventualitĂ©sâŠÂ »
Il voyait du coin de lâĆil Glenn le fixer, son regard suivant sa nuque Ă chacun de ses mouvements, le criblant encore et encore, les mots silencieux Ă©tant encore pire que tout ce quâil avait pu dire ses derniĂšres annĂ©es⊠Dimitri imaginait trop bien ce que ses yeux hurler les pires reprochesâŠ
« Tu as failli tuer mon pĂšre et mon petit frĂšre⊠et maintenant, tu vas tuer mon oncle rien quâen lâapprochant⊠tu vas le tuer⊠il va mourir⊠mon pĂšre aussi⊠mon petit frĂšre aussi⊠tous vont mourir⊠et ce sera de ta fauteâŠÂ »
Dimitri dut garder son regard et toute son attention sur Byleth, puis sur Sylvain qui reprenait forme humaine aprĂšs avoir discrĂštement espionner lâarmĂ©e assiĂ©geante. Elle Ă©tait bien infĂ©rieure en nombre Ă la leur et disposait au final dâassez peu de combattants en dehors des bataillons aĂ©riens, mais ils Ă©taient lourdement Ă©quipĂ©s et il faudrait aussi faire attention de ne pas recevoir les tirs dĂ©fensifs des assiĂ©gĂ©s Ă leur place. Alerte, Annette proposa de disposer leurs archers et magiciens derriĂšres les guerriers en armures lourdes, afin quâelles les protĂšgent des attaques par la terre. Cela permettrait aux unitĂ©s attaquant Ă distance dâinonder le ciel de flĂšches et de magies. Pendant ce temps, la cavalerie et infanterie lĂ©gĂšres iraient harceler lâennemi sur son flanc, afin de le forcer Ă se replier du cĂŽtĂ© du lac afin de les prendre en tenaille. Ătant donnĂ© la composition de lâarmĂ©e, ils se rendraient surement, ce nâĂ©tait pas des combattants. Convaincus par ses arguments, le corps des gĂ©nĂ©raux accepta sa proposition.
« Massacre-les⊠souffla un chĆur de voix dans sa tĂȘte alors que le blond acceptait la stratĂ©gie de la magicienne. Massacre-les tous⊠massacre-les tous et offre-nous leur tĂȘte⊠tue-les⊠leur tĂȘte, leur corps, leur membre, leur ĂȘtre⊠donne les nous tout entierâŠÂ »
Dimitri se força Ă ne pas les Ă©couter, resserrant sa prise sur Areadbhar, lâĂ©nergie gelĂ©e lui rappelant lâattention et lâĂ©coute de Simplex. Il ne devait pas les Ă©couter, il ne devait pas se laisser emporter, il devait ĂȘtre digne de la confiance de ses hommes⊠il devait ĂȘtre calme comme de la glace⊠sa Relique lui rĂ©pondit avec une Ă©nergie douce et apaisanteâŠ
Une fois leur stratĂ©gie mise au point et leurs soldats prĂȘts, leur armĂ©e contourna les troupes ennemies, puis une fois leur camp en vue, ils sonnĂšrent lâattaque, chargeant dans leur arriĂšre-garde. La bataille fut trĂšs brĂšve, lâennemi nâĂ©tant clairement pas prĂ©parĂ© Ă subir un assaut frontal. Heureusement pour lâarmĂ©e royale, les ingĂ©nieurs se rendirent trĂšs vite devant lâoffensive, se rĂ©fugiant dans leurs tours de siĂšges ce qui les rendit facile Ă apprĂ©hender et en voyant cela, une partie des conscrits impĂ©riaux se ligua pour Ă©liminer eux-mĂȘmes leurs gĂ©nĂ©raux. Au final, les soldats faerghiens nâeurent Ă combattre que le tiers des forces ennemis prĂ©sentes qui furent trĂšs vite Ă©crasĂ©s, surtout une fois leurs chefs Ă©liminer et aprĂšs que les mutins se soient mis Ă les attaquer.
Dimitri sâaccrocha encore plus fort Ă son arme, se tenant de toutes ses forces Ă la hampe dâAreadbhar mĂȘme une fois les combats terminĂ©s. Quand il Ă©tait descendu de son cheval, quand il avait commencĂ© Ă combattre, quand il avait empĂȘchĂ© un soldat impĂ©riaux de viser le dos dâun de ses Ă©pĂ©istes, quand lâennemi se rendit finalement, quand ils dĂ©cidĂšrent de leur sort de prisonniers de guerre et ce quâils feront des mutins et des ingĂ©nieurs avec Gilbert et Byleth⊠tout le long de la bataille et encore aprĂšs, les morts lui hurlaient de massacrer ses adversaires, dâĂ©craser leurs os, de remplacer son Ćil manquant avec les leurs, dâarracher leur peau, dâĂ©viscĂ©rer leurs entrailles, dâarracher leurs crĂąne⊠tout⊠toutes les pires horreurs possibles et inimaginables, ils lui demandaient tous cela et plus dâune fois, il crut une seconde quâil allait craquer. Quâil allait recommencer et sombrer Ă nouveau.
« Ceux que je connais ne demanderaient jamais une chose pareille⊠ceux que je connais ne demanderaient jamais une telle horreur⊠ceux que je connais ne demanderaient jamais un massacre et un bain de sang⊠ce nâest pas eux⊠ce nâest pas eux⊠ce ne sont pas leurs fantĂŽmesâŠÂ »
Tel Ă©tait les maximes qui tournaient dans sa tĂȘte encore et encore, sa poigne fermement vissĂ©e sur Areadbhar afin de sâaccrocher Ă la rĂ©alitĂ© et ne pas les Ă©couter⊠la serrant presque contre son cĆur pour garder lâĂ©nergie de Simplex au plus prĂšs de luiâŠ
« Eh ! Dimitri ! Il vit le Sylvain trotter vers lui avec Ingrid, celle-ci ayant combattu au sol pour ne pas prendre un sort ou une flÚche perdue. Tout va bien ?
â Tu nâes pas blessĂ©Â ? Lui demanda la chevaliĂšre. Tu trembles de partout !
â Ou⊠oui⊠une seconde⊠il faut juste que⊠quâilsâŠ
Comprenant oĂč il voulait en venir, ses amis lui tendirent leur main quâil attrapa pour tenter de se calmer plus facilement, sâaccrochant de toutes ses forces Ă leur chaleur. Dimitri se maudit de sa propre faiblesse, ayant encore besoin dâaide pour chasser les fantĂŽmes⊠il Ă©tait le seul Ă les voir mais, on aurait dit que les morts ne fuyaient que quand il sâaccrochait Ă quelque chose, mĂȘme la plus banale des conversations ou quelque chose dâidiotâŠ
â Votre Altesse ! Votre Altesse ! Ah ! Vous ĂȘtes lĂ Â ! Sâexclama Alois en les rejoignant aussi vite quâil pouvait avec son armure lourde, un bandage superficiel Ă lâĂ©paule. Je vous cherchais, le seigneur Alix doit⊠ah ! Je vois, comprit-il assez vite en le voyant sâaccrocher ainsi Ă ses amis. Oh, vous en faites pas, on a un peu de temps avant de prendre lâeau, surtout quâon ne sâest pas pris une douche froide et que le plan nâest pas tombĂ© Ă lâeau ! Alix peut ĂȘtre sec mais, il mettra toujours de lâeau dans son vin et ça ne devrait pas faire dĂ©border le vase !
Si Sylvain et Ingrid restĂšrent de marbre devant les jeux de mots dâAlois, Dimitri ne put sâempĂȘcher de pouffer, repoussant encore un peu plus les fantĂŽmes et leurs demandes obscĂšnes. Lâhumour du chevalier de Seiros Ă©tait toujours aussi mauvais mais, câĂ©tait le genre de blagues qui le faisaient rire Ă chaque fois.
â Oui, il devrait ĂȘtre patient, mĂȘme si je prĂ©fĂ©rerais ne pas trop le faire attendre. Il doit surement avoir hĂąte de retrouver Rodrigue et FĂ©lix.
â Câest sĂ»r ! JâĂ©tais tout jeune quand ils Ă©taient eux-mĂȘmes Ă©tudiants Ă lâacadĂ©mie mais, ils Ă©taient toujours collĂ©s ! Jeralt pouvait me passer un savon car, il me disait dâapporter quelque chose au premier ou au deuxiĂšme jumeau Fraldarius sans prĂ©ciser lequel alors, je me trompais une fois sur deux. Simple curiositĂ©, ils se ressemblent toujours autant tous les deux ? Souvent, plus les vrais jumeaux vieillissent, moins ils se ressemblent. MĂȘme si bon, pour pouvoir se faire passer lâun pour lâautre en cas de besoin, ils doivent encore ĂȘtre comme deux gouttes dâeau ou pas loin.
â Pour eux, la question serait plutĂŽt « est-ce quâils se diffĂ©rencieront un jour ? », rĂ©torqua Ingrid. Ils sont toujours complĂštement identiques.
â Comme quoi, il y a des choses qui ne changent pas !
â Vous verrez quand Alix arrivera⊠je suis curieux de voir la tĂȘte dâAshe ! Il mâa dit quâil savait que les vrais jumeaux existaient mais, quâil nâen avait jamais rencontrĂ©, sourit Ă pleines dents Sylvain.
â Ne te moque pas trop, nous aussi, on pourrait se tromper sâils ne se diffĂ©renciaient pas. Le seul qui ne se trompe jamais, câest FĂ©lix, lui rappela Dimitri, les fantĂŽmes redevenant enfin quâun grondement au fond de sa tĂȘte. Allons le retrouver Ă prĂ©sent, nous lâavons fait suffisamment attendre. »
Ils suivirent Alois jusquâaux portes de la citĂ©, sâĂ©loignant prĂ©cautionneusement du pont-levis quâon abaissait doucement afin dâenjamber les douves immenses. Les portes grincĂšrent un peu sur leurs gonds quand elles furent ouvertes, dĂ©couvrant Alix, entourĂ© de ses gĂ©nĂ©raux de confiance comme Estelle et son second Bernard, ainsi que de ses soldats. Dimitri entendit Ashe hoqueter un peu de surprise en dĂ©couvrant le frĂšre de Rodrigue. Il fallait dire que câĂ©tait comme voir le reflet de Rodrigue habillĂ© dâun uniforme dâarcher, en vert et avec une queue de cheval derriĂšre la tĂȘte, lĂ oĂč son frĂšre portait toujours du bleu et les cheveux dĂ©tachĂ©s. CâĂ©tait une nĂ©cessitĂ© quâils aient chacun un code couleur particulier sinon, il serait encore impossible de les diffĂ©rencier sans les connaitre ou avant quâil ne parle.
« Salutation Votre Altesse. Ravi de vous revoir en entier et dans votre Royaume. Merci pour votre aide pour repousser lâarmĂ©e du duchĂ© de nos murailles et fortifications. Vous avez Ă©courtĂ© le siĂšge de notre citĂ© de quelques semaines et le calvaire de tout Ă chacun.
â Nous ne pouvions vous laisser ainsi. JâespĂšre que vous nâavez pas subi trop de perte parmi les votres pendant le siĂšge.
â Comme toujours dans ce genre de situation : lâennemi se casse les dents sur les remparts ou boit la tasse dans les douves, pendant que nous ont attend tous Ă lâintĂ©rieur avec nos vivres quâils sâen aillent, en leur envoyant des pierres dessus. Ils sont tĂȘtus en plus. On leur trouait la peau quâils ne foutaient toujours pas le camp. Dans tous les cas, les troupes de CornĂ©lia nâont clairement pas le pied marin, ils sont arrivĂ©s Ă couler ou Ă©chouer tous leurs navires avant mĂȘme dâarriver ici, et ils nâont toujours pas compris que nous assiĂ©ger ne sert Ă rien tant quâon a un accĂšs au lac ces cons. Enfin, ça rĂ©sume la politique de CornĂ©lia, une suite constante de conneries, mĂȘme si elle semble surtout vouloir dĂ©truire Faerghus en nous tuant tous avec ses impĂŽts.
Ce nâĂ©tait pas sĂ©rieux de sa part mais, pour le coup, Dimitri aurait rĂȘvĂ© voir la tĂȘte de ses camarades qui rencontraient Alix pour la premiĂšre fois. Quand il Ă©tait petit, ça le faisait toujours rire Ă quel point cela pouvait Ă©tonner les gens qui rencontraient les jumeaux de voir Ă quel point ils avaient des caractĂšres diffĂ©rents, tout en Ă©tant pourtant identiques physiquement. Cela crĂ©ait un dĂ©calage qui Ă©tonnait facilement, et les deux frĂšres savaient parfaitement en jouer pour tromper leurs ennemis, et quand la situation Ă©tait moins grave taquiner un peu leur entourage.
â Vous me voyez rassurer que les fortifications de Fort Egua soient toujours aussi solides, et je vous remercie pour toute la tĂ©nacitĂ© que vous avez su mettre en Ćuvre. Ces informations nous seront prĂ©cieuses pour renverser CornĂ©lia. Connaissez-vous la situation Ă Fhirdiad ?
â Entre deux siĂšges, on a rĂ©ussi Ă obtenir des informations de nos hommes infiltrĂ©s lĂ -bas. Le meilleur agent de tout le nord est Ă©galement lĂ -bas donc, nous avons Ă©galement des informations trĂšs prĂ©cises, mĂȘme si je les tairais ici. DâaprĂšs leurs derniers rapports, la rĂ©volte gronde Ă la capitale et des groupes de rĂ©sistants se sont formĂ©s dâaprĂšs nos informations. Visiblement, apprendre que vous Ă©tiez encore en vie Ă donner du courage Ă beaucoup de nos compatriotes pour se rassembler et rĂ©sister ensemble. Un mĂ©decin et inventeur qui se fait appeler Omnes aurait pris la tĂȘte du mouvement, mĂȘme si jâai trĂšs peu dâinformation sur lui, Ă part que CornĂ©lia veut sa peau et quâapparemment, il crĂ©e des armes et des dispositifs mĂ©dicaux rĂ©volutionnaires. Sinon, rien nâest connu sur son apparence ou son origine. La moindre chose Ă son sujet qui se rĂ©pand, câest signer son arrĂȘt de mort pour lui alors, il se fait discret.
â Dâaccord. Il faudra que nous arrivions Ă nous coordonner avec eux si cela est possible, mĂȘme si notre prioritĂ© est de faire en sorte que les civils ne soient pas pris dans les combats.
â Câest trĂšs clairement la prioritĂ© de tout le monde. Gautier vous envoie un rĂ©giment de soldat avec quelques troupes de la reine Thorgil, qui a dĂ©cidĂ© de nous venir en aide de maniĂšre plus active. Et de votre cĂŽtĂ©, comment vont les troupes ? Vous mâavez dit quâau final, il y avait assez peu de perte, le ravitaillement quâon vous a envoyĂ©s a suffi ? Rodrigue et FĂ©lix sont lĂ Â ? Finit-il par demander, la question lui brulant clairement les lĂšvres depuis le dĂ©but. Comment vont-ils ? Le voyage nâa pas Ă©tĂ© trop rude pour eux ?
â Oui, les pertes ont Ă©tĂ© moins importantes quâelles auraient pu lâĂȘtre, grĂące Ă nos alliĂ©s de Leicester qui ont su prĂ©venir Claude et leurs compatriotes de lâembuscade dâHubert, et inversement de leur cĂŽtĂ©. Le ravitaillement envoyĂ© est suffisant pour le moment, mĂȘme si nous cherchons aussi Ă trouver dâautres endroits pour nous fournir pour ne pas imposer une trop grosse pression frumentaire Ă Fraldarius. Quant Ă Rodrigue et FĂ©lix, ils se remettent petit Ă petit de leurs blessures, mĂȘme si FĂ©lix a besoin dâeau et dâAegis pour que les siennes se referment plus vite. Ils nous suivent dans une charrette de lâintendance, et ils ont bien endurĂ©s le voyage.
â Ouf⊠les Braves et la DĂ©esse soient louĂ©s pour tout, soupira-t-il de soulagement, ses Ă©paules se dĂ©tendant enfin. Puis-je les voir ? Sâils sont assez en forme pour supporter une visite bien sĂ»r.
Dimitri jeta un regard Ă Mercedes qui hocha la tĂȘte, puis rĂ©pondit avec un sourire Ă Alix.
â Bien sĂ»r. Ils ont aussi hĂąte de te voir. »
Il le guida alors lui-mĂȘme jusquâĂ la charrette oĂč Ă©tait sa famille, endormie. Le jeune homme pouvait presque entendre le cĆur du jumeau de Rodrigue battre dans sa poitrine, le soulagement et le bonheur de les revoir gravĂ©s sur son visage.
Doucement, le cĆur surement prĂȘt Ă exploser de les retrouver en vie, Alix grimpa Ă lâintĂ©rieur, passa la main sur la tĂȘte de son neveu, puis prit la main de son frĂšre.
« Je lâai senti quand il a pris le coup⊠murmura-t-il presque tout seul, sâencrant complĂštement Ă la main de son jumeau. Je courrais de partout Ă cause dâimpĂ©riaux qui avaient encore tentĂ© de prendre le fort de Robien et les douanes alors, jâĂ©tais allĂ© aider LorĂ©a Ă les repousser. Puis, jâai senti une douleur en plein ventre et je savais que câĂ©tait Rodrigue. Ăa allait mieux assez vite aprĂšs mais, je savais quâil sâĂ©tait passĂ© quelque chose⊠toujours⊠il est moi et je suis lui⊠ça a toujours Ă©tĂ© comme ça entre nousâŠ
â Vous ĂȘtes trĂšs fusionnels tous les deux⊠je me souviens que lorsque Rodrigue Ă©tait Ă la capitale pendant deux ans, il avait fait une crise de colĂšre en mĂȘme temps que toi alors que tu Ă©tais Ă Fort Egua, souffla Dimitri.
â Ah oui, je mâen souviens de celle-lĂ . Des connards de profiteurs ont tentĂ© de nous forcer Ă aller massacrer les duscuriens, tout en nous traitant de parents indignes mĂȘme pas capable de venger leur enfant. LĂ , on avoue, on a pĂ©tĂ© une rĂȘne et envoyĂ© tout ce quâon avait sur le cĆur, marmonna Alix. Des vengeurs et des saintes lames allant purifier des terres maudites⊠tu parles, que des profiteurs qui voulaient des mines pour se remplir les poches tout en massacrant les gens mais, qui nâavait pas lâargent pour le faire⊠et ses petits roquets pensaient quâon allait leur faire lâaumĂŽne⊠il eut un sourire noir, une dent dĂ©passant un peu dans un air menaçant. Quâest-ce quâil ne fallait pas entendre⊠je leur ai donnĂ© une engueulade de premiĂšre, un coup de croc et un coup de pied au cul, jâĂ©tais dĂ©jĂ gĂ©nĂ©reux avec eux. Ils sont tous passĂ© Ă CornĂ©lia dâailleurs, leur colĂšre vengeresse arrive de maniĂšre trĂšs variable selon leurs intĂ©rĂȘts du moment, Ă©videmment⊠ils sont partis la queue entre les jambes et quand Rod est revenu ici, il mâa racontĂ© que Rufus aussi a dĂ» avoir peur pour sa peau vu quâil lâa chassĂ© direct.
â Les chiens errants nâont aucune chance face Ă des loups, câest comme ça que vous dites dans la famille de mĂ©moire⊠se souvient le jeune homme.
â De notre mĂšre et de notre pĂšre⊠et ils nâavaient pas tort, câest des crĂ©tins les chiens, rĂ©pliqua Alix.
â Tu es toujours aussi direct, arriva Ă rire un peu Dimitri devant son ton et sa maniĂšre de le dire, avant de chuchoter, devant le dire Ă lâhomme devant lui. Alix⊠je⊠je suis dĂ©solĂ© quâil soit dans cet Ă©tat⊠câest⊠câest entiĂšrement ma faute⊠si je nâavais pasâŠ
â Hum ? Il le regarda vraiment dans les yeux en redressant la tĂȘte. Vous ĂȘtes encore vivants tous les trois ?
â Euh⊠oui, mĂȘme sâils vont avoir une longue convalescence tous les deux, alors que moiâŠ
â Tu ne penses plus Ă juste couper la tĂȘte dâEldegard quitte Ă tuer tout le monde et toi le premier ? Le coupa-t-il dâun ton un peu blasĂ©.
â Non ! Ăvidemment ! Mais ça nâempĂȘche pasâŠ
â Tu vas reprendre Fhirdiad et nous dĂ©barrasser de cette dĂ©mone de CornĂ©lia que mĂȘme une fosse Ă latrine ne voudrait pas ? Le coupa-t-il encore avec plus dâinsistance.
â Bien sĂ»r aussi, maisâŠ
â Et tu vas continuer en Ă©coutant les autres et pas juste ta soif de vengeance ou que toi-mĂȘme ? Câest ça le plan ?
â Aussi, maisâŠ
â Alors, ne te met pas martel en tĂȘte. Rod est en vie, FĂ©lix est en vie, tu es en vie, tu as repris tes esprits, tu vas bouter de lâimpĂ©rial hors de chez nous, et tu ne vas pas te comporter en connard en faisant juste ce que tu veux sans Ă©couter personnes alors, ça me va. Je laisse Ă un autre moi qui nâexiste pas la peine de penser Ă ma rĂ©action si quelque chose leur Ă©tait arrivĂ© alors, laisse cette rĂ©flexion Ă lâautre toi de ce monde aussi. En plus, tu te mets Ă nouveau Ă nâĂ©couter personne, si câest pas FĂ©lix qui te colle une baffe, câest moi qui le fait pour te ramener Ă la rĂ©alité⊠ce que jâaurais dĂ» faire plus souvent Ă dâautres tiensâŠ
â Je⊠je comprends ton point de vue mais⊠dĂ©clara Dimitri avant dâhĂ©siter, avant dâavouer. Mais je ne suis pas digne de cette confianceâŠ
â Et pourquoi donc ? Lui demanda Alix, plantant ses yeux dans les siens, comme pour lâaccrocher ici et lâempĂȘcher de partir.
â Jâai⊠jâai encore besoin dâaide⊠avec les fantĂŽmes⊠ils comptent tous sur moi mais, je suis obligĂ© de mâaccrocher Ă ceux en qui jâai confiance pour que les fantĂŽmes sâen aillent et arrĂȘtent de mâordonner de ramener la tĂȘte dâEldegard⊠je nâarrĂȘte pas de les repousser, encore et encore mais, il revienne toujours et je finis toujours par avoir besoin dâaide⊠jâai failli craquer plusieurs fois pendant le combat⊠si je nâavais pas eu Areadbhar qui me calmaitâŠ
â Oui, et y a Ă peine deux mois en arriĂšre, tu les Ă©coutais tout le temps sans Ă©couter les vivants, ce qui mettait en danger les autres. Tu es toujours Ă ce stade ?
â Non⊠je refuse de leur faire du mal⊠ce nâest pas ce que je veux⊠je veux juste⊠juste que tout le monde se sorte de cette guerre vivant⊠mĂȘme si câest surement un objectif modeste. Mais je ne sais pas si jâen serais capable⊠je mâappuie sur tant de mondeâŠ
â Donc, tu es en progrĂšs alors, tu es sur la bonne voie, câest le principal. Tu arrives Ă leur rĂ©sister donc, câest dĂ©jĂ un pas dans la bonne direction. MĂȘme deux vu que tu suis ce que toi tu veux plutĂŽt que ce que veulent les morts ou je ne sais quoi qui te tourmente, lui fit remarquer Alix. Câest normal dâavoir besoin dâaide, et quand tu es tout seul avec tes illusions, tu finis au fond du trou. En plus, câest pas possible de tout faire tout seul. Celui qui fait tout, tout seul ou avec des personnes qui pensent comme lui, il fait juste que des erreurs car personne ne vient lui dire que câest mal fait. A ton avis, pourquoi la devise de notre pĂšre, câĂ©tait « câest mon boulot de tâempĂȘcher de faire des conneries » ? Câest que quand câĂ©tait Clovis, personne nâosait ouvrir la bouche devant lui, jusquâĂ ce que Ludovic fasse son coup dâĂ©tat pour virer son pĂšre. Alors, Ă©videmment que ses proches ont toujours Ă©tĂ© lĂ pour le limiter sâil allait trop loin, lui le premier. Et pour quelque chose de plus proche, tu crois quâils discutent Ionius et Eldegard ? Non, ils ne font que sâĂ©couter parler ou lâĂ©cho de leur voix car, ils sont seuls dans le palais et quâils sont persuadĂ©s dâavoir la vĂ©ritĂ© ultime, alors que câest juste la version des faits qui les arrange. Câest pas Hubert qui va dire Ă son impĂ©ratrice quâelle fait de la merde, il vĂ©nĂšre plutĂŽt sa merde en disant que câest un miracle de la DĂ©esse car, son ImpĂ©ratrice est sa DĂ©esse Ă lui, et ça ose se prĂ©tendre athĂ©e au passage.
â Oui mais, si un jour je rechute et que je me remets Ă Ă©couter les morts ? Quâest-ce qui se passera le jour oĂč mĂȘme cette bĂ©quille ne mâempĂȘchera pas de faire le pire ?
â Ce jour-lĂ , on sera Ă tes cĂŽtĂ©s, en sachant ce que tu as alors, on pourra tâaider plus efficacement, rĂ©pondit-il sans hĂ©siter une seule seconde. Personne ne fait les choses bien en Ă©tant toujours tout seul, surtout dans ta position. Tu ne pourras jamais tout maitriser Ă la perfection, tu auras toujours des faiblesses que dâautres combleront et toi-mĂȘme, tu combleras les faiblesses de tes compagnons. Je sais que ça vient de quelquâun qui fait toujours tout Ă deux ou il se sent mal dâĂȘtre sĂ©parĂ© de son double car, quarante-huit annĂ©es de vie et neuf mois de grossesse, ça rapproche un peu mais, je travaille toujours mieux avec Rodrigue et avec dâautres personnes de notre fief pour nos conseiller. Le roi Loog lui-mĂȘme Ă©tait trĂšs entourĂ© pour combler ses lacunes. Les vieilles carnes dâAdrestia se plaignaient mĂȘme que Loog nâĂ©tait pas capable de lire le latin pendant longtemps et quâil avait besoin dâaide pour le dĂ©crypter, et ça ne lâa pas empĂȘchĂ© de faire de grandes choses. Ătre isolĂ© ou nâĂ©couter que des personnes qui vont dans ton sens ou celui de leurs intĂ©rĂȘts Ă elles ne tâaidera pas Dimitri. Tu en apprendras bien plus en Ă©tant entourĂ©s de personnes avec des opinions trĂšs diffĂ©rentes les unes des autres, et surtout des tiennes. En plus, ton Ă©tat sâamĂ©liore, tu arrives mieux Ă rĂ©sister aux demandes que tu entends, tu le dis toi-mĂȘme. Donc, tu tâes beaucoup amĂ©liorĂ© en trĂšs peu de temps. Tu peux en ĂȘtre fier. Et je suis sĂ»r que Rodrigue et FĂ©lix sont dâaccord avec moi, assura-t-il en les montrant tous les deux avec un sourire.
â Oui⊠ils le sont, lui rĂ©pondit Dimitri en lui rendant son sourire, un peu rassurĂ© par les mots dâAlix.
Rodrigue se mit Ă remuer un petit peu, ouvrant Ă nouveau les yeux aprĂšs avoir dormi une bonne partie de la journĂ©e. MĂȘme dans le flou, son visage sâillumina en voyant son frĂšre, arrivant Ă hacher malgrĂ© le reste pĂąteux de sommeil sur sa langue.
â Alix⊠tu es lĂ âŠ
â Oui, content de te revoir aussi⊠il serra un peu plus sa main dans la sienne. Ne me refais jamais un coup pareil, dâaccord ?
â Je suis dĂ©solĂ© de tâavoir fait peur⊠câest promis, je nâai plus envie de te quitter⊠Tu restes aussi ?
â Bien sĂ»r, on ne se sĂ©parera plus jamais ! Jura-t-il Ă son tour.
â Comme on se lâĂ©tait ditâŠ
â Hum⊠FĂ©lix trembla Ă son tour sous sa couverture, et entrouvrit ses yeux dâambre vers les jumeaux. Quâest-ceâŠ
â Bon retour Ă la maison, lui souhaita son oncle.
â CâĂ©tait ça le bruit⊠marmonna le plus jeune en Ă©mergeant.
â Moi aussi, je suis ravi de te voir rentrer en entier, rĂ©torqua Alix en souriant avec son frĂšre, avant de passer sa main dans ses cheveux. Toi aussi, tu ne me fais plus jamais peur louveteau.
Ils prirent tous le grognement quâil marmonna comme un oui, Dimitri sentant sa poitrine sâallĂ©ger en voyant la meute enfin rĂ©unie.
*
Rodrigue somnolait dans le lac, de lâeau jusquâĂ la poitrine, sentant la magie de leur ancĂȘtre fuser autour dâeux et dans sa blessure. MĂȘme sâil Ă©tait pratiquement guĂ©ri, leur mĂ©decin avait ordonnĂ© quâil reste dans lâonde toujours pure jusquâĂ ce que la plaie ne lui fasse plus mal, surtout quâil Ă©tait encore trĂšs fatiguĂ©.
« Je vous interdis de reprendre votre travail, jusquâĂ ce que nous soyons absolument sĂ»rs que cette blessure ne se rouvrira pas ! Vous avez interdiction de bouger ou dâutiliser la magie jusquâĂ nouvel ordre ! SâĂ©tait Ă©criĂ© Pierrick en le voyant tenter dâaller aider Alix, surtout maintenant que leur principale seconde, la capitaine Estelle Duchesne et son adjudant Bernard Parjean, suivaient lâarmĂ©e royale pour mener les troupes fraldariennes aller rĂ©cupĂ©rer la capitale. Au nom de la DĂ©esse et de ses Braves, reposez-vous ! »
Il sây Ă©tait alors pliĂ©, passant une bonne partie de son temps Ă dormir. En tout cas, lâeau du lac lui faisait vraiment du bien⊠quand il Ă©tait dedans, câĂ©tait comme sâil nâavait jamais reçu aucun coup⊠câĂ©tait frustrant de ne pas pouvoir aider Alix dâici mais, Pierrick ne le laisserait jamais faire. Au moins, il pouvait rester un peu avec FĂ©lix.
Son fils aussi Ă©tait confinĂ© au lac, dormant la plupart du temps tout comme lui. Ses veines luisaient de magie, tout comme sa marque dâĂ©cailles dans son dos, mĂȘme sâil Ă©tait toujours trĂšs fatiguĂ©. Au moins, il ne souffrait pas ici, mĂȘme hors du flot pur, câĂ©tait le principal⊠Fraldarius mĂȘme le protĂ©geait⊠tout comme lâeau⊠FĂ©lix avait toujours Ă©tĂ© un vĂ©ritable poisson, nageant trĂšs jeune, toujours dans le lac et capable de rester en apnĂ©e plus que nâimporte qui. Son cadet Ă©tait si fier de lui quand il remontait de ses profondeurs avec un artĂ©fact ancien⊠mais câĂ©tait avant que la TragĂ©die ne lui fasse rejeter aussi son passe-temps favori pour se tourner uniquement vers lâentrainement⊠encore plus aprĂšs la rĂ©bellion quâil avait matĂ© avec Dimitri⊠il ne retournait alors dans lâeau que pour conserver son souffle exceptionnelâŠ
Quand il ne dormait pas, FĂ©lix Ă©tait dans une sorte de demi-conscience, marmonnant des mots dĂ©pareillĂ©s les uns avec les autres⊠souvent, il parlait de Glenn⊠dans ses moments-lĂ , Rodrigue chantait toujours pour lâapaiser, comme quand son cadet Ă©tait petit, regrettant dâautant dormir alors que son louveteau devait faire des cauchemars quand lui-mĂȘme sommeillait.
« Ăa va aller⊠Câest fini mon louveteau⊠se souvient-il dâun soir au coin du feu tous ensemble, alors que son cadet sâĂ©tait rĂ©veillĂ© en sursaut Ă cause dâun mauvais rĂȘve, le pĂšre lâenlaçant pour le consoler comme il nâaurait surement plus le droit de le faire Ă prĂ©sent. Le Cheval Mallet ne te fera jamais de mal⊠je te protĂ©gerai⊠la meute te protĂ©gera⊠câest promis⊠un cheval, aussi malĂ©fique soit-il, ne peut rien faire contre une meute de loup tant quâelle reste unieâŠÂ »
Il y pensait quand FĂ©lix se remit Ă sâagiter dans son sommeil, se tordant un peu sur lui-mĂȘme en babillant. Passant sa main dans ses cheveux par instinct, Rodrigue recommença alors Ă fredonner, la derniĂšre chanson de son pĂšre lui venant Ă lâesprit et coulant de ses lĂšvres. MĂȘme si Guillaume nâavait pas tenu parole, câĂ©tait un des derniers souvenirs quâil avait de lui, il tenait beaucoup Ă cette chanson, ce chant de lâarmĂ©e pour apaiser des pleurs avant lâangoisse de la sĂ©parationâŠ
*
FĂ©lix luttait de toutes ses forces pour se rĂ©veiller⊠ou au moins arrĂȘter de rĂȘver de ce moment-là ⊠il avait tout fait pour lâoublier, ne voulant pas se souvenir de ses deux mois horribles qui avaient fini sur Glenn partant en Duscur avec Nicola⊠dĂšs quâil sâen souvenait, il se sentait mal et Ă©tait en colĂšre contre quelquâun qui ne pouvait plus rĂ©pondre de ses conneries⊠et il devait admettre quâil ne devrait pas ĂȘtre en colĂšre contre dâautres⊠il avait pourtant tout fait pour oublierâŠ
Mais non, le jeune homme nâavait rien oublié⊠au contraire, il se souvenait de tout presque dans les moindres dĂ©tails⊠lâannonce au dernier moment de Lambert quâil se rendrait Ă Duscur pour nĂ©gocier la paix avec Dimitri⊠personne nâĂ©tait au courant⊠personne⊠pas mĂȘme son pĂšre et son oncle⊠à quel point cela faisait mal⊠tout le monde qui se prĂ©cipitait⊠tout le monde en colĂšre⊠tout le monde effrayé⊠sa famille Ă©puisĂ©e de devoir rattraper tout ce que Lambert avait mal fait⊠les insultes des diplomates qui fusaient quand aucun des fidĂšles du roi nâĂ©tait lĂ mais, que les oreilles des enfants entendaient toujours⊠à quel point son travail Ă©tait un travail de tĂącheron et ce voyage une folie⊠le dĂ©dain de Nicola pour le roi, marmonnant Ă quel point il faisait honte Ă son pĂšre le roi Ludovic⊠Glenn qui cachait Ă peine tout le mĂ©pris quâil avait pour le roi en privĂ©, un roi qui les emmenait dans une mission aussi dangereuse sans demander son avis Ă personne, ou prendre la moindre prĂ©caution alors que son propre enfant Ă©tait du voyage⊠son oncle Ă deux doigts dâĂ©gorger le roi et son grand frĂšre lui-mĂȘme Ă cause de ses mauvaises dĂ©cisions, Lambert nâĂ©coutant que ceux qui allaient dans son sens, mĂȘme les ennemis de la veille, et Rufus lâencourageant dans cette folie⊠personne ne voulait de ce voyage⊠Rodrigue de plus en plus Ă©puisĂ© et dĂ©sespĂ©rĂ© de trouver une solution pour empĂȘcher ce voyage jusquâĂ ce que le jour fatidique arrive, en charge de tous les aspects techniques et matĂ©riel du voyage, ainsi que le cĂŽtĂ© humainâŠ
Mais plus que tout, il avait voulu effacĂ© de sa mĂ©moire un souvenir⊠il dormait dans leur chambre, rattrapant sa nuit oĂč il aidait sa famille en leur apportant de quoi manger ou en prenant soin dâeux, les adultes nâayant plus le temps pour le faire eux-mĂȘmes, quand il entendit quelquâun entrer. Il alla Ă la porte, observa par la serrure et vit Alix pratiquement tirer son pĂšre, tremblant et livide, les yeux exorbitĂ©s, sâaccrochant Ă son jumeau comme Ă sa vie⊠quand il vit son oncle regarder que personne nâĂ©tait lĂ , le petit garçon alla se cacher dans son coffre, ayant encore oubliĂ© de le ranger. Sous le bazar, personne ne le verrait et Alix nâavait pas fait exception. AprĂšs un peu de temps, il en ressortit pour observer dans lâentrebĂąillement de la porte la discussion des jumeaux⊠ son pĂšre avait tellement de mal Ă juste parler⊠il avait du mal Ă trouver ses mots et Ă enchainer deux phrases, se rĂ©pĂ©tait beaucoup et tremblait tellement, nâarrivant Ă se calmer que parce quâil Ă©tait avec Alix⊠les jumeaux avaient toujours Ă©tĂ© fusionnels⊠il parlait de Lambert, Rodrigue avait encore tentĂ© de le convaincre de ne pas emmenĂ© Dimitri Ă Duscur car câĂ©tait trop dangereux mais, en rĂ©ponse, il lui avait vomi des mots horribles :
« MĂȘme si le pire devait arriver, tout ira bien. Câest un garçon intelligent Rodrigue. MĂȘme sâil devait perdre son pĂšre, je sais quâil deviendrait un homme bon et respectable »
FĂ©lix se souvenait dâavoir bouillonnĂ© de rage en entendant cela, tout comme Alix. Comment Lambert pouvait prĂ©tendre ĂȘtre leur ami pour leur cracher Ă la figure comme ça ?! Il avait oubliĂ© que Rodrigue et Alix Ă©taient eux-mĂȘmes orphelins ou quoi ?! Eux, ils savaient ce que câĂ©tait de perdre son pĂšre et de devoir survivre Ă une rĂ©gence, pas Lambert ! AprĂšs un mois et demi Ă tout mettre sur le dos des jumeaux et des Charon en plus ! Lambert avait eu de la chance de ne pas se faire lĂącher par toute la noblesse de lâest ! Personne nâen voulait de ce voyage, les roturiers et ceux qui rĂ©flĂ©chissaient plus de deux secondes les premiers ! Et il lui avait mĂȘme fait promettre de faire son travail de pĂšre Ă sa place sâil se faisait tuer par sa connerie en plus ! Et sans se rendre compte dâĂ quel point il lâavait blessĂ© avec ça ! Est-ce quâil y avait un esprit dans ce corps Ă la fin ?! Le petit garçon se souvenait dâavoir entendu quelque fois Glenn appeler Lambert un « chien idiot » mais lĂ , il passait dans la catĂ©gorie des chiens errants ! Ce nâĂ©tait quâun idiot qui faisait du mal Ă sa famille ! Il nâavait pas le droit de faire du mal Ă son pĂšre !
Rodrigue finit par Ă©clater en pleurs en avouant que Lambert lui faisait peur⊠pas Ă©tonnant aprĂšs tout ce quâil lui avait envoyĂ© en pleine figure en continue pendant plus dâun mois, tout le monde suant sang et eau pour que ce voyage ne soit pas la catastrophe quâil devait ĂȘtre⊠mĂȘme maintenant, FĂ©lix Ă©tait obligĂ© dâadmettre que ça faisait trop pour un seul homme⊠mĂȘme pour un loupâŠ
Il Ă©tait alors sorti de sa cachette et avait consolĂ© son pĂšre, se jetant contre lui en disant que ce nâĂ©tait pas sa faute mais celle de Lambert. CâĂ©tait lui qui les jetait tous dans la gueule du lion ! Pas son pĂšre ! Il nâavait rien fait de mal ! FĂ©lix se souvenait de ses bras qui lâentouraient, la prĂ©sence de son pĂšre, Ă quel point il Ă©tait rassurĂ© dâĂȘtre avec lui, tout comme Rodrigue, se calmant enfin vraiment avec luiâŠ
Tout sâenchainait trĂšs vite aprĂšs ça dans son rĂȘve mais, la sensation de dĂ©sespoir restait, le dĂ©gout fort de faire ce que tout le monde savait ĂȘtre une erreur sauf celui ayant le pouvoir de la stopper⊠Alix avait Ă©tĂ© Ă deux doigts de frapper Lambert⊠FĂ©lix lâavait fait dans une crise de fureur de voir sa famille aussi mal⊠Glenn avait promis dâĂȘtre chevalier Ă la maison et plus Ă la capitale⊠le convoi de dĂ©part qui ressemblait Ă un cortĂšge funĂšbre tellement tout le monde Ă©tait triste et inquiet, lâair lourd et les larmes proches dâexploser chez tousâŠpuis le messager qui sâĂ©croula Ă leur porte, son pĂšre et lui qui partaient immĂ©diatement pour Fhirdiad, ne retrouvant de Glenn quâune Ă©pĂ©e et un plastron brisé⊠le choc dâapprendre quâil ne reviendrait pas, que personne ne reviendrait, que seul Dimitri Ă©tait revenu⊠le chaos qui sâinstalla dans tous le Royaume⊠allant mĂȘme jusquâĂ attenter Ă la vie du prince jusque dans le palaisâŠ
FĂ©lix se souvient de sa dispute avec son pĂšre, partie du fait que Rodrigue ne pouvait pas rentrer avec lui et devait rester Ă la capitale pour tenir le Royaume, Rufus ne faisant que jeter plus dâhuile sur le feu et rallumer les braises. Avec le recul, il se sentait tellement stupide⊠évidemment que câĂ©tait plus important dâempĂȘcher Faerghus de brĂ»ler que de rentrer⊠en sâen souvenant vraiment, il ne pouvait plus que voir Ă quel point son pĂšre voulait aussi rentrer Ă la maison, Ă quel point il voulait le suivre et retourner faire son deuil dans leur famille⊠le jeune homme se sentit encore plus stupide en sachant maintenant dâoĂč venait cette phrase qui lâavait fait dĂ©tester son pĂšre⊠le fuyant sans lui laisser le temps de sâexpliquer, en rentrant seul dĂšs le lendemain matin sans lui dire au revoir⊠refusant de mĂȘme admettre Ă quel point Rodrigue lui manquait et Ă quel point FĂ©lix voulait se rĂ©concilier avec lui⊠à quel point ça lui faisait mal de ne plus ĂȘtre avec lui, mĂȘme sâil le niait, enfermant tous ses sentiments et ses Ă©motions dans une boite aussi profonde quâil le pouvait et lui-mĂȘme dans lâentrainementâŠ
Cependant, la suite de son rĂȘve ne fut pas ses souvenirs⊠il se transforma en vĂ©ritable cauchemar ! Des hommes avec les armes de Rufus cousues sur leur poitrine arrivĂšrent en trombe chez eux, arrĂȘtĂšrent tout le monde, son oncle le premier et leurs principaux soutiens encore en vie, lâattrapĂšrent et le jetĂšrent Ă part comme un objet. Il reconnut Ă travers les barreaux le chemin de la capitale, puis on lâenvoya dans une famille quâil ne connaissait mĂȘme pas, qui le forcĂšrent Ă Ă©crire des ordres dâarrestation envers des personnes quâil aimait et Ă servir de serviteur. FĂ©lix rĂ©clama son pĂšre et son oncle, demandant oĂč ils Ă©taient et ce qui se passait mais, il ne reçut en rĂ©ponse que des coups et des repas en moins⊠son pĂšre ne lâavait jamais traitĂ© aussi mal, il avait toujours Ă©tĂ© doux, gentil et juste avec lui, mĂȘme quand il faisait des bĂȘtises⊠apparemment, il Ă©tait chez eux en attente pour lâenvoyer ailleurs quand il serait assez vieux⊠et ils se plaignaient aussi quâil vomisse toujours son repas sans jamais tomber⊠Rufus devait vouloir se dĂ©barrasser de lui discrĂštement⊠DĂ©esse, quâest-ce quâil allait faire Ă son pĂšre et son oncle ?! OĂč est-ce quâils Ă©taient ?!
Il avait Ă©tĂ© forcĂ© dâĂ©crire que Fregn Ă©tait maintenant accusĂ©e dâĂȘtre une ennemie de lâintĂ©rieur car, elle Ă©tait sreng et avait repris Lambert sur son inconscience qui serait trĂšs mal vue par les siens, disant tout haut ce que tout le monde pensait tout bas de ce voyage⊠Rufus voulait sa tĂȘte pour ce « crime » de sâĂȘtre opposĂ© au roi. Elle avait fui in extremis en Sreng en emmenant Sylvain avec elle, lui aussi accusĂ© de complicitĂ© avec sa mĂšre et dâĂȘtre un mauvais faerghien Ă cause de son mĂ©tissage et du fait quâil ne pensait pas les duscuriens coupables de la TragĂ©die.
Ingrid et sa famille durent renoncer Ă leurs terres et travailler comme serviteurs pour Rufus, ce dernier leur donnant les tĂąches les plus ingrates et dangereuses car, son pĂšre Francis avait conseillĂ© Ă Lambert de prendre plus de temps et avait mal fait son travailâŠ
Alors que son Ă©tat sâamĂ©liorait quand il Ă©tait parti, Dimitri faisait une rechute et Ă©tait clouĂ© au lit⊠la famille qui sâoccupait de lui disait que le prince sâĂ©tait mutilĂ© aprĂšs avoir vu le corps de Dedue dĂ©chiquetĂ© par des proches de Rufus, tous appelant Ă la vengeance et Ă brĂ»ler Duscur tout entier, pendant que Dimitri hurlait que les duscuriens Ă©taient innocents et dĂ©lirait Ă propos de corbeaux humanoĂŻdes⊠des rumeurs disaient que son oncle lâavait fait attachĂ© par les bras et les jambes aux montants de son lit, pour lâempĂȘcher de se faire du mal tout seul et dâarrĂȘter la folie de RufusâŠ
Quand on le laissa enfin sortir pour voir sa vraie famille, le jeune garçon pataugea dans le sang⊠toutes les rues de Fhirdiad Ă©taient Ă©carlates, les bas des robes et des pantalons couverts de tĂąches rouges et noirs, des rats nageant Ă lâintĂ©rieur en grignotant la chair en putrĂ©faction qui y flottait⊠des chats Ă©taient pendus par le cou aux maisons, les gens disaient que câĂ©tait parce que les ducs de Fraldarius les adoraient, leur forteresse en Ă©tant toujours pleine⊠toutes les personnes quâil croisait Ă©taient malades Ă cause de ça et du manque de nourriture, tout lâargent partant dans la traque aux traitres et aux duscuriens, tous chasser bien plus que les rats par Rufus⊠cela rappela Ă FĂ©lix les histoires de Nicola sur Clovis le Sanglant⊠le roi sanguinaire qui massacrait son propre peuple dans des guerres interminables, jetant ses opposants sous la hache du bourreau ou les flammes du bucher, Ă©liminant nâimporte qui se mettait sur son chemin jusquâĂ ce que le roi Ludovic nâarrĂȘte la folie meurtriĂšre de son pĂšre en le dĂ©trĂŽnant par la forceâŠ
FĂ©lix se crut dans ces histoires quand il arriva Ă la place principale de Fhidiad⊠câĂ©tait un vĂ©ritable charnier⊠les corps sâentassaient, laissĂ©s Ă pourrir lĂ comme sous Clovis, le roi cruel nâautorisant pas quâon enterre ses ennemis afin de les mettre plus bas que terre⊠la plaque commĂ©morative en leur mĂ©moire faite par Ludovic Ă©tait brisĂ©e, basculĂ©e au sol et servait maintenant dâestrade pour les exĂ©cutions⊠son cĆur sâarrĂȘta en voyant le corps dâAlix tomber dans le charnier, trainĂ© par Ingrid et ses frĂšres dont les membres Ă©taient couverts dâinfections Ă cause du sang et des cadavres, sa tĂȘte rejoignant dâautres alignĂ©s sur des piques avec celles dâEstelle et de Bernard, mĂȘme celle de Nicola quâon avait dĂ©terrĂ© pour ĂȘtre exĂ©cutĂ© avec sa fille et son gendre, ses petites-filles pleurant leur famille dont les corps pourrissaient Ă lâair libre⊠elles Ă©taient si petites ! Puis⊠les dĂ©mons servant Rufus trainĂšrent son pĂšre sur lâĂ©chafaud⊠le forcĂšrent Ă poser la tĂȘte sur le billot, le bourreau attrapant Moralta volïżœïżœ chez eux pour lâexĂ©cuter avec leur propre hĂ©ritage familial, alors que ses assistants tailladaient ses cheveux pour ne pas gĂȘner le passage de la lame.
« Non ! Non ! Papa ! ArrĂȘtez ! Mon pĂšre nâa rien fait de mal ! Papa ! »
Il ne put sâempĂȘcher dâhurler devant cette injustice, alors que ses tortionnaires le poussaient tout devant, aux premiĂšres loges pour voir son pĂšre se faire couper la tĂȘte. Rodrigue nâĂ©tait pas coupable ! CâĂ©tait Lambert qui avait dĂ©cidĂ© de les emmener Ă Duscur ! CâĂ©tait lui qui avait tout organisĂ© sans en parler Ă personne ! CâĂ©tait lui qui sâĂ©tait prĂ©cipitĂ© partout et les avait emmenĂ©s dans ce piĂšge Ă rat ! Son pĂšre avait tout fait pour lâen empĂȘcher mais, le chien errant qui leur servait de roi nâavait rien Ă©coutĂ©Â ! Il nâavait Ă©coutĂ© que Rufus qui le poussait dans ses pires dĂ©cisions et dĂ©fauts ! CâĂ©tait lui quâon devrait exĂ©cuter ! Pas ceux qui avaient tout fait pour empĂȘcher ce dĂ©sastre dâarriver ! Papa !
Rodrigue lâentendit, sa tĂȘte se relevant dâun coup du billot. Ses yeux sâexorbitĂšrent en le voyant, lâinquiĂ©tude et la peur se mĂ©langeant Ă lâintĂ©rieur alors quâil lui hurlait, les assistants du bourreau essayant tant bien que mal de lui remettre la tĂȘte sur le billot.
« Félix ! Fuit ! »
Non ! Pas sans lui ! Pas sans toi ! Tout mais pas ĂȘtre sans toi comme ça ! Tout mais pas ĂȘtre sans eux ! Tout mais pas ĂȘtre seul sans sa famille ! Il ne voulait pas que son pĂšre meure ! Pas quand les assistants du bourreau le forçaient Ă remettre la tĂȘte sur le billot pour se faire exĂ©cuter ! Pas quand lâassassin encagoulĂ© levait⊠papa !
Le bourreau abaissa Moralta quand dâun coup, un vague emporta tout, balayant tout ce qui lâentourait, autant les gens, les corps, le sang que la mort. FĂ©lix sentit alors quelque chose lâentourer de sa chaleur, doux avec lui⊠câĂ©tait agrĂ©able⊠il sây sentait bien⊠cela lui rappelait de bons souvenirs⊠des instants tout doux aprĂšs un cauchemar, oĂč son pĂšre le prenait dans ses bras et sa cape pour le rassurer⊠il le nierait aujourdâhui mais, Glenn le taquinait souvent sur le fait quâil Ă©tait collĂ© Ă leur pĂšre, surtout quand il Ă©tait petit⊠Alix aurait mĂȘme dit quâil allait finir coller Ă lâĂ©paule de Rodrigue, tellement il aimait faire la sieste dans ses bras quand il Ă©tait bĂ©bĂ©âŠ
Comme quand il Ă©tait petit, des notes le bercĂšrent, tout douces, leur fil tissant une chanson que les jumeaux fredonnaient tout le temps, venue de leur pĂšreâŠ
« Je pars ce matin avec les chants des laudes,
Mes pieds vont dâun cĂŽtĂ©,
Mais mon cĆur reste figĂ©
Il reste ici dans vos petites mains chaudes
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans ĂȘtre meurtri
Je pars Ă reculons, je pars sans jamais vous oublier
Je pars en ce jour en pensant toujours Ă vous,
Ă chaque pas sur ce long chemin, je lâavoue,
Je vous voie derriĂšre moi et souhaite mâen retourner.
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans ĂȘtre meurtri
Je vous promets de revenir un soir,
Je reviendrais Ă vous un jour,
Cette promesse de velours
Je ne la laisserais jamais choir,
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans ĂȘtre meurtri
Et quand nous nous serons retrouvés
Ce sera pour ne plus jamais se lùcher. »
Comme Ă lâĂ©poque, le chant le tira loin du cauchemar, rassurĂ© par la prĂ©sence de son pĂšre Ă ses cĂŽtĂ©s⊠comme avant que la TragĂ©die ne fiche tout en lâair⊠comme toujours sâil Ă©tait honnĂȘte⊠ça faisait du bienâŠ
Rodrigue tint la derniĂšre note aussi longtemps quâil put, la laissant former un fil assez long pour lier la personne qui partait Ă ceux Ă qui il promettait de revenir. Guillaume nâĂ©tait pas revenu mais, il restait avec eux malgrĂ© tout dâune certaine maniĂšre, dans le peu de souvenir que les jumeaux avaient de lui, tout comme dans ceux de tous ceux quâils avaient perdu⊠ils les entendaient presque dĂšs que les loups hurlaient Ă la luneâŠ
FĂ©lix se calma au fil des notes, son visage devenant plus serein, recroquevillĂ© dans lâeau claire, sa main sur Aegis entre eux. Ses yeux dâambre sâentrouvrirent, flottant entre la conscience et lâinconscience. Il nâavait pas eu la chance de connaitre FĂ©licia et de le constater par lui-mĂȘme mais, FĂ©lix avait vraiment les yeux de sa mĂšre⊠à part la forme de ses derniers, en amande, semblable Ă ceux des chats et aux siens, il avait tout hĂ©ritĂ© dâelleâŠ
« Ăa va aller⊠câest passĂ©âŠ
â Hum⊠Câest frustrant⊠marmonna-t-il en se rĂ©veillant, se rattrapant avant dâĂȘtre vraiment honnĂȘte avec son pĂšre. DâĂȘtre bloquĂ© iciâŠ
â Il faut que tu te remettes, et le lac semble ĂȘtre le meilleur remĂšde. Aucun de nous deux est en Ă©tat pour se battre de toute façonâŠ
â Mouais⊠il fit une grimace alors quâil tentait de bouger. Câest trop lent quand mĂȘme.
â Fait attention Ă toi⊠lui conseilla Rodrigue en le stabilisant dâune main. Et tu seras bientĂŽt sur pied, ton organisme semble se rĂ©gĂ©nĂ©rer bien plus vite dans le lac que quand nous Ă©tions Ă Garreg Mach.
â HumâŠÂ »
FĂ©lix ne dit rien de plus, dĂ©tournant le regard. Rodrigue nâinsista pas, ne voulant pas trop le pousser de peur que son fils retourne tout de suite dans sa carapace couverte dâĂ©pines. Ils sâĂ©taient dit quâils se parleraient mais, cela ne sâĂ©tait toujours pas fait, tout deux trop fatiguĂ©s pour le faire, surtout autour de⊠tout ça⊠le pĂšre se rappuya alors sur la pierre, laissant lâeau bĂ©nie par leur ancĂȘtre faire son effet, savourant sa caresse chassant la douleur⊠sâil pouvait au moins rester avec son enfant et pouvoir lui parler un peu, cela lui iraitâŠ
« Jâentendais tout⊠quand je dormais⊠finit par dire FĂ©lix, regardant au loin pour ĂȘtre sĂ»r de ne pas rencontrer les yeux de son pĂšre.
Le jeune homme ne sut pas pourquoi il avait parlé⊠son pĂšre se taisait et le silence lui allait trĂšs bien⊠mais en mĂȘme temps, les mots que Rodrigue avait dit Ă Dimitri tournaient encore dans sa tĂȘte⊠des mots flous mais, quâil nâavait pas pu nier⊠et câĂ©tait dur de nier ce quâil avait tout fait Ă©touffĂ© pendant des annĂ©es maintenant⊠pas aprĂšs avoir Ă©tĂ© si prĂšs de donner sa vie pour sauver celle de son pĂšreâŠ
Rodrigue le regarda, attentif, comme sâil sâĂ©tait prĂ©parĂ© Ă ce quâil lui dise cela ce qui Ă©tait surement le cas, trop patient comme toujours.
â Tu as toujours tout entendu quand tu Ă©tais inconscient.
â Hum⊠ce que tu as dit Dimitri⊠à propos de Guillaume et du roi Ludovic, câĂ©tait vrai ou juste pour le consoler ?
FĂ©lix dĂ©tourna encore plus le regard, une pointe de remord poignardant son cĆur. Ăvidemment, il savait que son pĂšre ne mentirait pas sur un sujet pareil, encore moins sur GuillaumeâŠ
â Oui, tout Ă©tait vrai, je ne lui ai pas menti, rĂ©pondit-il sans se fĂącher, et il Ă©tait encore une fois beaucoup trop calme.
Sans trop savoir pourquoi, FĂ©lix voulait presque quâil sâĂ©nerve⊠il nâen avait pas envie, il nâavait pas lâĂ©nergie pour se disputer et il voulait savoir mais, ce serait plus simple sâils se disputaient vraiment⊠juste des mots qui font mal des deux cĂŽtĂ©s et le silence aprĂšs⊠ce serait tellement plus simple⊠mais bon, maintenant quâil avait commencĂ©, il ne pouvait plus reculer⊠et dans le fond, il voulait arriver Ă comprendre⊠à comprendre ce qui sâĂ©tait passĂ© dans la tĂȘte de Rodrigue ce jour-lĂ âŠ
â Tu nâen avais jamais parlĂ© avant⊠Alix aussi⊠et Nicola encore moinsâŠ
â Ce nâest pas le souvenir que jâaime le plus raconter. Câest le plus clair que jâai Ă propos de mon pĂšre mais, câest aussi celui qui me fait le plus mal alors, je prĂ©fĂšre me concentrer sur les bons. Ils sont bien plus flous et la plupart sont des histoires quâon nous a racontĂ©es aprĂšs mais, ils sont bien plus rĂ©confortants⊠ce sont des souvenirs oĂč Guillaume est vivant, pas dans une boite⊠les bons souvenirs se perdent facilement alors que les mauvais sont les plus difficiles Ă oublier, mĂȘme si on le veut⊠alors je prĂ©fĂšre ne pas en parler, comme AlixâŠ
Rodrigue tenta de le regarder dans les yeux quand il parlait mais, FĂ©lix fuit son regard⊠il savait dĂ©jĂ trop bien Ă quel point ce quâil racontait Ă©tait vrai⊠et il nâĂ©tait pas sĂ»r de pouvoir se dĂ©fendre ou mordre sâil le regardait dans les yeux⊠il verrait trop toutes les Ă©motions de son pĂšre Ă nuâŠ
â Alors tu as gobĂ© ce quâon tâa dit et tu ne lâas jamais remis en question⊠pourquoi tu es obsĂ©dĂ© par la chevalerie alors quâelle a tuĂ© ton pĂšre avant mĂȘme de tuer Glenn ?!
â Jâavais six ans Ă ce moment-lĂ FĂ©lix, et on nâavait que ça pour expliquer et comprendre pourquoi notre pĂšre Ă©tait parti avec Alix, lui rappela-t-il dâun ton un peu plus sĂ©vĂšre mais, toujours calme. Je ne savais mĂȘme pas ce quâĂ©tait dâaffronter la mort et Ă quel point elle faisait mal⊠quand on a grandi, on a mieux compris pourquoi il a fait ça, ce qui sâĂ©tait passĂ© ce jour-lĂ et pourquoi Ludovic avait dit ça⊠et voir comment se comportaient certains chevaliers pendant notre enfance nous a aussi bien ramenĂ©s Ă la rĂ©alitĂ©. On a rencontrĂ© bien plus de chevaliers de titre prĂȘts Ă tout pour Ă©pouser la veuve et tuer lâorphelin afin de rĂ©cupĂ©rer leurs terres, quâĂ les dĂ©fendre, mais cela restait toujours un idĂ©al Ă atteindre dâaider les autres, câĂ©tait mĂȘme des qualitĂ©s quâon retrouvait plus chez des personnes qui ne lâĂ©taient pas. Tu nâas jamais connu ta grand-mĂšre AliĂ©nor mais, câĂ©tait une vĂ©ritable louve et une duchesse exceptionnelle, et Nicola aussi Ă©tait un vĂ©ritable chevalier alors quâil a toujours refusĂ© dâĂȘtre adoubĂ©, il ne voulait pas servir le roi aprĂšs ce qui sâĂ©tait passĂ© avec Clovis, il a toujours Ă©tĂ© lâami de Guillaume et de notre famille⊠mĂȘme si on Ă©tait toujours tristes et quâon aurait prĂ©fĂ©rĂ© mille fois avoir un pĂšre, on a gardĂ© cette phrase avec nous Alix et moi car, elle rĂ©sumait lâacte de Guillaume, mĂȘme si on sait que ses derniers mots Ă©taient quâil ne voulait pas mourir, et aprĂšs autant de temps Ă sâaccrocher Ă elle comme Ă une canne pour continuer Ă marcher malgrĂ© la peine, elle fait partie de nous. On ne pourra surement jamais sâen dĂ©barrasser tellement elle est ancrĂ©e.
â Câest pour ça que tu lâas dit pour Glenn ? Devina FĂ©lix, bien obligĂ© de le reconnaitre.
â Oui⊠avoua-t-il, FĂ©lix voyant son pĂšre chercher son chapelet sur son bras mais, quâil nâavait pas pour une fois, de peur que lâeau nâendommage le bois dĂ©jĂ presque aussi vieux que lui. Ăa⊠ça faisait si mal⊠jâavais lâimpression que câĂ©tait la mort de Guillaume qui recommençait mais en bien pire⊠Glenn⊠Glenn nâĂ©tait plus là ⊠il Ă©tait mort lĂ -bas alors quâaucun dâentre nous ne voulait de ce voyage⊠hein⊠je ne sais pas si tu tâen souviens mais Ă ce moment-lĂ , Glenn en Ă©tait arrivĂ© Ă dĂ©tester Lambert⊠il lui en voulait dâen faire quâĂ sa tĂȘte sans demander lâavis de personne, de sâobstiner dans lâerreur alors que tout Faerghus lui hurlait que câĂ©tait une mauvaise idĂ©e sauf les futurs complices de CornĂ©lia et de lâEmpire, et il lui en voulait encore pour Arundel⊠il ne lui a jamais pardonnĂ© dâavoir laissĂ© ce monstre entrer Ă la cour sans surveillance pour⊠pour une raison un peu trop longue Ă expliquer maintenant⊠et dâavoir mis autant de temps Ă le chasser alors quâil a failli te tuer avec ses brĂ»lures maudites⊠mais il a insistĂ© pour y aller⊠à cause du Kyphonis Corpus, un membre de notre famille Ă©tait obligĂ© de suivre le roi pour le protĂ©ger sinon, on aurait Ă©tĂ© accusĂ© de haute trahison⊠jây serais allĂ© Ă sa place, et Alix aussi sâĂ©tait proposĂ© mais, il nâa jamais voulu nous laisser sa place⊠ça aurait Ă©tĂ© Ă©trange que ce ne soit pas lui qui protĂ©geait le roi alors quâil Ă©tait majeur, et que nous devions gĂ©rer le Royaume en lâabsence de Lambert avec RufusâŠ
â A sa placeâŠÂ » le corrigea FĂ©lix, sachant Ă quel point Rufus avait abusĂ© de sa position pour que Rodrigue fasse tout son travail Ă sa place, pendant quâil allait boire et courir les jupons en hurlant que les jumeaux mĂ©riteraient de se faire exĂ©cuter.
« Câest la version officielle quâon devait rĂ©gner avec lui. Glenn se doutait que cela serait difficile, et que le voyage Ă©tait trĂšs dangereux alors, il a refusĂ© quâon se sĂ©pare⊠il savait que nous fonctionnions toujours mieux ensemble⊠et cela aurait pu nous retomber dessus si quelque chose arrivait Ă Lambert et pas Ă nous⊠alors on a cĂ©dé⊠et quand il nâest pas revenu⊠câĂ©tait un de mes pires cauchemars qui recommençait⊠je⊠sa voix se brisa en mille morceaux, autant de mauvais souvenirs remontant Ă la surface. Je ne pensais pas que jâenterrerais mon propre enfant un jour⊠et que je nâaurais rien Ă enterrer⊠je⊠je nâarrivais pas Ă mâenlever tout ce qui avait pu arriver Ă son corps de la tĂȘte âŠ
Sans savoir trop pourquoi Ă part quâil dĂ©testait le voir aussi brisĂ©, FĂ©lix tira sa main hors de la distance quâil gardait toujours avec Rodrigue depuis leur dispute, et attrapa son manteau du bout des doigts⊠DĂ©esse, depuis combien de temps il nâavait pas fait ça ? Il se comportait Ă nouveau comme un enfant qui se cachait dans la cape de son pĂšre ! Mais ça semblait tellement calmer Rodrigue⊠un simple contact⊠il Ă©tait dĂ©jĂ foutu aprĂšs tout ça Ă ce sujet alors, un peu plus ou un peu moinsâŠ
â Les seules choses qui arrivaient Ă repousser tout cela, câĂ©tait la surcharge de travail qui mâempĂȘchait de penser Ă autre chose⊠le chaos Ă©tait de partout et Rufus criait dĂ©jĂ quâil fallait venger nos morts en exterminant les duscuriens, je devais tout faire pour lâarrĂȘter et faire en sorte que le Royaume tourne encore, mĂȘme si une grande partie de sa tĂȘte Ă©tait morte⊠cette phrase pour me convaincre moi-mĂȘme que Glenn nâĂ©tait pas mort pour rien⊠elle mâavait dĂ©jĂ tenu entier Ă lâĂ©poque, je mây suis accrochĂ© Ă nouveau⊠ça faisait moins mal que de penser aux charognards des montagnes, et que Glenn devait regretter dâĂȘtre mort pour un homme quâil mĂ©prisait de tout son ĂȘtre⊠et surtout, il y avait toiâŠ
â MoiâŠÂ ?
Son pÚre arriva à sourire dans une expression mélancolique.
â Bien sĂ»r⊠tu Ă©tais lĂ , avec moi, et ça me donnait de la force pour continuer Ă me lever tous les jours sans mâĂ©crouler, alors que jâavais lâimpression que le monde s'effondrait encore une fois⊠tu as toujours Ă©tĂ© aussi tenace que ta mĂšre, qui a toujours Ă©tĂ© beaucoup plus acharnĂ©e que moi », de lâaffection dĂ©borda de son visage quand il Ă©voqua FĂ©licia. « Je ne pense pas que jâaurais eu la force comme elle de dire Ă mon cĆur malade de la boucler car, elle nâavait pas le temps de faire une crise cardiaque alors que des personnes avec une longue vie devant eux Ă©taient en danger. Elle Ă©tait si rĂ©siliente, mĂȘme si câĂ©tait aussi trĂšs imprudent de sa part, reconnut-il. Mais oui, jâarrivais Ă me lever car, tu Ă©tais lĂ et que tu avais besoin de moi⊠Rufus aurait Ă©tĂ© seul, on aurait fini avec un encore plus gros bain de sang que celui qui a vraiment eu lieu⊠jâĂ©tais mort de peur Ă lâidĂ©e que le Royaume sâeffondre et que tu nâes plus nulle part oĂč aller, que tu sois en danger⊠et dans le fond de la tĂȘte, jâavais peur que le rĂšgne de Clovis le Sanglant recommence⊠je ne voulais pas que tu vives le mĂȘme cauchemar Ă©veillĂ© que tes grands-parents qui ont dĂ» survivre Ă son rĂšgne⊠mon pĂšre a dĂ©jĂ failli mourir des dizaines de fois Ă cause dâambitieux qui voulaient nos terres, dont plusieurs Ă©taient envoyĂ©s par le roi⊠je savais que certains « vengeurs » projetaient de tâenlever pour me forcer Ă accepter de les aider Ă faire encore plus de morts inutiles⊠je ne faisais confiance Ă personne Ă la capitale, sauf Ă des fidĂšles de toujours quand il sâagissait de toi⊠et quand ce comploteur a essayĂ© de tuer Dimitri et que tu as failli prendre le coup Ă sa placeâŠ
Il ravala ses mots, nâarrivant pas Ă les prononcer, et secoua la tĂȘte pour en chasser la scĂšne de ce jour. FĂ©lix serra un peu plus son manteau dans ses mains, Rodrigue le remerciant dâun regard avant de continuer.
â Le monde sâeffondrait encore⊠jâai cru que jâallais devenir fou tellement jâai eu peur de te perdre aussi ! Je ne pensais plus quâĂ tâĂ©loigner de Fhirdiad qui sâĂ©tait transformĂ© en coupe-gorge, et de te renvoyer Ă la maison pour que tu sois en sĂ©curitĂ©, pour quâAlix te protĂšge mieux que je ne le faisais ici. Jâaurais pu, jâaurais aussi envoyĂ© Dimitri Ă Egua mais, sa seule prĂ©sence permettait de garder un semblant de calme Ă la capitale⊠mais jâĂ©tais tellement pressĂ© de te mettre en sĂ©curitĂ© que je nâai mĂȘme pas pris le temps de tâexpliquer correctement⊠ni pourquoi je ne pouvais pas rentrer avec toi pour enterrer Glenn⊠je le voulais et je sentais que tu lâavais devinĂ© mais, je ne pouvais pas quitter la capitale alors que la TragĂ©die avait tout laissĂ© dans le chaos⊠je ne voulais pas te dire cette phrase mais, jâĂ©tais tellement fatiguĂ© et inquiet⊠je nâai pas fait exprĂšs⊠et jâai encore plus tout foutu en lâair aprĂšs en niant⊠et je nâai mĂȘme pas pu prendre le temps de te rejoindre pour mâexpliquer quand tu es parti, tous les problĂšmes Ă rĂ©gler Ă la capitale me tombait dessus les uns aprĂšs les autres⊠et aprĂšs, jâavais lâimpression de tout ruiner encore plus si jâen reparlais quand je te voyais⊠je ne voulais pas te bousculer⊠et Alix a essayĂ© mais, il se doutait que rajouter un troisiĂšme parti ne ferait quâempirer les choses, et je ne voulais pas ruiner en plus ta relation avec luiâŠ
â ⊠faut dire⊠je ne tâai pas rendu la vie facile non plus⊠finit par admettre FĂ©lix. Je te fuyais tout le temps⊠et tu nâes pas le seul Ă devoir tâexcuser⊠jeâŠ
Le jeune homme se tut, dĂ©tournant encore plus le regard de son pĂšre⊠pourquoi sâĂ©tait aussi simple pour Rodrigue et aussi dur pour lui ?! ça aussi, il le tenait de FĂ©licia ?! MĂȘme pas en plus ! Elle, elle Ă©tait honnĂȘte tout le temps ! CâĂ©tait tellement frustrant !
Il resserra un peu son Ă©treinte sur le bout de tissu quâil tenait, cherchant peut-ĂȘtre un peu de son courage, puis finit par relever la tĂȘte pour enfin le regarder dans les yeux. Il nây vit que de la patience et de lâespoir alors, il continua, bien que trop timidement Ă son gout.
â Je⊠je nâaurais pas⊠câĂ©tait mal⊠jâai⊠il avala une pique pour lui-mĂȘme avant de finir par y arriver. Je suis dĂ©solĂ© de tâavoir frappé⊠câĂ©tait mal et je nâaurais pas dû⊠je suis aussi dĂ©solĂ© de tâavoir ignoré⊠jâai dĂ» te faire beaucoup de malâŠ
â Câest vrai que ce coup Ă©tait le plus douloureux que jâai reçu de ma vie entiĂšre, admit-il avant dâajouter, mĂȘme si sur lâinstant, je mâinquiĂ©tais surtout de savoir si ce nâĂ©tait pas les os de tes doigts qui avaient craquĂ©, je nâavais pas pu vĂ©rifier moi-mĂȘme vu que tu tâĂ©tais enfui. Jâai mĂȘme envoyĂ© une lettre Ă Alix exprĂšs pour lui demander si ta main allait bien, mĂȘme si je savais que câĂ©tait ma joue qui avait craquĂ© Ă ce moment-lĂ .
â Car tu tâen fais toujours pour les autres et pas pour toi ! Mordit un peu FĂ©lix. Tu es incurable ! Tu pourrais ĂȘtre mort, tant que câest toi et pas les autres, ça te va ! ça doit ĂȘtre dur pour Alix ! Câest toujours pareil avec toi ! On peut te faire le pire, tu finis presque toujours par pardonner⊠sauf quand lâautre dĂ©passe vraiment les bornes⊠comme si je ne lâavais pas fait en te frappant et en tâignorant tout ce tempsâŠ
â Tu serais surement Ă©tonnĂ© de savoir Ă qui jâen veux le plus⊠glissa-t-il, les yeux dans le vague avant de le regarder Ă nouveau. Et Ă tâentendre, on dirait que tu prĂ©fĂ©rerais que je sois en colĂšre, lui fit remarquer Rodrigue, encore trop patient malgrĂ© tout ce quâil venait de lui dire.
â Hum⊠un peu⊠ce serait plus simple si tu Ă©tais en colĂšre⊠admit-il Ă moitiĂ©. MĂȘme si⊠grrr⊠pourquoi câest aussi dur Ă direâŠ
â Si tu as besoin de tempsâŠ
â Encore ce que je te disais ! Tu es trop patient ! MĂȘme si je nâai pas envie de me disputer avec toi ! ça te va ça ? De toutes façons, câest grillĂ© vu Ă quel point je me suis acharnĂ© pour ne pas te perdre⊠marmonna le jeune homme du bout des lĂšvres, ne regardant plus son pĂšre.
Il sentit alors une main timide caressé ses cheveux, alors que la voix de Rodrigue lui assurait.
â Moi non plus, je nâai pas envie de me disputer avec toi⊠je nâen ai jamais eu envie, et câest surement pour cela que je te pardonne aussi vite⊠tu mâas tellement manquĂ© pendant toutes ses annĂ©es⊠je ne veux plus te perdes, encore moins aprĂšs une peur pareille⊠je sais que rien ne sera plus jamais comme avant mais, jâaimerais vraiment pouvoir te reparler, si tu veux bien me faire entrer Ă nouveau dans ta vie, bien sĂ»râŠ
â Hum⊠toi aussi, tu mâas manqué⊠ne te jette plus jamais sous un poignard alors⊠ne me fait plus jamais peur comme çaâŠ
â Je te le promet⊠et merci⊠lui sourit Ă nouveau son pĂšre, lisant entre les lignes.
FĂ©lix ne sut pas vraiment pourquoi ou peut-ĂȘtre le niait-il encore malgrĂ© tout, trop embourbĂ© dans son habitude de le faire mais, il se sentit plus lĂ©ger dâun coup⊠bien plus quâil ne lâavait Ă©tĂ© pendant des annĂ©es⊠comme si le lac venait dâarracher un poids qui sâaccrochait Ă son cĆur, pour lâemmener trĂšs loin et lâenfouir dans la vase⊠ça faisait du bienâŠ
Alors quâil se rendormait encore, le jeune homme sentit un peu mieux la magie de son ancĂȘtre en lui, colmatant toutes les veines qui avaient explosĂ© sous lâeffort⊠elles changeaient un peu⊠comme quand sa marque dâĂ©caille Ă©tait apparue dans son dos⊠surement le contrecoup de la magie de Fraldarius⊠les miracles marquaient toujours ceux qui les recevaient⊠il sentait une Ă©nergie trĂšs forte en lui, parcourant ses jambes et ses poumons de toutes part mais, il nâavait pas peur⊠il nâavait plus peur de Fraldarius depuis des annĂ©es⊠et mĂȘme si quelque chose se passait, Rodrigue veillait sur lui, comme il nâavait jamais arrĂȘtĂ© de le faire⊠il ne lui arriverait rienâŠ
(suite)
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