Meleksima (c.1606 – c.1640)
Ou celle qui se fait larguer par son mec le même jour où elle perd son bébé.
On ne sait pas grand chose de Meleksima.
Si vous faites des recherches sur les compagnes des sultans de l’Empire Ottoman, adoptez cette phrase comme mantra : on ne sait pas grand chose d’elles, sauf si vous avez marqué l’Histoire comme Hürrem, pour qui Soliman le Magnifique est devenu parfaitement monogame ET fidèle jusqu’à sa mort en plus de l’avoir épousée. Et non, vous baser sur la série Magnificent Century et son spin-off, Magnificent Century : Kösem, n’est pas à faire : c’est un drame historique à la Versailles, donc fond historique, quelques vérités, beaucoup de libertés.
Et si on ne sait pas grand chose de Meleksima Hatun, on sait qu’elle n’a pas eu la même histoire que celle jouée par Beste Kökdemir en 2015. Par ailleurs, Meleksima n’ayant aucun portrait d’elle, les images d’illustrations sont de la série que je viens de mentionner
Donc, sur la Meleksima historique, on ne sait que peu de choses. Déjà, savoir des choses sur les femmes du harem est compliqué de part la nature très privée de l’endroit. A ce jour, on découvre encore des choses sur les concubines et sultanes les plus connues, par exemple que Hatice, sœur de Soliman le Magnifique, n’a jamais épousé Ibrahim Pasha alors imaginez pour les femmes les plus « secondaires » ! Ce que je vous dis est donc à prendre avec des pincettes car cela peut évoluer avec les découvertes des historiens.
Ce qui est quasiment certain, c’est que Meleksima est issue des « terres russes », ces terres englobant la Ruthénie (un morceau de la Pologne et de l’Ukraine), de la Crimée, et d’autres pays de l’Europe de l’est. Pour la majorité des historiens, Meleksima est serbe.
Selon la version la plus mise en avant, elle aurait été l’esclave du Grand Vizir Kuyucu Murad Pasha avant d’arriver au harem du jeune sultan Osman II (1604-1622). Selon d’autres, à la mort du pasha elle a été adoptée par un eunuque qui l’a traitée comme sa fille, à tel point qu’il l’a libérée de sa condition d’esclave, et Osman, amoureux de la jeune fille mais ne pouvant faire d’une femme libre sa concubine, l’aurait épousée, ce qui ne serait pas si idiot puisque l’on sait qu’il a été l’un des premiers à épouser des femmes libres, notamment Akile Hanim, sans même qu’elles n’aient été des esclaves à son service auparavant.
Il faut dire qu’ils ont des points communs : la jeune fille partage son amour de la musique, ils parlent littérature, poésie (Osman, comme beaucoup de sultans, écrit lui-même des poèmes qui ont été reconnus, de son vivant, pour leur qualité). L’adolescent pouvait passer des heures avec elle juste à discuter.
La campagne de Pologne est un succès mitigé, cependant Osman demande à ce que l’on fasse dans les jardins un genre de reconstitution afin de montrer aux gens ce qu’il s’est passé. C’était aussi pour lui une festivité pour fêter la naissance de son premier enfant.
Sauf que cela vire à la tragédie.
Le 05 février 1622 (certains évoquent janvier 1622), le petit Ömer meurt lors de cette reconstitution, à l’âge de deux ou trois mois, sous les yeux de ses parents.
L’événement traumatise Osman. Il s’enferme dans ses appartements pendant trois jours, assis sur une chaise, complètement prostré, sans prononcer le moindre mot, sans bouger, boire ou manger. On en est venu à craindre pour sa vie.
Et là, pour Meleksima, comme si perdre son bébé et le voir mourir n’était pas assez traumatique, Osman la blâme pour l’incident. Il décide de ne plus jamais la voir, ordonne à ce qu’elle reste à Edirne alors qu’il retourne à Constantinople (l’actuelle Istanbul). Il la déchoit aussi de tous les privilèges qu’il a pu lui accorder.
Alors oui, ça fait très connard de la part d’Osman. Je suis bien d’accord. A cela, je rappelle plusieurs éléments : la mort d’un enfant est une chose tellement inique qu’on ose à peine se l’imaginer, c’est un deuil déjà impossible pour des adultes. Imaginez-vous vivre ça en étant adolescent, donc avec les hormones qui en découlent, et en voyant votre bébé mourir sous vos yeux… Ce n’était pas à faire, Meleksima était sans doute autant en PLS qu’Osman lui-même, mais si je trouve sa décision cruelle, je comprends son raisonnement d’adolescent en deuil…
On est bien loin d’Osman et Meleksima de Magnificent Century : Kösem avec un Osman présent lors de la naissance d’Ömer, un véritable pilier pour Meleksima à la mort de leur bébé, un homme à l’amour qui ne faiblit jamais, et Meleksima qui tente de le sauver alors que les hommes de Davud Pasha l’emmènent vers une mort certaine quand ils le font partir pour la forteresse de Yedikule.
Suite au décès d’Ömer on perd la trace de la jeune femme qui est oubliée de l’Histoire. Cependant, on peut deviner la suite.
Je vous mets un trigger warning car ce qui va suivre n’est pas joli du tout ! Donc trigger warning violences, mort et agression sexuelle.
Osman meurt assassiné le 20 mai 1622, à l’âge de 17 ans, après avoir été humilié par les janissaires et déposé par la cabale de Davud Pasha. Il est le premier sultan dans l’histoire de l’Empire Ottoman à être victime d’un régicide. Sa mort est si brutale et cruelle que des historiens de l’époque ont refusé de l’inscrire tant c’était horrifique et encore aujourd’hui, des zones d’ombre demeurent. On sait qu’il s’est tellement bien défendu qu’on lui a comprimé les testicules et qu’on l’a étranglé jusqu’à ce que mort s’en suive. Cependant, certains pensent que c’est le choc de la compression testiculaire qui lui aurait causé un arrêt cardiaque. D’autres pensent même à de la torture et à des viols à répétition…
Et quid de Meleksima me direz-vous ?
Il est de coutume que lorsqu’un sultan meurt, son harem soit envoyé dans un autre palais afin que celui du nouveau padichah s’y installe. En effet, le nouveau sultan ne peut conserver le harem du précédent, cela est vu comme de l’inceste.
A la mort d’Osman, lequel a eu le droit, malgré son meurtre horrible, à des funérailles dignes de son rang, Meleksima a sans doute quitté Edirne pour rejoindre le harem d’Osman. Dans le Vieux Palais ou dans le Palais des Larmes, on a pris soin d’elle en tant que concubine d’un sultan défunt jusqu’à sa propre mort. Une vie dans l’ombre, oubliée de tous, à pleurer son fils, son amour perdu… D’autres pensent qu’elle serait restée à Edirne, après tout, puisqu’elle n’était déjà plus dans le harem d’Osman, pourquoi s’embêter à la faire partir ?
On ignore ses dates de naissance et de mort mais l’on pense qu’elle avait environ 15 ans à la naissance d’Ömer et qu’elle serait morte vers 32 ans, sans doute de maladie.
Une vie courte, une vie remplie de malheur, une vie résumée à une note de bas de page dans les annales de l’Histoire.
La pauvre Meleksima méritait mieux.
Si toi aussi tu veux en lire plus sur Meleksima, tu peux aller regarder ces sources :
The Imperial Harem. Women and Sovereignty in the Ottoman Empire par Leslie P. Pierce
Resimli Ottoman History par Yavuz Bahadıroğlu
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