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#parfums d’écrivains
mmepastel · 7 months
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Coup de cœur pour un parfum ! Ça faisait longtemps !
J’ai commandé quelques échantillons généreux sur la boutique de la maison Jardins d’écrivains (ô surprise, ça m’attirait !), et dans cette maison de parfumerie fondée par Anaïs Biguine, la branche qui m’intéressait davantage était celle nommée Chapel Factory, pour son côté mystique et l’échantillon de L’eau d’épine que j’avais pu sentir grâce à la box de Au Parfum (et qui est vraiment original et beau). Je trouve cette marque extrêmement cohérente et attirante : une sorte de recherche autour de l’ingrédient phare et central, l’encens. Que j’ai toujours aimé. Il se décline ici en plusieurs fragrances originales et assez radicales. La maison propose des bougies, des compositions à brûler, comme pour une cérémonie sacrée mystérieuse.
Ermit Coat est le plus osé : il sent la fumée, le brûlé, il est austère comme il se doit, et vieillit bien sûr ma main. Il évoque vaguement Serge Noire de Lutens que j’ai tant aimé avant qu’il ne devienne un parfum inabordable, mais il n’en a pas la richesse.
Heresy est très intéressant, avec des notes poivrées, et un soupçon de vétiver.
Baptisma est plus souriant, avec pourtant trop de verveine et un côté un peu synthétique qui m’a déplu.
J’ai été très séduite par Pura Lux, sans doute grâce au jasmin et au musc, je l’ai en effet trouvé lumineux, assez addictif sur mon biceps droit.
Mais le coup de foudre, je l’ai eu sur mon dernier essai, biceps gauche, le dernier né de la marque : Oud Pagode. Les ingrédients sont notés ci-dessus. Ceux que je sens réellement sont le thé noir, la poudre de riz, le musc et la fumée. Je sens bien du bois, mais que ce soit de l’oud ou du bois de cachemire, je veux bien le croire, sans les identifier. En tous cas, ce que j’aime, c’est que cet oud, normalement associé en parfumerie à de l’opulence orientale est ici subtil et tiré vers le zen : il est doux comme une caresse, accompagné de notes qui le situent en parfait équilibre entre amertume (celle du thé) et sucre (le riz ? Le bois ?), honnêtement je ne sais pas ce qui en fait la magie, mais c’est un parfum complètement addictif, qui a même quelque chose de régressif pour moi, comme si il me rappelait quelque chose de l’enfance, quelque chose d’évident, de déjà su. Un haïku ? Ce serait facile comme image ; et pourtant, il y a un peu de ça, comme une fausse simplicité, ce n’est pas un parfum qui déploie des milliards de facettes, il est assez linéaire, mais il active en mon cerveau les bonnes touches. J’ai juste envie de plonger mon nez dedans et de me rouler en boule dans des draps blancs, dans un silence peut-être juste troublé par une cloche lointaine. Je ne sais pas si c’est un effet souhaitable, mais en ces temps perturbés, peut-on m’en vouloir de souhaiter la paix, au moins intérieure ?
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panelun · 5 years
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Le fils du lac, partie 1
c’est en ouvrant cet énième roman sur une “amitié particulière” entre garçons que je me suis persuadée qu’un réseau d’écrivains et d’éditeurs avait infiltré Signe de Piste pour publier les romans les plus ambigus et exceptionnellement gays de l’histoire de la littérature jeunesse, fut-elle de ce siècle ou du dernier.
Je n’ai pas de preuves, mais aucune autre explication plausible.
Si vous ne voulez pas suivre cette affaire, vous pouvez blacklister #la petite sirène chez les scouts .
Chapitre 1 
Notre personnage principal, Axel, vient de se disputer avec son CP et n’arrive pas à dormir. Il est soudain pris d’une inhabituelle et violente envie de boire et quitte sa tente pour se rendre près du lac bordant leur campement. Sur place, il entend chanter.
Une voix argentine, si claire, si jeune…
— Ah, le coeur de la rose, ah le parfum du lys blanc, 
Ah, le narcisse éclos, le colchique des champs !
Axel panique, se demandant qui peut chanter “avec une aussi émouvante pureté”. Il appelle mais personne ne lui répond.
Je serai, pour ma part, repartie en courant, mais lui s’allonge près de l’eau parce qu’il n’a manifestement aucun instinct de survie. Ce que la suite de ce chapitre s’empresse de confirmer.
Tandis qu’il se regarde dans l’eau, il voit une silhouette se superposer à son reflet, puis émerger. C’est un garçon blond, torse nu, avec un morceau de corail en collier autour du cou. Etrangement, Axel n’est pas surpris, même lorsque le garçon affirme être un prince et ne pas pouvoir mentir, même s’il le souhaite.
 Loll, le garçon qui vient d’émerger, prétend l’avoir appelé par une chanson. 
(Un prince… une belle voix… ça doit être un cousin d’Eric….)
 Après avoir observé les scouts pendant quelques jours, il lui a pris l’envie de devenir ami avec eux et a donc appris l’une de leurs chansons en pénétrant leur rêve afin de les attirer.
C’est un rien louche…
D’ailleurs, Axel prend plutôt bien l’idée qu’on ait infiltré ses pensées et ne semble pas particulièrement étonné. Il ne doit pas être bien réveillé, à moins que ce ne soient les charmes de la sirène qui l’envoutent.
Quoi qu’il en soit, Loll est plutôt satisfait qu’Axel soit venu seul car il ne voulait pas attirer tout le camp.
Et ça ne va pas en s’améliorant… Il raconte, à cette occasion, qu’il a déjà voulu devenir ami avec un humain, mais que ceux qui vivent “plus bas” étaient jaloux et l’ont tué. 
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Bon. Je me retiens de dire quoi que ce soit depuis le début, mais si Axel avait écouté ses cours de français ou d’Histoire en sixième, ou s’il avait assez de culture pour connaître L’Odyssée, il aurait déjà crapahuté ventre à terre jusqu’au camp scout et ne serait plus retourné près du lac. J’en connais plus d’un qui est mort pour ne pas avoir écouté les légendes. 
Axel, d’ailleurs, est tout de même prudent. Il prend la parole et raconte que, quelques jours plus tôt, un être inconnu l’a blessé à hauteur de ceinture tandis qu’il nageait dans le lac (une sirène essayait-elle de l’émasculer ou…). Il lui demande donc s’il risque quelque chose.
— Non, répondit-il enfin avec la sensation de commettre un mensonge, il ne te feront pas de mal.
Mais je croyais qu’il ne pouvait pas mentir ? Que tout ceci est louche…
Loll  explique qu’il règne sur tout ce qui se trouve sous l’eau qu’il a une petite amie…
Attendez… Quoi ?
Ah ! Attendez : c’est une étoile de mer, c’est une “petite amie” au sens propre, et je crois que c’est une mauvaise imitation de la rose du Petit prince de Saint-Exupery. Axel n’est pas prêt d’avoir de la concurrence…
De plus, le garçon veut vivre parmi les humains et demande à Axel ne nouer une promesse avec lui. Sans quoi, “les autres” ne croiront jamais qu’il s’est rendu chez les hommes, comme l’ont fait tous siens avant lui, semble-t-il.
Bien évidemment, Axel refuse et s’enfuit en courant.
Hélas…
Naïf, pour ne pas dire “complètement con”, Axel accepte instantanément. Ce n’est pas comme si Loll avait avoué lui-même qu’il avait des pouvoirs de persuasion très forts (puisqu’il peut attirer les hommes jusqu’à l’eau en les persuadant qu’ils meurent de soif) et que ses semblables noyaient les humains, surtout ceux qui se liaient d’amitié avec leur prince !
Et puis bon, ça m’a pas l’air très catholique, de faire un pacte avec une créature païenne !
Axel jure malgré tout :
À la face de tout ce qui meurt dans les eaux, je jure — il regarda le garçon — je jure de ne t’abandonner ni te trahir jamais !
Une brusque fureur fit explosion à la surface du lac, une rumeur s’étendit d’une rive à l’autre, la lune se voila brusquement, et le lac ne fut plus qu’une abîme sombre, angoissant, convulsé de colère, ouvert presque sous les pieds du scouts qui poursuivait d’une voix claire.
— Ta cause sera ma cause, ton royaume ma Patrie, j’appellerai tes frères mes frères…
Un sourd gémissement courut sur le lac, des voix implorantes s’élevèrent, pathétiques dans la nuit : on eût dit que des milliers de plaintes habitaient l’ombre hostile, cependant que des vagues furieuses venaient se briser à la base du promontoire.
— Je jure, redit Axel. 
Ah ! Je l’avais bien dit que papa lac ne serait pas content ! Mais en plus, cet idiot d’Axel lui a fait une promesse d’épousailles !
Promesse qui s’avère d’autant plus valable que, sans le savoir, Axel a prononcé les mots officiels et qu’elle est donc magiquement valide. 
— Maintenant, il faut la sceller.
— Et cela ne peut se faire sur terre, tu sais.
Donc les garçons s’approchent du bord du lac et s’apprête à se “jeter à l’eau”, ensemble.
— Oui ?
— Oui.
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J’ai mille chose à dire sur la symbolique de cette scène, sur le fait de “se jeter à l’eau avec quelqu’un” après avoir échangé un “oui” symbolique, sur la dimension érotique de l’eau dans Gaston Bachelard, mais ma vie est trop courte et ce roman est trop gay. En gros, j’interprète cette scène de “promesse scellée” comme une chaste métaphore de “mariage consommé”.
Ainsi, dans la tiède nuit de septembre, fut scellée la promesse entre Loll et Axel.
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Conclusion : quand on est un scout qui ne croit pas au darwinisme, soit meurt jeune, soit on vit assez longtemps pour se trouver un petit blondinet pour âme-soeur, potentiellement un prince, et manquer de mourir par sa faute (Eric, je te regarde).
Chapitre 2 
Ellipse. On ne saura pas ce qu’ont fait les garçons dans l’eau. Axel revient sous la surface et son étoile de mer lui fait la tête (tu m’étonnes !) et il s’endort dans sa grotte.
Le lendemain, Axel se réveille avant tout le monde. Il a autour du cou le collier que lui a offert le garçon.
— Je te donne cette chose blanche que maman mit à mon cou quand j’étais petit, elle commande à beaucoup de magies, elle ferme ma Promesse à moi…
Donc Loll lui a donné en cadeau de mariage son bien le plus précieux, qui s’avère être un artéfact magique et lui avait été offert par sa mère, la reine des eaux.
On nous précise d’ailleurs que les eaux du lacs étaient comme “atterré”.
Elles devaient certainement se dire que leur Prince était un crétin fini pour donner un aussi grand pouvoir à un scout qu’il connaissait depuis cinq minutes.
M’enfin, il est beau, c’est déjà ça.
Et nous sommes partis pour une page de “Oh, ma vie était tellement triste avant que je ne le rencontre. Mais quel est donc ce sentiment que j’éprouve ? Je n’ai jamais rien ressenti de pareil…”
Il y avait, oui, cette amitié, si curieusement et si franchement offerte, mais aussi quelque chose de plus, qu’il eût été bien incapable de démêler avec netteté.[…]
Et voici que pour la première fois il se sentait comblé… Quelqu’un était venu, les mains ouvertes, avec les mots qu’il attendait, des exigences pareilles aux siennes…
Je vous épargne le reste, vous avez compris l’idée.
Que diraient les autres s’il leur contait cette nuit fantastique où il avait promis loyauté et fidélité à un garçon inconnu qui prétendait habiter le fond du lac où il possédait un palais !
Oh, j’aimerais bien le savoir…
Les scouts : Axel ? Tu as fais quoi, après la prière la nuit dernière ?
Axel : Je me suis marié au prince des sirènes après avoir effectué un rituel satanique.
Le CP : Scouts ! Apportez l’eau bénite ! Vite !
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Mais comme Axel n’est pas trop stupide non plus, il ne dit rien aux autres et regarde dormir ses camarades…
Mais c’est une manie ma parole !
On apprend ainsi que le CP, Michel, est plus craint qu’aimé, que son second, Thierry, est en rébellion contre lui et on nous présente brièvement les autres scouts : Dominique, Jacky, Ralph et Antoine, dit “Tony”.
Pendant ce temps, Loll se réveille. Son père, quelque peu fâché, est venu lui rendre visite et, très fils-à-papa, Loll se jette dans ses bras. Le vieil homme lui demande pourquoi “avoir fait ça” et le garçon répond qu’ “ils” se sont tous rendu chez les hommes. Il prétend, de plus, être malade depuis qu’il a vu les hommes.
— Ah ! Je ne peux plus vivre si je ne les vois plus !
Mais non, mon petit. Tu es juste un peu gay et un peu mélodramatique…
Papa lui explique que tous ses frères et soeurs sont morts à cause des hommes et qu’il est son dernier fils. Aussi, il n’acceptera pas qu’ils lui fassent du mal et promet une terrible vengeance s’il lui arrive quoi que ce soit. Il lui donne trois nuits pour y réfléchir. Le garçon accepte et rejoint la surface.
Axel l’y attend, et profite de la vue.
Il regardait le petit prince : il portait toujours le short marron un peu décousu à la couture, de chaque côté. Torse nu, il paraissait admirablement hâlé dans la lumière un peu impitoyable du milieu du jour. Avançant le doigt, Loll toucha légèrement le corail blanc qui se détachait sur la poitrine du scout :
Loll lui dit qu’en lui donnant ce collier, il a “scellé des choses qui ne seront plus jamais détruites” et demande à Axel s’il le lui reproche.
— Non, répondit Axel, au contraire.
— Alors, Axel, tu te lèves et tu me prends par la main […] Quand nous arriverons, le grand dira : “Qui nous amènes-tu, Axel ?” Et toi tu répondras : “C’est mon petit ami du lac !”
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La bonne nouvelle, c’est qu’ils semblent bien le prendre.
Mon pessimisme, mes études de narratologie et le résumé au dos du livre m’incitent cependant à penser que ça ne va pas durer…
Partie 2
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nuit inconstante, j’ai dormi entre deux réponses photos d’un discussion sans fond.
j’ai rêvé de lui hier soir, d’elle, de lui, d’eux. Mélange de souvenirs et de désirs en vrac.
j’ai vu mon amie m’embrasser, dans un futur étudiant. soir après les cours, une colocation, du vin rouge, un plat italien qui mijote à la cuisine. Lieu, souvenir de Malmö; magasin de proximité en pleine nuit.
la pièce tourne sur elle même et autour de nous.
je me retrouve dans ce lit, en bretagne, avec lui. jambes et bras entremêlés, poitrines contre coeurs. un baiser sur le front, je me sens protégée, une main dans ses cheveux une à ma taille et l’autre aux bas des reins. nous nous embrassons, quil est tendre.
la pièce tourne sur elle même et autours de nous.
me voilà dans la même position avec son ami. c’est loin de me déplaire, néanmoins ma conscience de ses ongles trace des griffures le long de mon dos. les yeux fermés je sens ses battements de coeur, sa respiration qui s’accélère. au loins, une mélodie qui a été emportée par la brise vient se glisser entre les rideaux de la fenêtre ouverte.
je sens un courant d’air et frissonne de froid. j’ouvre les yeux, je suis assise. mon premier amour me caresse doucement l’avant bras de ses doigts alors que nous attendons à cet arrêt de bus. je la regarde dans les yeux, des yeux glacés, électriques. des yeux bleus embrumés de gris, comme le ciel.
il fait noir, nous sommes au cinéma, seules et saoules. je grimpe sur ses cuisses, elle m’y avait invité. ce soir elle a envie de moi et m’embrasse de son gré. mon corps se réchauffe là où ses mains me touchent.
la pièce tourne sur elle même et autours de nous.
je suis seule, allongée par terre dans l’herbe, près d’un champs. je reconnais ce lieu, j’y suis déjà allée en rêve. près de cette usine abandonnée où se trouve une installation en bol de pierre cimentée - sûrement une sortie d’égout.
c’est le printemps, ça sent bon. fin d’après-midi, cette odeur de grillade dans l’air s’accompagne du parfum de la flore atlantique.
un flash, je revois le premier garçon qui me souris tendrement, une main sur mon épaule.
soudain, noir complet, je ne peux plus bouger. je suis dans mon lit et entends au rez-de-chaussée un son familier. du verre qui s’éclate au sol et un gémissement d’homme. du sang, du sang partout. au sol, sur les murs, sur la table, sur mes vêtements. j’essaye désespérément de m’approcher de la porte d’entrée mais une force entrave mes mouvements et m’y empêche. de l’autre côté de la rue, la mère d’un ami me regarde anxieuse avant de prendre un air désintéressé et de partir me laissant seule avec lui.
ça sent le plastique brûlé, je me retourne. c’est la maison qui prend feu, le responsable est cet homme au grognement rebutant. il brûle, carbonisé, son visage bulle et fond telle une poupée de cire. il s’écroule et disparaît entre les flammes avec un sourire. mort.
la pièce tourne sur elle même et autour de moi.
je suis en train de coucher avec le fils de cette femme. on nous regarde et juge: une fille rousse à l’air incandescent, mon premier amour au parfum frais, ma sœur, ma mere, mon ami au prénom d’écrivain. tous me pointent du doigt en riant. je ferme les yeux en pleurant.
la pièce tourne sur elle même et autour de moi.
je vois un mur de crépis, pleins de sang qui coule jusqu’au sol. je baisse les yeux et vois mes mains. mes points sont rouge sang, j’ai cogné. je ne ressens pas de douleur mais me sens comblée au contraire. une larme me brûle la joue, mes lèvres écorchées sourient, je ne peux plus respirer.
les plans s’enchaînent de plus en plus vite, la pièce tourne de plus en plus vite au rythme de mes battements de cœur. tout s’arrête, je fais ma révérence.
réveil.
-Kasnar.
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javierfashionbazar · 4 years
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PERFUME JUNKY JARDINS D'ÉCRIVAINS
PERFUME JUNKY JARDINS D’ÉCRIVAINS
#perfumenicho #perfumeman #perfumehombre Junky Eau de parfum para hombre y mujer William Burroughs fue la figura más experimental y vanguardista de la Generación Beat, el que más avanzó en el desarrollo de la complejidad de la novela. En su juventud escapó leyendo a Oscar Wilde, y pasó a llevar un estilo de vida bohemio,…
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haitilegends · 3 years
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Hervé Lebreton, Chanteur, Danseur, Écrivain, Artiste-Peintre.
Le portrait de l’homme
Les faits sociaux, les événements pris dans leur contexte historique ou politique, le souci de l’esthétique sont autant de déterminants isolés ou conjugués pouvant jouer un rôle dans la démarche professionnelle d’un artiste. L’expérience de vie, les émotions partagées émaillant son existence constituent aussi des éléments importants dans l’orientation et l’expression de son talent.
Notre intérêt se porte sur Hervé Lebreton dans son parcours ondoyant de danseur, de chanteur, d’écrivain, d’artiste-peintre. Ainsi, dans notre perception ou plutôt dans notre prétention de cerner la personnalité de ce grand artiste, nous tenterons sans gommer ni grossir les qualités ou les défauts de l’homme de montrer comment il accorde sa vie, son œuvre et sa morale.
Hervé Lebreton est né le 27 mars 1941 à Port-au-Prince. Il est élevé dans un milieu aisé de mentalité bourgeoise pratique et moralement sain. Il est porté sur les fonts baptismaux par Mme Marguerite Vieux Crepsac, épouse de son oncle maternel Mr Fernand Crepsac et par son parrain l’industriel Mr Oswald Brandt.
Guidé pas sa mère, Maria Crepsac Lebreton, femme sensible et attentive, Hervé sent vite, d’instinct, l’enseignement prodigué par celle-là. Elle lui répète souvent : « Mon fils, si tu as l’admiration des femmes, tu as aussi la bénédiction du ciel ». Cet axiome devient pour Hervé un leitmotiv, une maxime qu’il faut pratiquer et respecter.
À la bonne école dès la naissance, privilégié d’une mère aimant la musique, il est tout naturel pour le benjamin de la famille de vivre suivant ce précepte. La mère chante et le berce de cantates de Bach, lui enseigne très tôt le solfège et les bonnes manières.
La famille, loin du tumulte assourdissant des foules besogneuses, vit dans les quartiers huppés du Bois-Verna, de Bourdon ou de Pétion ville où il est permis de rêver, de s’aimer dans le parfum enivrant de l’hylam-hylam mêlé à ceux du jasmin et des belles-de-nuit.
L’éveil social, le sens de l’amitié, le sentiment d’appartenance se trouvent consolidés dans une fréquentation précoce du jardin d’enfance tenu par les « Demoiselles Chancy à Pétion ville ». Hervé se lie normalement d’amitié avec les jeunes Guy Denis, Robert Marval avec ceux des familles Mangonès, Villard, Dupuy Coles, Fombrun etc. Il participe avec intérêt, à des concours de chant. Au Paramount, à un programme pour enfants, « A la recherche des Etoiles », il interprète à 7 ans, avec brio, la chanson du bonheur, gagne des prix. Sans grande prétention, il prend aussi à 9 ans des cours privés de peinture.
Sa sœur Ghyslaine, plus vieille de 2 ans est pour lui un deuxième ange gardien. La grâce de sa personnalité impose. Elle s’exprime dans un français impeccable et suave. Claude, l’ainé de la famille est déjà un adolescent exerçant sur lui un ascendant attentif et fraternel. Son père, Maître Joseph Lebreton, juge à la cour de Cassation, est prestigieux et respecté. Impeccable dans sa tenue vestimentaire au palais de justice comme à la maison, il a le sens du spectacle et de a mise en scène. Dans tout jugement important, Monsieur le juge ne laisse rien au hazard, se met en scène, à la maison même, devant son miroir, dans son rôle. Comme dans une pièce de théâtre, les actes se déroulent scène par scène, avec force de déclamations accompagnées de gestes précis accusateurs ou approbateurs à la grande admiration du petit.
L’influence du juge se fait encore sentir, à la maison, en sévissant contre les écarts aux bonnes manières. II appelle, affectueusement, Hervé; « Bull ». Ce pseudonyme cache, malicieusement, le diminutif de Bull-dog : le benjamin a des colères terribles. Il a, semble-t-il, le tempérament orageux du père. De plus, physiquement, déjà, ils se ressemblent. Dans la rue, on appelle le fiston : « P’tit Maitre ». Le magistrat sent qu’il faut vite intervenir, le mettre au pas. Car dans Rome, on ne peut avoir deux Césars.
Chez les Lebreton, par la grâce du père, tout est codifié, surveillé : la façon de manger, de parler, de s’habiller. Un français irréprochable est de rigueur. La magistrature requiert de la déférence pour une langue châtiée. On développe le sens des nuances, le respect de la concordance des temps. Aux repas, les poignets et les mains sont apposés sur la table. On se tient le tronc droit. Un minimum de bruit est acceptable avec les ustensiles. On mange naturellement la bouche fermée. On ne parle pas la bouche pleine. On intervient pour exprimer une opinion que si on est invité à le faire. On ne manifeste aucune satisfaction de façon exubérante notamment se pourlécher les doigts ou suprême offense : lécher son assiette.
À l’arrière-cour, le plaisir spontané d’une partie de billes avec les copains peut-être brimée, le juge apparaissant à l’improviste, par l’imposition, illico, sous surveillance, d’un français poli, courtois, à l’instar d’un créole dévoyé et jugé déplaisant. Le petit finit par percevoir le père en commandeur, en dictateur, en empêchant de tourner en rond.
D’autant que, dans la rue, se trouve le spectacle. Là, se manifeste la vraie vie dans tout son éclat. Avec son propre langage, elle allume toutes les convoitises, attise toutes les tentations. Le créole, enfin triomphant, requiert ses droits, mêle les classes sociales, fuse dans toute sa splendeur, explose en quolibets, en blagues délurées. Hervé découvre, avec plaisir, plusieurs univers. Il a l’impression d’enfiler ses vieilles pantoufles. Il jure comme ses copains, mais il sait cependant qu’il jure.
Durant les premières années scolaires Hervé fréquente le collège St-Martial, communément appelé « le petit Séminaire. La 9e année, entre autres, est menée par Sœur Félicienne, religieuse au physique imposant, connue de plusieurs générations, elle enseigne toutes les matières. Intransigeante sur l’écriture, l’orthographe, la ponctuation, la présentation des devoirs d’arithmétique et de français, elle peut distribuer aisément des calottes ou utiliser sur les fesses des retardataires ou des rêveurs, « sa canne à sucre », petit bâton de bambou redouté.
L’enseignement quasi-mécanique du catéchisme par le clergé, en grande partie breton, culpabilise les consciences, donne des proportions démesurées à l’impureté : la masturbation rend sourd ou fou, l’acte sexuel avant le mariage condamne pour toujours aux feux de l’enfer. Hervé est façonné, comme les autres, aux franges d’un catholicisme superficiel et frileux.
Après la messe du dimanche matin, il visite sa marraine. Il rencontre souvent son oncle Fernand Crepsac, maire de Port-au-Prince, sous le gouvernement du président Louis Borno. Il est resté homme du monde, affable et adulé, membre actif des grands clubs mondains de la Capitale, ayant ses entrées naturellement partout.
Le dialogue entre oncle et neveu est cordial, plaisant, instructif et surtout vivifiant pour ce jeune. L’ancien maire voit en lui, un être dynamique, direct, toujours prêt à entreprendre quelque chose de positif. L’oncle lui dit souvent : « L’instruction est le meilleur des investissements, mais il faut aussi s’amuser. » Chez la marraine de Hervé, vit Anita, une jeune domestique 2 ans plus vieille que lui. En lui servant un jour du jus sur la véranda, elle renverse le verre par mégarde. Hervé s’agenouillant pour éponger le dégât, lève la tête, les genoux ouverts sous la jupe d’Anita l’émeuvent autant que le parfum d’une tante de son ami Guy. Les yeux noirs de l’adolescente plantés, dans un visage rond, pétillent de malice. La lumière irise de reflets mauves la peau satinée de sa poitrine et accentue l’acuité des mamelons de ses seins de mandarine.
Après le Collège St-Martial, Hervé est inscrit pour ses cours humanitaires au Collège de Port-au-Prince sous la direction de Mr Henri Odéide. Les professeurs de cette institution imprègnent le jeune adolescent de l’ordre social républicain exhortant à la Liberté, à l’Égalité et à la Fraternité. Croyant au progrès dans l’homme, ils ont pour tâche d’élever les jeunes, d’ouvrir l’esprit critique. L’accent est mis sur les matières classiques et l’instruction civique. Suppléants des parents sur le plan moral, ils n’enseignent rien qui ne soit familier à tous les honnêtes gens. S’ils ne bouffent pas du curé, ils ne sont pas les premiers à enseigner la religion encore moins à en prôner une. Les problèmes sociaux sont sans doute soulevés. Le Marxisme-Leninisme flotte dans l’air : certains professeurs ont été formés en France. Cependant, un certain bémol réfrène toute velléité à la propagande. Un gouvernement militaire fort, anticommuniste, sévit contre tout élan de militantisme. De plus, dans ce collège privé, le traitement est meilleur que celui accordé en institution publique. La clientèle est faite de petits bourgeois exigeants et polyvalents dans leurs options d’avenir. Une grande flexibilité est observée dans la dispensation des cours d’appoint ou même de rattrapage. Les familles rémunérant bien, comptent sur la disponibilité complaisante des professeurs.
Hervé vient d’avoir 14 ans. Il est impatient de mordre à la vie, de vivre intensément, de se faire valoir dans ce Port-au-Prince effervescent, à la période post-bicentenaire. Il est membre actif de Chouboum : le premier mini-jazz d’Haïti. Il n’est pas grand, mais beau gars, soigné de sa personne. Il ne porte pas l’uniforme du collège, affublement de kaki jaune et d’une cravate noire. Il s’habille en dandy. Il veut charmer, se sentir aimé. Il tient à être admiré. Les jeunes filles du Collège, celles de Pétion ville, du Bois-Verna, savent qu’il est le jeune percussionniste, l’âme vibrante de leur mini-jazz.
Un dimanche, Hervé arrive chez sa marraine. Elle est encore à la messe. Il se précipite dans l’arrière-cour. Il ne trouve qu’Anita prenant des envols sur la balancine, les jambes tendues en avant. Il reste immobile sur la véranda, la regardant. Anita, brusquement, rentre dans la maison. Elle revient, rapidement à la course, à la balancine. Cette fois-ci, elle ne porte que sa robe de coton, sans ses sous-vêtements, exposant la rondeur de ses fesses, la fermeté de ses seins. Elle attire l’adolescent, le tenant par le bras, courant à nouveau à l’intérieur de la maison dans une petite chambre attenante à la cuisine. Elle l’étreint de telle sorte qu’il comprenne qu’elle a un furieux besoin de lui. Il se glisse en elle, chaud et vibrant de désir et de plaisir.
Hervé rentre en trombe chez lui, se précipite à la toilette. Claude remarque en avant des pantalons blancs de son jeune frère cette grande tache de sang, rouge comme un coquelicot. Il s’empresse d’avertir le père que le benjamin vient de faire une bêtise.
Le fautif se présente devant le juge. Hervé raconte ce qui s’est passé, trouve à sa grande surprise, un père qui lui témoigne de l’empathie et lui fournit des notions d’hygiène qui devaient à l’avenir être utiles et salutaires à l’initié. Ce dernier s’est brisé le frein de la verge dans son élan impérieux de néophyte. Le père nettoie la plaie et le lendemain, conduit fiston à l’urologue le docteur Valmé, ami de la famille.
Hervé est déjà un homme d’action. Rien ne le perturbe autant que d’être inactif ou pire encore d’attendre. La patience n’est vraiment pas son fort.
Le projet no1 entre mille est de former un groupe de danseurs à cette époque. Entrainés dans la mouvance des chansons espagnoles, enthousiasmés par le rythme électrisant du cha-cha-cha, Hervé et ses amis d’enfance : Mario Jean-Louis, Guy Denis, Marlène Bergman sous l’œil bienveillant du maire Fernand Crepsac, affrontent le puritanisme du milieu bourgeois d’alors en fondant le groupe : Los très cha-cha-chitos. Leur devise est de s’amuser sans violence et de par leurs talents d’artistes, de danseurs de faire participer les autres jeunes. Le monde entier chante et danse. C’est le temps de la détente. En France, Maurice Duviquais dans son émission : « Salut les copains », mène le train avec Johnny Halliday, Sylvie Vartan, Dick Reeves. Perez Prado, avec son orchestre et le rythme mambo, fait trembler Tropico à Cuba et les cinq continents. Les Beattles sont connus dans tous les foyers du monde.
La réussite donnant de l’assurance, los très cha-cha-chitos se voient, à Portau-Prince, solliciter de partout. Les clubs se les arrachent. Les cachets deviennent de plus en plus importants. Hervé par son dynamisme se constitue le leader du groupe. Il est ardent dans tout ce qu’il entreprend, sensationnel pour faire démarrer les choses. Avec lui, il n’y a pas de demi-mesure; ou bien cela passe ou cela casse. Il aime ou déteste et il n’y a pas de compromis possible. L’instinct et la jeunesse agissant, ce n’est pas lui qui va faire de belles manières à quelqu’un qui l’irrite ou dont le comportement lui déplait; il est bien trop direct. Évidemment de telles réactions peuvent créer des froids ou des inimitiés. Mais ce n’est pas cela qui le fera plier. Cependant, il n’est pas violent. C’est seulement une « grande gueule » qui ne mâche pas ses mots. Et, ce qui est merveilleux, c’est qu’il n’est pas du tout rancunier. Il choisit naturellement et minutieusement ses amis. Il défend ceux et celles qu’il aime sans condition, même au risque de se mettre lui-même dans le pétrin ou de s’exposer au danger. Il lui faut des défis de taille, des faits d’armes, des prouesses à accomplir, des gens à convaincre.
A pareille époque, 1952-1956, un climat de violence gratuite règne à Port-auPrince, résultat de frustrations multiples nées du désœuvrement, de tension interne mal indiquée, d’un sentiment d’infériorité intellectuelle portant certains groupes à compenser par une suprématie de gros pectoraux et de gros biceps. Beaucoup d’adolescents ou même de jeunes adultes de « Bonnes familles » se font une réputation de bagarreurs, de durs, troublant la paix publique, répandant la terreur et l’effroi dans la rue, dans les clubs, dans les bals privés, ou se mesurant dans le déferlement lubrique et infernal des « laisser-frapper » des bandes carnavalesques, rivales.
Se démarquant, le groupe los très cha-cha-chitos se place au-dessus de la mêlée en invitant les jeunes à la participation à des activités plutôt esthétiques. Malgré leur jeune âge (16 ans), ils obtiennent des privilèges qui dépassent de loin ceux accordés d’habitude, à ce groupe d’âge. De plus, ils gagnent beaucoup plus d’argent que nombre de gens de cette époque. Dès le début, au Cercle Port-auPrince, le contrat individuel hebdomadaire est de 60$ par mois. Au casino International de Port-au-Prince, ils ont un cachet personnel hebdomadaire de 200$. Ils acquièrent dans le pays la stature de Vedettes. Les gars de leur âge meurent d’envie, nourrissent la crainte perpétuelle de se voir enlever leurs petites amies. Le groupe devient « la coqueluche de la Capitale ». Un de leurs amis, Yvon Dufanal, revenant d’États-Unis, leur enseigne des mouvements nouveaux, inédits du corps et des pieds.
Cette nouvelle chorégraphie provoque au casino, à chaque représentation, une hystérie collective, une ovation délirante. Sur ces entrefaites, ils y rencontrent un neveu du Caudillo Leonidas Raphaël y Molina Trujillo, qui impressionné par leurs prouesses, les fait inviter par le général-président de la République, voisine propriétaire de la Radio-Télévision de la Voz Dominicana. Un contrat de 2000$ par semaine les conduit en République Dominicaine, logés et nourris. Une nuée dense de belles jeunes filles les accueillent à l’aéroport de Santo-Domingo, et à la station de la Radio-Télévision. C’est le délire sur le parcours. Le moment d’extase vient à l’inscription des autographes, in vivo, sur les cuisses même de ces nymphes. L’apparition du groupe à la Voz Dominicana consacre un de ses succès les plus retentissants. La nouvelle de ce triomphe se répercute dans toute l’Amérique Latine.
Les études classiques terminées, Hervé, naturellement, opte pour une formation artistique et littéraire. À Port-au-Prince, il fréquente l’Institut Lope de Vega, l’École des Beaux-Arts et l’École ABC de Paris. Il passe trois ans en architecture en institution privée et travaille un an pour une firme dans la production de dessins et de plans. Par la suite, en Amérique du Sud, la Escula Superior del quique et le Conservatoire de Chili le reçoivent pour des études de perfectionnement en chant et en projection industrielle. Toujours enthousiaste, toujours poussé à parfaire ses connaissances en art, Hervé entreprend des études de psychologie analytique pour mieux se connaître et s’exprimer dans le domaine artistique qu’il n’avait jamais abandonné. Une attention spéciale est accordée au symbolisme spatial propre à la psychologie projectile ou le haut, le bas, la gauche, la droite signifient espectivement ciel et terre, conscient et inconscient.
Chanteur sous le slogan : « No Hay dos como el (il n’y a pas deux comme lui) », Hervé Lebreton fait sensation dans les plus prestigieuses salles et dans le « talkshow » d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale. Il est reçu notamment à Caracas par Renny Ottolina, polyglotte très prestigieux et instruit, animant un programme d’actualités artistiques et mondaines à l’instar de celui d’Ed Sullivan aux États-Unis. Hervé endisque au Chili, produit 18 disques (45 tours) et 4 microsillons. Des tournées périodiques de durée d’un mois le conduisent en Haïti suivant un cadre contractuel avec les Productions René Marini. On le retrouve performant à Cabane Choucoune, au Rondpoint night-club. Les hôtels Beau-rivage, Montana retiennent les services du talentueux chanteur lors de son passage au pays. Dans ces grandes tournées, Hervé Lebreton rencontre des artistes de calibre international tel qu’Ava Gardner, Kurt Jurgens, Harry Belafonte, Esther Williams, Tom Jones, Kim Novak, Jean Marais.
En 1970, Hervé vient d’avoir 29 ans, doté d’une belle formation artistique latino-américaine. Il pense maintenant conquérir l’Amérique du Nord. Par choix, il s’installe à Montréal. La mentalité française lui plaît, la Révolution Tranquille au Québec établit de nouvelles dimensions. Une stratégie de marché dans un monde artistique jeune le fascine. On le voit déjà à trois reprises en 1972 à la télévision, dans des émissions de variété avec Claude Blanchard, animateur et comédien bien connu du Québec.
L’artiste s’épanouit en suivant des cours formels avec des grands maîtres de la peinture au Québec, en sollicitant des consultations privées, et en échangeant avec des artistes locaux réputés. Il multiplie les visites de musées de Montréal et d’Ottawa. Dans un milieu aussi stimulant, sa polyvalence en art lui permet de prodiguer des conseils à des artistes d’expérience soit sur une base d’échange ou suivant un cadre de charge comme imprésario. C’est ainsi qu’en 1986, préfaçant le livre de Sam Aberg sur « L’univers magique de Lionel Laurenceau », Hervé Lebreton, comme imprésario place justement avec brio et avec beaucoup d’à propos, dans un Québec multidimensionnel, l’apport nouveau de l’expressionisme symbolique proposé par cet autre « magicien de la palette ».
Dans le passé, qu’un artiste–peintre s’occupât d’architecture, de sculpture, n’avait rien d’inhabituel : la diversité des talents correspondant à l’idéal de la Renaissance, à l’homme universel. Ces jours-ci, il n’est pas certes donner de voir œuvrer un artiste dans les voies multiples de l’art : peinture, écriture, musique, danse. Il arrive cependant de voir en scène un Hervé Lebreton chanteur, peintre et commentateur de ses propres toiles.
Cet engagement brillant, indéfectible tantôt consécutif dans le passé et maintenant simultané depuis 1995, relève d’un cheminement ou plutôt d’une vocation personnelle à l’art dans ses formes d’expressions diverses. Ce parcours élégant, gracieux, marqué d’aisance et d’assurance n’est pas cependant gratuit. C’est le cumul de toute une vie professionnelle empreinte du souci de cultiver les grandes qualités de l’humaniste : la discipline, la méthode, la passion de la recherche, le dépassement de soi, doublé de l’attachement profond à un idéal féminin fait de respect, d’attention, de tendresse et de passion.
L’arrivée d’Hervé à Montréal coïncide avec la fin de la période éruptive de sa vie. Les larves brûlantes de sa jeunesse effervescente se sont au fur et à mesure consolidées pour constituer la base de son caractère et de sa personnalité considérée narcissique par lui et par de nombreux amis. Privilégiant certaines chaînes signifiantes, Hervé s’accomplit en les isolant en formes fixes où son « moi » se reconnait. Ce sens de discernement suppose un refoulement, une sorte d’oubli des liens archaïques avec le monde, le menant à choisir, de préférence, d’autres modes de liaisons : créations, jouissances esthétiques autant de formes différentes selon lesquelles la cohésion narcissique s’organise.
La voie d’expression primordiale d’Hervé est certainement la peinture dont il est devenu maître de la technique. « Ceux qui se consacrent à la pratique sans la science » écrivit Léonard de Vinci, à propos de la peinture, « sont semblables aux navigateurs qui prennent la mer sans gouvernail ni boussole, et qui ne peuvent jamais savoir d’une manière certaine ou ils vont. La pratique doit toujours s’appuyer sur une théorie solide ».
En 1607 d’un traité dû au peintre Federico Zuccari, qui plaçait le disegno (le dessin) immédiatement au-dessus de la théologie, par ordre d’importance, en soutenant que disegno dérivait de la phrase segno di Dio, signe de Dieu. Derrière cette prétention, il y avait l’idée du génie : par sa création, l’artiste répète la fonction même de Dieu.
Ainsi la notoriété d’Hervé Lebreton s’établit dans sa capacité d’intégrer épanchement onirique à un support corporel, sa réalité organique fonctionnant comme valeurs d’un mouvement qui donne naissance (corps) au désir de l’autre.
Pour arriver à ses fins, Hervé utilise toutes les ressources de la Renaissance et de l’art moderne. Les motivations, les émotions, le style des grands maîtres n’ont pas de secrets pour lui.
L’élégance, la grâce, le raffinement qui caractérisent la peinture de Sandro Botticelli ne lui sont pas étrangers.
Raphaël lui apporte l’harmonie et un idéal esthétique. Du même peintre, il apprend que « rien de repoussant ne doit troubler la jouissance artistique, et que peindre les femmes doit répondre entièrement au goût de la maniera grande ».
Léonard de Vinci et Michel-Ange lui enseignent que la noblesse des sentiments qui se manifeste chez l’ëtre humain est aussi une forme de beauté.
Le Titien, Véronèse Le Parmesan, le Tintoret lui font explorer les splendeurs de l’art vénitien dans des peintures remarquables par l’harmonie de leurs riches nuances et coloris.
Diego Velasquez et le Caravage sont ses maîtres du clair-obscur et de l’arrière-plan obscur.
Rubens et Rembrandt inspirent une stratégie picturale à son sens de composition. L’étude poussée des oeuvres de David et d’Ingres confère au dessin d’Hervé Lebreton finalement la suprématie de la ligne et de la couleur. La pureté des formes et l’harmonie restent ainsi ses principes directeurs.
Plus que sa maturation professionnelle, Hervé accomplit une seconde naissance dans les rapports que l’amour entretient avec son narcissisme. Freud définit l’amour comme un état spécifique où le moi, progressivement s’appauvrit au profit de l’objet aimé; il déclare que cet objet prend la place du moi. Dire que dans l’amour, l’objet prend la place du moi, signifie qu’il se substitue (partiellement et provisoirement) au réseau de mouvements, de signifiants et de formes, qui jusque-là assuraient les fonctions narcissiques.
C’est par conséquent supposer que l’être aimé, ses mouvements, son discours, son image donne forme à l’énergie psychique ou libido de celui qui aime et la rassemble. Substitution de liaison qui fascine et qui prend un son de vérité d’autant plus que l’autre, son désir sont au principe du narcissisme. L’amour consiste à mettre en scène, avec une personne élue par soi, l’expropriation fondamentale qui rend le narcissisme possible. Cette seconde naissance consiste ainsi dans une attitude intérieure de retournement vers l’autre et dans l’autre. Ainsi, le narcissisme trouve donc sa suite logique dans l’amour. Car, ce n’est pas que le narcissique cherche un alter-ego, mais il repère dans l’étrangeté radicale, la raison essentielle de soi.
Cette personne élue, constitue la raison de vivre de Hervé se nomme Carole, une canadienne française. Leur union se concrétise le 3 juillet 1976. De ce mariage naît une charmante fille prénommée Sabrina. Fait intéressant, presqu’à la naissance de leur fille unique, le couple rencontre le Docteur Jean-Claude Fournier, gynécologue, connaisseur d’art, aimant la peinture de Hervé. Il lui commande une série de tableaux traitant le thème des 7 péchés capitaux. Cette proposition semble augurer l’orientation artistique du peintre. Ce dernier, laissant tomber les archétypes, s’arme d’une énergie nouvelle et inaugure une peinture née d’une intuition qui va traverser son œuvre entière suivant les critères et les rythmes de la composition établis par les grands maîtres : ce, dans les cadres d’une interprétation relevant aussi bien du symbolisme que de l’art classique dans le sens moderne du mot.
Comme Dante, Hervé Lebreton rencontre Carole « Sa Béatrice » à lui dans son odyssée imaginaire de l’enfer au paradis. Et, si l’on se réfère à l’expression du peintre et poète écossais William Blake : le chemin de l’Excès conduit au palais de la sagesse, on est certainement sur le chemin de la vérité. En effet, la démarche picturale d’Hervé peut-être perçue dans l’ambiguïté fondamentale d’une approche cathartique.
Alors que dans son discours, il reste insoumis : ses propos érotiques presque dionysiaques invitent à des rencontres orgiaques. Ses toiles dévoilent un côté figuratif signifiant affirmation éclatante, impérative du moi, l’exaltation du désir. Par contre, le côté symbolique presque hermétique semble présenter la mort du désir et invite à la renonciation. Aussi pour citer « Sigmund Freud », « Seul l’artiste, qui s’est détourné de la réalité pour un monde de fantasmes où ses désirs insatisfaits reçoivent une imaginaire satisfaction, sait se servir de ses dons pour revenir à la réalité, en créant des œuvres capables de provoquer chez les autres, des émotions correspondantes ».
Hervé le dit lui-même qu’en peignant dans sa contemplation esthétique, sous l’influence de la musique, il peut même sentir le parfum des femmes, sorte d’aura à composantes psychologique, culturelle, physique : enthousiasme éveillé par le jeu de la composition et des couleurs provoquant un « délire sacré » qui ne se brise qu’à son plus haut degré, rendant possible un retour au calme utile. Sa peinture est ainsi un exutoire : comme un traitement homéopathique, une vaccination opérée en vue d’une hygiène mentale ou même sociale.
Ce trait est certainement l’une des caractéristiques de la peinture d’Hervé Lebreton qui établit cette connivence, cette proximité amicale des médecins et l’artiste. La formation en psychologie d’Hervé Lebreton lui procure aisance et grande crédibilité. Son discours charme et capte l’attention par ses considérations illuminant la présentation de ses œuvres par l’à propos des exposés physiognomoniques ou anthropométriques. Les psychiatres ou toute personne intéressée à une approche psychosomatique sont bien servis. Car, comme dit Freud : « L’artiste est celui qui atténue le caractère égotique du rêve diurne au moyen de changement et de voiles, il nous séduit ainsi par plaisir purement formel, c’est-à-dire par plaisir esthétique, forme enrobante de la représentation du fantasme ».
Hervé Lebreton appartient à l’école des peintres de la beauté. Et comme le dit Ingres « L’Art ne doit être rien d’autre que la beauté et ne devrait enseigner rien d’autre que la beauté ». Hervé est essentiellement un esthète. Sa peinture répond aux principes des grands maîtres de la Renaissance et de l’Art antique. La grande totalité de l’œuvre de Lebreton est un témoignage vibrant aux femmes. La beauté classique du corps féminin dans cette œuvre, le caractère intemporel de sa nudité voilée ou dévoilée, la pureté des formes évoquent une sensualité érotique exaltée par le support d’un symbolisme para-surréaliste où l’éternel féminin n’est plus placé dans le cadre d’une représentation dramatique ou idyllique de la réalité, mais plutôt plongé au cœur d’une invitation onirique où il s’accomplit avec le plus de secret, de volupté et d’émotion.
C’est là qu’Hervé Lebreton rejoint les femmes. Il dit souvent : « Je dois tout aux femmes ». Il se rend compte que sa peinture est d’abord appréciée des femmes. Cela se comprend car l’hommage d’Hervé aux femmes est d’ordre psychologique, culturel et physique. Séducteur, il a toujours eu avec elles, dès le jeune âge une relation particulière de non-agression. Hervé sent et sait qu’il est en harmonie avec les femmes non seulement pour sa crédibilité mais en se constituant référence en proposant une image valorisante d’elles. Elles sont, en fait, chantées avec tendresse et dignité; ce qui les met en totale confiance. Quelques soient leurs races, les femmes s’identifient aux modèles proposés par Hervé.
Alors que l’artiste est depuis des années consacré chantre de la femme par sa chanson-fétiche : « Yvonne », et que ses interprétations de chansons d’amour en français, en espagnol, en anglais, en créole, consolident cette réputation. Ce n’est que vers les années 90 que son orientation vers une peinture dédicacée à la femme s’initie, s’affirme en hommage à la femme universelle : Beauté mythique ni noire, ni blanche. Cette conception s’est précisée dans les années 92-93, s’installe comme « le style Lebreton ». Elle trouve une expression stable dans des réalisations picturales telles que : La Sérénité, l’Affectivité, l’Illumination, l’Instant d’Amour », Série d’images de femmes à l’aide desquelles Hervé Lebreton parvient à communiquer le mouvement de l’être profond envahi d’un optimisme inaltérable comme le dit Antoine A. Raphaël, dans Art et Culture.
La magie d’Hervé Lebreton, l’envoûtement suscité par son univers polarisé, trouvent leur apogée en 1995 et font acclamer l’artiste comme « le peintre de l’émerveillement ». Il suffit pour s’en rendre compte de considérer les réalisations des œuvres telles que Tentation, Tournesol, Une certaine pudeur, Extase, Retenue Innocence, Transition où la contemplation de la beauté de la femme est louée dans un langage pictural d’une sublime poésie décorative : l’effusion onirique pénétrant l’espace figuratif, vient créer sur ces toiles une myriade de points lumineux produisant un effet mythique irréel d’une extraordinaire intensité.
Ce pouvoir d’évocation des grands maîtres agissant en profondeur chez Hervé Lebreton, s’exprime splendidement dans une touche dynamique, soutenue par une recherche continue, par un sens particulier de la composition en créant un langage figuratif spécifique avec ses caractéristiques formelles de souplesse et de rigueur dans la netteté du jeu de la couleur et de la lumière.
Hervé Lebreton nous propose la beauté et l’amour comme des valeurs suprêmes. Dans sa démarche picturale s’applique une formule symbolique parasurréaliste par laquelle l’artiste, tout en gardant ses préoccupations plastiques et esthétiques, a le souci de tamiser la présence des objets extérieurs, sans non plus, nous imposer la vue d’objets insolites. L’objectivité tenue en éveil par la raison se trouve ainsi subjuguée, laissant libre cours à nos tendances profondes, nous permettant de tout subordonner à nos désirs.
Alors, l’émotion érotique libérée se voulant totale engage la matière et l’esprit. Ne pouvant se réduire ni à l’attachement sentimental ni à la sensualité corporelle, elle se place, extatique, sous le signe du ravissement et du merveilleux.
Ainsi, la femme représentée dans l’œuvre de Lebreton, resplendissante dans son corps charnel n’est jamais dépravée, mais bouleversante dans le traitement apporté à ses attributs sensoriels. Ces derniers, estompés ou exaltés, charment toujours, traduisant des états d’âmes, des intuitions féminines se perdant en échos enchantés dans les replis d’un labyrinthe constellé de rêves.
La femme devient comme le dit si bien André Breton, le père du Surréalisme, « L’intrication, en un seul objet, du naturel et du surnaturel ». Elle alors, « s’établit Amour Sublime ». L’émotion éprouvée devant elle, totale et révélatrice, devient l’équivalent, le substitut de l’expérience mystique.
Eluard écrivain surréaliste belge écrit :
« Tes rêves en pleine lumière
font s’évaporer les soleils
Et encore :
Tu es l’eau de ses abîmes,
Tu es la terre qui prend racine.
Et sur laquelle tout s’établit.
Le commentaire de Gérard Etienne à propos d’Hervé Lebreton ayant signé la première de couverture de son dernier roman : La romance en domineur de maître clo est d’une grande éloquence : « Hervé Lebreton, parmi ses contemporains, est le seul pour qui l’éternel féminin transcende la beauté plastique pour faire place à la grâce et à la vénération ».
Pour nous, Hervé Lebreton est un « Torero de l’imaginaire ». Ses rêves et ses fantasmes sont tapis, comme le taureau dans l’obscurité de son inconscient.
Quand,
Pour chaque toile conçue,
Pour tout vernissage,
Pour toute présence sur scène,
Pour toute prestation de l’artiste authentique
qui se reconnaît, par son pouvoir de dialogue
et de séduction.
Quand, disons-nous, le taureau surgit de l’ombre et que le matador attend sa charge. Celui-ci, de simple mortel, se fait archange, s’apprêtant à terrasser le dragon. Baguette ou pinceau en main, vêtu de son habit de lumière, escorté dans sa vision onirique de ses picadors, les grands maîtres de la Renaissance, il s’approche vers son destin. Et le soleil emprisonné dans les couleurs de sa palette, dans la moire de son habit, va épouser, geste par geste, sa longue valse de libération des grandes forces créatrices pour les couler dans le moule de l’expression artistique, nous laissant médusés et conquis.
L’allégorie matador/taureau se situe ici à dessein. Elle souligne l’engagement de l’artiste dans une compétition inconsciente avec lui-même dans laquelle toutes ses capacités professionnelles, psychologiques et physiques sont sollicitées et même, souvent, poussées de façon excessives. Ce comportement, cette quête obligée dans la relation artiste/public cache une pulsion de mort : les vivats frénétiques venant des tribunes acclament matador ou taureau.
En deux occasions, Hervé Lebreton tombe malade. En 1992 un syndrome angineux entraîne une coronoplastie à la période où il est proclamé le « peintre de l’Émerveillement ». En mai 2000 des douleurs thoraciques l’amènent à nouveau, sans plus tarder à l’hôpital où il subit un quadruple pontage coronarien, avec succès.
Il nous fait plaisir de citer à nouveau Gérard Etienne qui commentant la notion de beauté chez Hervé Lebreton (Journal- Haïti Observateur 19-26/04/00) termine son texte en disant : Hervé Lebreton peut continuer, en grand prince, à faire son chemin; ses classiques portraits de femmes nous accompagneront là où les ténèbres nous cachent les rayons du soleil ».
Lorsqu’en 1590, soit quatorze ans après la mort de Titien (1488-1576), Paolo Lamazzo déclarait « Comme l’éclat du soleil l’emporte sur la lumière des étoiles, Titien resplendit plus que tous les autres peintres, non seulement de l’Italie, mais du monde entier ». L’écrivain consacrait une renommée qui reposait sur un vaste consensus …
Ce portrait, ce témoignage sur l’œuvre de Hervé Lebreton a horreur du posthume, s’inscrit dans le vivant de l’artiste, le range avec force et conviction parmi les peintres les plus imposants du monde actuel.
Dr Yves Camille.
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