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laperditudedeschoses · 2 months
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Je veux juste te voir danser sous la pluie violette
Quitter Paris ou ne pas quitter Paris, telle est la question.
Beaucoup se la posent. A vrai dire la plupart des parisiens que je fréquente et avec qui j’aborde le sujet. Pour ma part j’y reviens régulièrement depuis plusieurs années. Je me sens l’envie de filer sans y arriver vraiment. Il faut dire que j’entretiens avec cette ville une relation pas très saine, du genre Je t’aime moi non plus et je pense que je ne suis pas la seule. Tantôt je m’intoxique avec son énergie, l’infini des possibilités, la foule et les sirènes d’ambulances qu’on entend jusque dans les films tournés dans des appartements mal insonorisés. Je me dis qu’il n’y a qu’elle. Tantôt je suffoque, je la hais et je me sens vidée après la moindre promenade dans des rues trop étroites, trop grises, où se côtoient sans se parler la misère la plus sinistre et l’opulence la plus criante.
J’ai battu son pavé pendant des années, voire des décennies, ravie, et à l’époque je n’aurais jamais imaginé pouvoir un jour être tentée par la perspective de voir la mer depuis la fenêtre de ma résidence principale ou entendre les rossignols chanter dans un jardin au petit matin. Les pigeons et les rats suffisaient largement. Est-ce moi qui ai vieilli ou la ville qui a changé ?
Je n’ai pas de réponse à cette question, mais quand on envisage de quitter Paris, une autre émerge rapidement : partir pour aller où ?
Un jour quelqu’un m’a dit « Où que j’aille, j’ai l’impression que j’y serais mieux qu’à Paris ». Certes, mais tout de même. Il y a un certain nombre de paramètres à prendre en compte : le travail, la distance avec ses amis et sa famille, le niveau d’urbanité, la vie culturelle, les orientations politiques aussi. Hier Alessandro me disait être attiré par le Nord de la France mais refroidi par les résultats du RN très élevés lors des dernières élections.
Il y a un autre paramètre qui n’est pas facilitant, c’est faire ce choix quand on est seul.e. Je m’explique : passé l’âge des études, d’Erasmus ou des premiers boulots dans lesquels il est facile de faire des rencontres, s’installer seul.e dans un nouveau territoire peut s’avérer compliqué sur le plan social. Franchir le pas quand on est célibataire, à l’âge où il devient urgent de se poser pour « construire », peut carrément paraître comme une prise de risque qui pourrait s’avérer fatale.
Après tout Paris, c’est plus de 2 millions d’habitants, rien qu’intramuros, donc grosso modo si je rajoute la banlieue, que je divise par deux, que je soustrais 40%, que je fais plouf plouf, je dirais qu’il y a minimum plusieurs dizaines de milliers de personnes parmi lesquelles on peut aller piocher pour dessiner son tableau de vie idéale.
Si on décide d’aller s’installer à Guéret en Creuse, qui ne compte que 15 000 habitants, ça devient tout de suite plus compliqué. Pourtant le nombre de rossignols au kilomètre carré y est nettement plus important.
Quand j’y pense parfois, je ressens comme une injustice. Puis je m’imagine l’enjeu que représenterait une installation en couple dans une ville où on ne connaît personne, avec le risque d’un repli sur soi qui nous remettrait presque dans une situation de confinement. Quand j’en parle avec mes amis qui ont des enfants et qui comme moi étouffent à Paris, ils me sensibilisent à un paramètre auquel je ne pensais même pas, le déracinement des enfants de leur vie scolaire et amicale.
Conclusion : quitter Paris, c’est dur pour tout le monde.
Ayant tout de même envie de tenter l’aventure mais me trouvant face à un dilemme que je ne parvenais pas à résoudre seule, j’ai dû faire appel à un soutien extérieur, une nouvelle méthode d’aide à la décision.
Utiliser mon oracle du Cercle des femmes ? Non.
Du coaching ? Non plus.
Pile ou face ? Oh quand même, c’est sérieux comme sujet !
Pour me décider à quitter Paris, j’ai utilisé la Théorie des couleurs.
Pour comprendre comment j’en suis arrivée là, il faut remonter quelques mois en arrière. Comme je l’ai dit, cela fait depuis plusieurs années, je dirais quelques mois avant le COVID, que je me pose la question de quitter la ville lumière. J’ai des destinations en tête, Bordeaux, Lille, Barcelone, le Portugal … et puis Vincent débarque dans mon cœur avec son projet marseillais qui me paraît pas mal du tout. Pendant quelques temps j’essaie de m’y projeter malgré les confinements, les couvre-feux et les déboires de couple.
Quand notre histoire prend l’eau, je me reconcentre sur l’Ile de France et envisage de franchir la petite ceinture pour aller palper un peu de verdure vers Les Lilas ou Romainville. Mais Vincent revient dans le tableau et Marseille aussi. Finalement, quand nous faisons le constat que notre relation fonctionne mieux avec une dynamique amicale qu’amoureuse, j’abandonne l’idée de m’installer dans le sud avec lui.
Les mois passent et je constate que Paris, et maintenant toute sa région, me sortent de plus en plus par les trous de nez, tout comme je constate que j’ai du mal à digérer d’avoir dû abandonner le projet phocéen.
Et un jour, c’est la révélation. Je descends à Marseille pour l’anniversaire de Nelly qui en est originaire et a rejoint le paquebot deux ans avant et alors que nous passons au-dessus de la plage des Catalans, à l’heure du coucher de soleil, je me fige. Je m’y vois. C’est ici que j’ai envie de m’installer.
Une vision, ça inspire et ça motive, mais franchir le cap est une autre affaire. En tout cas pour moi. Je commence d’abord par aller passer un peu de temps à Marseille au cœur de l’hiver pour tester la ville dans les pires conditions. L’expérience est plutôt concluante et pendant mon séjour, je fais des rencontres. Notamment un joueur de basse croisé sur le Cours Julien et avec qui je finis dans une espèce de bar dansant de nuit, clandestin mais pas vraiment clandestin, bref on n’est pas là pour faire le guide de la night marseillaise.
Parmi ses nombreux attributs, ce jeune homme porte un sweat shirt violet et un foulard type flamenco, violet lui aussi. C’est une couleur que l’on voit peu, et encore moins sur un homme. Je ne manque pas de lui souligner et il me répond que c’est sa couleur préférée. Cette information paraît anecdotique mais je la retiens et quand j’en parle à Léa, elle me répond du tac au tac « C’est peut-être un signe … ».
Léa adore la symbolique. Sous-entend-elle que ce sweat violet est porteur d’un message qui m’est adressé ? Si oui, lequel ? La couleur violette contient-elle la réponse à la question : dois-je partir m’installer à Marseille ?
Piquée par la curiosité, je commence mes recherches sur la symbolique du violet. Voici ce que je trouve sur l’article Wikipedia : « le violet est une couleur ambigüe », aïe, on n’est pas aidés.
« Le violet est une couleur fuyante » La fuite ? le départ ? C’est un peu négatif non ?
« Pendant longtemps, la couleur violette fut mal considérée, elle symbolisait la fourberie et la tristesse ». Génial…
« Dans la symbolique occidentale, le violet est associé à la noblesse et à la jalousie ». Là je ne sais plus quoi penser.
« En ésotérisme, c'est la couleur de l'initiation ». Voilà, j’aime mieux. Un départ dans une nouvelle ville c’est une initiation non ?
Cela peut paraître tiré par les cheveux mais quand on se penche sur la théorie des couleurs, on apprend plein de choses passionnantes sur les effets que les couleurs ont sur notre psychisme. Cette approche est utilisée en décoration d’intérieur, en marketing bien sûr, mais aussi pour apporter des soins, c’est ce qu’on appelle la chromothérapie.
A mon retour de Marseille, je sens que je touche la décision du bout des doigts mais que je n’y suis pas encore tout à fait. La trouille, probablement. Alors je me retourne vers les signes de l’univers. Arrivée à la gare de Lyon, je vois que la ligne 14 est fermée. C’est la ligne violette, ça veut dire que je ne dois pas aller à Marseille ? J’arrive près de chez moi, rue Poulet et je prends conscience que la plupart des salons de coiffure africains ont des devantures violettes. Ça veut dire que je dois aller à Marseille ?
Ça dure comme ça pendant quelques jours mais le doute persiste. J’en ai envie mais en suis-je capable ? Déménager toutes mes affaires ne sera-t-il pas trop compliqué ? Et si je me sens seule ? Et si j’ai trop chaud ? Je précise que sur le plan professionnel ce déménagement n’aurait pas un impact trop important, d’où le fait que les questions que je me pose manquent un peu de substance, même si elles me réveillent la nuit.
Deux semaines après mon retour, on me parle d’un appartement à louer à Marseille qui a l’air de cocher pas mal de cases. Le projet commence à se dessiner et je me sens prête à faire le pas.
Mais la confirmation que cette décision est la bonne arrive à un moment où je ne m’y attends pas du tout. Alors que je remonte la rue Poulet, pour la 1150ème fois de ma vie et que j’écoute la playlist Spotify « En boucle », où passent des chansons de tous les styles, que j’ai écoutées à peu près autant de fois, démarre un morceau qui me fige lui aussi. Un accord de guitare doux amer, suivi d’une mélodie qui me donne envie de danser un slow ou de me lancer dans karaoké solo.
« I never meant to cause you any sorrow … I never meant to cause you any pain ». C’est lui, c’est Prince, qui chante une de mes chansons préférées de la vie … et elle s’appelle Purple Rain ! Pluie VIOLETTE.
Mais bien sûr, Léa avait raison, c’était un signe. Un messager bassiste – et j’ai oublié de le dire, fan de funk - qui porte du violet, c’est Prince qui s’est incarné dans ce marseillais pour me dire à moi, rien qu’à moi, de venir m’installer dans cette ville*.
Le pouvoir de la musique, encore et toujours.
Je ne suis pas encore partie mais c’est presque fait et je peux l’affirmer aujourd’hui, la rue Poulet ne me manquera pas.
*Je ne sais pas quels messagers ont prévenu les dizaines de milliers d’autres parisiens qui font comme moi ; si vous en connaissez, demandez-leur.
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dame-de-p · 6 years
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“Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente.  Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie.
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, par la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.
Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.
Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir.”
Aldous Huxley - « Le meilleur des mondes » - 1932.
Photographies - Exposition «L’esprit français, Contre-cultures 1969-1989» - Marx Domage - 2017.
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tarotetintuition · 4 years
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(ENG) This feeling when you spread the cards and all at once it makes sens 😉 (FR) Ce sentiment lorsque vous tirez les cartes et que tout à coup les choses prennent sens 😉 #guidance #guidanceintuitive #guidancedujour #tarotetintuition #messagedesanges #oracledecks #revue #oraclesdivinatoires #reponsesangeliques #revueoracles #lesensdelavie #tarotpreraphaelite #tarotetintuition #oracledesrebellessacres #tirageoracle #murmuresdeganesh #messagesangeliques #doreenvirtue #doreenvirtueoraclecards #cartomancie #alanafairchildoracledecks #oraclelesensdelavie #oraclemurmuresdeganesh #murmuresdeganesh #oraclearchangegabriel #tarotspread #oraclecommunityofinstagram #cartesdivinatoires #tiragedujour #tarot #cartomancie #tirerlescartes #amethyste https://www.instagram.com/p/CDfpMojBQH8/?igshid=nzkiwo2dnois
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caroucho-blog · 7 years
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#fredelian #lesensdelavie #plaisircoupable #gourmand
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rossydepalma · 6 years
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Avec los Fantásticos Cineastas @toledanonakache ✨tonigth Premiere en España de #cestlavie #lesensdelavie @acontrafilms Maravilla de Película no os la perdáis 💕🎬💕 #rossydepalma #toledanonakache (en Community of Madrid)
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pamdiana-blog · 10 years
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J'ai trouvé le sens de la raison qui m'entraîne A chaque pas sur le devant de la scène J'ai trouvé le sens de la vie que je mène Et je l'aime♥
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laperditudedeschoses · 3 months
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Jade et la jeune fille formidable
Comment savoir si on est épanoui ?
Pas si simple. On pourrait croire qu’on le sait naturellement, que c’est une évidence, que comme Céline on peut jeter sa tête en arrière, écarter les bras en croix et affirmer le sourire jusqu’aux oreilles « Je suis bien ».
Mais à bien y réfléchir, la réalité est plus complexe. Ne vous est-il jamais arrivé de vous sentir tout rabougri parce que vous êtes stressé, contrarié, d’avoir l’impression que le monde est contre vous, que votre ne vie ne vaut rien et au moment d’envisager de passer sous anti-dépresseurs retrouver le sourire parce que « c’est bon en fait j’ai pas perdu mon tél, je l’avais juste mis dans ma poche intérieure » ? Et puis finalement prendre conscience que tout va bien et que vous avez de la chance ?
Inversement, qui n’a jamais passé un moment avec cette personne qui clame haut et fort que tout baigne, que « ça va ça va », alors que l’on peut percevoir le gouffre émotionnel dans le fond de ses yeux comme dans deux petites fenêtres, cette personne qui nous affirme qu’« en ce moment ? Oh rien de spécial, un peu de boulot mais je tiens bon », alors que le burn out est à deux doigts de faire son grand débarquement ?
Si on peut mentir aux autres et à nous-mêmes, à quel saint peut-on se vouer pour savoir si on est heureux ? Existe-t-il des indicateurs, des signes extérieurs d’épanouissement, l’équivalent Rolex du bonheur, observables par tout le monde y compris nous ? Figurez-vous que oui, au moins un et je l’ai découvert il y a peu de temps.
Pour vous en parler, je reconvoque Jade, cette « jumelle de cassos » que j’ai connue dans le monde impitoyable des projets de transformation des entreprises du CAC 40, cette pionnière qui a défriché pour moi le monde encore plus impitoyable des manipulateurs puis des amoureux évitants.
Nous nous voyons de temps en temps pour prendre des verres et se raconter nos vies. Du temps peut s’écouler entre chaque entrevue mais quel que soit le nombre de semaines ou de mois qui viennent de passer, Jade a toujours des choses incroyables à me raconter, de nouvelles activités testées, des anecdotes hyper drôles, une prise de conscience sur un élément important de sa vie, des conseils de sa psy qui s’avèrent utiles pour tout le monde, a minima pour moi. Si elle arrivait à lâcher définitivement les power points et les tableaux de bord, de sa capacité à raconter des histoires elle pourrait faire son métier. Je pourrais lui donner les clefs de La Perditude des choses les yeux fermés, mais pour le moment, contentons-nous d’en faire un des nombreux personnages de ma galerie.
Le verre dont je vais parler se passe tout début mai, au démarrage du printemps mais plutôt ressenti comme une fin d’hiver bien trop long. Pour ma part, je rentre d’une semaine de vacances/télétravail en Bretagne, où j’ai passé 80% de mon temps à stresser et 20% à picoler pour me détendre. Pourtant, quand Jade s’enquiert de mon moral, je réponds en pilote automatique « Ça va ça va ».
Jade me raconte sa vie, ses dernières vacances, des histoires ubuesques de boulot : un ancien client complètement taré qui propose de lui vendre un marché à 100 000 euros si elle accepte de recruter son cousin et la harcèle de sms nuit et jour pour qu’elle accepte.
A mesure qu’elle parle, quelque chose m’interpelle. Sa peau très lisse, ses grands yeux verts rieurs, ses cheveux qui brillent plus que d’habitude. Je ne l’ai jamais trouvée si belle. Quelque chose a changé, mais quoi ? Aurait-elle fait du botox ? Elle n’est pas particulièrement bronzée – elle me parle d’ailleurs de ses vacances pluvieuses passées à bouquiner au coin du feu.
Dans le bar, un miroir est accroché au mur à côté de ma banquette et lorsque je m’y regarde, je vois une tête de vilaine fripouille toute contrariée qui crée un contraste énorme avec la jeune femme épanouie qui me fait face.
A mon tour je lui raconte ma vie, rien de transcendant, quand enfin elle lâche le morceau, les yeux encore plus illuminés :
« Et sinon je ne t’ai pas dit mais j’ai un crush … »
Ah
« … pour une femme »
Oh !
Nous y revoilà ! Une nouvelle réorientation en pleine carrière. Après quinze ans de bons et loyaux services à l’hétérosexualité, le besoin de donner un nouveau souffle à sa vie amoureuse, de changer d’environnement, d’apprendre un nouveau langage. On peut dire que ça lui réussit.
Je vais évidemment en dire plus sur cette situation, mais avant cela j’aimerais faire une petite parenthèse sur le lien que j’ai immédiatement fait entre cette nouvelle source d’épanouissement pour Jade et l’aspect changé de sa peau.
Je vous avais déjà parlé de la peau de Père Castor, ce Charentais haut en couleurs qui mangeait des poissons sans écailles pour mieux se connecter avec le cosmos et Jade m’apporte une preuve supplémentaire que l’aspect de la peau est un signe manifeste du bien-être, ou non, de celui qui l’habite.
Cela peut paraître évident, mais je n’en avais jamais fait le constat aussi clairement que ce soir-là et alors que commence à se poser la question d’avoir recours aux injections ou d’ouvrir un compte épargne supplémentaire pour payer un lifting qui me permettrait d’avoir la même peau que Jennifer Lopez quand j’aurai 50 ans, je suis contente de savoir que d’autres options sont possibles, comme celle d’avoir un crush, tout simplement.
J’avais tout de même remarqué, au sortir du premier confinement, que sans avoir rien fait pour dégrader l’aspect de ma peau mais en ayant juste eu une absence totale de perspective et de fun pendant deux mois, je me trouvais « grise et fade ».
Cette théorie aurait pu rester une de mes tentatives foireuses de schématiser le monde si les hasards de la vie n’avaient conduit Léa à me parler hier soir, oui hier soir, du travail extrêmement documenté d’un psychanalyste appelé Didier Anzieu sur ce que la peau révèle du psychisme de chacun, travail auquel il a donné le nom mystique du « Moi-peau ». D’après un texte qu’elle m’a transmis, qui lui avait été transmis par son amie Plume que j’embrasse au passage, « la peau n’est pas qu’une enveloppe physiologique, elle a une fonction psychologique qui permet de contenir, de délimiter, de mettre en contact, d’inscrire. » Je fais l’impasse sur le reste du texte qui n’est pas toujours limpide.
Mais j’en retiens qu’à l’avenir, pour savoir si l’on est épanoui, peut-être faut-il passer chez le dermato avant de contacter un psy.
Revenons-en à Jade et à son crush, qui s’appelle Elizabeth. Après son ex François, dont le prénom me faisait penser à François Hollande, ce nouveau coup de cœur m’évoque Elizabeth Guigou et j’imagine tout à coup Jade nageant dans une mer de désir remplie des éléphants du Parti Socialiste, vision très étrange.
Si vous avez lu le billet intitulé La voyante de Zouzou, vous savez que Jade n’est pas la première femme que je croise qui tombe amoureuse d’une autre femme après avoir aimé des hommes ; il y en a d’autres dont je n’ai pas encore parlées mais qui se reconnaîtront. Vous devez donc savoir que ça évoque chez moi tout un tas de questions, dont une qui ressort encore plus, considérant que Jade a connu précédemment les mêmes schémas amoureux que les miens : est-ce que ça va m’arriver à moi aussi ?
Je profite de l’avoir sous la main pour lui poser certaines de ces questions, comment elle le vit, est-ce qu’elle se voit en parler à son entourage familial, comment elle s’en est aperçue. Mais le seul sujet qui l’empêche de dormir et pour lequel elle me demande de l’aide c’est comment faire un move ?
Quelques éléments de contexte : Elizabeth est une collègue de Jade qui vit à Bordeaux et avec qui elle travaille sur un projet en ce moment. Elles s’entendent très bien et en sont rapidement venues à se confier sur leurs vies personnelles respectives, incluant bien sûr leur vie amoureuse. Les deux sont célibataires, mais les deux, jusqu’il y a peu en tout cas, sont hétérosexuelles.
Tenter une approche avec quelqu’un qui nous plait n’est jamais facile, mais il est vrai que de le faire avec quelqu’un du même sexe, qui a priori n’a jamais vécu d’histoire avec une autre personne du même sexe et ne se doute pas une seconde que vous-même êtes attirée par elle parce que vous non plus n’avez jamais vécu d’histoire avec quelqu’un du même sexe … je ne sais plus comment j’ai commencé cette phrase, mais c’est compliqué.
En bonnes consultantes, Jade et moi brainstormons pour trouver des idées lui permettant de passer à l’action. Jade suggère de sortir boire des coups et tenter de l’embrasser, tout simplement. De mon côté, je lui conseille plutôt de lui en parler, pour éviter un couac au moment du bisou, à quoi Jade répond qu’elle trouve cette approche « pas romantique, voire un peu lourde ». La soirée se termine sur ces différentes pistes.
Dans les mois qui ont suivi, chaque fois que je voyais Jade je trépignais d’impatience de savoir où elle en était. Malheureusement le passage à l’acte s’est avéré très délicat et Jade a eu l’impression qu’Elizabeth avait compris d’elle-même et que son coup de cœur n’était pas réciproque.
La semaine dernière, je l’ai retrouvée pour un traditionnel verre de catch up, après au moins quatre mois sans se voir. J’ai appris à cette occasion qu’elle a rencontré quelqu’un, un homme, laissant de côté la possibilité d’une idylle avec Elizabeth. Je ne peux cacher que j’ai ressenti une petite déception, pas tant parce que la chute de mon billet de la semaine eût été différente, mais parce que j’aurais aimé voir voire cette histoire se matérialiser, continuer de voir ses yeux briller.
Jade a toujours une belle peau hein, mais quand même, le soir en question, y avait un truc en plus …
Elle m’a quand même dit qu’elle aimerait un jour parler de tout ça avec Elizabeth, ce qui soulève une nouvelle question : comment annoncer à une personne du même sexe qu’on a eu un crush pour elle alors qu’elle n’a elle-même jamais été attirée par une autre personne du même sexe et qu’elle pense qu’il en est de même pour vous ? Cette fois-ci, elle sera obligée de parler, même si c’est « lourd » …
Cette histoire m’évoque une autre question fondamentale : pour avoir une belle peau, qu’est-ce qui est le plus simple, faire un lifting ou être épanoui ?
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laperditudedeschoses · 3 months
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Vous voyez le cordon noir ? Coupez-le.
Saviez-vous qu’une séance d’hypnose permet d’avoir la récupération d’une sieste ?
Cette question m’a été posée au moins 75 fois. Autant de fois que j’ai regardé, ou plutôt écouté, une vidéo d’hypnose sur Youtube modestement appelée « Adieu fatigue » et proposée par un monsieur au visage poupin, au cheveu rare et doté d’une grosse barbe rousse. Cet homme à la voix tantôt douce, tantôt caverneuse m’a sauvé la mise plus d’une fois - en l’occurrence soixante-quinze - quand il s’agissait de retrouver de l’énergie en milieu de journée après une nuit de sommeil agité.
Ses vidéos, qui sont très nombreuses et qu’il suggère habilement de regarder tous les jours, pour une amélioration nette de la qualité de notre sommeil et pour une augmentation nette du nombre de ses vues, font partie de ma vie depuis quelques années. Il propose différentes thématiques pour traiter tous types de sujets : sommeil bien sûr, mais aussi confiance en soi, tabagisme, hypersensbilité …
Il me semble avoir fait la connaissance de Barberousse via une vidéo humoristique d’un Youtubeur au sujet des insomnies et ça a été ma première rencontre avec l’hypnose.
Si je devais résumer une séance d’hypnose en ne m’appuyant que sur ses vidéos, je dirais qu’il s’agit pour celui ou celle qui la pratique de parler sans discontinuer et avec une voix calme en disant n’importe quoi - « pendant que vos pensées se subdivisent, que l’esprit apprend à laisser les choses jaillir en lui d’une manière inconsciente, dans l’état de pré-sommeil, cette manière de se dire, de se voir, de s’entrapercevoir ou de percevoir peut-être plus simplement, à mesure que le stress s’en va apparaissent toutes les émotions, laissez votre regard se reposer » - jusqu’à ce que l’hypnotisé se mette en « transe », que Barberousse résume ainsi : « un état de semi-conscience et de détente qui ressemble au moment où nous nous endormons ».
En ce qui me concerne, l’efficacité est redoutable et j’aurais pu m’arrêter là si je n’avais pas été poussée par la curiosité, voire le désespoir, vers d’autres formes d’hypnoses. A part cette version Réseaux-sociaux-pour-insomniaque je ne connaissais que l’hypnose spectaculaire qui nous est montrée à la télé, avec un type qui parle, là aussi, d’une voix très calme et avec un débit continuel, à des gens du public qui ferment les yeux, laissent pendouiller leur tête et font des choses qu’ils oublient dès que le manitou les réveille.
Toutefois, Judith m’avait aussi parlé de séances qu’elle avait pratiquées il y dix ou quinze ans dans le salon d’un « hypnothérapeute » quelque part en Seine et Marne pour résoudre un problème personnel et de l’efficacité qu’elle avait constatée quelques semaines plus tard. Heureusement je m’en suis souvenue et j’ai pu me lancer moi aussi, pour élargir ma palette de prestations d’accompagnement psychologique.
Remontons dans le temps, à une époque où, comme vous le savez maintenant, je vis de plein fouet une relation anxieuse + évitant = stress.
Face à un être mutique qui ne me rassure pas constamment comme j’en aurais besoin, je me sens en permanence comme un nourrisson abandonné, un genre de Moïse qu’on laisse filer sur une rivière dans son petit lit de branchages. N’ayant pas la résilience suffisante pour transformer ce sentiment d’abandon en pouvoir surnaturel qui permettrait d’ouvrir la Mer Rouge en deux, je cherche plutôt à m’en débarrasser.
Et en pleine nuit, après une nouvelle crise de panique qui se transforme en dispute, qui se transforme en ultimatum, qui ne donne lieu à rien du tout, je repense à l’hypnose et me mets à chercher un ou une thérapeute sur Doctolib, disponible dès le lendemain, oui le lendemain, pour me recevoir pour une séance. J’ai beaucoup de chance car je tombe sur une femme qui m’a l’air tout à fait respectable, qui reçoit dans un cabinet à 200 mètres de chez moi et qui a une disponibilité dès la fin de matinée le jour suivant !
Elle dit pratiquer l’hypnose « humaniste », qui n’est pas tout à fait comme l’hypnose ericksonienne. Jai hâte d’en savoir plus…
Quand j’arrive pour ma séance, je me sens tellement désespérée que je veux juste que quelqu’un me parle et me rassure. Je tombe alors sur une petite jeune femme très douce, qui doit être à peine plus âgée que moi et qui a des yeux très clairs. Elle me demande dans un premier temps pourquoi je suis là. Je lui explique ma situation, lui raconte un peu ma vie, lui sors le topo que j’annonce à chaque rencontre avec un nouveau thérapeute (je n’en ai pas vu tant que ça, mais j’ai quand même un laïus tout prêt).
Puis c’est elle qui parle, beaucoup, avec une voix douce et le regard brillant. Elle m’explique la différence entre hypnose humaniste et ericksonienne, dont je vais vous faire un résumé rapide : l’hypnose humaniste est une hypnose de conscience augmentée ; concrètement le patient est totalement présent psychiquement pendant la séance, c’est lui/elle qui orchestre ce qui se passe, choisit ses symboles, agit sur son inconscient mais il peut le faire parce que ses sens sont exacerbés, disons plus ouverts. Pour faire passer un patient dans un état de conscience augmentée, on utilise les techniques qu’on utilise normalement pour faire sortir un patient sous hypnose ericksonienne … vous me suivez ?
Bon, elle me parle aussi d’elle, de ce en quoi elle est spécialisée, la thérapie de couple et « l’imago » puis du fonctionnement du psychisme, de l’inconscient, du fait que le cerveau ne distingue pas le réel de l’imaginaire, ce qui explique l��état de panique dans lequel on peut se mettre rien qu’à envisager le pire et même si tout va bien, ainsi que de la force des symboles et images que l’on peut envoyer à ce même cerveau, grâce à l’hypnose.
En toute fin de séance, elle me fait une rapide « induction » mais me propose de revenir une prochaine fois pour de la full hypnose. Elle m’a convaincue et je reprends rendez-vous une semaine plus tard.
Au total, je crois que je suis allée la voir sept fois et il s’en est passé des choses … Chaque séance démarrait par une petite conversation pendant laquelle je lui parlais de mon couple et où elle réagissait et me donnait des conseils, dont certains assez précieux sur la communication non violente, puis nous passions à l’hypnose.
Allongée ou assise, je l’écoutais me parler, me demander de fermer les yeux, d’imaginer des choses étranges comme une galaxie d’étoiles à l’intérieur de mon buste ou une lumière vive à différents points de mon corps. Puis je me sentais partir tout en étant toujours là, un peu comme si j’étais droguée, mais légèrement.
Ensemble nous sommes allées envoyer des représentations à mon cerveau. Elle m’a fait parler à mon enfant intérieur, une petite fille brune qui rit tout le temps et qui, d’après ce que j’ai cru voir, demande juste qu’on lui foute la paix, à une autre enfant intérieur, mais cette fois-ci âgée d’environ treize ans, qui avait la tête de la femme d’un de mes collègues – extrêmement bizarre – et à qui j’ai construit un appartement à l’intérieur de mon ventre, oui oui. J’ai aussi pu prendre un café avec mon amour de jeunesse, pour lui demander pardon de l’avoir quitté si précipitamment. J’ai vu mes deux parents et pu presque littéralement « couper le cordon » avec eux, en utilisant une paire de ciseaux que j’ai dû imaginer dans ma tête. S’ils savaient …
Tout cela peut paraître étrange, mais j’ai ressenti sur le moment le bien que ça me faisait, à tel point que j’ai recommandé cette thérapeute à deux de mes amis : Léa, qui après y être allée deux fois m’a dit tout de go « Je vais arrêter, j’y crois pas une seule seconde à ce truc, c’est trop facile, genre tu imagines une pierre qui représente un problème, tu la balances par-dessus ton épaule et ça y est c’est fini » ; Alessandro qui lui aussi y est allé deux fois et m’a carrément dit qu’il se « méfiait de cette femme qui n'a pas l’air nette ».
Bon … j’ai mon indépendance d’esprit et je n’ai pas arrêté de voir cette hypnothérapeute à cause de ce qu’ils m’avaient dit, mais parce qu’elle a fini par augmenter ses tarifs. Néanmoins je suis quand même persuadée qu’elle m’a aidée à retrouver du poil de la bête et regagner confiance en moi à une époque où j’en avais bien besoin. Et cumulée avec les petites vidéos de Barberousse, dont une intitulée « Le changement c’est maintenant », elle m’a permis de dire au revoir à mon évitant … une première fois avant quelques rééditions, mais quand même !
Cette hypnothérapeute doit avoir quelques pouvoirs surnaturels parce qu’il y a une heure environ, alors que j’écrivais ce billet qui parle d’elle, elle m’a envoyé un mail d’invitation à un séminaire pour couples qu’elle organise avec son mari en mai prochain, alors que je n’ai rien reçu d’elle depuis trois ans.
Père Castor m’avait bien parlé de télépathie …
Et vous l’hypnose, vous en pensez quoi ?
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laperditudedeschoses · 4 months
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Les papillons de Néné
Quand je pense à ma famille, quelle que soit la direction dans laquelle je regarde, quelle que soit la branche que je remonte dans l’arbre généalogique, je ne vois que des zinzins.
Zinzin est un terme affectueux bien entendu, que je m’auto-attribue ainsi qu’à mes amis, mais tout de même, j’ai grandi entourée d’un certain nombre de référent.e.s qui disposaient d’un esprit ne fonctionnant pas de manière parfaitement rationnelle et censée.
Dans cette nuée de gens pas comme tout le monde, il y avait Néné. Néné était la sœur de feue ma grand-mère adorée Mamou. Les deux avaient bien sûr de vrais prénoms qu’il n’est pas nécessaire de dévoiler ici.
Néné est un personnage en soi, pour tout un tas de raisons. Son aspect physique pour commencer. Il faut savoir que de ce côté de ma famille, nous pouvons nous targuer d’avoir des origines Micmacs, un peuple natif d’Amérique du Nord, dont certains membres se sont mélangés avec des navigateurs bretons. J’adore la ramener avec ça, même si objectivement ces origines remontent à deux cents ans et que j’affiche plutôt les caractéristiques de la grande communauté internationale des zinzins que celles de n’importe quelle amérindienne. Mais Néné, elle, avait les attributs physiques des MicMacs : la peau mate toute l’année malgré des journées entières passées dans ce qu’elle appelait son « gourbi » ou dans son jardinet de Vendée, qu’on appelait le « tempote » ; de longs cheveux noirs épais et très lisses qu’elle coiffait toujours de la même manière, une espèce de chignon/queue de cheval ; un nez aquilin et une mâchoire ovale.
Son allure également. Elle avait peur de beaucoup de choses et préférait la compagnie de ses multiples chats à n’importe quelle interaction avec un autre être humain, mais quand elle se décidait à sortir, elle enfilait un imper blanc et enfourchait son solex pour sillonner les départementales de son coin, ce qui lui donnait l’air d’un personnage du Petit Spirou.
La vie qu’elle a eue, aussi. Un peu triste, il faut l’admettre, mais commune à beaucoup de femmes de sa génération qui n’étaient pas mariées et n’avaient pas d’enfants. Elle a eu quelques petits boulots, s’est occupée de ses parents sur la fin de leur vie, a travaillé comme gouvernante chez un ancien militaire qui n’avait pas l’air sympathique, a vécu seule longtemps et a terminé ses jours dans un EHPAD. Je l’ai pour ma part surtout connue quand elle vivait dans sa petite maison, dont elle aspergeait le sol d’eau de Cologne pour neutraliser l’odeur de chat et qu’elle espérait quitter le jour où « la grosse somme d’argent » qui lui avait été promise par une publicité mensongère – qui lui demandait d’envoyer des chèques de 20 euros pour pouvoir réclamer son dû – lui serait enfin versée.
Parce qu’une de mes tantes n’a eu ni enfants ni mari, ma cousine prétend que chaque génération a sa Néné, mais on ne peut pas encore dire qui, de la nôtre, remportera le trophée.
Un autre attribut avec lequel j’ai toujours connu ou entendu parler de Néné, c’est son penchant pour la mélancolie, ou l’anxiété, qui n’était toutefois jamais exprimé ainsi. Pour une femme issue de la France profonde et catholique, d’une génération qui a connu la guerre et où aller chez un psy relevait du domaine de la science-fiction, le terme de « névrose » n’a jamais été évoqué et elle préférait le formuler de la sorte : « Oh tu sais … ma tête m’a encore joué des tours ». Petite je ne comprenais pas vraiment ce que ça voulait dire mais j’ai vite compris qu’elle aimait en user pour un oui ou pour un non.
Elle est décédée il n’y a pas longtemps et quand ma mère m’a raconté comment elle avait récupéré toutes ses affaires à l’EHPAD et les pépites qu’elle avait trouvées, elle a mentionné des « papillons ».
Devant mon air surpris, ma mère m’interpelle « Tu connais pas les papillons de Néné ? ». Il s’agit apparemment de petits papiers sur lesquels elle écrivait ses humeurs, ses préoccupations, des choses qui lui arrivaient, pour ne pas les oublier. Elle les a conservées pendant des décennies et ils se comptent par dizaines, conservés dans diverses boîtes à chaussures en carton ou boîtes de bonbons en métal (les Quality Streets que nous lui offrions pour Noël, avant de les dévaliser quand nous allions regarder la télé chez elle, un parfait exemple d’économie circulaire).
Ça alors ! Néné, bien avant toutes les instagrameuses qui mangent du chia pudding, a pratiqué le journaling pour évacuer ses démons, prendre du recul sur la vie et initier ses mornings routines, entre ses piles de télé Z et ses meubles plastifiés.
Et appeler ça des « papillons », c’est tellement poétique, la légèreté du papier qui équilibre la profondeur de certaines de ses pensées noires. Néné était une artiste non reconnue en fin de compte !
On est ici pour se détendre, mais aussi pour apprendre quelques techniques de développement personnel alors faisons un point sur le journaling. Sur internet je trouve cette définition, très poétique elle aussi : « un rituel d'écriture quotidien, un rendez-vous pris avec soi et quelques feuilles de papier ». Concrètement ça consiste à écrire ses pensées pour s’en défaire et entamer sa journée plus sereinement. C’est le principe du journal intime, qui permet aussi de se souvenir de moments forts que l’on a vécus. C’est une pratique popularisée grâce à un livre intitulé The artist way, qui encourage, pour libérer sa créativité, la rédaction de « morning pages », trois pages d’écriture manuscrite en pleine conscience et dès la première heure du jour. Il m’arrive de rédiger des morning pages, mais aussi des afternoon pages, voire des night pages pendant les insomnies et je dois dire que c’est assez efficace.
Pour préparer ce billet, ma mère a eu la gentillesse de me recopier quelques papillons dans un mail et je la remercie pour cela. Notons qu’elle ne lira probablement jamais ces remerciements, dans la mesure où je n’ai pas encore osé lui communiquer l’adresse de La Perditude des choses, n’assumant pas qu’elle lise certains billets qui évoquent la sexualité, même réprimée, comme Pierrot mon poto ou Les huiles essentielles.
Bref, à la lecture de quelques exemplaires, je m’aperçois que les papillons ne sont pas exactement ce à quoi je m’attendais. C’est plutôt un florilège assez gratiné d’une femme en colère et paranoïaque.
Un florilège de notes à elle-même : « Je ne croyais pas mes ennemis aussi proches … J´ai plus de secours venant du ciel, de mon défunt frère, qui est toujours avec moi. »
Un florilège de copies de notes adressées à des gens qu’elle aime plus ou moins, son voisin « Faites stopper ce bruit incessant qui vient de votre salle de bain » ; au prêtre qui officiait avec mon grand-oncle, lui-même prêtre « Cher Père, je vous suis très reconnaissante de bien entourer mon frère pendant sa maladie. Si son état devenait plus alarmant, pourriez-vous prévenir ma sœur au 02…… elle est plus résistante que moi. »
Un florilège de brouillons de courriers, dont un expédié à Julien Courbet avec un dossier de 50 pages, qui commence ainsi : « Après de longues années de souffrance votre émission me redonne un espoir. C´est pourquoi pour comprendre ma demande je vous envoie tout mon dossier. »
Moins poétique que ce que j’imaginais, c’est tout de même un témoignage intéressant d’une époque qui n’existe plus vraiment : les courriers manuscrits et leurs copies, la correspondance avec le prêtre du village, Julien Courbet …
D’ailleurs en écrivant ce billet, j’ai pris plaisir à me replonger dans ces souvenirs et à les graver dans mon récit.
Oh mais dis donc, moi aussi je suis quelqu’un d’anxieux et moi aussi j’aime écrire et tout conserver dans des carnets.
Catastrophe ! Suis-je la Néné de ma génération ?!
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laperditudedeschoses · 4 months
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Jérôme et l'oracle du cercle des femmes
Pour un de mes anniversaires, mes amies Nelly et Judith m’ont offert un oracle.
Tout le monde, enfin j’imagine, aime les cadeaux. Mais chacun attache une importance plus ou moins prononcée à certains critères : l’esthétique, la difficulté qu’a eu l’offrant à le trouver, son empreinte carbone, sa rareté, sa conception do it yourself – big up les colliers de pâtes -, son prix bien sûr. Pour ma part j’apprécie énormément les cadeaux utiles. Et L’Oracle du cercle des femmes, puisque c’est celui-ci qu’elles ont choisi, est un des cadeaux les plus utiles qui m’ait été offert.
Qu’est-ce qu’un oracle exactement ? Dans l’antiquité il s’agissait d’une personne vers qui on se tournait pour s’entendre prédire son futur ; on pense évidemment à l’Oracle de Delphes qui a annoncé à Œdipe qu’il allait tuer son père et coucher avec sa mère. Depuis quelques années toutefois, le mot oracle est aussi donné à un genre de jeu de cartes que l’on peut utiliser pour faire des tirages, comme un tarot. On en voit fleurir un peu partout, avec des thématiques différentes : Oracle de l’art, Oracle du féminisme, Oracle des sorcières et j’en passe.
L’Oracle du cercle des femmes contient 42 cartes et permet de répondre à des questions pour orienter des choix de vie en révélant toutes les facettes de femme qui sommeillent en nous. Il peut aussi être utilisé à plusieurs pour animer des « cercles de femmes », que l’on peut constituer en s’appuyant sur les instructions d’un livre appelé Créez votre cercle de femmes et découvrez la force de la sororité, écrit par la créatrice de l’oracle.
Je l’utilise seule mais il est rapidement devenu le compère de mes phases de doutes, qui sont fréquentes. 3h30 du matin, je suis éveillée et tourne et me retourne dans mon lit. Qui suis-je et où va ma vie ? Je n’aime pas mon travail, je ne fais pas assez de sport, je suis célibataire, j’entends mon voisin qui fait pipi, bref je suis perdue. J’allume la lumière et attrape l’oracle sur ma table de nuit. Je bats puis coupe les cartes de la main gauche, je les étale devant moi et en choisis trois. Une qui symbolisera celle que j’étais avant, une celle que je suis aujourd’hui et l’autre celle que je serai bientôt.
Première carte : l’opiniâtre. « Je suis sûre de moi, aucun obstacle ne me résiste, je persévère. L’opiniâtre sait exactement où elle va et ne dévie pas de son objectif. ��. Dommage que ce soit la carte du passé !
Deuxième carte : la silencieuse. « Je suis en silence, je laisse mes paroles endormies. Aujourd’hui je n’écoute que moi ». Bon bah je vais éviter de demander des conseils aux gens.
Troisième carte : la colérique. « Je sors de moi toute colère, les changements s’imposent. Aujourd’hui je m’exprime ». C’est ça mon futur ? Je ne m’énerve jamais pourtant.
Curieusement, savoir, ou croire, que je vais bientôt me mettre en colère et envoyer les gens pénibles voir ailleurs si j’y suis m’apaise et je me rendors.
L’Oracle contient des cartes sur lesquelles j’adore tomber, « la créatrice », « l’aventurière » et d’autres que je déteste, « la fragile », « la menteuse ». Un oracle uniquement conçu pour les femmes … vraiment ?
Laissons derrière mon insomnie et ma chambre sous les toits parisiens pour aller prendre un peu le soleil et répondre à cette dernière question.
Nous sommes au mois d’août, sur une plage magnifique de l’Atlantique, à l’heure où le soleil décline sérieusement, laissant la lune sortir de terre, grosse et orangée, à l’heure où la chaleur étouffante a laissé place à un air plus doux, mais suffisamment chaud pour traîner encore des heures en maillot. Nous, c’est Léa et moi. Nous ne sommes pas seules, puisque nous avons convié à ce moment de détente extrême un cubi de vin blanc nature. A la différence de la bouteille de verre, qui nous alerte sur notre alcoolisme par transparence et nous freine avec son contenu plus limité, le cubi est une source qui ne se tarit jamais, ou presque. Une petite pression et voilà notre verre qui se remplit aussi vite qu’il sera vidé.
Dans ce décor de rêve, l’esprit léger grâce aux vacances et jamais assoiffées, nous refaisons le monde, prenons des selfies, écoutons de la musique en nous émerveillant d’un rien. La vie est douce et nous nous sentons puissantes, dans notre essence de Femmes avec un grand F. Mais à la nuit tombée, sans crier gare et avec la complicité du cubi, les deux grâces se transforment progressivement en tatas pinard.
Nous quittons la plage et passons près de la maison de Tony, un ami d’enfance, qui accueille chez lui pour la semaine un de ses potes appelé Jérôme, que nous avons rencontré l’après-midi même.
Dans le village où je passe mes vacances, nous avons l’habitude d’entrer les uns chez les autres sans s’annoncer et je ne déroge pas à la règle en collant mon front sur la fenêtre du salon de Tony, où je vois Jérôme en t-shirt et caleçon affairé sur son ordinateur. Je tape immédiatement à la fenêtre, « Ouh ouh !!! ». Jérôme nous voit et avant même qu’il ait répondu quoi que ce soit à ce salut distingué, j’entre dans la maison.
Le moment est venu d’en dire un peu plus sur les protagonistes de cette soirée. De Jérôme, nous ne savons pas grand-chose, si ce n’est que Tony le connaît depuis quelques mois, qu’il travaille dans l’art, sans plus de détails, qu’il va de temps en temps à Dubaï et qu’il est célibataire. L’ayant vu en maillot sur la plage, nous savons aussi qu’il est charmant. Il intrigue Léa, et c’est à elle que je vais m’intéresser maintenant.
Je l’ai déjà évoquée plusieurs fois dans mes billets, mais à part le fait qu’elle rêve de gode-michets trouvés dans la rue, vous ne savez pas grand-chose d’elle. Léa est une amie de longue date. Comme beaucoup de gens de mon entourage, elle est née sous le signe de la balance et elle en a les attributs. Elle est notamment en recherche permanente d’un équilibre entre deux versants de sa personnalité qui ne font pas toujours bon ménage. Donnons-leur des petits noms. D’un côté nous avons Léi. Léi est un people pleaser, autrement dit quelqu’un qui souhaite faire plaisir aux autres, cherche à satisfaire leurs attentes, facile à vivre, essayant de communiquer pour résoudre les conflits, très curieux et ouvert. Mais Léo veille au grain et lui (ou elle) ne se laisse pas marcher sur les pieds. Quand Léo prend le dessus, Léa cherche à compenser la flexibilité de Léi et durcit son tempérament. Parfois pour le meilleur, quand elle devient une négociatrice hors pair où une compétitrice de premier rang au ping pong, parfois pour le pire, quand elle devient légèrement agressive. Il est important de savoir que l’alcool a tendance à énergiser Léo et qu’il endort Léi.
Tout comme moi, et comme beaucoup de mes amis, Léa a plutôt un profil anxieux, même si elle préfère se décrire comme « romantique ». Aussi, face à Jérôme, ce taiseux musclé mais difficilement saisissable, elle s’interroge. Qui est-il réellement ? Est-il un allié ou un ennemi ?
Nous allons le savoir rapidement puisque nous torpillons son moment de solitude. Tony l’a en effet laissé pour la soirée pour aller retrouver sa petite amie. Ayant laissé de côté la bienséance depuis quelques heures déjà, nous posons nos affaires dans le salon, Léa demande à Jérôme s’il a de quoi nous offrir à boire – le cubi est fini – et je cuisine des pâtes parce que j’ai faim.
L’interrogatoire peut commencer.
« -  Alors Jérôme, tu fais quoi exactement dans la vie ? ».
-Je viens de terminer un roman.
-Ah mais tu te la pètes !
Oups, Léo est réveillé.
Jérôme reste calme suite à cette attaque et nous raconte l’histoire de son livre, qui parle d’intelligence artificielle et d’esthétique. Ok super. On passe à autre chose. Pour une raison qui m’a échappée depuis, on en vient à parler astrologie.
-Quel est ton signe ?
-Bélier.
-Aïe, le pire signe du zodiac ! Caractériel et égocentrique !
Cette fois ci c’est moi qui agresse ce pauvre Jérôme gratuitement. Je tiens à préciser à mes amis béliers que j’ai proféré cette insulte sous l’emprise de l’alcool, autrement j’aurais dit « A fleur de peau et légèrement centrés sur eux-mêmes par moment ».
Jérôme a l’air désemparé, voire inquiet, par cette description. Quant à nous, très sûres de nous, nous continuons de lui poser des questions, de commenter ses réponses, presque de le « womansplainer » dès que nous ne sommes pas d’accord avec lui. C’est étrange, c’est un peu comme si soudainement Jérôme, qui reste très calme et aimable sous les attaques, payait pour tous les hommes qui nous ont déçues. Un martyr malgré lui.
D’ailleurs on en vient rapidement à parler féminisme, aux injonctions faites aux femmes sur leur physique, la maternité, le travail, etc. « C’est scandaleux ! Ça ne te choque pas ? Tu n’as pas lu Mona Chollet ? Tu n’as pas honte ?! ».
Tony débarque à ce moment-là et nous voyant bien échauffées, met de l’huile sur le feu en râlant après les femmes qui ne s’épilent pas. Le débat vire au règlement de comptes, on crie, on est affligées, on ne tient plus debout parce qu’on est bien trop avinées.
Il est clairement l’heure de rentrer pour les tatas pinard. Sur le chemin du retour, nous débriefons, remontées comme des coucous. Ce Jérôme a l’air d’être la caricature du mâle alpha, ça se voit tout de suite !
Le lendemain nous dînons de nouveau avec Tony, Jérôme et d’autres amis. Personne n’en veut à personne, les avantages de l’alcool et de l’amnésie. Cette fois-ci nous tentons une approche plus aimable pour échanger avec Jérôme. Il nous apprend au détour d’une conversation qu’il lui arrive de consulter une médium, en particulier pour lui parler de ses problèmes sentimentaux. Cette médium utilise un oracle pour les consultations, nous dit-il.
Je rebondis en parlant de mon Oracle du cercle des femmes récemment acquis et je vois le regard de Jérôme qui s’éclaire « C’est celui-ci qu’elle utilise ».
Ça alors ! Ce grand gaillard de Jérôme se fait lui aussi tirer les cartes pour savoir quelles facettes de femme sommeillent en lui. Léa et moi n’en revenons pas.
Le vin nature nous a trompées, c’est un bon gars finalement.
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laperditudedeschoses · 4 months
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Adam, le premier évitant
Dans la distance maintenue, ils se sentent en sécurité, même si cette fausse sécurité est chèrement payée : la solitude et, au bout du compte, l'échec amoureux. 
Cette semaine, on quitte l’ésotérisme, sans toutefois trop s’éloigner du développement personnel. Cette semaine, je vous emmène dans l’univers de la théorie de l’attachement, un monde peuplé de créatures définies par leur rapport aux autres et la manière dont elles créent du lien. Elfes, fées et farfadets laissent place ici à des insécures, anxieux, désorganisés et à la créature qui nous intéresse aujourd’hui : l’évitant.
Laissez-moi vous raconter comment j’ai fait la connaissance de ce « profil », de ses caractéristiques, de ses schémas familiaux et des techniques à adopter quand on en côtoie. En réalité je vais surtout vous raconter comment en m’intéressant aux évitants j’ai ouvert les yeux et pris conscience que, pour ma part, j’étais plutôt du côté des créatures « anxieuses/fusionnelles ».
Je m’intéresse depuis longtemps à tout ce qui touche à la psychologie, au développement personnel et encore plus à leur champ d’application concret : les relations amoureuses. Que ce soit pour m’instruire, occuper des dimanches après-midi un peu mornes ou pour comprendre des situations que j’ai vécues ou auxquelles j’ai assisté, j’adore fouiner des heures sur internet pour consulter des ressources plus ou moins scientifiques sur ces sujets. Toute information est bonne à prendre, qu’elle soit fournie par Psychologie Magazine ou la thèse d’un doctorant en psychiatrie. La citation qui introduit ce billet est d’ailleurs extraite d’un article du Huffington Post.
J’aime aussi beaucoup donner des conseils non sollicités aux personnes de mon entourage. J’ai souvenir d’un temps où je dévorais des pages d’un site qui s’appelait Redpsy, qui n’existe plus aujourd’hui mais qui contenait des analyses détaillées et très intéressantes sur les personnes souffrant de dépendance affective. Je me permettais d’en envoyer des liens par mail à des proches, avec pour objet « Ca m’a fait penser à toi, tu devrais le lire », ce qui, miraculeusement, n’a jamais mis en péril mes amitiés. J’avais le sentiment d’être une coach aidante et bienveillante, flottant un peu au-dessus de tout ça et ne me sentant pas du tout concernée par ces problèmes d’amour fusionnel ou autre manque de confiance en soi.
On s’entoure la plupart du temps de gens qui nous ressemblent ou nous comprennent. Forcément, je compte autour de moi d’autres personnes curieuses et, oserais-je dire, légèrement névrosées, comme Jade, avec qui les similarités vont si loin que j’ai fini par l’appeler « ma jumelle de cassos ». Pourquoi ce sobriquet ? Jade est une amie que j’ai connue au travail il y a une dizaine d’années. Nous étions toutes les deux consultantes en management de la transformation pour des grandes entreprises du CAC 40 et bien que volontaires pour répondre au mieux aux exigences de ce métier aux contours flous, ni elle ni moi n’étions réellement adaptées à ce monde. Nous avons travaillé ensemble pendant six mois sur une mission absurde et inutile pour un client lunaire, créant entre nous un lien indéfectible, comme celui qui unit deux anciens compagnons de cellule.
Mais il n’y a pas que ça. A la même époque et pendant la même durée, à une ou deux semaines près, nous avons toutes les deux été en relation avec un homme extrêmement toxique. Pas le même bien sûr, mais à comparer leurs comportements respectifs on eût pu croire qu’ils avaient été conçus dans la même usine : agressivité, manipulation, enfance difficile, mère toxique, dépendance affective, menaces de suicide et j’en passe. Jade s’était séparée de son compagnon avant moi et avait déjà effectué de nombreuses recherches sur ceux qu’on appelle de manière un peu résumée les pervers narcissiques. Aussi, quand je m’étais confiée à elle sur ce que j’avais vécu, elle m’avait transmis tout un tas de ressources, notamment une campagne de publicité belge qui recréait des scènes de couples avec un partenaire toxique et qui m’avait glacé le sang, tant elle était réaliste.
Heureusement, Jade a retrouvé l’amour quelques années plus tard dans les bras de François. Très différent du précédent, François est plutôt du genre doux, respectueux, mais pas dépendant affectif pour un sou, voire beaucoup trop indépendant, à rentrer dans sa grotte même quand tout va bien et ne plus donner de nouvelles pendant des semaines. L’histoire connaît rapidement quelques rebondissements et Jade s’en trouve fort contrite. Elle en touche un mot à sa psy qui lui parle de la théorie de l’attachement et des différents profils qu’elle décrit. Une fois de plus, au cours d’une après-midi que je passe chez elle pour boire un café, Jade partage avec moi ses connaissances nouvellement acquises, m’apprend que François est un « évitant » et, humblement, qu’elle est « anxieuse ».
Je suis intriguée et mène mes propres recherches en rentrant chez moi.
Voici ce que l’on peut retenir de la théorie de l’attachement. Elle remonte aux travaux qu’un psychiatre du nom de John Bowlby a mené dans les années 50, en analysant les styles d’attachements que les parents ont avec leurs enfants dès la naissance et les conséquences que cela a sur ces derniers quand ils deviennent adultes. En fonction de la façon dont nos parents, ou « figures d’attachement », ont interagi avec nous quand nous étions nourrissons, nous développons un style d’attachement au choix sécure, désordonné/chaotique, anxieux/fusionnel et, last but not least, évitant/craintif.
Ce dernier profil, celui de François, m’intéresse particulièrement. A première vue je ne sais dire si c’est parce que je m’y reconnais ou parce qu’il m’offre un nouveau point de vue sur des gens, plus particulièrement des hommes, que je considérais sobrement comme des « cons égoïstes » et qui m’ont l’air tout à coup d’être des brebis égarées. Quoi qu’il en soit, je me mets à consommer tout ce qui peut m’apporter des éclairages sur les évitants. Grosso modo, une personne évitante est quelqu’un pour qui l’intimité représente une souffrance ou une menace et pour qui les relations aux autres sont très consommatrices d’énergie. Les évitants cherchent du lien, comme tout le monde, mais dans leur inconscient, le lien rime avec danger et risque de rejet, alors ils s’en distancient comme ils peuvent. Cela peut les conduire à se replier sur eux-mêmes sans crier gare et ne plus donner signe de vie. Cette distance ils la pratiquent avec les autres, mais aussi avec eux-mêmes, surtout avec leurs émotions.
Jésus, le coach en amour dont je vous ai déjà parlé et qui a consacré des dizaines de vidéos aux évitants, m’apprend qu’ils sont de plus en plus nombreux dans notre société individualiste et narcissique, mais surtout qu’un évitant est quelqu’un qui fait tout pour ne pas ressentir d’émotions négatives : fuite des conflits, mutisme, mise en retrait voire dissociation.
Quand on commence à s’attacher à quelqu’un, on voit son prénom écrit partout. Quand j’ai mis un pied dans l’univers des manipulateurs, j’ai ouvert les yeux sur toutes les situations d’emprise et de toxicité qui pouvaient se produire autour de moi. Et quand j’ai compris ce qu’était un évitant, j’ai eu l’impression qu’ils se démultipliaient. Une amie qui rencontre quelqu’un qui a envie « de passer du temps » avec elle mais ne veut pas utiliser le mot « couple », une autre qui essaie de communiquer avec quelqu’un qui s’immobilise et se met en retrait dès que le sujet est trop douloureux…
Une hypnothérapeute m’a appris un jour qu’en amour, on cherche toujours quelqu’un qui va réparer nos blessures, donc de préférence quelqu’un qui va aller appuyer là où ça nous fait mal pour nous aider à prendre conscience de la plaie, la panser puis la guérir. Tout ceci est totalement inconscient bien entendu. A ce titre, les évitants vont avoir tendance à se tourner vers leurs opposés exacts, les profils anxieux, comme me le suggérait Jade. Les profils anxieux ont eux peur de l’abandon et cherchent à créer une relation fusionnelle avec leur partenaire, pour s’assurer qu’elle ne se termine jamais. Et quand un.e évitant.e rencontre un.e anxieux.se, l’un.e cherche à créer une intimité forte avec l’autre, qui prend peur, fuit et donne l’impression au premier d’être abandonné. Que du bonheur !
Là aussi, internet fourmille de documentation sur ce duo anxieux/évitant et je m’y plonge jusqu’à ce que quelque chose me frappe. Les exemples donnés, les origines des maux de chacun, les comportements types, tout cela sonne très familier, une impression de déjà-vu…
Oh mon dieu. La révélation.
Tout ce que racontent ces articles décrit au mot près ce qui se passe dans ma relation avec Vincent à ce moment-là. Et une fois de plus, Jade et moi vivons la même chose exactement au même moment !
Je prends alors conscience que je suis une anxieuse. Tout mon prisme de lecture change. Je relis ce que dit la théorie de l’attachement sur les différents profils et ceux dits « sécures » me paraissent totalement étrangers. Ils seraient 60% mais quand je pense à tous les gens que je fréquente j’ai l’impression de n’en connaître aucun. Qui sont ces gens qui vivent des relations saines, équilibrées et sans angoisses ? Quels sont leurs réseaux ?
Partant de ce constat et souhaitant rester un peu au chaud dans le déni, je ne me suis pas trop appuyée sur les travaux de Bowlby et ses dérivés pour comprendre mon anxiété mais plutôt pour essayer de sauver ma relation avec Vincent. J’ai suivi à la lettre les recommandations de Jésus pour laisser de l’air, respecter l’espace de l’autre, compter sur ses propres ressources pour s’épanouir et ne pas tout attendre du couple. J’ai même fait de l’hypnose pour limiter le sentiment d’abandon que provoquaient certaines situations.
Cela n’a pas marché mais au final j’ai pu profiter de cette relation pour « panser ma blessure d’abandon » et développer plus de compréhension et d’empathie pour les évitants, ces zinzins qui nous envahissent.
J’ai gardé une petite frustration, celle d’avoir eu le sentiment d’être la seule à essayer de changer. Car sachez-le, les anxieux, souffrant de leur anxiété et cherchant à s’en débarrasser, sont ceux qui font le plus de travail sur eux-mêmes, tandis que les évitants, trop distancés de leurs émotions pour comprendre ce qui leur arrive, ont beaucoup plus de difficultés à le faire.
Ajoutez à cela que dans notre société, les femmes sont culturellement plus enclines, voire encouragées, à faire des thérapies que les hommes, j’étais doublement destinée à travailler pour deux.
Et un jour, une nouvelle épiphanie. Je suis dans un musée de Mexico avec Léa et Manon et je regarde une œuvre en terre cuite qui représente Adam, Eve et le serpent sur un arbre de vie. Soudain, ça me frappe et j’expose fièrement une nouvelle théorie. En croquant la pomme et en cherchant à déconstruire les connaissances qui lui avaient été données, Eve a essayé de sortir de sa condition et se lancer dans l’exploration du monde, tandis qu’Adam, un peu mou et suiviste, n’aurait jamais eu les couilles de le faire de son propre chef. Manon le synthétise en une formule : « Adam, le premier évitant ».
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laperditudedeschoses · 4 months
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La clinique du sommeil
37 % des français souffrent régulièrement de troubles du sommeil.
Dans ce billet donc je parlerai de moi, mais probablement aussi d’un tiers d’entre vous. Les troubles du sommeil ont fait leur entrée dans ma vie il y plus de dix ans, devenant au fil des années de véritables compagnons, une seconde peau, un attribut qui me définit parmi d’autres, âge, métier, hobbies.
On aime à dire de certaines personnes qu’elles sont « destinées » à une carrière brillante ou à un avenir plus ou moins radieux ; à regarder mon patrimoine génétique on aurait facilement pu me prédire un destin d’insomniaque. Tous les membres de ma famille dorment avec encombre : mes deux parents sont adeptes de nuits courtes et de phases d’éveil prolongées, une de mes sœurs les imite fidèlement et l’autre dort en apparence comme une marmotte, parfois jusqu’à neuf ou dix heures quand elle n’avait pas encore d’enfants, mais il arrive que ses nuits soient perturbées par des terreurs nocturnes. Tout à coup elle crie, panique, s’éveille en sursaut. La crise cardiaque est garantie si vous partagez sa chambre.
Jusqu’à un certain âge, ces problèmes m’étaient étrangers. Je dormais en moyenne huit heures par nuit, voire plus l’hiver quand je n’arrivais pas à sortir de mon lit, finissant par sécher la première heure de cours au collège ou au lycée, avec la complicité de ma mère qui écrivait « règles douloureuses » ou « fièvre » sur la page des justificatifs d’absence de mon carnet de correspondance. Eventuellement si une échéance importante, surtout des examens écrits ou oraux, m’attendait le matin, je m’éveillais quelques fois dans la nuit et en rêvais à plusieurs reprises, mais jamais rien de méchant.
Et puis un jour, elles ont frappé à ma porte. Je dis « elles » pour « insomnies » comme je pourrais dire « ils » pour « éveils nocturnes ». Chaque être est unique dans le rapport complexe qu’il entretient avec ses nuits. Pour moi ça s’est immédiatement caractérisé ainsi : après 4h de sommeil environ, je me réveille, en pleine forme et pleine conscience et je ne parviens à me rendormir que deux heures plus tard, presque à la minute près. Il peut se passer toutes sortes de choses pendant ces deux heures, j’y reviendrai.
Ces insomnies ont-elles débarqué de nulle part ? Bien sûr que non. Je sais dater leur arrivée avec exactitude et les relier à un événement précis dans ma vie. J’avais 25 ans. Je menais en apparence une vie douce et rangée, dans le cocon sécurisé que j’avais créé avec mon amoureux de l’époque. J’étais au rendez-vous des attentes que je m’étais fixée toute seule et grâce auxquelles j’avais l’impression d’avoir trouvé ma place, au travail, dans ma vie affective, dans ma famille. Je ne me posais pas trop de questions, ou peut-être n’y prêtais-je pas attention, préférant écouter ce que les autres avaient à me dire au lieu de ce qui se passait dans ma tête.
Jusqu'au jour où tout a basculé. Sans prévenir personne, même pas moi, je me suis mise à porter un regard différent sur ce qui m’entourait et j’ai eu envie de tout quitter, à commencer par mon compagnon, de tout remettre à plat et de recommencer différemment. Ce qui était constitutif de ma vie est devenu soudainement l’incarnation du passé, d’un passé à laisser derrière soi, et vite.
Une nouvelle Anouk que je ne connaissais pas a pris place et beaucoup de choses ont changé à ce moment-là : je l’ai dit, je ne me posais pas trop de questions, mais j’ai commencé m’en poser des milliers, en permanence, sur tout, mes choix, mon passé, le sens de la vie ; d’une personne réservée et pas toujours facile d’accès je suis devenue beaucoup plus sociable, à aller vers les gens, à chercher du lien ; aimant auparavant rayonner avec parcimonie autour du 4ème arrondissement de Paris, jamais plus de 20 minutes en Velib’, je suis devenue ultra mobile, avec un désir fort de voyages et d’aventures.
Mon sommeil en a été immédiatement affecté. Au début, ces deux heures d’éveil nocturne me permettaient de rêvasser, d’écouter discrètement de la musique, d’imaginer les contours de cette nouvelle vie qui m’attendait, pendant que mon passé dormait paisiblement à côté de moi. Mais bien vite elles sont devenues le cadre idéal pour que mon anxiété nouvellement révélée puisse s’exprimer pleinement.
Alessandro et Gino m’ont offert récemment un ouvrage un peu mystique mais passionnant sur le sujet, Insomnia, qui résume très bien la chose : « A l’heure où il n’y a plus grand-chose à faire, à l’heure où le monde est inquiétant dans son silence, l’amas d’angoisses nous frappe avec une nouvelle intensité. »
Durant les 6 premiers mois, je me réveillais toutes les nuits. Réglée comme une horloge. Après 4 heures de sommeil un œil s’ouvre, dans la minute qui suit l’usine à questionnements et panique s’enclenche, on se tourne, on se retourne, on regarde son portable et après une heure trente environ le rythme cardiaque ralentit, on se rassure, on trouve des solutions à des problèmes qui n’en étaient pas, puis on se rendort. Quand on se réveille le lendemain matin, tout va mieux, on est une nouvelle personne et la vie est belle. J’ai ainsi appris à vivre avec deux heures de sommeil en moins toutes les nuits. J’en tirais presque une fierté malsaine lorsque je débarquais dans les bureaux grisâtres des grandes tours de la Défense. « Je suis capable de dérouler mon power point pendant deux heures en rdv client sans fatiguer une seule seconde, puis d’enchaîner une journée de boulot avec une soirée à picoler dans Paris ». Quel accomplissement !
Ma mère, qui ne sait pas faire de compliments, le formulait ainsi « Tu as l’air toute fraîche. On ne voit pas du tout que tu manques de sommeil. Tu n’as pas de chance, les gens ne doivent pas être indulgents avec toi du coup. »
On s’habitue à tout, même et surtout à l’inconfort, et peu à peu les nuits de huit heures et l’entrain du matin sont devenus un lointain souvenir, un attribut de l’ancienne Anouk. J’ai toutefois cherché des solutions : l’acupuncture, parce que l’effet avait été immédiat chez une de mes amies, qui s’est soldée de mon côté par un échec ; la mélatonine, ça marche un temps, mais le cerveau, plus fort, la rend petit à petit inefficace ; développer une routine du soir – recommandation d’un petit bouquin sur le sommeil offert par une autre amie -, peu concluant ; le yoga du soir, intenable. J’ai aussi essayé d’occuper ces deux heures de temps : faire le ménage, lire, évidemment passer des heures sur mon smartphone, travailler (je l’ai peu fait et j’en garde un souvenir atroce).
Au début de ma trentaine je me suis mise à mon compte et, le télé travail aidant aussi beaucoup, j’ai trouvé le moyen de rattraper au petit matin les heures perdues en pleine nuit, en me levant plus tard.
Cette ruse a permis de limiter le problème mais je continuais de rêver à un temps où le sommeil était synonyme de réconfort et pas un sujet problématique, sans pour autant faire grand-chose pour le résoudre.
Quand ma relation avec l’insomnie a fêté ses dix ans, j’ai décidé d’agir. J’ai décidé d’aller faire un séjour à la Clinique du sommeil.
Comme son nom l’indique, la Clinique du sommeil est un lieu médicalisé où l’on peut rester une ou deux nuits pendant lesquelles notre sommeil est observé et analysé. Le tout pris en charge par la sécurité sociale, pour peu que l’on s’arme de patience, car l’attente se compte en mois entre la première consultation chez son médecin traitant et le jour où l’on débarque avec son baluchon pour passer son séjour. Une modeste recherche Google m’a conduite à choisir le service sommeil de l’hôpital Jean Jaurès, dans le 19ème arrondissement, sobrement appelé « BioSerenity ».
Rendez-vous a été pris pour deux nuits en avril, un jeudi et un vendredi soir, le service n’étant pas accessible le week-end, ce qui m’a rendue indisponible pour le travail, m’obligeant à annoncer aux gens que je me faisais hospitaliser puis, face à leurs mines inquiètes, à leur révéler que j’allais faire analyser mon sommeil.
Avant cela, j’ai dû tenir un carnet de bord de mes nuits, soit noter mes heures de couchers et d’éveils nocturnes et matinaux pendant deux semaines, dans un tableau prévu à cet effet. Se sentant déjà observé, mon sommeil a réalisé ses plus belles performances, pour bien justifier ce passage à la clinique : une insomnie de deux heures par nuit, toutes les nuits pendant quinze jours. Quand j’ai fait mon entrée dans ce service quasi désert de l’hôpital, je n’en menais pas large, valises à la main et sous les yeux.
Mais tout de suite je suis très bien accueillie par les infirmières et les aides-soignants. On m’explique ce qui va se passer, on me demande d’enfiler mon pyjama, que je ne quitterai pas pendant deux jours, on installe tout un tas d’appareils sur mon corps et ma tête, maintenus par un filet blanc qui me donne une tête de télétubbies, ou de gland, au choix. On m’explique aussi les règles : le dîner est servi à 18h15, le petit déjeuner à 8h, le déjeuner à midi, réveil obligatoire à 7h30, interdit de quitter la chambre entre 19h et 7h le lendemain parce que je suis filmée. Je me sens un peu comme dans un EHPAD, ce qui n’est pas si désagréable en fin de compte.
Ma chambre est d’ailleurs très confortable, avec trois grandes fenêtres sans vis-à-vis qui me laissent entrevoir le ciel étonnamment bleu pour un début de printemps parisien.
En principe le séjour à la clinique se termine par une entrevue avec un médecin mais l’infirmière m’apprend qu’il n’y en a pas le samedi, donc dans mon cas, un médecin passera le vendredi en fin de matinée, soit le lendemain et je pourrai prendre un autre rendez-vous quelques semaines après pour un bilan global.
Ma première soirée se déroule dans la douceur, je fais une petite balade en pyjama et chaussons dans la courette de l’hôpital, je déguste un repas délicieux à 18h15 précises et je me prends des bouffées nostalgiques et des envies d’antan, en regardant Conte d’été d’Eric Rohmer, un film dans lequel Melvil Poupaud, à une époque sans smartphones, sans internet et sans contraintes, erre dans les dunes de Bretagne Nord avec tout un tas de filles.
La nuit qui suit est correcte, n’ayant pas grand-chose à faire je me couche tôt, je me réveille au bout de 6h, traîne sur mon téléphone, lit un peu et me rendors, jusqu’à ce que l’aide-soignante du matin vienne me tapoter le bras à 7h30, précises. Ces attentions permanentes et cette sensation d’être totalement prise en charge sont extrêmement agréables et me donnent le sentiment d’être en vacances.
« Tu es parti à Deauville ce week-end ? Moi j’étais à la Clinique du sommeil. »
Je suis tout de même pressée d’avoir la visite du médecin et je trépigne toute la matinée. Malheureusement il faudra attendre un peu après 14h pour que Gisèle, dont j’ai oublié le nom de famille, entre dans ma chambre. Elle me salue et reste debout, on sent qu’elle n’est pas là pour longtemps.
« - Alors alors, nous avons vos résultats ! Mais avant racontez-moi un peu, qu’est-ce qui vous amène ? me demande-t-elle.
Eh bien voilà, je fais des insomnies depuis dix ans, je me réveille la nuit plusieurs heures, j’ai essayé quelques trucs mais rien n’a marché.
D’accord, je vois sur vos tests que vous ne faites pas d’apnée du sommeil, vous n’avez pas non plus de syndrome des jambes sans repos. Vous ronflez un peu mais bon … sur le plan physiologique rien d’anormal. Vous savez pourquoi vous vous réveillez la nuit ? »
Merde, est-ce que je lui explique la rupture il y a dix ans, tout ça tout ça ? Ça sonne ridicule et ça sort ridicule quand j’essaie de l’expliquer. 
« - Bah euh, j’étais avec quelqu’un et je me suis séparée et donc euh …
Ça vous stresse ça ? Elle a un air moqueur, super.
Bah ça a été un petit choc et puis euh… mais je fais une thérapie aussi.
D’accord. Mais en ce moment vous êtes avec quelqu’un ?
Je me suis séparée de Vincent trois mois avant.
J’étais avec quelqu’un mais on n’est plus ensemble parce que c’était, parce qu’il était …
Compliqué ? Elle trouve le mot juste mais le prononce en frisant du nez, comme si elle disait « Ça sent le fromage ici. ». Le travaille aussi vous stresse ?
Euh … oui … aussi. »
Je la vois qui sourit, tourne la tête et presque se désespère.
« Mais vraiment je ne comprends pas pourquoi vous stressez comme ça ! »
Merci Gisèle, merci pour ce regard sans nuance et bien rationnel sur dix ans de ma vie que ni vous ni moi n’arrivons à résumer. Elle aimerait que je réponde là comme ça à une question qui a fait l’objet d’années de réflexions et d’analyse, qui a alimenté mille conversations, qui sera bientôt le sujet central d’une page Insta !
Eh beh … »
Voilà ma réponse.
Elle me demande ensuite quelles sont mes habitudes de sommeil, ce que je fais quand je me réveille la nuit. Très fièrement je réponds « Je lis ! », parce qu’il est hors de question que j’admette que je scroll sur les réseaux pour la voir m’engueuler.
« Ah mais ça ne va pas du tout ça ». Aïe.
Elle m’apprend alors que lorsque je suis dans mon lit je ne dois rien faire d’autre que « dormir et faire l’amour » sinon j’envoie un message à mon cerveau comme quoi le lit est un lieu d’éveil. Elle me conseille de patienter dans le noir et de faire des exercices de respiration quand je fais une insomnie, là aussi pour ne pas faire croire à mon cerveau qu’il est l’heure de se lever. Enfin, elle me suggère des thérapies comportementales de groupe organisées par un certain Réseau Morphée, avant de me tendre les résultats d’analyse de ma première nuit.
Bon bah voilà, encore 24h à passer à la clinique, à digérer cet échange qui a duré en tout et pour tout 15 minutes et à continuer de me faire assister comme une petite vieille par le personnel soignant, bien plus attentionné que les médecins, mais fallait-il le préciser ?
J’en profite pour consulter mes résultats, je ne comprends pas tout, mais je note que mon taux de sommeil profond s’est élevé à 50%, ce qui est deux fois plus que la normale. Peut-être ai-je besoin de moins d’heures de sommeil car celui-ci est très efficace ? Je note aussi que mon rythme cardiaque est très bas. Quand je suis éveillée et au repos, il atteint péniblement 57 battements par minute, soit d’après Internet le taux d’une personne âgée OU d’une sportive de haut niveau. Stylé.
Je dors très bien la deuxième nuit et me réveille avec un niveau de détente maximal. Je suis presque triste de quitter la clinique et de reprendre mes responsabilités. J’ai l’impression d’être une nouvelle personne et cette bonne humeur me suit pendant plusieurs jours.
Pour ce qui est du sommeil, je n’ai pas contacté le réseau Morphée et il est loin d��être parfait, mais j’ai quand même noté une nette diminution et même un raccourcissement de mes éveils nocturnes. Surtout, quand je me réveille la nuit, je ne panique plus, je me prélasse dans le noir et j’attends patiemment. Les insomnies en deviennent presque des moments agréables comme elles l’étaient au tout début.
Quant à savoir pourquoi une rupture a provoqué une telle tornade et pourquoi l’anxiété s’est installée ainsi dans ma vie, bref comme dirait Gisèle, pourquoi je « stresse comme ça » ? Ma foi, pour comprendre il va falloir continuer de lire La perditude des choses.
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laperditudedeschoses · 5 months
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La morsure de serpent
Quand le serpent a persuadé Adam et Eve de croquer le fruit défendu, leurs yeux se sont ouverts et ils ont pris conscience de leur nudité. Quand le serpent a mordu mon amie Sarah, elle a plongé dans le déni et cru que son petit ami était devenu un héros.
Cette histoire se passe dans la chaleur humide et étouffante de la lointaine Guyane, un territoire français mais si différent de la métropole, notre far west à nous, avec sa nature maîtresse et ses animaux sauvages. C’est là qu’a vécu pendant de nombreuses années la fameuse Sarah. Sarah et moi nous sommes connues il y a quelques années au Sénégal, lors d’un voyage haut en couleurs que je raconterai peut-être un jour. Au pays de la Teranga, nous avons vécu mille aventures et nous sommes liées d’amitié très vite. Il faut dire que Sarah possède ce je ne sais quoi qui me la rend attachante.
Déjà, elle est balance et coche l’intégralité des cases que j’ai évoquées dans mon billet sur l’astrologie.
Fille d’oranais s’étant installés à Bayonne dans les années 70, cette jeune femme dont les influences mêlent le raï, l’air chaud du Sahara, les férias et le jambon cru a su créer sa propre identité, grâce au soutien appuyé de la Direction des programmes de M6. Eh oui, tout comme moi, Sarah a été biberonnée aux séries des 90’s et elle a vu sa vie influencée par les intrigues des personnages auxquels elle s’est attachée durant son adolescence.
Très récemment, et je ne l’invente pas, elle m’a appris avoir quitté son compagnon après avoir binge watché l’intégralité des épisodes de Gilmore Girls et fait le triste constat que le malheureux ne serait jamais à la hauteur d’un Dean ou d’un Jess.
Et tout comme moi, une série en particulier a eu un impact considérable sur ses choix de vie : celle qui raconte l’histoire d’une femme ayant quitté Boston pour aller pratiquer la médecine seule dans un bled paumé du Colorado. Vous l’aurez reconnue, je parle bien sûr de Dr Quinn, femme médecin.
La petite Sarah s’est prise de passion pour cette héroïne qui montait à cheval parfaitement coiffée avec sa longue robe, recousait les plaies et défendait les minorités et quand est venu le moment de choisir sa voie, elle n’a pas hésité une seule seconde, elle serait sage-femme. Une fois son diplôme obtenu, elle a cherché son propre Colorado Springs et une offre d’emploi le lui a apporté sur un plateau : Grand-Santi, en Guyane.
Pour se rendre de Bayonne à Grand-Santi, il faut dans un premier temps prendre le train pour Paris, puis un avion pour Cayenne, puis un bus pour Saint-Laurent-du-Maroni, d’où l’on emprunte une pirogue, oui une pirogue, une embarcation de 4m de long et 1,5m de large, pendant 7 heures. Grand-Santi est un village de 300 habitants où Sarah se retrouve vite face à des situations cocasses qui n’arriveraient jamais dans le Sud-Ouest. Elle y fait ses armes pendant deux ans, avant de se rapprocher un peu de la civilisation en prenant un poste à l’hôpital de Saint-Laurent.
J’ai eu le loisir de rendre visite à Sarah à Saint-Laurent et je dois dire que d’une certaine manière, cette ville fait elle aussi penser à l’Ouest américain de la fin du 19ème siècle : rues quadrillées, maisons basses, coexistence de plusieurs communautés et sentiment légèrement anxiogène que la nature aura toujours le dessus.
Une bonne série ne peut se passer d’une bonne intrigue amoureuse et Michaela Quinn ne serait rien sans Byron Sully, cet homme mystérieux à cheveux longs qui vient d’on ne sait où mais vit parmi les amérindiens, porte des vestes à franges et lance des haches d’un air très inspiré.
La vie est très bien faite, car à Saint-Laurent, Sarah a trouvé son Sully. Infirmier travaillant dans le même hôpital qu’elle, cheveux longs, né d’une mère amérindienne et portant un prénom qui fait définitivement chavirer cette fan de Céline Dion : René.
La ressemblance s’arrêtera là, car dans la vraie vie, René n’est pas tout à fait comme Byron Sully. Un peu moins fidèle, un peu moins respectueux, il en vient vite à jouer avec les sentiments de ma petite Sarah et leur histoire devient une succession de déceptions, de rééditions puis de séparations.
Un jour qu’ils se disputent, René va fricoter avec une autre jeune femme mais revient rapidement vers Sarah pour lui prononcer ces quelques mots qui suffisent à relancer la machine « J’ai bien réfléchi et je le sais maintenant, c’est toi que je veux ». Elle lui ouvre de nouveau ses bras et son cœur et, pour fêter ça, ils partent à « la crique » passer l’après-midi. La crique est un endroit dans la forêt – la forêt tropicale de Guyane, pas Fontainebleau – où l’eau du fleuve est plus profonde et légèrement plus claire. Dans cet écrin de nature, Sarah fait une déclaration à René, elle lui affirme qu’elle est « heureuse » avec lui, même si à ce moment en réalité, elle a perdu confiance en elle et doute beaucoup. Quelqu’un a-t-il entendu ce mensonge dans la forêt ?
En rentrant vers la voiture, elle marche en tongs sur le chemin qu’elle connaît bien mais sent tout à coup une douleur lancinante dans son pied.
Elle pousse un hurlement et René se précipite à côté d’elle, l’écarte et lui crie « C’est un serpent ! C’est un Grage ! ».
Sarah connaît les Grages et les dangers causés par leur morsure. Au dispensaire de Grand-Santi, quand un patient mordu par un Grage arrivait, il était immédiatement transporté à Cayenne par hélicoptère. Mais sur le moment, le déni l’emporte et elle ne s’inquiète pas outre-mesure.
Sarah et René rentrent en voiture à Saint-Laurent et sur la route, il lui demande dix fois comment elle va et insiste pour passer aux urgences de l’hôpital. Sarah n’y voit pas grand intérêt mais accepte, presque pour lui faire plaisir. Mais quand elle descend de voiture, toute sa jambe commence à lui faire mal, à tel point qu’elle ne parvient plus à poser le pied par terre. René l’aide à marcher à cloche-pied jusqu’à l’hôpital. Lorsqu’elle arrive et informe ses collègues qu’elle a été mordue par un Grage, elle voit tout le monde paniquer. Elle ne comprend pas bien ce qui se passe et voit sa jambe et son pied doubler de volume, avec une douleur de plus en plus intense.
Elle est installée dans une chambre pour qu’on lui surélève la jambe – seule position « supportable » - et qu’on lui fasse des prises de sang. Une médecin qu’elle connaît bien vient la voir avec les résultats, en particulier son taux de prothrombine, dit « TP », qui indique le niveau de coagulation dans le sang. Le TP se situe entre 70 et 100% chez un patient en bonne santé. S’il est plus bas, le risque d’hémorragie interne est très élevé ce qui est extrêmement dangereux.
Son amie, un peu embarrassée, lui apprend que son taux est faible, sans lui en dire plus. Sarah insiste pour qu’elle soit plus précise et la médecin lui répond « En fait on n’arrive pas à le trouver ». Concrètement, il est tellement faible qu’il n’est pas perceptible dans les examens. La situation n’est pas grave, elle est catastrophique.
Sarah n’a plus droit de se nourrir normalement et passe en intra-veineuse. La douleur est toujours aussi insupportable et tout à coup, elle vomit du sang. Dans Dr Quinn, les gens qui vomissaient du sang passaient rapidement l’arme à gauche. D’ailleurs, la mère de Matthew, Colleen et Brian meurt dans le premier épisode parce qu’elle est mordue par un serpent ! Sarah prend enfin conscience de ce qui se passe et panique, elle va mourir, l’heure est venue. Elle appelle son grand frère en France, en pleurs, pour tout lui raconter. Il la rassure comme il peut, même s’il doit lui-même se trouver dans un état de panique après avoir entendu la nouvelle.
Quelques heures sont passées depuis son admission à l’hôpital, pendant lesquelles René est parti prévenir Mami, sa mère amérindienne, qui prépare une mixture à faire boire à Sarah. Quand il la lui présente, elle n’est pas très convaincue mais la boit, déjà parce qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire et ensuite parce qu’elle se doute que les amérindiens qui vivent sur ces terres au contact des Grages depuis des siècles savent sans doute y faire, et mieux que le personnel hospitalier, très dévoué mais un peu désemparé.
Les jours qui suivent, elle reste à l’hôpital. René s’arrange pour qu’elle occupe une chambre près du service de maternité, avec ses collègues les plus proches. On ne lui donne rien d’autre que de la morphine qui la fait vomir, lui offrant un choix cornélien entre douleur et nausées.
Au bout d’une semaine, son état ne s’est pas vraiment amélioré mais rester à l’hôpital ne change pas grand-chose. Elle veut rentrer chez elle et c’est alors que Byron Sully fait son apparition. René lui propose en effet de l’accueillir chez lui et la prend entièrement en charge pendant un mois. Elle peut à peine bouger et doit rester allongée le plus possible, alors il lui prépare à manger matin, midi et soir, reste à son chevet jusqu’à ce qu’elle s’endorme et lui fait sa toilette avec une bassine tous les jours.
Il fallait donc ça, la morsure d’un serpent, pour que le héros qui sommeillait en lui s’éveille enfin. Il fallait qu’il craigne de la perdre pour toujours pour que René soit prêt à se donner tout entier à Sarah, laissant de côté les enfantillages, enfilant sa veste à franges. Elle en remercierait presque ce Grage qui a contribué à sa manière à sceller leur amour.
Avec toute cette attention, son état s’améliore et Sarah tente de reprendre une vie normale, a minima de passer une journée debout. Les premières heures se passent bien mais quand arrive le soir, la douleur redémarre, sa jambe change de couleur, devient bleue/noire et elle est obligée de se rallonger. Elle voit alors dans le regard de René que ça y est, il en a marre.
Notre héros a tout donné pendant 30 jours, pas un de plus. La fête est terminée.
Dans les jours qui suivent, Mami, qui s’enquiert de l’état de Sarah, lui conseille d’aller voir un chamane – médecin traditionnel de la communauté amérindienne. Sarah demande son avis à une amie collègue ayant fait sa thèse sur les morsures de Grage et cette dernière lui conseille d’accepter.
Sarah se rend alors chez ce vieil amérindien, torse nu, un bras en moins, qui va la garder pendant deux longues heures. Il lui fait boire du rhum arrangé, une fois, deux fois, trois fois, la fait s’asseoir, se lever, se rasseoir puis se relever. Sa tête tourne, elle est au bord de l’évanouissement. Il regarde sa plaie et trouve un minuscule morceau de dent du Grage qu’il enlève, puis il prépare un bandage qu’il imbibe d’une solution à base de plantes et applique sur la plaie.
Il demande à Sarah de garder le bandage jusqu’à ce qu’il tombe et de le jeter ensuite dans le fleuve un soir de pleine lune.
Sarah quitte le chamane et sa jambe commence très rapidement à dégonfler. Lorsque le bandage tombe, elle le jette dans le fleuve et constate qu’elle va mieux. Elle marchera à l’aide d’une béquille encore quelques semaines puis sera complètement guérie.
René est redevenu celui d’avant morsure, avec ses qualités et ses défauts. Elle aimerait lui parler de ce moment où elle a vu dans son regard qu’il se lassait de jouer les gardes malades mais au moment où elle s’apprête à lui dire, il lui offre un petit bijou rapporté du Suriname où il a passé un week-end. Bon, ça ira pour cette fois, il est quand même mignon…
Avant cet événement, Sarah n’avait jamais vu de serpent dans la forêt guyanaise. Après cela, à chaque balade elle en a vu et elle se sent depuis plus connectée à la nature. Un an plus tard, elle a reçu une patiente qui avait perdu son bras suite à une morsure de Grage et elle a pris conscience de la chance qu’elle avait eue.
De mon côté j’ai fait des recherches sur les Grages et ne suis tombée que sur des articles parlant de telle ou telle personnes mortes suite à une morsure. Je me pose alors la question : pourquoi Sarah s’en est-elle sortie ? Était-ce la mixture fournie par Mami la première nuit ? L’intervention du chamane ? Ce serpent était-il un messager destiné à lui faire vivre un ascenseur émotionnel de plus avec René pour lui faire prendre conscience in fine qu’il n’y avait pas grand-chose à en tirer ? Peut-elle était-il tout simplement trop tôt pour que Sarah nous quitte, puisqu’elle devait me rencontrer un an plus tard sur le continent africain …
J’ai ma petite idée sur la question.
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laperditudedeschoses · 5 months
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Il y a de la fiction dans l’espace entre toi et moi
Le jour où mon moniteur d’auto-école m’a appris qu’il envisageait de quitter Paris pour Toulouse d’ici quelques mois et que dans l’heure qui a suivi j’ai commencé à nous imaginer main dans la main sur la place du Capitole, alors que je ne connais même pas son nom de famille, j’ai constaté que mon imagination était sans limites.
Quand le soir même mon amie Candice m’a parlé d’un mec avec qui elle discute sur Happ’n qui retape une maison dans le Morvan, avant de m’avouer qu’elle était à deux doigts de s’acheter des bottes en caoutchouc sur Vinted pour leurs futures balades en forêt, j’ai compris que nous étions en danger.
Roland Barthes a écrit un jour « ce que le public réclame, c’est l’image de la passion, non la passion elle-même ». Il ne devait pas avoir en tête le sujet que je vais aborder aujourd’hui, pourtant il en propose le meilleur résumé. Dans Mythologies il nous explique comment on construit un mythe et comment on finit par se penser à travers lui. Il s’intéresse à des mythes collectifs qui agissent comme des catalyseurs pour unifier un groupe ou une nation (le steak-frites, la DS), mais qu’en est-il des mythes individuels, ceux qu’on se crée tout seul dans sa tête ? Ceux qui agissent par exemple comme des catalyseurs de l’attachement ?
Le mythe, c’est une image qu’on projette, un récit qu’on construit, une histoire qu’on se raconte. C’est aussi un moyen très efficace de croire en l’amour, ou en la vie, même lorsque l’on a connu des déceptions. Ce qui est magique avec le mythe individuel c’est qu’il n’y a pas besoin d’engager toute une équipe de marketing pour le construire, l’usine à projections s’active d’elle-même dès qu’il nous arrive quelque chose : un entretien d’embauche et on se demande si la place qu’on occupera dans l’open space aura une vue sympa, la visite d’un appartement et on voit tout de suite où on installera le canapé, une rencontre (parfois un sourire !) et on espère déjà que nos amis vont l’aimer.
Et telle un suppôt du grand capital, cette usine ne se met jamais en grève.
J’ai déjà évoqué les huiles essentielles, le coaching ou le chamanisme pour leurs effets potentiels sur la confiance en soi, l’indécision ou la santé. Mais pourrait-on s’intéresser un instant au pouvoir de la projection et des effets euphorisants voire hallucinatoires qu’elle peut avoir sur notre psychisme ? Le biberonnage aux contes de fée et le matraquage d’Hollywood et de ses rom coms n’aident pas, mais leur attribuer la seule responsabilité pourrait nous conduire à penser que « se faire des films » est quelque chose de très féminin. Or croyez-moi, je connais des hommes qui se racontent tellement d’histoires qu’ils finissent par inventer des faits qui ne sont jamais produits.
« Juliette et moi on se tourne autour depuis un moment. On a fini par s’embrasser en fin de soirée quand tout le monde était parti. » La version de l’intéressée : « Ce baiser n’a jamais eu lieu. Roméo est très sympa mais c’est juste un bon pote ».
Quand on commence à se raconter des histoires, le plaisir que cela nous procure et la déconnexion avec le réel pourraient presque faire penser à l’effet d’une drogue. Et comme la drogue, la projection peut faire vivre des descentes très douloureuses : quand le rêve se confronte à la réalité.
Bien sûr ça m’est arrivé. Bien sûr je vais vous le raconter.
J’ai rencontré Charlie pour la première fois il y a environ huit ans, un soir de match de foot. Nous étions dans un bar de l’est parisien, chacun avec nos amis respectifs. Je n’ai aucun souvenir des équipes qui jouaient ce soir-là, encore moins du score final, mais je me souviens de l’audace dont j’avais fait preuve quand, après avoir repéré ce jeune homme, cheveux châtains et veste en cuir, qui m’avait l’air charmant, je l’avais « eye contacté » pour lui suggérer par télépathie de venir de parler. Il s’était exécuté, nous avions fait connaissance puis passé quelques moments ensemble les semaines suivantes, dans la légèreté et la chaleur estivale. Ça n’avait pas donné lieu à une grande histoire, mais nous ne nous étions pas quittés fâchés.
Deux ans plus tard, nous nous recroisons par hasard dans la rue et en profitons pour boire un verre. Nous sommes moins frais qu’à notre première rencontre. Le travail, l’hiver finissant et la fatigue nous ont un peu rabougris et je n’ai plus l’élan d’antan pour tenter un quelconque move. Une fois de plus, nous nous quittons en bons termes.
Mais l’univers remet Charlie sur ma route trois ans plus tard et dans des circonstances qui prêtent rapidement à interprétation : un mariage. Je ne suis pas une ayatollah du mariage et je ne sais même pas si je me marierai un jour mais dès que je me retrouve dans une cérémonie avec la belle robe blanche, l’entrée de la mariée, les discours et le champagne gratuit illimité, je deviens plus fragile. Je suis aussi très sensible aux rencontres par petites touches et rendez-vous manqués, alors quand je reconnais Charlie en costar gris qui fait la queue pour le foie gras poêlé, j’y vois immédiatement un signe du destin et je reprends une coupe de champ’ pour me donner l’assurance nécessaire à une approche efficace.
Charlie a l’air aussi surpris que moi et, j’ai l’impression, content de me recroiser. Nous discutons et nous apprenons mutuellement que nous sommes célibataires. Il me dit aussi vivre entre Paris et Lyon. Depuis le temps que je voulais aller dans un bouchon, ça tombe à pic ! Nous convenons de nous revoir deux semaines plus tard. Pendant cet interlude, l’usine à projections s’enclenche et va bon train. Quelle belle histoire, on pourra la raconter aux enfants… Jeanne Moreau chante dans ma tête (« On s’est connus, on s’est reconnus, on s’est perdus de vue, on s’est retrouvés, on s’est réchauffés »). Et cette vie à 100 à l’heure entre Paris et Lyon, je ne m’ennuierai jamais ! J’ai oublié de préciser que Charlie est juriste, comme trois personnes dans ma famille : tout est cohérent (oui j’ai pensé ça …).
Le fameux soir arrive, je me prépare, mets mon parfum préféré, je suis toute excitée. Il propose de passer me prendre chez moi et j’en profite pour lui offrir un premier verre à la maison. Dès qu’il arrive j’ai envie de l’emmener dans ma chambre, mais je me retiens car ça n’est pas du tout l’esprit de cette soirée, en tout cas de ce moment-là. Nous quittons donc l’appartement pour prendre un deuxième verre puis dîner dans mon quartier.
Au début ça se passe bien, nous discutons de choses légères, de choses sérieuses, rions et en apprenons un peu plus l’un sur l’autre. Plus la soirée avance et plus je me dis que j’aimerais passer la nuit avec lui, d’autant qu’il m’apprend qu’il prend un train le lendemain pour Lyon, ce qui ajoute de l’intensité (un baiser sur le quai de gare...). De son côté, les choses paraissent différentes. Plus le temps passe et plus je le sens préoccupé. Vers les 22h30, il regarde sa montre, devient nerveux. J’essaie d’en savoir plus et il m’explique qu’il doit rentrer chez lui pour nettoyer son appart avant de prendre son train demain. Wow, trop d’info tue l’info. C’est quoi cette histoire de ménage pas romantique pour un sou ?
On quitte le resto et j’espère qu’il me prenne la main, essaie de m’embrasser, me plaque contre un mur. De l’action, on veut de l’action ! Mais il ne fait rien et commence à ruminer ses histoires de ménage, de train tôt le matin et de « il faut que j’essaie de faire une nuit correcte parce que j’ai une grosse prez’ demain aprem ». Aux secours, il parle boulot maintenant. Je suis un peu fâchée et je m’attache à le lui faire savoir en lui demandant pourquoi il a pris un train aussi tôt, sous-entendu « sachant qu’on allait se voir la veille ».
Et là il se lance dans une tirade : « En fait ma carte grand voyageur est en phase de renouvellement mais elle n’est pas encore valide et j’avais pas fait gaffe et du coup je voulais pas prendre un billet trop cher parce que j’ai déjà trop de notes de frais ce mois-ci par rapport au plafond… ».
Oh Mon Dieu. La déclaration que j’attendais, le « Anouk, je suis vraiment content qu’on se soit recroisés à ce mariage et je crois que j’aimerais faire un bout de chemin avec toi » ou juste « Anouk, je te trouve très belle et j’ai très envie de t’embrasser » s’est transformée en gloubi boulga de problèmes SNCF et de processus administratifs. Comment est-ce possible ?
Ca c’est parce qu’il est juriste, c’est pas des gens funs, j’aurais dû m’en douter. Le mec au cuir d’il y a cinq ans est bien loin maintenant. On se quitte et il voit que je ne suis pas contente. Il me présente ses excuses et me dit qu’il va me rappeler à son retour de Lyon, dès qu’il aura l’esprit plus disponible.
Je rentre chez moi frustrée et énervée. J’entends la porte de mon immeuble qui claque. C’est lui, il revient ! J’entends des pas dans l’escalier, mais ils dépassent ma porte et montent un étage plus haut. Grrrr.
5 minutes plus tard, je reçois un message sur mon téléphone. C’est lui ! Il va me faire une déclaration, me dire qu’il veut me revoir !
A la place, voici texto ce qui est écrit : « La ligne 4 était fermée, je suis rentré en taxi finalement ! ».
Mais c’est quoi cette blague ???!!! Je m’en fous, je réponds pas. Je vais le punir, comme ils disent dans les vidéos de coach en amour.
Encore 5 minutes après, il m’appelle ! Ok je réponds, il veut me parler, ça y est, il a réfléchi, fuck le ménage, il va revenir chez moi avec son baluchon.
Je décroche « Allo ? ». « Anouk ? Excuse-moi de te déranger, j’ai pas oublié mes clefs chez toi par hasard ? ».
A ce moment précis, j’ai enterré pour toujours cette histoire dans ma tête, mais j’ai quand même été gentille et cherché les clefs dans mon salon en le gardant au bout du fil, jusqu’à ce qu’il les retrouve dans une petite poche de son sac. Il m’a de nouveau promis qu’il me recontacterait bientôt, avant de raccrocher.
Tant pis pour cette fois. Ça n’est pas l’histoire que je me suis racontée et, de fait, je ne sais pas trop si la réalité m’enchante tant que ça. Je n’ai jamais trop aimé Lyon d’ailleurs. Comme les fois précédentes, nos échanges finissent pas s’espacer et nous ne nous quittons pas fâchés.
Je rumine un peu en me demandant comment je pourrais essayer de moins me projeter à l’avenir. Et un jour que je me balade avec Léa aux Buttes Chaumont, nous évoquons le sujet parce que je suis déjà en train de recommencer avec un pote de pote avec qui il ne s’est encore rien passé. Me voyant me tourmenter et m’auto-flageller, Léa me demande : « Mais est-ce que c’est grave de se faire des films ? ».
Cette question suffit à balayer d’un revers de main des heures de réflexion, d’analyse et d’auto-coaching à se raisonner pour rester connectée à la réalité.
Non, ça n’est pas grave de se faire des films.
En plus, ça fait des histoires drôles à raconter …
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laperditudedeschoses · 6 months
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Comment apprendre à punir un homme
Ce billet aurait pu s’intituler Les plaisirs honteux. J’oserais même dire Les plaisirs coupables.
Tout le monde les pratique, ces activités qui nous font un bien fou mais qu’on ne peut avouer à personne. Commander un Macdo sur UberEats en envoyant valser nos principes diététiques, écologiques et sociaux et en payant 3 euros de plus juste pour ne pas avoir à sortir de son salon ; mener des fouilles archéologiques sur Facebook pour savoir ce qu’est devenue cette fille qu’on n’aimait pas trop au lycée ; exposer l’ordinateur du boulot aux pires attaques de malware en regardant les Kardashians sur des sites de streaming un peu louches.
Je me suis adonnée aux trois, mais je ne suis pas en reste car j’en ai ajouté une à ma panoplie il y a quelques temps : consulter des vidéos de coachs en amour.
Mon introduction à cet univers TRES riche s’est faite il y a quelques années quand deux de mes amies, qui ne se connaissaient pas, m’ont parlé au même moment de Jean Prout. Jean Prout – dont le nom a été modifié - est un coach qui propose toutes les semaines vidéos et podcasts pour aider les femmes à s’en sortir dans cette jungle qu’est la séduction. Plus précisément, il aide les femmes à « comprendre l’homme ». Dans le monde de Jean Prout, le mâle s’apprend comme une langue étrangère, avec son vocabulaire et ses règles de grammaire : certains mots sont interdits dans les conversations avant x semaines de relation, les messages envoyés ne doivent jamais faire une ligne de plus que ceux que l’on reçoit, si un homme nous plait, il faut le laisser nous aborder en premier, etc. Il propose aussi du contenu pour les hommes mais je m’y suis moins intéressée.
A la même époque, une autre amie, Soizic, que vous connaissez, avait offert à Isilda, que vous connaissez aussi, une bible américaine en la matière intitulée The Rules, qui partage également tout un tas de consignes à destination des femmes, toujours, pour trouver l’homme de sa vie et pouvoir enfin se marier, super.
Je considérais alors ces approches comme du développement personnel cheap, rétrograde et débilitant et je désespérais de voir mes amies, que je percevais comme des femmes fortes et intelligentes, compter les jours avant de répondre à un message parce que « Jean Prout, il a dit … » ou ne pas faire le premier pas dans une soirée parce que « dans The Rules, il y a écrit… ».
Comme pour Uber, comme pour Vincent, comme pour les slims il y a bien longtemps, le coaching en amour au début j’ai dit NON, jusqu’au jour où je suis tombée dedans.
Cette histoire se passe encore en période COVID, avec ses confinements, ses couvre-feux et ses doutes et je pense que ça n’est pas un hasard. A l’époque j’étais parvenue à développer une forme d’ingéniosité hors pair pour jouer avec les règles gouvernementales et échapper à la morosité pour conserver un semblant de vie normale. Le MacGyver de la pandémie. Ma plus grande fierté est d’avoir échappé à la grisaille parisienne et au couvre-feu à 18h en m’incrustant trois semaines complètes chez mon amie Miette, qui vit à Barcelone depuis plusieurs années.
J’ai vécu cette période comme un enchantement absolu. A peine arrivée, j’ai pris un café en terrasse pour la première fois en six mois, je me suis promenée dehors jusqu’à 22h parce que c’était permis, j’ai dégusté une paella en bord de mer par 25 degrés, en plein mois de février, et j’ai renoué avec des souvenirs de ma vingtaine, de l’Auberge Espagnole, des années Erasmus et de la vie pleine de promesses.
Malgré cela mon cœur n’était pas léger. Partir à Barcelone c’était aussi fuir une relation qui ne marchait pas à Paris, mettre de la distance pour se protéger ou pour essayer de se manquer et raviver la flamme. J’avais beau me réchauffer et reprendre des couleurs, étendue des heures durant sur les pelouses du parc de la Ciutadella, j’avais emmené avec moi sans le vouloir mes préoccupations et ma peur de voir cette histoire se terminer.
Le paroxysme a été atteint un soir où je buvais un verre avec Miette et ses collègues. Je discute avec Meryem, une jeune femme douce et très solaire qui vient d’Istanbul et vit en Espagne depuis deux ans. Je ne me souviens plus de la question exacte qu’elle me pose, pour savoir à quoi ressemble mon quotidien en France, quels sont mes projets ou s’enquérir de ma vie sentimentale, mais ce que je sais c’est qu’au moment de répondre, ma gorge se serre et un flot de larmes jaillit de mes yeux.
Catastrophe, je pleure devant une inconnue, je suis dans tous mes états comme une adolescente, incapable de me retenir et évidemment je suis obligée de lui expliquer pourquoi donc me voilà qui lui raconte tous mes tourments. Meryem est adorable, elle me réconforte et parle de sa propre histoire d’amour, qui a connu des moments difficiles mais a fini par rebondir et dure depuis des années maintenant.
Après cet événement fort embarrassant, je décide que ça suffit, je vais me reprendre en main. Je ne peux pas continuer comme ça, me morfondre et passer à côté des bons moments, m’inquiéter sans cesse quand je n’ai pas de prise sur les événements. Ça n’est plus un secret, ma plateforme favorite, c’est Youtube, je m’y rends donc pour chercher de l’aide avec une requête très sérieusement formulée « Comment faire quand on a peur de perdre quelqu’un ? ».
Et c’est là que je tombe sur sa page. Je regrette de ne pas pouvoir donner son vrai nom parce qu’encore aujourd’hui j’ai envie de le recommander à celles et ceux qui cherchent des conseils en amour ou qui ont juste besoin d’entendre une voix apaisante. Je l’appellerai Jésus, même si physiquement il n’a rien à voir avec le fils de Dieu. Grand, brun, ultra baraque parce qu’il fait de la muscu (il en parle dans une de ses vidéos), il se dit coach en amour depuis 2007 et vit aux States, parce que c’était son « rêve » et que « dans la vie, il faut tout faire pour réaliser ses rêves ». Les titres de ses vidéos sont très concrets « Le secret pour rendre un homme fou de vous », « Pour le faire s’engager, utilisez cette astuce », « Si vous manquez de confiance en soi, ceci est la solution ».
Leur contenu est un joyeux bordel qui mixe développement personnel, neurosciences, psychologie abrégée, clichés sur les hommes, « les chasseurs », et renvois vers des vidéo payantes dans lesquels il approfondit ses méthodes, notamment la technique du push and pull, qu’on traduit par le « fuis-moi je te suis ». Pourtant je n’y peux rien, son timbre de voix, le « Mesdames » réconfortant par lequel il commence ses vidéos, sa vision du monde et des relations, si simple, tout me rassure et je me lance dans un vidéothon sur sa chaîne, qui est extrêmement fournie.
Miette passe près de moi au moment où je regarde une séquence dans laquelle il explique comment lutter contre ses complexes en allant tout simplement régler les problèmes qui en sont à l’origine.
« Ah bah merci, il est sympa lui !». Elle commence à l’imiter « Vous vous trouvez moche ? Faites de la chirurgie esthétique. Vous êtes grosse ? Faites un régime ». Je pars dans un fou rire incontrôlable et remercie Jésus et Miette intérieurement parce qu’ils me redonnent le sourire.
Après cela, j’ai tout de même continué de regarder ses vidéos et pendant de nombreux mois. Pas uniquement pour me tranquilliser sur le moment mais aussi pour essayer de mettre en pratiques quelques conseils prodigués, notamment ceux de la vidéo « Comment apprendre à punir un homme » car oui, elle existe.
En voici quelques extraits : « Les hommes aujourd’hui, c’est comme des enfants », ok, pas faux, « si vous avez un enfant, vous l’aimez de tout votre cœur, mais vous ne le laissez pas faire tout ce qu’il veut, avec les hommes c’est pareil ». Bien sûr !
« Quand vous voulez punir un homme, on ne peut pas lui parler et être dans la communication ouverte parce que ça nous met en demande, on lui donne de l’attention. Si vous voulez punir un homme il faut mettre de la distance ». Ok donc si je suis énervée après lui, je ne lui dis rien, je ne réponds plus à ses messages. Ça me paraît pas très mature mais au moins je sais faire.
« Ensuite, on ne l’attaque pas en tant que personne car ça vous met en porte-à-faux, on va lui dire « Ça ne me fait plus vibrer » et pas « Tu ne me fais plus vibrer » ». Très bien, prochaine discussion, je lui dis « ça ne me fait plus vibrer ». Il va être bien puni.
« Enfin on attend qu’il y ait des excuses et les premières actions de changement, c’est très important d’avoir les mots ET les actes ».
J’ai obtenu des excuses. Je n’ai malheureusement obtenu aucun changement. Et comme les slims, comme Vincent et bientôt je l’espère comme Uber, un jour, j’ai arrêté de regarder les vidéos de Jésus.
La semaine dernière j’étais de retour à Barcelone. Après tout ce temps je me suis demandée comment j’avais pu me mettre dans des états pareils pour si peu, prendre le risque de ne pas vivre pleinement les moments passés là-bas, profiter de la mer, du beau temps et de la Sagrada Familia. Et fait amusant, j’ai revu Meryem, qui m’a annoncé qu’elle avait mis fin à sa longue relation, parce qu’elle avait besoin d’évoluer, de se réinventer.
Parce que oui, Messieurs, c’est CA les femmes : des putain de rock stars qui ne prennent rien pour acquis, qui sont prêtes à tout remettre en question, y compris elle-même, pour toujours aller chercher le meilleur, qui peuvent écouter des heures de vidéos à la con et se plier en huit pour qu’une relation marche et qui ont bien compris que la vie, c’est comme une paella, y a pas que le riz, y a aussi les fruits de mer et même le poulet, voire le chorizo.
Dans le train du retour j’ai réécouté quelques vidéos de Jésus pour m’aider à dormir, ça a marché du tonnerre.
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laperditudedeschoses · 6 months
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La puissance de la musique
La musique, c’est la vie. La musique c’est ma vie.
Compagne de fortune ou d’infortune, elle est toujours un peu là, présente à tous les instants et colorant notre quotidien. Un(e) ami(e) sort sa guitare et la soirée se transforme, un morceau électro démarre et les conversations d’experts suivent :
-         Mmmh, ce beat est un régal !
-          Ah ouais ? Moi je le trouve trop mou.
La musique a beaucoup plus de pouvoirs qu’on ne l’imagine. Marchez dans la rue en écoutant Staying Alive des BeeGees et vous avez le sentiment que le monde vous appartient ; écoutez Dire Straits et vous avez l’impression d’être un daron. Quand Maurice entre dans le bistrot et que la radio envoie le premier « Destinée » de Guy Marchand, vous ne voyez plus le même homme.
La musique connecte les gens. Parfois on écoute une chanson dans le métro et on croirait que cet autre passager qui secoue la tête écoute la même, dans une synchronicité parfaite. La musique permet de s’échapper quand la réalité est trop agressive. C’est aussi un ancrage mémoriel. On écoute Tryo et on se revoit à l’aube de l’an 2000, la tête pleine de rêves, de paix et de plantations.
Mais parfois la musique est aussi un messager. On écoute les paroles d’une chanson et c’est comme si l’interprète connaissait notre situation et s’adressait à nous, rien qu’à nous. L’histoire que je vais raconter en est la preuve par trois.
Août 2014. Cet été-là, les cigales ne chantent pas. Dans des décors de rêve – une petite île paradisiaque de l’Atlantique, la forêt landaise, la campagne toscane – je vis un enfer. L’enfer a un visage : de grands yeux bleus d’une profondeur telle qu’on y plonge facilement, jusqu’à se noyer ; de belles boucles blondes de bébé cadum. L’enfer a un prénom, que je tairai, par respect peut-être. L’enfer a surtout une personnalité qu’on croirait merveilleuse au départ, qui nous enveloppe et nous emmène loin dans son baluchon plein de promesses, puis qui tout à coup nous pique discrètement à petits coups de couteaux, de plus en plus profonds, jusqu’à nous réduire en tous petits morceaux qu’on mettra un temps infini à recoller.
Il y a l’enfer et puis il y a moi. Moi qui suis là et qui vis cela, moi qui reste dans cette tempête. Sainte parmi les saints, moi qui m’observe presque d’ailleurs, dans un étrange exercice de dissociation, me faire hurler dessus, rabaisser, parfois menacer, voire secouer, bien sûr quand tout le monde a le dos tourné. Moi qui le regarde faire le beau devant les autres et qui me sens d’une certaine manière flattée parce qu’il « a besoin de moi ». Moi qui suis habitée du matin au soir par une formule, un motto d’empathie hérité de l’histoire, de la culture judéo-chrétienne et de ma mère : « le pauvre ! ». Et oui, l’enfer a eu une enfance difficile avec une mère atroce, il semble donc normal que je lui serve d’exutoire.
C’est cette mère à qui nous allons rendre visite dans le Sud-Ouest, parce qu’il dit la détester et s'est engueulé avec elle récemment, mais il adore nous avoir toutes les deux réunies à ses côtés. C’est une visite surprise alors, de crainte qu’elle ne nous ouvre pas et qu'elle appelle la police, je vois mon ange démoniaque escalader la barrière pour entrer dans son jardin et m'inviter à faire de même, dans une scène de film dans laquelle je ne me reconnais pas mais où je joue mon plus beau rôle de femme forte, douce et digne, endimanchée dans ma robe noire. Une Pietà comme Michel-Ange ne l’aurait jamais imaginée.
Mais avant cela, nous avons dû prendre un bus de Bordeaux. Depuis le réveil, depuis la veille, depuis toujours en fait, il me pourrit. Je suis trop lente, je ne souris pas assez, je regarde trop ailleurs, je n’ai rien d’intéressant à dire, et par un tour de passe-passe, sans doute parce que je suis grignotée par la culpabilité qu’il a façonnée dans mon esprit, je me retrouve à porter l’intégralité de nos affaires, en courant derrière lui qui a les mains vides et qui me crie dessus.
Cette relation m’a appris que mon seuil de tolérance à la maltraitance est très élevé, mais aussi qu'il y a une limite que même un beau blond torturé ne me fera pas franchir : je DETESTE porter des choses lourdes. Je suis ce qu’on appelle « la petite dernière » et depuis ma plus tendre enfance ma mère s’est toujours assurée que mes petits bras mignons ne soient jamais trop encombrés pendant nos voyages, en répartissant les charges entre elle et mes sœurs.
Lui les mains vides et moi le dos courbé, cette injustice est trop forte, cette histoire ne mène nulle part. Je suis prête, je vais l’abandonner là tout de suite avec sa tête de con ! Je le suis tout de même dans le bus parce qu’avant de faire le grand saut, j’ai besoin d’un plan. Mais quand je pénètre dans l’habitacle, quelque chose se passe.
La radio est branchée, Nostalgie est programmée et c’est là que je l’entends.
Après une courte introduction au violon qui suspend l’instant, Jacques Brel qui me susurre calmement mais intensément « Ne me quitte pas ». Tout à coup il n’y a que lui et moi. Lui c’est Jacques bien sûr. Le piano est doux et pénétrant et tout à coup je m’aperçois que les paroles racontent notre histoire, à l’enfer et à moi :
Oublier ces heures qui tuaient parfois
Je te parlerai de ces amants-là qui ont vu deux fois leurs cœurs s'embraser
Il est, paraît-il des terres brûlées donnant plus de blé qu'un meilleur avril
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, NE ME QUITTE PAS.
C’est dingue ! Est-ce que quelqu’un nous regarde ? Est-ce que le chauffeur a deviné que je veux partir ? Est-ce que le type qui a conçu la playlist de Nostalgie qui tourne en boucle depuis vingt ans savait que ce jour arriverait, que je prendrais ce bus ?
Au même moment, l’enfer me lance son regard de chien battu, de petit garçon perdu qui ne sait plus qui il est, qui, dans cette nuée, redevient l’être inoffensif qui a besoin de moi. Est-il conscient de ce qui se passe ? A-t-il lu dans mes pensées ?
J’essaie de me calmer, m’assieds sur mon siège et ris intérieurement de ce moment que je me promets de raconter un jour dans un roman, un film ou une bd. Quand la chanson s’arrête enfin, c’est Gainsbourg qui intervient : « Je suis venu te dire que je m’en vais ».
Mais c’est pas possible !!! Ce morceau que j’aime plus que tout prend un tout autre sens. Les esprits de Jacques et Serge sont-ils venus dans ce bus exprès pour moi ? Jacques serait l’enfer et je serais Serge ? Ou peut-être que toutes les chansons parlent de rupture … Je ne sais toujours pas quoi faire mais je profite de ces airs pour m’extraire de ce que je suis en train de vivre et c’est déjà beaucoup, un moment de respiration dans le cyclone.
Ça a pris du temps, mais j’ai fini par quitter l’enfer et depuis je porte une attention toute particulière aux paroles des chansons que j’écoute. The promise I made was to love myself de Cleo Sol me rappelle mes priorités dans la vie, Lovely day de Bill Withers me met de bonne humeur pour la journée, Agadou, dou, dou pousse l'ananas et mouds l'café bah … elle est entraînante, faut l’admettre.
Et il y en a tant d’autres…
On peut choisir d’utiliser la musique comme un oracle ou tout simplement comme une présence réconfortante qui stimule nos émotions à bon escient. Ce n’est pas l’enfer qui avait besoin de moi, c’est moi qui ai besoin de la musique et elle, elle sera toujours là.
Et surtout n’oubliez pas : si un jour vous vous retrouvez à porter toutes les affaires face à quelqu’un qui a les mains vides et vous accuse de ne rien faire, fuyez, vous êtes manipulé(e) !!!
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