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#immeuble agf
trapezerevue · 8 years
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Un mur-rideau prismatique
par Aurore Dudevant texte, Philippe Zulaica photos
Nota : ce texte a été initialement publié en 2010, quelques mois avant la démolition du bâtiment.
A Reims, au 11 boulevard de la Paix, à l’angle de la rue Piper, les architectes Noël Le Maresquier et Pierre-Paul Heckly ont construit en 1969 un immeuble de bureaux pour le compte des Assurances Générales de France (AGF). Promis à la démolition au premier semestre 2010 [1], il nous parait intéressant de regarder d’un peu plus près cet édifice avant sa disparition.
« le bâtiment se présente, en plan, sous la forme de 3 blocs de 41,80 x 24,20 mètres reliés entre eux par 2 noyaux techniques de 12,10 x 20,90 mètres sur 5 niveaux sur rez-de-chaussée et 2 en sous-sol » [2]. Initialement prévu en deux tranches, seule la première sera réalisée.
Au niveau du piéton, le travail du socle du bâtiment vient marquer une urbanité forte tout en l’ancrant à la rue. Le rez-de-chaussée, en légère surhauteur par rapport à la rue, est plus grand que les étages. Il vient s’implanter à l’alignement de la contre-allée du boulevard et en léger retrait de la rue Piper. Le volume des étages est quant à lui, en retrait de 3 à 4 mètres par rapport à ce socle. Le rez-de-chaussée accueille un hall, 3 ascenseurs, une salle de conférence, une salle pour le courrier, une pour le standard et un grand “espace fonctionnel” (open space) orienté sur le boulevard de la Paix. Depuis la contre-allée, on pénètre dans cet espace après avoir franchi un profond proche. Conçu comme un creux dans la façade, ce porche offre ombre et abris aux visiteurs, au personnel mais aussi aux passants car il est totalement ouvert et accessible aux piétons. A l’angle de la rue Piper, le socle est en retrait d’environ 2,50 mètres du domaine public. Cet espace est planté et constitue une transition végétale douce entre le bâtiment et la rue. Cet ancrage urbain, plutôt réussi, est à souligner.
Fidèle aux modes constructifs des années 70, le bâtiment propose des noyaux techniques en béton banché et des blocs dont « les étages ne seront pas cloisonnés et formeront espaces fonctionnels » [3] en charpente métallique et façade mur-rideau, autrement dit en préfabrication légère.
« La charpente métallique est composée de poteaux, de poutres et de planchers mixtes à poutrelles métalliques et dalles pleines en béton armé de 8 cm d’épaisseur. […] Les façades des étages présentent des potelets en aluminium anodisé tous les 1,65 mètre. » Quant à la façade mur-rideau proprement dite elle se compose d’« allèges en murs préfabriqués fixes […] et de châssis en aluminium fixes et basculants [4]”. Les allèges fixes étaient initialement prévues en panneaux de marbre à l’extérieur. Elles ont été finalement réalisées en tôles d’aluminium anodisé.
C’est le travail plastique des fenêtres qui retient le plus l’attention, en effet, elles ne sont pas toutes dans le même plan, mais organisées en « quinconces ». Inclinées alternativement à 30° ou 150° environ par rapport au plan de la façade, elles donnent un rythme, impriment un mouvement à ce volume. Le vitrage réfléchissant orangé vient apporter une variation supplémentaire à l’ensemble. La teinte utilisée rappelle la brique de la Villa Douce toute proche (au numéro 9) [5] ou des autres constructions du quartier. Le fait que ces vitrages soient plus ou moins en retrait du nu extérieur de la façade et fortement colorés, crée des ombres et des reflets toujours présents sur la façade, même par temps couvert.
Cependant, malgré ce travail “moderne”, les façades conservent des éléments de composition classique : travail du socle et étages courants. La façade principale est symétrique, le porche d’entrée figurant dans l’axe central. Le plus frappant est cet élément vertical en tôle pliée ajouté sur les façades. Probablement sans rôle structurel, cet élément, tel un pilastre semi-encastré, rappelle un “ordre” qui serait appliqué sur les mur-rideaux. Il vient marquer une verticalité, qui contrebalance l’horizontalité forte des allèges et la “masse” du volume des 5 étages. Sous cet ordre “monumental”, vient prendre place une trame de petits raidisseurs décoratifs, ils impriment un dynamisme supplémentaire à la façade.
En 1972, également pour le compte des AGF, les architectes Le Maresquier et Heckly ont construit la tour Mirabeau en front de Seine à Paris. Ce qui frappe en premier à la comparaison de ces deux édifices est la reprise du travail des baies de façon prismatique. La tour Mirabeau présente en effet des bandeaux vitrés aux fenêtres posées en oblique par rapport au plan de la façade et des allèges fixes en marbre. A Paris, les éléments de composition classique ont totalement disparu, au profit d’une abstraction complète du dessin. Seules les variations des bandeaux vitrés, qui alternent d’un étage à l’autre, viennent animer la façade. Bien évidement, l’échelle et le contexte urbain des deux édifices sont totalement différents : environ 18 étages à Paris, R+5 à Reims, plan en “trident” contre “bloc rectangulaire”, quartier d’affaire issu d’une opération d’urbanisme de grande ampleur (une vingtaine de tours à Paris) contre un projet devant s’intégrer à un tissu urbain mêlant Villa Art Déco, immeubles classiques et grand Boulevard.
L’immeuble AFG, souvent perçu comme un accident architectural dans le quartier, présente pourtant des qualités esthétiques et urbaines. En tout cas, il est le témoin du travail constant des architectes sur la forme et servi peut-être de banc d’essai avant la mise en œuvre de la tour Mirabeau. Témoin aussi d’une autre époque, fortement soutenu par le maire au moment de sa construction (le projet était vu comme vecteur d’emplois pour la ville), il va disparaitre aujourd’hui dans l’indifférence générale.
[1] article du journal l’Union du 5 septembre 2009 - [2] [3] [4] notice explicative du permis de construire
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