Tumgik
#en plus j'avais oublié mon ordi
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avant-hier, j’avais ma fête de noël du travail qui avait été très bien organisée la vieille d’une immense journée de travail, je suis actuellement une LARVE
après être allée me coucher à 1h du matin, j’ai du me réveiller à 6h10 car il fallait que je saute dans la douche, que je me lave les cheveux, maquille,.... avant d’aller à l’autre bout de la ville pour retrouver la direction de ma boîte 
les métros ne marchaient pas, mon taxi n’arrivait pas assez vite, j’avais une gueule de bois pas possible, j’ai fini en devant marcher 20 minutes en talons, et à 8h pile j’étais dans une chambre d’hôtel avec un ministre et son staff pour écouter mon patron jusqu’à ce qu’à un moment mon patron annonce que “Sophie here can present the technical aspects of the project right now.” ah! 
après une présentation réussie qui m’a valu un clin d’oeil, je passais ensuite la journée à être l’“entourage” de la PDG d’une multinationale avec qui on travaille. j’ai paniqué et je lui ai fait un café alors qu’elle n’en boit pas et je l’ai perdu pendant ma pause toilette 
puis le midi, pendant le lunch, j’ai continué ma tournée gouvernementale et c’est le secrétaire d’État d’un autre pays qui est venu à ma table et !! il m’a reconnu d’une réunion qu’on avait eu!!! il voulait me demander si mon organisation avait un rapport que je connais à peine, je lui ai répondu “of course, I will send you around next week.” ce rapport n’existe pas, mais j’ai maintenant une semaine pour l’écrire. 
après avoir résolu une crise pour le taxi de ma protégée du jour qui devait repartir à l’aéroport, je suis rentrée à mon bureau où un collègue m’a trainé à un restaurant de ramen où on est resté pendant 3h 
je ne rêve maintenant que de dormir pendant les 3 prochains jours
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perduedansmatete · 6 months
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du coup résumé week-end pour me souvenir après partiel baclé car envie de boire on a bu dans un bar type sciences po paris avec des chandelles mais ça c'était après avoir descendu des bières pas chères avec tia qu'on a rejoint des gens du master à qui j'ai jamais trop parlé mais que j'aimais de loin et on a bien accroché on s'est fait grave des déclarations j'ai bien aimé ensuite on s'est montré nos tests bdsm pour je ne sais quelle raison et ils et elles m'ont encore plus aimé parce que vraiment j'avais oublié tous les 100% que j'avais et surtout ma crush du tout premier jour qui est une bordelaise/la rochelle qui a plus qu'aimé mes résultats sachant que je l'aime déjà car elle est magnifique et que j'adore ces deux villes ensuite on a joué avec le feu des chandelles littéralement et c'est là que je me suis fait cette horrible cloque qui ne veut pas partir ensuite on est allés dans un autre bar j'ai bu un truc dégueu et on a joué aux cartes puis on est allées rejoindre l'ami platonique avec tia dans mon bar sauf qu'on est arrivées en retard l'ami platonique était énervé et méchant tia l'a détesté je commençais à pleurer donc on est parties on a discuté sur les quais très longtemps on voulait manger mais il était trop tard donc on est rentrées chez elle je devais dormir dans sa chambre et elle dans le salon mais après les quinze aller retours qu'elle a fait dans sa chambre et vu l'état dans lequel j'étais (j'essayais de faire genre tout va mieux) elle m'a dit "ça va ?" j'ai dis oui mais c'était non et je lui ai demandé si elle pouvait me refaire des câlins et si on pouvait dormir ensemble dans son lit une place, elle m'a dit on est d'accord rien de sexuel car on s'était avoué avant sur les quais qu'on se plaisait et j'ai dit non mais en fait après je voulais donc au final oui et c'était très sympa donc finalement si ça me rassure je peux encore coucher avec de nouvelles personnes sans avoir l'impression qu'il y a un truc qui cloche et que je suis folle bref on avait l'impression d'être dans la serre tropicale du jardin des plantes tellement il faisait chaud et je passe des détails juste je l'aime beaucoup et on a bien rigolé et ça me gênait les bruits qu'on faisait et que des choses faisaient sachant qu'on était chez ses darons mais bon ensuite samedi je suis allée chez ma sœur et son mec nous a fait un repas délicieux comme toujours on a beaucoup bu comme toujours et on a regardé une série de merde mais avec les fesses de julien doré avant qu'il me file ses antidépresseurs (le mec de ma sœur, pas julien doré) puis j'ai dormi presque toute la journée de dimanche et le soir on s'est retrouvés dans un bar de vieux punks c'était nul puis génial et j'ai adoré quand j'ai dis à un des chanteurs d'un groupe que je pouvais pas donner plus que dix centimes et un grigri il nous a laissé passer en disant allez laissez passer les jeunes ils ont pas de thunes et elle avec son grigri puis j'ai adoré son concert et là je suis allée en cours pour rien car j'avais un ordi chargé à 6% un tipp-ex acheté vendredi et rien pour écrire, j'ai montré l'évolution de ma cloque aux gens dont romane la bordelaise qui m'a redis que j'étais trop belle et que ma tenue l'était aussi puis on a attendu qu'il soit l'heure pour boire avec tia et on s'est baladées avant d'aller au magasin dr martens pour qu'elle m'achète des trucs pour mes chevilles qui tiennent pas car j'ai encore failli me péter la gueule trois fois aujourd'hui
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Le Bain
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Mardi 24 mars
J'ai paniqué.
Moi, qui ai refusé de toucher le RSA 5 mois et qui tremblait en faisant mon inscription, entourée de ma mère et de ma sœur perplexes face à mes pleurs, leur expliquant que je ne voulais
pas
avoir de compte à rendre au gouvernement
j'ai failli m'inscrire sur le site qui demandait des travailleurs aux champs.
Mon dieu, mais vous avez vu la gueule de cette phrase sur mon écran ?
Là, sur ma table que j'ai enfin aménagé en bureau après avoir passé huit jours recroquevillée sur mon lit devant un ordi mal installé, entre mon verre de vin rouge que je sirote très lentement et mon joint que je fume à peine, moi, qui vais faire un rituel de nouvelle lune quand elle se sentira assez remise de ses émotions, moi
écrire
« j'ai failli m'inscrire sur le site qui demandait des travailleurs aux champs. »
Déjà si on m'avait dit c'est une phrase pour une dystopie qui se déroule en 2020 j'aurais fait MDR frère sérieusement, y'a eu la bombe nucléaire et on est retournés au fucking Moyen-Âge ?
« bah y'a toutes les travailleuses au black qui viennent pas du coup ils flippent... »
(S., au téléphone, quand elle me parlait de pénurie et que j'ai répondu « mais une pénurie de quoi ? »)
Le truc pue au delà de toute mesure.
Mais hier j'ai passé la journée à pleurer car j'enviais les personnes confinées à la campagne, hier j'ai promis aux monts d'Ardèche et à la Drôme derrière que j'irais vivre en elles dès que tout cela serait terminé, hier j'ai lu la biographie du Facteur Cheval pour m'inspirer, ce matin je vais sur Twog, le référencement des tweets drôles et ma principale source de news sur la pandémie mondiale, et je vois passer plusieurs tweets a-hu-ris avec un lien pour le site « Des bras pour ton assiette ».
Et moi
avec ma hantise viscérale du tutoiement employé par des instances gouvernementales,
j'ai sauté dessus.
Je regarde les offres : je vois : cueillette des fraises à Épinouze (j'ai une relation symbolique haute avec le mot Spina et ses dérivés), à une vingtaine de minutes en voiture de Hauterives, là où se situe le Palais Idéal.
Je m'inscrit. Le site me dit félicitations, vous allez recevoir un mail. Je rafraichis frénétiquement ma boîte, que dalle.
Je regarde le trajet Hauterives-Épinouze en vélo, 50 minutes, parfait.
Je regarde le site d'Épinouze : ils ont fermé les parcs, tout est fermé.
Je regarde la page Wikipédia d'Épinouze : 1561 habitants.
« nan mais Johnny vas y pas tu vas te retrouver dans une de ces grandes fermes industrielles sans voir le jour dans des petites villes dégueulasses... »
(S., au téléphone. Je vous ai dit que S. vient de la Drôme, et qu'elle fréquente de nombreuses saisonnières ? Je vous ai dit que moi mon dernier job c'était au service recouvrement d'une banque parce que ma cousine y travaille, et que je suis allée que deux fois dans la Drôme, pour aller voir le Palais Idéal ?)
Je rafraichis ma boîte mail. Pas de réponse.
Je vais sur facebook et je raconte ma vie à qui veut bien l'entendre :
« mais là en vrai je me suis inscrite sur le site qui cherche des agriculteurs
sauf que le site me ghoste
l'envie me vient de faire du vélo et de pas rester chez moi et davoir une raison de faire du vélo
et si le gouvernemnt arrete de me ghoster je pars cueillir des fraises dans la drome »
« hahaha johnny tu vas partir au kolkhoze omg
adieu mon pote » (L., sur Messenger)
« C de la poudre aux yeux ce truc
Si ça se trouve ils font juste de la pub pour faire genre ils se soucient des agriculteurs » (E., sur Messenger)
Finalement je reçois la réponse, il faut cliquer sur le lien pour finaliser l'inscription. Je ne clique pas. J'ai peur.
Pas du kholkoze, pas du gouvernement, non j'ai juste toujours eu peur de l'engagement en général, sauf avec les relations amoureuses, enfin, si on part du principe que le chewing-gum s'engage avec la chaussure qui lui tombe dessus.
C'est rassurant d'ailleurs de voir que le confinement ne me change pas intrinsèquement, et que je continue malgré tout de faire des trucs que j'ai toujours fait, comme rester toute la journée le cul vissé sur facebook, ne sortir que pour faire les courses, ne pas dépasser un rayon d'un kilomètre à pieds, avoir peur de la situation écologique et politique mondiale, tous ces petits trésors du quotidien qui font que je suis moi.
L'après midi passe, vers 19h je sors chercher ma lessive chez C., je marche un peu, je suis de très bonne humeur depuis ce matin, car j'ai tiré le Huit de Deniers, une des description de cette carte de Tarot c'est littéralement, « le paradis sur terre », alors ça m'a fait pensé à la chanson que j'ai découvert dans l'émission de S. hier, « Heaven is a place on Earth », la version de Virus Incorporation.
La radio est fermée, mais ils ont un studio mobile.
S. est quand même partie faire son émission à la frontale, parce que S. est une rebelle.
On est un peu comme les Super Nanas, elle est Rebelle la casse-cou qui pète des gueules, et moi je suis Bulle, celle qui a peur dans le noir.
C'est S. qui m'a fait plonger dans le Tygre underground, c'est grâce à elle que je navigue dans ces eaux où je me sens souvent comme un poisson rouge dans un lagon, un animal domestique au milieu d'une rivière.
Le confinement de S. et de pleins d'autres poissons est souterrain.
Le gouvernement a détourné le flot de nos vies, pour le rediriger dans un canal long bétonné et gris.
Nous sommes le Rhône – le fleuve de Tygre – à qui on a arraché ses alluvions, ses sorties en terres sauvages, à qui on a enlevé le côté organique pour en faire un simple canal à marchandise.
Nous sommes le fleuve, mais de nombreux poissons creusent
des galeries
des arêtes pourraient on dire
pour ne pas finir en squelettes vivants
et les poissons jaillissent et font circuler de minces filets, minces mais là, tant qu'il faudra.
Plein de personnes n'ont pas attendu le confinement pour mener un  mode de vie contraire à ce qu'impose le gouvernement.
Je n'ai jamais trouvé légitime nombreuses des règles « d'avant », mais je m'y pliais par crainte.
Maintenant...maintenant que je me sens
comme un poisson seul dans son bocal
je réalise que je ne peux pas en sortir
parce que dans Babe je suis un mouton
parce que je suis
trop bien éduquée
que sur moi j'ai la
main de ma maman
qui m'a donné la vie et passée la sienne en fonctionnaire, à constater le manque de fonds publics sans jamais oublier de voter à droite.
ma maman, 68 ans, qui le dimanche d'avant le confinement m'a envoyé « ai accompli mon devoir d'assesseur et d'électeur puis suis allée cueillir des jonquilles »
j'ai sa main là tout autour de mon corps comme un câlin gênant
une éducation à avoir peur
j'ai peur de tout je suis une bulle qui va exploser elle m'a expliqué ma maman
qui quand je lui demandais comment savoir ce qui est bien et mal me disait d'écouter à l'école, alors j'écoute l'école, j'apprends que ce qui est bien c'est d'être contre les méchants et comment savoir qui est méchant maman ma maman me dit
pour savoir qui est méchant écoute l'école écoute la télé écoute les livres que te donnent tes parents
plus tard mes amies sont des « mauvaises fréquentations »
elle refusera que j'aille les voir, elle refuse que je lise certains livres, que je sorte, que je fume, que j'ai des relations sexuelles, et moi comme j'ai un ennemi direct j'entrave son autorité dès que je peux, pas frontalement,
discrètement
à la frontale.
Moi aussi j'étais Rebelle dans les Supernanas avant mes dix-huit ans, puis, en sortant du lycée, j'ai explosé.
Dix ans je me suis confinée. La dépression, un meilleur maton que ma maman.
Dix ans je n'ai pas fait de vélo. Je haïssais les cyclistes. Depuis que j'ai commencé y'a un mois et demi, j'ai beaucoup réfléchis à l'homophobie.
En temps que nouvelle cycliste, je peux leur dire, aux homophobes, que cette bite dans le cul et cette chatte dans la bouche, t'en as peur parce que ça va te faire tellement kiffer que tu seras prête à t'engager pour Macron pour pouvoir continuer à avoir ta dose.
J'étais confinée depuis la sortie du lycée
mais la drogue m'a sauvée, S. m'a sauvée, mes amies m'ont sauvée, les concerts m'ont sauvée, les discussions politiques m'ont sauvée, les livres prêtés les films matés ensemble m'ont sauvée, n'empêche que je n'ai
jamais falsifié de papier
jamais fraudé les transports, excepté le métro en de rares occasions où je me chie tellement dessus que je préfère payer 2 euros plutôt que d'être aussi mal physiquement
jamais réussi à voler dans un magasin, même quand je m'aperçois que j'ai oublié un truc au fond de mon sac et que personne me demande rien je le sors
jamais menti à une figure d'autorité
toujours été
paranoïaque et über prudente
sauf là
quand j'ai paniqué
quand je me suis jetée dans la gueule d'un loup à qui je ne fais pas confiance
simplement pour ne pas passer le printemps enfermée en ville, sans pouvoir me poser dehors
pour ne pas naviguer dans ce canal long et gris
pour faire fermer sa gueule à la johnny en moi qui me dit
ça va être comme ça tout le temps maintenant
« nan ça sera pas comme ça tout le temps Johnny, t'inquiète... et puis je sais pas ça pue leur histoire, genre ils disent que c'est pour que les personnes genre dans la restauration qui ne peuvent pas travailler maintenant se rendent utiles, mais ça veut dire quoi, ça veut dire on te sucre ton chômage technique si t'y va pas ? »
S., au téléphone, résonne les johnnies en moi.
S. est mon ex. On s'est rencontrées quand j'avais 21 ans et elle 19. Aujourd'hui j'en ai 28. On s'était pas parlé depuis onze mois. Le confinement a réussi ce truc improbable : on est amies.
J'ai pensé à elle en rentrant avec ma lessive de bonne humeur, la dernière chose qu'elle m'a dit hier soir quand je l'ai appelée c'est :
« J'ai un peu la gerbe, je sais pas si c'est la bière... Je pense pas que c'est le corona, on vit à beaucoup, les autres l'auraient eu en même temps que moi... »
Je décide de prendre des nouvelles, un truc comme « coucou, comment tu vas petit chat ? ».
Ma main empoigne le portable en même temps qu'il vibre. Je viens de recevoir
« coucou, comment tu vas petit chat ? » de la part de S. Je l'appelle.
Elle a passé la nuit à faire des cauchemars et à avoir de la fièvre, mais elle pense toujours pas que c'est le corona. Les petits chats peuvent pas l'avoir, de toute façon.
Je me mets à lui raconter ma journée avec un sourire dans la voix, en l’appelant j'étais anxieuse car je sais
que c'est complètement con de s'engager dans l'armée des champs de Macron
et durant six ans de relation j'ai caché plein de choses à S. pour qu'elle ne se rende pas compte
que je suis complètement conne.
Je lui dit que si je suis de si bonne humeur par rapport à hier où je disais « je veux crever » à tout bout de champs avec une voix sérieuse, c'est parce que j'ai écouté « Heaven is a place on Earth » de Virus Incorporation en boucle ce matin, parce que j'avais tiré le Huit de Deniers en plus.
La johnny la plus vicieuse et vocale dans ma tête part du principe que S. va me trouver complètement conne si je lui explique que je tire une carte par jour qui me donne le ton de la journée. Mais aujourd'hui grâce à la thérapie et à ma volonté je sais me dire que S. ne me juge pas du Tarot, vu qu'elle me voit le tirer depuis qu’elle me connait, et qu'elle adore la sorcellerie.
Et que le Tarot c'est rien comparé à ce que je n'ai pas envie de lui dire
parce que je veux pas qu'elle me juge
mais que je veux lui dire
parce que j'ai besoin d'en parler à quelqu'un que je peux pas prendre cette décision entre une johnny paniquée et une johnny qui fait que me traiter de conne.
Je lui dis.
Elle est choquée, elle me dit d'absolument pas le faire, elle me dit tout ce que je cite depuis le début de ce texte.
Elle connait la réalité des terrains, Pole Emploi, la Drôme, les saisons, l'agriculture intensive, être enchainée au gouvernement, travailler pour être exploitée, en l'écoutant je réalise que j'aurais pu durant ces six années lui exposer mes vérités et qu'elle m'aurait répondu comme elle le fait maintenant, avec raison, sans m'engueuler, juste en s'inquiétant pour moi.
Je lui dit que j'ai regardé les trains pour Valence.
« Ah nan mais surtout pas Valence, y'a un couvre-feu là-bas, c'est les pires fachos Johnny... »
Après j'ai les larmes aux yeux et j'écourte la conversation en lui expliquant qu'avec mes amies on a décidé de faire un rituel de magie pour la nouvelle lune. Je lui explique que c'est en Bélier et en mars un mardi alors ça va nous apprendre à renaître plus combatives.
Elle trouve ça trop cool.
« Ouais voilà je m'engage dans l'armée des champs et après je fais des rituels de magie pour que ça s'améliore... je suis vraiment conne bref je vais prendre mon bain ! »
et je raccroche.
J'explose en sanglots, car je sais que je ne cliquerais pas sur lien, je sais que je resterais encore en ville,
encore un vingt-neuvième printemps en ville,
mais sans les parcs, sans les quais, sans le bus.
Je pleure car je suis perdue. Je ne suis jamais allée nulle part et maintenant que je ne peux plus j'en prends l'ampleur.
Je pleure car je sais que si j'avais été sincère avec S., durant tout ce putain de temps trop long de notre relation, ça m'aurait fait un bien fou.
Et que je me le suis refusé parce que je me déteste.
Et que chaque jour passé à me refuser du bien m'a fait me détester un peu plus, et que les jours ne reviendront pas.
Je pleure parce que par respect pour S., pour mes amies, ma sœur et ma maman, je ne me tuerais pas, ce qui ne me laisse comme autre choix que de continuer à vivre ma vie de merde avec mes choix de merde et toute la douleur de merde que je me suis infligée.
Et puis je lève la tête, je me sers le fond de pinard qui reste d'hier soir, je commence à écrire ce texte, je procrastine sur facebook et puis j'y plonge.
C'est une erreur de débutante que de dire que je suis conne si je compte faire de la magie ce soir.
Il est 21h53, je vis dans la dystopie où je réalise que j'ai jamais vécu la vie que j'aurais voulu parce que je sais pas laquelle c'est parce que je vis dans ma bulle complètement explosée et que je n'ai qu'une expérience limitée par mes quatre murs du monde et maintenant que c'est littéralement le cas je suis, non ne fais pas ce jeu de mots Johnny,
une con finie.
Mais la magie n'est pas que s'envelopper de « care » tout le temps, parfois il faut se faire la guerre.
Or ce soir,  pour la nouvelle lune, le care vaincra la guerre.
Le care sera revalorisé et la guerre délaissée.
Les hôpitaux vont avoir des milliards débloqués et les drones vont brutalement se casser.
Ce soir pour la nouvelle lune nous mettons
hors d'état de nuire
l'État qui nuit.
Ce texte est un bain. Pour le moment les sensations ne sont pas agréables. Comme l'eau froide qui vivifie me terrifie. Ce soir je ne suis pas prête, mais je n'ai pas le choix.
J'ai supprimé le mail dans ma boîte.
Les bougies attendent. Les fleurs que je n'ai pas osé jetées depuis 2016 car elles me rappellent un excellent souvenir d'un truc fugace attendent.
Mes compositions de choses cassées et flétries, ma petite pierre tombale attendent.
Ce soir c'est une renaissance, et j'espère bien qu'une des arcanes de mon tirage
n'aura pas de nom
que je puisse me renommer
en ce que bon me semble
quand le printemps viendra de nouveau.
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devonis · 5 years
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Chapitre 5: Par Lui
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Rayan
Ce que j'aimais le samedi matin en salle des professeurs, c'était qu'il n'y avait jamais trop de monde. Je devais assurer trois heures de cours ce matin, et savoir que la première heure était souvent la plus exécrable, j'appréciai ne pas avoir à supporter les commérages de mes collègues. Dit comme ça, je ressemble à un ours… Vraiment, j'avais du mal à les cerner dans cet établissement. Je me demandai comment cela se passait dans la salle des professeurs des autres bâtiments, mais ici, ils étaient soit tous pompeux, soit pet-sec. Cela ne faisait pas d'eux de mauvaises personnes, mais j'avais simplement beaucoup de mal à dialoguer avec.
Soudain, l'on vint frapper trois coups à notre porte. Un élève demanda l'accès à la salle pour pouvoir déposer un document dans le casier d'un de ses professeurs. Derrière lui, se trouva une de mes collègues qui patientait pour entrer. Intimidé, l'étudiant se décala pour la laisser passer.
-Faut pas avoir peur, on ne va pas vous manger ! rit-elle en incitant l'étudiant à faire ce pourquoi il était venu ici.
-On lui a dit, renchérit un autre collègue, installé à une table dans le fond de la salle.
-Ah, ces premières années ! soupira l'autre en refaisant son chignon : là-dessus, c'est plus facile d'interagir avec les Masters, quoi que, dès la L3 ils ont un peu plus de personnalité.
-Il faut laisser le temps au temps, Marine !
Du coin de l'œil, j'examinai l'étudiant qui peinait à trouver le bon casier parmi tous ceux encastrés au mur. Sûrement à cause des commentaires de mes collègues, il s'était mis à rougir comme une pivoine et ses gestes parurent bien nerveux. Ils savent qu'il doit tout juste sortir du lycée… me dis-je en m'approchant de l'étudiant. Je vins tapoter sur la porte du bon casier pour lui indiquer où il devait déposer ses documents. Il me remercia, et ne perdit pas de temps pour tout déposer et s'en aller à la hâte !
-Ce n'est pas en leur tenant la main qu'ils vont grandir, hein ! pesta ma collègue qui prit en main sa cup de thé. Je reconnus le logo sur le carton. C'est le café où travail Tallulah…
-T'as jamais eu besoin d'un coup de main ? rétorquai-je, dans un soupir excédé.
Levant les yeux au ciel, Marine me sourit narquoisement avant d'ajouter :
-Chacun sa manière de procéder. Ils sont en faculté, ils doivent apprendre à se débrouiller. S'ils ne sont déjà pas capables de venir en salle des profs pour déposer un devoir ou n'importe quoi d'autre, qu'est-ce que ça doit être pour un rendez-vous administratif !
-Si chez toi l'organisation et l'assurance sont innées, tant mieux, pour d'autres, il leurs faut de l'expérience et du temps. Nous sommes leurs professeurs, on doit autant être présents pour eux par rapport à l'enseignement pour les soucis qu'ils peuvent rencontrer pendant leur scolarité. PPE ça te parle ?
-Ah, Rayan marque un point ! pouffa l'autre en se retournant vers nous : on doit les accompagner du mieux qu'on peut dans leur vie au sein de la fac.
-Oh, bah excusez-moi, la prochaine fois je prendrai rendez-vous pour savoir à quelle heure je dois les border ! s'indigna ma collègue en jetant sa cup vide à la poubelle.
-T'exagères pas un peu là ? Surtout ne songe pas à superviser un étudiant de Master pour son mémoire, c'est bien trop de temps à lui consacrer qui l'empêcher de murir ! lâchai-je un peu avec dédain avant de quitter la salle.
Je soupirai avec le désagréable sentiment que ce samedi n'allait pas être terrible. Repensant à la cup en carton, je remarquai que beaucoup de mes collègues s'arrêtaient prendre leur petit-déjeuner là-bas. Puis, ma conversation de la veille au soir avec ma cadette et sa proposition de m'offrir un verre. Le soir où je l'eus aidé à ranger le café, c'était également un samedi. Peut-être pourrai-je y aller de nouveau ce soir, mais plus tôt, afin de ne pas tomber à l'heure de fermeture ? Cette idée me redonna un brin de sourire et ce fut avec cette idée réconfortante que j'assurai mes cours.
Même si ma collègue Marine et moi nous étions évités tout le long du repas, l'ambiance resta agréable en salle des profs du réfectoire, et les discutions furent plus légères que ce matin. Certains semblaient aussi emballés que les étudiants vis-à-vis de la compétition de surf qui approchait.
-Nos élèves se sont bien classés au premier tour, on en quatre encore en lice ! s'enjoua l'un des coachs qui participait à l'organisation du tournoi.
-Ce qui intéresse surtout les étudiants, c'est la soirée au bungalow juste après, haha !
-J'irai sûrement y faire un tour moi aussi, tiens. (Ma collègue me toisa) Et toi Rayan, tu vas y aller ?
Avalant ma bouchée, je secouai la tête puis dis :
-Honnêtement je ne sais pas encore. Les examens approchent, il y a encore beaucoup de choses à préparer…
Elle me donna une tape amicale dans le dos.
-Détends-toi un peu, t'es le plus jeune d'entre nous, ça doit bien te chatouiller un peu d'aller à ce genre d'évènement !
Mes collègues se mirent à rire et j'esquissai un sourire en coin. Miss Paltry, qui venait d'arriver ajouta :
-Ah parce que nous autres on est trop vieux pour aimer faire la fête ? railla-t-elle avec sarcasme : Meh, je prends les paris qu'il y en aura plus d'un autour de cette table qui auront la gueule de bois le dimanche qui suit la soirée !
-On est démasqué…honte sur nous !
Le fou rire fut général et tout le monde profita de cette bonne humeur pour s'inviter les uns les autres à la soirée du week-end prochain. Je préférai refuser les invitations pour le moment, n'étant même pas certain d'avoir le temps d'y aller, d'autant plus je n'étais pas très friand des plages… Quoi qu'aller danser me tente bien, m'avouai-je en mon for intérieur. M'installant dans un amphithéâtre inoccupé, je me remis à organiser mes cours en plus de la planification d'un prochain contrôle continu. Avec les prochains débats qui vont s'enchaîner ils devront être prêts pour cette date. Les heures passèrent et je me retrouvai prêt à imprimer le sujet du prochain devoir. Je ne pris que ma mallette où j'eus mis ordinateur portable et quelques manuels et laissai le reste de mes affaires sur le bureau dans l'intention d'y revenir plus tard et je me rendis à la BU.
Je passai devant la table où se trouvait une de mes étudiantes. Oh mais c'est…
-Bonjour Monsieur, me sourit Chani tandis que je m'approchai d'elle.
-Bonjour à vous, je vois qu'on révise dur.
-C'est-à-dire qu'avec le mémoire et les examens qui approchent, faut trouver le temps de s'organiser pour ne pas décrocher d'un coup. (Elle secoua la tête, presque stupéfaite) Je me demande comment Tallulah fait pour gérer entre les cours et son job.
-Vous travailliez ensemble ? ne pus-je m'empêcher de demander.
-Oh, oui elle est…
Chani se tourna sur son siège en cherchant son amie du regard.
-… volatilisée ! Je sais qu'elle avait besoin d'un manuel d'art moderne et contemporain, elle était partie en chercher un comme elle a oublié le sien.
-Ah, eh bien si ça peut l'aider…(Je sortis mon propre manuel) Dites-lui qu'elle peut l'utiliser, je dois faire des photocopies je serais juste dans l'arrière salle.
Je posai le livre et remarquai une page word ouverte sur l'écran d'un ordinateur allumé sur la table. Curieux par les travaux de mes élèves, je commençai à y jeter un coup d'œil et demandai si c'étaient les recherches de Chani.
-Pas du tout, ce sont celles de Tallulah. (Elle désigna les classeurs ouverts autour de l'ordi) C'est sacrément lourd comme recherches, mais on sent que ça lui tient à cœur. Je ne me serais jamais douté, elle qui est si réservée, de s'intéresser autant aux droits et à la protection des artistes dans le monde entier.
Ce fut plus fort que moi, mais je me mis à scruter les différentes pages de recherches que je défilai sur l'écran. Je vis différentes problématiques qui comportaient des annotations écrites en différentes couleurs, critiquant ce qui fonctionnait ou non dans la formulation ou l'analyse. « Est-ce seulement possible d'imposer des limites à l'Art ? » « L'Art peut-il être jugé ? » « L'Art est-il affranchi de toute loi ? » « L'Art, coupable de révolter les esprits ? » « La société peut-elle punir l'Artiste ? » « L'Art, victime ou coupable d'obscurantisme moderne ? »
Je remarquai un bon nombre de documentations au sujet de procès de grands auteurs des deux derniers siècles à nos jours. Puis, je vis la photo d'une vieille dame, une auteure, exilée de son pays et réfugiée au Québec depuis un certain nombre d'années maintenant. Je compris, au fil de ma lecture, que son mémoire était construit autour de l'expérience de cette artiste.
-Curieux ? souligna Chani qui me toisait du coin de l'œil.
Me rendant compte de ce que j'étais en train de faire, je me redressai vivement en sentant mes joues prendre feu.
-Si je peux me permettre, reprit-elle un peu hésitante : Tallulah appréciera plus en parler avec vous plutôt de savoir que vous lisez ses recherches dans son dos…
-B-Bien sûr, je suis entièrement de votre avis et je m'excuserai auprès d'elle lorsque nous nous verrons.
-Oh, je peux aller voir ce qu'elle fait si vous voulez ?
Je refusai poliment. Je me souvenais encore de ma conversation de la veille avec elle, et je ne sus si j'allais être capable d'agir calmement en la voyant maintenant. Surtout pas après avoir épié ses recherches…
Saluant mon étudiante, je partis donc faire mes photocopies dans l'arrière salle. Mon portable se mit à sonner alors que je n'avais pas encore branché mon ordi à l'imprimante. Leigh ?
-Allô ?
« Bonjour Rayan, tout va bien, je te dérange pas ? »
Je fixai l'imprimante.
-Hmm, non, je faisais des photocopies pour mon prochain cours, rien de bien passionnant. Et toi ça va ? Un souci ?
« Oh ! Non, non je vais très bien ! (J'entendis une voix féminine derrière lui) On…va très bien. »
-Haha, bonjour à Rosalya, souris-je en enclenchant les premières vagues d'impression.
« Voilà, Rosa et moi, on aimerait t'inviter à la soirée qui se déroule au Bungalow après la compétition de surf, samedi prochain. T'es libre ? On va fêter la grossesse de Rosalya d'abord en privé, avec toi et deux autres amis à nous. Pour l'instant vous êtes les seuls au courant. D'autres personnes risquent de nous rejoindre plus tard, mais on aura largement le temps de passer un moment entre nous cinq. »
Si les propositions de mes collègues ne m'eurent guère emballé, je me sentais bien plus d'attaque à faire la fête avec Leigh. Je songeai à mon travail… Si je gère bien la semaine prochaine, je peux me permettre une soirée quand même !
-Rosalya sait que je suis un professeur de sa fac, m'inquiétai-je subitement : t-tu lui as dit que j'étais au courant pour vous ?
« Oui, m'assura-t-il d'une voix plutôt réconfortante : ne t'en fais pas, elle ne l'a pas mal pris elle était même plutôt rassurée que j'ai quelqu'un à qui en parler. »
-Je garde ça pour moi, ne vous en faites pas…
« Haha, je me doute bien ! Mais tu sais, dans quelques mois tout le monde le saura ! Mais je te remercie pour tout Rayan »
Je souris. Enfin, il se fana lorsque je constatai qu'il me manquait un document à imprimer. Le portable d'une main, et mes copies dans l'autre, je me dépatouillai comme je pus pour tout rassembler et repartir en direction de l'amphi où j'eus laissé le reste de mes affaires.
-Je viens. Rétorquai-je enfin à mon ami : donne-moi juste l'heure et notre point de rendez-vous.
« On aimerait s'installer au Bungalow pour dix-huit heures, on se rejoint tous là-bas, ça te convient ? »
-C'est parfait, Leigh. Merci pour l'invitation ! m'enjouai-je sincèrement.
« Mais c'est qu'on va se reconvertir fleuristes à force de se lancer des fleurs ! On se voit dans la semaine quand même ? »
-Bien sûr, allez, à plus.
« A plus tard. »
Bon, ce Samedi n'était pas si mauvais que ça finalement. Et ce fabuleux regain de bonne humeur m'incita d'autant plus à prendre les devants et passer faire un tour au café pour passer du temps avec Tallulah. Le rapport dans tout cela était mince, mais passer du temps avec un personne qu'on appréciait était toujours agréable… Pour une fois, je regardai l'écran de mon téléphone sans regretter de ne pas vouloir tenir ma promesse. Je n'y peux rien Dana, c'est plus fort que moi j'ai envie de voir Tallulah. J'espérai juste que cela ne termine pas comme à l'époque.
Dans un élan de courage, je voulus changer mon fond d'écran mais l'on m'interpella depuis l'entrée de l'amphi. Je stoppai mon geste et rangeai mon portable dans ma mallette pour voir mon assistante dévaler les marches
-Mélody ? Que faites-vous là ? l'interrogeai-je, réellement surpris.
-Je passai en salle des professeurs pour savoir si vous aviez besoin d'un coup de main dans l'organisation de votre planning aux vues des examens qui approchent, et justement, le responsable administratif m'a chargé de vous donner ça. (Elle me tendit deux feuilles agrafées en coin l'une à l'autre) ça y est, le planning des examens est tombé.
-Je vous remercie, c'est très gentil de me l'avoir apporté. M-mais comment saviez-vous où j'étais ?
-Oh, j'ai l'habitude de vous voir travailler dans cet amphi, alors…
Hochant la tête d'un air entendu, je préférai ne pas relever ceci. J'examinai en silence les dates pour lesquelles j'allais être de surveillance, ou de juge pour les oraux. Ah, je suis également de correction pour cette matière…
-Ah, je vois que travailliez sur nos prochains contrôles ! Un coup de main pour les polycopiés ?
Je fis volteface et l'arrêtai tout de suite.
-Mélody, reposez ça s'il vous plaît, dis-je en essayant de ne pas me montrer trop sec. Je l'ai assez houspillée pour sa conduite de la dernière fois.
-P-pardon, je ne voulais rien déranger.
Je secouai la tête, et sourit gentiment.
-Vous ne dérangez rien, mais je ne peux pas vous laissez vous occuper de ça. Ce sont des contrôles pour toute votre classe, y compris vous Mélody. Je dois me montrer impartial, et même si j'ai confiance en votre bonne foi, je ne peux vous laisser organiser les contrôles continues au risque que vous ayez de l'avance sur vos camarades vis-à-vis du sujet.
-O-oui, je n'y avais pas songé… répliqua-t-elle, semblant nerveuse. Elle se tordit les doigts en abaissant son visage rougit.
Ai-je été trop dur ? Je ne savais plus vraiment comment parler avec mon assistante. Soit elle en faisait beaucoup trop, au point de me remplacer en tant que professeur, soit elle s'effaçait en se braquant subitement. Cela me laissait toujours confus. Je devrais peut-être en parler avec Tallulah, elle connait Melody depuis plus longtemps que moi… me dis-je en me massant la nuque.
-Je vous remercie de m'avoir apporté cela, mais pourquoi ne pas profiter de votre week-end pour vous reposer un peu ?
-Et l'organisation de votre planning ? Ça, je peux m'en occuper, je peux-
-Je veux vous voir vous détendre, Mélody. (Je ris) Vous, on ne pourra jamais vous reprocher de mal assister un professeur.
Elle me sourit en lissant les plis de son manteau.
-Bon d'accord, je vais vous laisser dans ce cas. Mais n'hésitez pas à m'envoyer un mail en cas de besoin.
J'opinai du chef, et la saluai poliment. Une fois seul, je soupirai longuement avant de me retourner vers tout le travail qui me restait à faire. Après avoir organisé mon planning avec celui des examens je me remis à trier les contrôles que j'eus préparé et me souvins qu'il me manquait un document pour terminer les photocopies. Je pris tout dans ma mallette cette fois et repartis à la BU. Le temps que les impressions ne sortent, je jetai un coup dans la salle d'étude où j'eus croisé Chani avec une Tallulah cachée dans les rayons, mais je constatai qu'elles n'étaient plus là. Je restai un moment à la fac pour terminer mon travail et envoyer des mails pour prévenir de la date du prochain contrôle. Le soleil déclinait à l'horizon, et je décidai que j'avais suffisamment travailler en ce Samedi.
Bon, je vais la voir ou pas ? Tapotant nerveusement sur la table, je pris une profonde inspiration en entamant un compte à rebours silencieux dans ma tête…Il fallait que je me décide. Etais-je prêt à jouer cartes sur table avec Tallulah, ou bien devais-je poursuivre de jouer celle de la prudence et nous éviter une éventuelle catastrophe émotionnelle ? Je ne veux pas qu'elle rate son année à cause de mes conneries…
Je resongeai à son sourire. Après quoi, je bufflai d'exaspération face à ma faiblesse et pris le chemin pour le Cosy Bear Café. Et il y avait déjà beaucoup de monde. Je reconnus même quelques collègues enseignant dans les bâtiments voisins. Trouvant qu'il faisait un peu trop froid en terrasse je m'engouffrai à l'intérieur. Mais je n'eus à peine le temps de pousser la porte qu'on me l'ouvrit en grand pour me laisser entrer et me saluer avec entrain et chaleur.
-Bonsoir Monsieur ! Merci d'avoir choisi le Cosy Bear Café p- Oh…
Visiblement surprise de me voir, Tallulah se tut mais ne perdit pas pour autant son éclatant sourire. Peut-être disait-elle au revoir à son amie, car je vis Chani qui semblait sur le point de quitter le café.
-Re-bonsoir Mademoiselle, lui dis-je avec le sourire. Elle me répondit tout pareil et lorsque je voulus saluer mon autre cadette, je fus interrompu par des remerciements qui me rendirent très confus. Oh, elle parle du manuel.
Mon cœur fit un bon dans ma poitrine alors que son visage s'illuminait. Ses tâches de rousseurs qui parsemaient tout son visage et sûrement le reste de son corps… semblaient plus sombres sous la lumière artificielle du café, tout comme ses yeux bruns qui frôlaient le noir. Seules les petites tâches bleue et grise à son iris gauche scintillaient sous le jour.
Chani chuchota quelques mots à son amie avant de sortir. Tallulah sembla soudainement plus tendue et je l'interrogeai du regard avant qu'elle ne me demande où je désirai m'installer. Aurai-je dû lui prévenir que je passai la voir ? Mais comment… ? Mettant son semblant de malaise sur le compte de la surprise, je lui indiquai qu'au comptoir, je serai très bien.
Aussitôt, elle me demanda ce que je désirai boire sans même me regarder. Mon engouement de tantôt redescendait peu à peu, quelque chose n'allait visiblement pas chez ma cadette et j'ignorai complètement ce que c'était. Je n'ai quand même pas mal compris, elle voulait bien qu'on se voit au café, non ? J'essayai de taire mon début d'anxiété et lui commandai un café serré avec un sucre. Pour essayer de la détendre un peu, j'engageai la conversation :
-De rien pour le manuel, dis-je en réponse à ses précédents remerciements.
Je la vis tressauter avant de croiser mon regard. Elle le soutint d'une moue chagrinée et me chuchota presque, qu'elle était désolée d'être partie avec.
-J'avais un rendez vous important, et comme je ne vous trouvai pas…(Elle le sortit de son sac, sûrement posée derrière le comptoir) Tenez. Et encore merci…
Je le pris avec moi et le rangeai dans ma mallette. Espérant qu'elle se détende un peu plus encore, j'avouai avoir souhaité l'aider pour ses recherches après que j'y eus jeté un coup d'œil. Une teinte pêche enroba le coin de ses pommettes, se mariant allègrement avec le chocolat de ses cheveux et le beige naturel de ses lèvres, légèrement gercées par le froid. J'ajoutai que si elle le désirait, j'accepterai volontiers de l'aiguiller dans ses prochaines recherches.
-Tous vos conseils seront les bienvenus, me dit-elle dans un souffle chaud alors qu'elle faisait couler mon café. Je fis mine de m'intéresser à la déco du café, afin de cacher au mieux mon propre embarras.
De son côté, Tallulah sembla plus prompt à converser et je fus ravi de la voir un peu plus détendue. Elle m'expliqua un peu comment cette idée de sujet pour son mémoire, que je trouvai engagé, lui était venue et ce qu'elle désirait faire pour la suite. Alors que je m'apprêtai à lui répondre que je pourrai sûrement l'aider, la voix d'un homme que je retins plutôt bien, m'interrompit :
-Mais qu'est-ce que tu fais ?
Je tournai ma tête à demi pour croiser le regard du jeune serveur que j'eus rencontré l'autre soir. Autant il fut surpris lors de notre première rencontre, autant je le sentis très hostile en cet instant. Il fit de gros yeux à Tallulah que je vis littéralement virer à un rouge vif. Je fronçai un sourcil et arquai l'autre avec incompréhensions. Pourquoi j'eus l'impression qu'elle venait de faire quelque chose de mal… ?
Son collègue vint prendre sa place en la poussant doucement avec sa hanche, et lui demanda de s'en aller. « Je n'ai pas encore parlé à Clémence pour tes heures sup', rentre chez toi avant qu'elle ne te voie » Entendis-je de leur conversation. Je devais avouer que pour le coup, je ne faisais aucun effort pour me boucher les oreilles. J'eus senti que quelque chose n'allait pas dans l'attitude ma cadette, et je commençai à comprendre ce que c'était… Elle n'était pas de service. Mon regard jongla entre elle et lui, et je remarquai que seul le serveur portait un uniforme. Bon sang, mais pourquoi ne m'a-t-elle rien dit ? Elle aurait très bien pu me demander de repasser la voir un autre jour, j'aurai compris quand même…
A moins que j'eusse alors bien mal saisi sa demande de l'autre fois et qu'elle ne fit qu'une invitation au professeur que j'étais et non à l'homme que je crus qu'elle voyait. Peut-être n'avait-elle simplement pas osé m'informer qu'elle ne pouvait pas passer de temps avec moi, pour faire bonne figure devant sa patronne et servir le client que j'étais ? Un peu déboussolé, je regardai le café que venait de me servir le jeune homme, et demandai :
-Puis-je avoir un sucre avec mon café ?
-Bien sûr.
Il me le donna très poliment, mais sa froideur était palpable. Il se tourna vivement vers Tallulah qui ne me regardait plus du tout et dit :
-On se voit Lundi ?
Après quoi, il s'en alla et nous laissa seuls au comptoir, non sans me mitrailler d'un regard assassin. J'espérai pour lui qu'il ne regardait tous ses clients ainsi, au risque de se faire du mal ! De son côté, j'entendis Tallulah soupirer en rassemblant ses affaires.
-Tallulah, je vous avais pourtant dis que je ne voulais pas vous ajouter plus d'heures que vous n'en avez, repris-je d'une voix qu'elle seule put entendre. Puis, exaspéré, je me passai une main dans les cheveux et renchéris : J'aurai pu m'en douter aussi, vous ne portiez pas d'uniforme…
-Je sais, mais je ne m'attendais pas à vous croiser et j-j'ai…
-Il ne fallait pas vous sentir obligée, l'interrompis-je plus sèchement que je ne l'aurai voulu. Quand je le remarquai ce fut trop tard. Son visage venait de se fermer de toute émotion, et sans que je puisse me rattraper, elle me tourna le dos.
-Passez une bonne soirée Monsieur Zaidi.
L'air glacé s'engouffra dans la salle lorsqu'elle ouvrit les battants de porte qu'elle relâcha une fois le seuil passé. Je vis sa silhouette se fondre dans l'obscurité des rues, accompagnée de Chani qui l'avait donc attendue. Elle n'était absolument pas de service…
Si elle me considérait vraiment sur un pied d'égalité, elle ne se serait pas forcée. Je bus mon café avec amertume, et je fus dans cet état d'esprit tout le week-end. Même si j'eus pris la résolution d'avoir une discussion claire avec Tallulah, je ne parvenais pas à faire abstraction de mes sentiments, et j'avais peur de me montrer trop émotif et de sortir des mots qu'il était encore trop tôt de prononcer.
Lundi, habillé dans un chaud manteau trench qui m'arrivait un peu au-dessus des genoux, j'arrivai au travail la tête légèrement ailleurs. En chemin, j'étais passé devant le café, où je la vis, affublée de son tablier, faire des allers-retours entre la salle principale et la terrasse. Elle travaille vraiment tôt… Me dis-je en tournant au coin de la rue sans m'arrêter. Une fois dans la cour, je fus interpellé par le Directeur qui se trouvait en présence de la petite camarade de Tallulah. Tiens ? Je m'approchai d'eux en essayant d'afficher un sourire polit qui ne se croisait pas trop avec de la grimace. Je serrai la main à mon supérieur et adressa un hochement de tête à mon élève qui me le rendit avec un sourire bien moins faux que le mien. Je compris qu'ils partageaient une même passion et qu'ils conversaient sur un livre qu'ils eurent tous deux lu. C'était étrange, je les enviai un peu…Rien de bien affectueux ne se dégageait de leur conversation, pourtant ils semblaient si détendus qu'on aurait dit des amis de longues dates. Pourquoi n'est-ce pas aussi simple avec vous ? songeai-je en pensant à Tallulah.
Me sentant de trop dans ce dynamisme qui ne m'habitait guère, je voulus prendre congé, mais mon supérieur m'arrêta.
-Attendez Rayan, j'ai les plannings des étudiants à vous donner. La plateforme informatique a été en maintenance tout le week-end et ça risque de perdurer jusqu'à demain.
-Encore des fraudes ? m'inquiétai-je, sachant que certains étudiants avaient la fâcheuse manie de pirater le système pour obtenir d'avance les sujets des contrôles. J'ai vécu ça dans mon ancien lieu de travail.
Soudain, des éclats de rires attirèrent notre attention à nous trois. Mon cœur se serra à la vue de cette jeune femme pour qui je compris mon cœur s'être amouraché d'elle trop vite pour que je puisse l'ignorer désormais. Elle semblait bien moins morose que moi, dans les bras de son collègue qui chahutait avec elle. Les regards qu'il lui lance… Bien sûr qu'il l'aimait. Et je compris aussi, en le voyant muni d'un sac de cours, qu'il était étudiant à Antéros, tout comme elle. Je l'envie… me dis-je subitement. Il travaille auprès d'elle, étudie auprès d'elle…
Et ils pouvaient s'étreindre ainsi, personne n'irait les sermonner. Au contraire, j'entendis plusieurs étudiants qui passaient près de nous et qui eurent vu la scène, se demander s'ils sortaient ensemble. Je sentis l'agacement m'assaillir à nouveau… Ils s'installèrent sur un banc tandis que je vis Chani pianoter sur son portable.
-Ils sont en formes ! s'exclama-t-elle en regardant dans leur direction.
-Ah, des camarades à vous ? lui demanda le Directeur.
-Tallulah est une bonne amie, mais je ne connais pas très bien Hyun.
Au loin, je vis Tallulah dresser la tête en direction de Chani qui lui fit un signe de la main. Tous deux se joignirent à nous. Ce fut idiot, mais je me sentis un peu vexé de la voir perdre son sourire en me remarquant. Ma cadette fit la bise à son amie et nous salua très simplement et poliment mon supérieur et moi. De même que ledit Hyun, à qui je ne fis qu'un hochement de tête. Son regard ne se baissait pas, et je ne fus pas d'humeur à le détourner non plus.
Je me souvins avoir dit à Tallulah que son collègue faisait bien de s'inquiéter de mes intentions envers elle. Et en ce jour, mes paroles prenaient de plus en plus de sens…
-Quelle fougue ! Il y a des jours ou j'aimerai avoir la même énergie, s'exclama mon supérieur en riant.
-Surtout avec une matinée de boulot au café, je ne sais pas si je vais avoir la même énergie quand j'irai bosser demain, souleva Chani.
-Ah oui ? En voilà des jeunes gens courageux. Vous êtes également en Art ? s'interrogea le Directeur au sujet du jeune serveur. Sûr et certain que je me serais souvenu de lui si ça avait été le cas, je répondis pour lui :
-Non, il n'est dans aucun de mes cours.
Mon cadet m'adressa un regard lourd de sous-entendus et renchérit :
-Je suis en info. Com. En M2, comme Tal'.
Tal'… Il prononça avec plus d'appui le surnom de ma cadette, envers qui je devais me contenter de l'appeler « Mademoiselle » et la vouvoyer. Prenant une profonde inspiration, je fis mine d'avoir froid et cachai le bas de mon visage sous le col de mon manteau, non sans serrer les dents. Il ne fallait surtout pas que je fasse d'accro aujourd'hui, pas après avoir annulé le cours l'autre jour. Mes états d'âmes attendraient la fin des cours.
Subitement, Tallulah se tourna vers son ami, qui se rapprochait d'elle en gravissant les marches qui les séparaient. Elle baissa le ton, ce qui rendit leur proximité plus intime encore, mais non pûmes entendre :
-D'ailleurs, tu vas être en retard Hyun… C'est toujours toi qui m'accompagne, la prochaine fois ce sera mon tour, promis.
Et l'instant d'après, mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines et je sentis le reste de mon corps se tendre. Avec délicatesse, et une affection loin d'être amicale, ce Hyun aux privilèges que je n'avais guère, déposa un baiser tendre sur le front de Tallulah. Après quoi, il s'en alla en saluant les deux jeunes femmes d'un signe de la main. Mais s'il pensait que je n'eus pas remarqué son regard en coin, c'était raté…
-Ah, l'amour…un soutien indéniable en cette période difficile de vos études.
Lâcha le Directeur avec entrain. Pour ma part, je fis mine de regarder ailleurs en restant muet. Et si…s'ils étaient vraiment ensemble ? J'eus un peu de mal à le croire. Pourtant, Tallulah ne démentit pas non plus les mots de notre supérieur. Elle fixait le sol, peut-être pour tenter de voiler au mieux son visage empourpré.
Nous prîmes tous les quatre le chemin en direction de l'amphithéâtre où j'assurerai mon cours. Si devant, Chani et le Directeur eurent repris leur précédente conversation, ce fut plutôt le silence religieux entre ma cadette et moi. En revanche dans ma tête, c'était l'apothéose. Aurai-je un jour la liberté d'avoir de telle geste envers elle ? Me le rendra-t-elle ? A quel point puis-je encore tenir sans lui parler ? C'est trop tard…on doit éclaircir la situation maintenant.
Nous nous séparâmes, moi partant vers l'estrade en compagnie de mon supérieur, et Tallulah, en compagnie de son amie, partit s'asseoir à la même place que vendredi dernier.
-Tenez, surtout dites leur bien que c'est nominatif, et qu'ils ne pourront pas avoir de doublon !
-Bien entendu, je vais leur distribuer attentivement, assurai-je en prenant l'enveloppe qui contenait le planning des examens de mes élèves. Il repartit après de derniers mots et je pus débuter mon cours.
Je n'eus même pas besoin de réclamer le silence que les élèves se montraient déjà fort attentifs. Une chose de moins à régler. J'en profitai pour les saluer et leur informer que je détenais leur planning nominatif pour les examens de décembre à janvier, hors contrôles continus qui eux se déroulaient toute l'année.
Les appelant un par un, je finis par tomber sur le planning de Tallulah qui se déplaça vers moi tout comme je m'avançai vers elle. Elle me remercia avant même qu'elle n'obtienne son planning, et lorsqu'elle le pinça de ses doigts fins, je baissai volontairement le ton, le dos tourné au reste de l'amphi pour que personne ne me voit lui parler.
-J'aimerai vous parler…
J'enchaînai aussitôt avec l'étudiant suivant. Tallulah ne m'accorda aucune parole ni un regard alors je l'eus cherché du mien. Un peu troublé, je terminai de distribuer les fiches et grimpai à nouveau sur l'estrade pour véritablement entamer mon cours. Enfin, ce fut après avoir calmé un peu mes étudiants qui s'excitaient devant leur planning. Je repensai à l'invitation de Leigh à la soirée qui se déroulerait après la compétition de surf.
-Allez, reprenez votre calme ! Si j'étais vous, je profiterais du week-end prochain pour me détendre une dernière fois avant la dernière ligne droite !
L'Anxiété se changea peu à peu en une ambiance plus légère et une élève demanda si nous allions reprendre directement le débat de la semaine dernière ou si nous passions à une autre problématique.
-On creuse encore celle de vendredi ! Elle vous est primordiale pour comprendre l'insertion de l'œuvre de George Raymond Richard Martin comme une œuvre d'Art moderne à part entière du XXIe siècle malgré son aspect médiéval.
Mon attention fut bien souvent portée vers Tallulah qui n'eut presque rien dit de tout le cours. Je ne m'étais pas senti le cœur à l'interroger, me questionnant silencieusement si ce qui s'était passé Samedi y était pour quelque chose ou non. Chani aussi détournai parfois ses yeux de l'estrade pour observer sa voisine qui devenait étrangement pâle. Si cette situation la dérange à ce point, autant y mettre un terme maintenant… m'étais-je dit, le cœur lourd.
Les deux heures furent aussi dynamiques que ceux de vendredi, bien que nous n'ayons absolument pas eu le droit à la spontanéité de celle envers qui je m'étais langui d'entendre le point de vue. Lorsque j'annonçai la fin du cours, je me précipitai peut-être avec trop de hâte, au point de me recevoir des regards curieux de certains élèves qui sortaient, pour obtenir une réponse de la part de Tallullah. Elle veut parler ou pas … ?
Je la trouvai plaquer contre le mur de l'escalier, laissant ses camarades quitter la rangée, en compagnie de Chani à qui j'adressai d'avances mes excuses. Je m'adressai ensuite à Tallulah.
-Puis-je vous parler un instant ?
Elle acquiesça. Toutes deux s'arrangèrent aussitôt, se promettant de se rejoindre au réfectoire plus tard. J'eus un brin d'espoir que les choses n'étaient peut-être pas encore catastrophiques lorsque je la vis accepter ma demande, mais je désenchantai bien vite en la voyant si fermer à me parler.
Ma cadette n'avait pas bougé d'un iota alors que j'eus pris la direction de l'estrade, pensant que nous serions plus à l'aise pour converser.
-Ecoutez, je ne veux pas paraître désobligeant mais il serait peut-être temps que l'on discute sérieusement de ce qu'il se passe entre nous en ce moment, commençai-je en revenant vers elle.
Elle soutint mon regard par le sien fort troublé par un sentiment presque agacé que je crus être provoqué par ma faute. Finalement, il n'en est rien, elle ne veut absolument pas que l'on parle… Désabusé par l'attitude de Tallulah, qui, je crus plus honnête que cela, je pris un ton plutôt désinvolte et lui dit que ce n'était pas la peine de rester si elle ne désirait pas parler avec moi. Je voulus ajouter que mon statut de professeur n'aurait dû en aucun cas la faire se sentir obligée de rester…mais elle m'interrompit avec une véhémence que je ne lui connaissais pas encore. Rien de bien violent, mais je retrouvai sa spontanéité et son naturel qui m'eut charmé dès le premier jour.
-Ok, là je vous arrête de suite !
Bon nombre de professeurs lui auraient sûrement rappelé qu'elle n'était qu'une étudiante, adulte certes, mais qu'en aucun elle n'avait le droit de prendre un tel ton avec une personne de mon « statut ». De mon côté, ça me rassura un peu qu'elle se montre ainsi en cet instant où je voulais discuter de tout sauf de nos différents échelons au sein de cet établissement : Certes vous êtes plus âgé, vous êtes mon professeur, en sommes vous avez tous les statuts de la personne proclamant « l'autorité ». (Je sentis son sarcasme) Mais je suis encore capable de savoir ce que je veux sans qu'on me prenne par la main. Vous vouliez parler, j'ai accepté car j'estime qu'il est également temps de le faire. Pour tout vous dire, j'ai un peu de mal à vous suivre, alors parlons.
Me laissant littéralement sans voix, je la détaillai des pieds à la tête et mes yeux se firent emprisonner par les siens, dont la profondeur du brun sembla noyer la lumière autour de nous. Ce qui m'inquiéta, était cette tension qui semblait l'entourait, et alors que je me fus dit plus tôt que nos affaires auraient pu la tarauder ainsi, je commençai à me demander s'il n'y avait pas une autre raison à ce malaise palpable. Essayant de reprendre contenance, je détournai le regard à la recherche d'un point qui me permettrait de faire redescendre la pression qu'elle me mettait en me toisant ainsi.
-J-je…je ne voulais pas vous blesser, dis-je alors d'une voix qui chevrota. Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses, si mes mots vous ont paru présomptueux. Pour dire vrai, quand j'ai compris que vous ne travailliez pas samedi soir, je me suis dit que vous aviez simplement voulu faire bonne figure et j-je…
-Bonne figure ? répéta-t-elle d'un ton aussi tranchant que son air fut outré, elle reprit, et la suite de ses paroles me rendra bien plus troublé encore : Si la subtilité ne fonctionne pas, alors autant être claire : ça me fait plaisir de vous voir, et ce n'était certainement pas pour faire bonne figure que j'ai accepté de vous servir un café samedi. J-je voulais simplement… ah !
-Tallulah ! m'exclamai-je, totalement alarmé de la voir s'effondrer au sol. Hé ! Tallulah, que se passe-t-il ?
Je sentis son corps trembler alors que je l'aidai à se relever. Presque aussitôt, elle vint se maintenir le bas de son ventre en se pliant vers l'avant en grimaçant de douleur. Elle me repoussa gentiment, m'assura que ce n'était rien et se mit à rassembler le reste de ses affaires. Bien trop inquiet pour elle, mais en même temps très déconcerté, je restai à côté d'elle au cas où elle referait une chute.
-Pardon de ne pas l'avoir remarqué avant, vous étiez bien silencieuse en cours, je pensai que ça avait un rapport avec nous mais c'était parce que vous étiez malade, n'est-ce pas ?
Visiblement pressée de s'en aller, je vins la maintenir par le bras pour l'aider à gravir les marches menant à la sortie. Je me sens si stupide, et très égoïste ! Ma cadette était en détresse, je l'eus vu tout le long du cours, et je n'eus rien fait d'autre que de penser à discuter de ce qui me « chagrinait » depuis Samedi.
-Pas vraiment…je-
Tallulah se tourna subitement, les jambes tremblantes et les mains plaquées derrière elle comme pour me dissimuler quelque chose. Il me vint alors une explication à son embarras si virulent, sans pour autant que je sois sûr, je demandai :
-Vous avez de quoi vous changer… ?
Sa mine affligée et son regard fuyant vinrent confirmer mes doutes, et d'instinct, je retirai ma veste afin de l'enrouler de sa taille et dissimuler ce qui la rendait si anxieuse. Je me souvins alors d'une camarade du collège, qui vécut une journée ignoble sous les moqueries, à cause d'une tâche à l'arrière de son pantalon qu'elle ne put absolument pas éviter. Si je ne fus pas participant aux moqueries, je ne fis pas non plus d'efforts pour que cela cesse. J'eus observé, impuissant, la détresse de cette jeune fille qui subissait déjà les métamorphoses de son corps, et le regard abruti des autres, de tous genres et sexes confondus.
En revanche, ce qui me marqua, fut le geste qu'eut cet élève de troisième qui revenait d'un entraînement de l'UNSS. Il avait sorti son sweat de sport et l'eut enroulé autour de la taille de cette petite fille qui l'eut remercié par des larmes de soulagement. Cet élève, me fit alors réaliser, que malgré ma différence, je n'étais pas si impuissant que cela et que j'aurai tout à fait pu aider cette fille à surmonter son embarras. Aujourd'hui, je peux le faire.
Tallulah se montra réticente, mais j'insistai, en lui faisant comprendre que ce n'était qu'un vêtement et que son confort à elle m'importait bien plus que la propreté d'un morceau de tissu. Tête basse, elle me remercia alors que je prenais ses mains dans les miennes. Ses doigts étaient glacés, et je me fis violence pour ne pas la prendre dans mes bras. Je songeai alors à son collègue, ce Hyun, pour qui ce genre de geste n'avait rien de contraignant tant que Tallulah le consentait. L'aime-t-elle ? me mis-je à me demander sans la quitter des yeux.
-Cela m'embête de ne pouvoir rien faire, murmurai-je sincèrement désolé : Si ce n'est vous raccompagner au dortoir, proposai-je sans aucune arrière-pensée. Tout ce que je souhaitai, c'était l'aider à se sentir mieux.
Ma cadette choisit ce moment pour retirer ses mains des miennes desquelles je ne desserrai pas l'étreinte, en espérant qu'elle comprenne que j'étais là pour elle.
-J-je vais appeler Chani. Je ne suis pas bête, je sais très bien que ça risque de jazzer si jamais l'on vous voit entrer au dortoir avec une étudiante, me dit-elle alors.
Comment fait-elle pour penser à moi dans un moment pareil ? Je n'insistai pas, refusant de la rendre plus anxieuse qu'elle ne l'était.
-D'accord, fis-je dans un souffle de capitulation : Je vais rassembler mes affaires et attendre avec vous l'arrivée de votre amie. Vous tenez à peine sur vos jambes et je n'aimerai pas que vous vous retrouviez au sol une fois parti. Installez-vous là en attendant.
Après l'avoir aidée à s'asseoir sur un siège du dernier rang, au plus près de la sortie, je dévalai les marches avec hâte pour récupérer ma mallette et mon manteau que j'enfilai par-dessus ma chemise maintenant séparée de son veston. J'entendis, par écho, des bribes de sa conversation en n'ayant bien évidement que sa propre répartie. Je remontai en essayant de ne pas faire trop de bruit, mais je ne pus m'empêcher de rire à l'écoute d'une expression bien singulière pour parler de ses règles. « Le débarquement de Normandie…Pas sûr que les profs d'Histoire soient très friands de la comparaison. » Pour ma part j'appréciai son humour face à cette situation.
En rien, cela n'aurait dû être une gêne de m'en parler, mais les mentalités faisaient que je comprenais enfin son hésitation de plus tôt ainsi que ce malaise qui ne l'eut pas quitté pendant que nous parlions.
Lorsque je l'entendis mentionner son mémoire, je sortis avec précipitation de la documentation que j'eus faite de mon côté pour étoffer ses recherches.
-J'ai quelque chose pour vous ! chuchotai-je suffisamment fort pour que Tallulah m'entende.
La laissant terminer sa conversation, je vins m'installer à côté d'elle et triturai les recoins de mes feuilles distraitement. Elle coupa rapidement, avant de soupirer longuement. Remarquant mon sourire, elle me demandait ce qui me prenait…
-« Le débarquement de Normandie », hein ?
Ma cadette partit dans un rire nerveux et tenta de se cacher dans ses bras croisés sur la table. Nous pûmes noter que l'ambiance entre nous s'était légèrement détendue, mais le fait était que je me sentais toujours aussi coupable de l'avoir coincée alors qu'elle se sentait si mal. Nous échangeâmes sur le fait qu'elle aurait pu m'expliquer ce qui lui arrivait, peu importe que je sois un homme ou son professeur.
Puis, alors que nous échangions un sourire complice, je profitai du fait que nous fûmes encore seuls pour lui demander, un peu timidement :
-V-vous travaillez quand, au juste ? Au café je veux dire…
« Ça me fait plaisir de vous voir ! » au moins maintenant j'étais fixé. Nous profitions mutuellement de la présence de l'autre. Même si je ne pus entendre jusqu'au bout ce qu'elle voulut me dire, je me dis que nous aurions désormais bien d'autres occasions de discuter plus intimement. Et cette fois-ci, ce sera sans bavure, m'eussé-je promis. Mais je n'osai plus croiser son regard pour l'instant…
-Le lundi matin, déjà ! rit-elle. Je me souvins de l'échange de ce matin.
-Oui, déjà…, Le Mardi soir et le Jeudi soir, je suis de fermeture. J'ai demandé des heures supplémentaires aussi, peut-être aurai-je d'autres soirs de fermeture, m'expliqua-t-elle comme pour me faire comprendre que j'étais libre de venir la voir quand je voulais à ces heures-là. Et plus encore si elle avait des heures sup'…
-Vous repasserez ?
Bon sang, ce qu'il devenait difficile pour moi de garder un soupçon de bienséance en la sachant si rentre-dedans et impatiente.
-Pourquoi vous demander vos horaires, si ce n'est pas pour venir vous voir ? rétorquai-je alors en oubliant un moment la subtilité.
Tallulah me sourit, non sans rougir et je sentis ma poitrine se gonfler de tendresse. Finalement, je m'étais pris la tête pour peu et il n'y eu aucun malentendu dans ce qu'elle m'eut proposé l'autre soir. Elle aussi, désirait bien me revoir…
Chani arriva, et nous nous séparâmes non sans qu'une pointe d'inquiétude ne m'accompagne tandis que je les regardai s'éloigner. Néanmoins, l'esprit plus serein que ce matin, je partis prendre un déjeuner. Je n'avais pas de cours à assurer juste après, je pris donc mon temps pour manger en relisant certaines recherches pour mon travail. Je pourrai utiliser ça pour le prochain cours, tiens… l'après midi passa plutôt calmement, du moins, jusqu'à ce que Monsieur Lebarde ne revienne de son cours avec une mine agacée, accompagné de Marine, une autre de mes collègues avec qui j'avais vraiment du mal à m'entendre.
-Je sais bien qu'ils sont assez grands pour savoir ce qu'ils font, mais je n'aime pas l'idée qu'une forte tête entraîne de bons éléments dans leurs bêtises ! Si Mademoiselle Loss veut rater sa dernière année, qu'elle le fasse sans entraîner sa camarade avec elle !
Je tiquai aussitôt avoir entendu le nom de famille de ma cadette. Qu'est-ce qu'il lui reproche encore ? Me dis-je en faisant mine de ne pas écouter leur conversation.
-Haha, tu te fais du mal André ! Je sais que tu es superviseur pour le mémoire d'un de tes élèves mais tu ne dois pas te sentir obligé d'être derrière tous les autres. Laisse-les donc apprendre de leurs erreurs.
-Je suis là pour essayer de leur faire éviter d'en faire, justement ! Et je trouve ça scandaleux, de voir cette étudiante entraîner une personne aussi sérieuse et curieuse que Chani dans sa déchéance.
Marine rit aux éclats tandis que je redressai la tête pour croiser le regard de mon collègue qui touillait rageusement sa cup de café.
-La déchéance, à ce point … ? fis-je, quelque peu abasourdi. C'était sorti tout seul, mais je trouvai bien grossier la manière dont il parlait de Tallulah.
-Tiens, le preux chevalier qui vient au secours de ses chers étudiants sur son cheval blanc ! pesta Marine en ouvrant l'un de ses manuels de cours. Je passai outre sa remarque et attendis que Monsieur Lebarde me réponde.
-C'est vrai quoi, à un moment il va bien falloir intervenir ! Chani porte beaucoup d'attention au cours d'art antique et médiéval, elle m'a déjà posé beaucoup de questions pour l'aider dans son mémoire, on voit qu'elle veut réussir, elle ! (Il grogna) Tallulah…hein, ce n'est pas pareil.
Sachant au combien ma cadette se donnait avec passion pour sa thèse, je ne me sentis pas le cœur à ignorer la remarque de mon aîné et dit :
-Parce qu'elle ne vous pose pas de question à la fin du cours et qu'elle n'a pas choisi d'introduire vos cours à son mémoire ferait d'elle une étudiante ne visant pas la réussite ? Sans vous offenser, Tallulah se donne beaucoup de mal dans l'aboutissement de ses recherches. Pas plus tard que ce matin, nous avons échangé à ce sujet.
-Oh, elle a donc commencé à chercher ? rit-il dans une toux étouffée.
-Avec toute la documentation qu'elle détient, cela doit faire un long moment qu'elle bosse dessus, vous savez.
-Et sur quoi porte-t-il ? Non parce que pour le moment elle ne donne pas l'impression de travailler beaucoup et je vais finir par la soupçonner de tricher lors des contrôles continus.
Je fronçai les sourcils et serrai le poing sous la table en essayant de contenir la colère qui m'envahissait.
-La protection des artistes est un sujet qui lui tient beaucoup à cœur. Elle a-
Il rit de plus belle en m'interrompant sans aucune gêne.
-« La protection des artistes ! » s'esclaffa-t-il avec un soupçon de dédain : Voilà un sujet bien engagée pour une personne ne respectant pas son emploi du temps !
-Mais que diable a-t-elle fait pour que vous parliez ainsi d'elle !? Un retard n'est pas si terrible, vous savez que certains étudiants bossent à côté de la fac !? m'exprimai-je pour de bon, le ton un peu haut.
-Sauf qu'un job étudiant ne doit pas interrompre ses études et n'excuse en rien ses retards, le règlement est le même pour tous ! Et encore, un retard de plus de sa part, ça ne m'aurait pas étonné mais là c'est d'une absence de deux heures dont on parle ! Deux heures ! En M2, on ne se permet pas de sécher les cours, Rayan ! Pas pour un cours d'un si lourd coefficient ! Et comme disait Marine, les étudiants font ce qu'ils veulent avec leurs études, mais je ne tolèrerai pas qu'elle incite sa camarade à tomber avec elle, pas en sachant que son mémoire porte sur mon cours !
Je compris alors que Tallulah et Chani ne s'étaient pas montrées au cours de mon collègue après le déjeuner. Elle devait se sentir trop fatiguée… me dis-je, en me demandant si son amie n'était pas restée avec elle pour ça. Peut-être va-t-elle plus mal que cela ? La voix de Monsieur Lebarde me sortit de mes inquiétudes, lorsqu'il ajouta à mon propos :
-Vous comprendrez vraiment ce que c'est de s'investir pour le bien des étudiants lorsque vous serez plus vieux. Je ne peux vous en vouloir de vous exprimer ainsi, votre manque d'expérience fait que vous êtes encore trop dans la peau d'un étudiant. Laissez le temps se faire, et vous verrez que votre façon de penser changera et qu'il faut avant tout écarter les mauvais éléments des bons !
-Mon manque de…balbutiai-je effaré par ce que je venais d'entendre.
-Ça, c'est dit, pouffa ma collègue sans détacher ses yeux de son manuel.
-Ne soyez pas choqué par mes paroles, Rayan. Reconnaissez que votre petite crise de l'autre fois ne vous fait pas honneur ! Qu'un étudiant quitte un cours ne concerne que lui, mais un professeur excusez-moi c'est un peu…
-Je reconnais avoir fait un faux pas, mais oserez-vous me regarder droit dans les yeux en me disant que cela ne vous ait jamais arrivé de ne pas vous sentir capable d'assurer un cours ? Si c'est le cas, grand bien vous fasse, André !
Sur ces mots, j'attendis qu'il me réponde mais il ne fit que me détourner le regard. Évidemment, on a tous déjà annulé un cours pour des raisons personnelles ! hurlai-je au fond de moi, mais il n'y en avait que peu qui l'assumait à ce que je voyais.
Agacé, je pris mes affaires et quittai la salle des professeurs en leur adressant de polies salutations mais de très brèves également. Je savais que ce n'était pas en explosant ainsi à chaque fois que quelque me contrariait qui m'aiderait à créer des liens avec mes collègues. Mais ils semblaient tous être munis d'une insensibilité qui me révoltait ! Et la manière dont ils parlaient des étudiants comme s'ils les connaissaient au point de les avoir faits…Non mais j'vous jure !
Et la manière dont il voyait Chani se faire manipuler par Tallulah. Bonjour l'estime qu'il portait envers cette jeune femme dont il semblait pourtant admirer le sérieux et l'investissement dans son cours ! Bien sûr, je connaissais les raisons qui eurent sûrement poussées les deux jeunes femmes à sécher, mais comment expliquer cela à mon collègue ? Cela ne le concernait en rien, et ce n'était sûrement pas à moi d'apporter de telles explications. Mais que cela était rageant de ne pouvoir défendre dignement quelqu'un que l'on appréciait.
A suivre…
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alvdaz · 6 years
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MPC, it’s easy as 1-2-3
C'EST COOL, ​C'EST QUOI ?
La MPC (pour "Music Production Center"), a été créée par un gars nommé Roger Linn et une boîte nommée Akai à la toute fin des années 80. Pour faire simple, c'est une machine pour faire de la musique. On peut la jouer avec les pads et les banques de sons intégrés, l'organiser et l'enregistrer avec le séquenceur et créer d'autres sons (les ayants-droits disent “voler”) en utilisant l'échantilloneur ("sampler" dans la langue des amériques, “sampleur” dans la langue des amériques de la France).
Une vidéo valant 1000 mots, en voici une très bien de Vox qui présente la machine via un de ses plus fameux hérauts, JayDee aka J-Dilla, musicien de génie décédé en 2006 qui a fait du beatmaking un art à part entière (revenez après, faites pas les batards) :
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En tant qu'amateur de hip-hop depuis quelques années, la MPC est un engin qu'on croise forcément à un moment ou à un autre quand on s'intéresse à la production musicale.
Comme beaucoup à l'époque j'étais plutôt intéressé par les emcees et les DJ qui composaient la partie visible du hip-hop, le beatmaker étant pour moi -à ce moment, je précise- plus proche de l'électricien que du musicien. D'ailleurs, le rap étant un peu un accident, les personnes à la prod étaient souvent des musiciens rompus à d'autres styles qui se retrouvaient en stud' à bricoler avec des gens plus jeunes et découvraient un nouveau monde et une énergie folle. C'était pas des "gars du mouvement" comme on disait à l'époque, donc on les calculait pas des masses. Ouais, je sais, on (je) était con. L'arrivée de la MPC a simplifié et rationalisé la prod en regroupant boite à rythme, séquenceur et sampleur dans le même boitier et a fini par devenir un élément symbolique du rap au même titre qu'une guitare Fender ou un ampli Marshall pour le rock. Et le bouche à oreille étant la force de ces néo-griots, elle s’est logiquement retrouvée dans des textes ici et là :
“All I see is blinking lights, track boads and fat mics, 950s, SP12s, MP60s”
Disait AG du groupe new-yorkais Showbiz & AG sur “Next Level”
"J'vis d'haine et d'eau fraiche, d'illicite et d'péché,mon seul taf, j'rappe sur SP-12, MPC"
Chantait Booba au début du siècle dans "Pas l'Temps Pour Les Regrets".
"Arrête ton style, c'est démodé j'suis l'rappeur de l'an 2000, J'ai 2 systèmes PC sur une MPC 2000 taille XL"
rappait Langue de Chat sur "Les Plus Class".
A noter que contrairement à la config de Booba plutôt orientée efficacité et redondance, la marque des grands sysadmins (la SP-12 est aussi une boite à rythme/sampleur), j'ai toujours pas compris comment LDC a pu caler 2 PC sur une MPC 2000, XL ou pas. Un mystère de notre temps.
La MPC a beau être un symbole connu et identifiable du hip-hop, peu de gens ont eu l'occasion d'en approcher une s'ils ne traînaient pas en studio. Ça ne s'achetait pas en grande surface comme une guitare, c’était impossible de deviner comment on s’en sert juste en posant les mains dessus et surtout, surtout, ça coûtait une couille. Perso j'ai vu ma première MPC de près vers 2004 quand le pote avec qui je faisais du son s'est acheté une MPC 1000. Comme il faisait les beats dans son coin et que c'était un mec à la limite de l'obsessionnel avec son matos, j'ai assez peu vu la machine en fonctionnement, toujours camouflée sous un chiffon pour éviter que la poussière ne se dépose sur les pads, nos sessions étant consacrées à la pose de voix et aux arrangements plutôt qu'au beatmaking.
Pour ne rien arranger, les DAW, terme qui désigne à l’origine des stations de travail dédiées au son et qui au fil du temps a changé pour désigner les logiciels utilisés comme Cubase, Logic et autres Pro Tools, avaient le vent en poupe. Les ordis remplaçaient petit à petit les machines dédiées, limitées par leurs banques de sons réduites et leurs lecteurs de disquettes du passé.
Alors j'ai bien essayé de tripoter la MPC 1000 entre 2 sessions, mais allumer la bécane et se caler devant son écran sans avoir potassé la notice ne débouchait logiquement sur rien de glorieux. Je regardais cet écran LCD et je captais RIEN :
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J'avais l'impression de voir la smartwatch fixée sur le bras du Predator, là, avec ses symboles incompréhensibles qui font des bruits aigus et menaçants. Parce que comme on le verra plus bas, l'esprit MPC c'était aussi une façon d'appréhender la création musicale avec son jargon et son workflow bien spécifiques ainsi que le fonctionnement même d’un écran.
4K ? Pff pourquoi faire frer ? Avec 2 lignes de 20 caractères en monochrome je te refais 36 Chambers mec !
Impossible de capter le truc en se posant vite fait devant, et à 1000, 1500 ou 2000 EUR le ticket d’entrée, ça faisait cher l’essai. Du coup en 2007 je suis rentré dans la team proloyolo et je me suis acheté une MPD 24 de chez Akai.
C’est presque pareil sauf qu’en fait ça n’a rien à voir. C’est une surface de contrôle donc un appareil qu’on branche en USB à un PC/Mac et qui permet de Controller un DAW en utilisant les pads et les potards plutôt que la souris : 
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Y'a 16 pads au "touché MPC", ça gère la vélocité et y a quelques boutons et... ça s’arrête là. Pour s’en servir, faut obligatoirement un ordinateur avec tous les softs qui vont bien, les bons plugins, les banques de sons installées etc etc Et surtout, ça ne permet pas de repenser la façon de faire du son, c'est "juste" un clavier USB glorifié comme on dit.
J'ai ressenti la lourdeur de ces machins un an plus tard, quand j'ai remplacé mon MacBook de 2006 par la version alu de 2008 et que j’ai dû réinstaller tous les softs. En y repensant, je crois que je n'ai jamais réussi à totalement retrouver le même feeling que ce que j'avais sur la machine précédente, je sais pas, il devait y avoir un plugin Logic Pro particulier ou des paramètres différents éparpillés un peu partout mais je ne me suis jamais réacclimaté. Pendant ce temps, le marché des MPC (ou assimilées) autonomes n'était pas en super forme, Akai se contentant mollement d'ajouter des lecteurs CD-ROM ou de carte Compact Flash sans changer la philosophie de ses machines ni le prix de vente, à l'image de cette MPC 2500 de 2006 :
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Je sais pas combien elle coûtait, mais la blague en vogue c’était de dire que la référence du modèle indiquait le prix.
Dans le même temps, d'autres acteurs comme Native Instruments ont débarqué sur le marché des surfaces de contrôle avec un oeil neuf, des écrans couleur et surtout DES PADS AUX COULEURS CHAMARREES, c’était la MASCHINE :
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Du coup entre 2008 et 2013 chez Akai, c'est le désert. Aucune machine ne sort. Les DAW sont à la fête avec Reason ou Ableton Live qui déboulent, Fruity Loops devient FL Studio, tout le monde fait des beats avec la démo de Hip-Hop e-Jay sur des PC de chez Carrefour et la MPC tombe un peu en désuétude. De mon côté, j'ai bazardé mon dernier Mac en 2012 et j'ai une flemme INTENSE d'installer tout mon bordel sur le PC que je me suis monté pour jouer. Alors je me suis rabattu sur iOS, terre de tous les possibles. Je jette mon dévolu sur l’excellent Beatmaker de chez Intua (dont la version 3 est sortie il y a quelques mois) et, surprise, même Akai se positionne sur le marché avec à la fois du soft et du hard.
Côté soft,l'app iMPC sort sur iPhone et iPad :
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Skeuomorphisme / 20, je sais plus si Scott Forstall était encore chez Apple à ce moment là mais il aurait applaudi des deux mains devant cette réplique à l’échelle 1 de la réalité. Akai s'est contenté de coller une MPC à l'écran, on perd pas mal de place et de lisibilité mais j'imagine que les habitués s'y retrouvent. 
Côté hardware, Akai a sorti LE TRUC qui m'a intrigué longuement tout en étant assez dur à trouver : la MPC Fly. Il s'agit d'un boitier dans lequel on insère un iPad et qui comprend 16 pads physiques, les boutons de transport, le Note Repeat et tout :
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Je me dis ça y est, Akai a compris ! Mais Akai reste Akai et a oublié un truc concernant le marché des tablettes : IL N'EST PAS FIGÉ. C'est un marché grand public, pas professionnel, les machines changent de form-factor d'une année sur l'autre. Du coup la MPC Fly est uniquement compatible avec l'iPad 2 de 2011 et Akai n'a jamais mis à jour le produit, que ce soit pour prendre en compte l'iPad mini ou les iPad suivants voire la tétrachiée de tablettes sous Android qui ont déboulé entre-temps. Bon en ayant maté quelques reviews, il est aussi possible qu'Akai n'ait pas poussé plus loin parce que le produit n'a pas été super bien reçu, les principales critiques concernant la relative fragilité de l'ensemble. Un iPad c'est assez lourd et les MPC sont faites pour qu'on bourrine les pads donc le truc n'est pas vraiment super stable.
J'avais donc perdu tout espoir et bricolais des trucs avec Beatmaker et ses suites en me disant que le monde avait changé et que, comme le disait Darwin (et Mobb Deep), il fallait s'adapter pour survivre. Ou passer à autre chose.
Et puis la MPC Touch est sortie en 2016 pour 500 EUR :
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J'étais en joie... Mais à nouveau c'était -juste- une surface de contrôle USB, totalement inutile sans PC.
Donc j'étais dég. Et puis la MPC Live est sortie en 2017 : 
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(Pour 1200 EUR T_T)
C'est comme la MPC Touch mais en standalone : vous l'allumez, vous faites de la musique, vous l'éteignez. Elle ne nécessite donc pas d'ordinateur mais conserve l'identité des MPC "à l'ancienne" avec les 16 pads, le Note Repeat, le Time Correct et la façon de traiter le signal propre aux machines d'Akai. Et, luxe ultime, si on veut s'en servir pour piloter un DAW, bah on peut aussi, il suffit de la brancher sur un PC, comme la MPC Touch.
ENFIN. La machine de mes rêves. L'héritage de la MPC, les sucreries modernes en plus comme un  écran multitouch lisible et des pads RGB qui proposent une farandole de couleurs chatoyantes qui flattent la rétine du travailleur sonore. Le tout fonctionnant aussi sur batterie pour pouvoir faire du son dans son canap', la machine sur les genoux.
Je l'ai observée, j'ai lu des reviews, regardé des vidéos dont celle-ci où le producteur 20syl (Hocus Pocus, C2C, Allta) refait un son de A à Z avec la bécane :
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Evidemment, une vie à attendre donne des réflexes de survie élémentaires : 
Mais pourquoi j’achèterais ça ? Est-ce qu'elle sera amortie un jour ? Je ne compte pas faire carrière, n'est-ce pas un poil overkill ? Et si je ne sais pas m'en servir ? 
Toutes ces questions plutôt légitimes ont été évacuées une fois un filtre spécial de ma composition appliqué sur cette réflexion. Ce filtre s'appelle le  BATS LES COUILLES, ON NE VIT QU'UNE FOIS.
(DEUX SI T'ES JAMES BOND)
(NEUF SI T'ES UN CHAT)
Je regarde ces machines avec envie depuis 1994, 24 ans d'attente avant de passer à l'achat c'est plutôt safe comme temps de réflexion et ça ne sera surpassé que par Star Citizen donc banco. J'ai donc claqué ma Webedia money sans regret, je serais présent sur la jvtv jusqu’en 2028.
OK MAIS... C’EST COOL ALORS OU QUOI ? 
J’y viens.
Mon avis après 2 semaines d'utilisation régulière c'est que c'est EXACTEMENT ce que je recherchais. Je sais pas trop comment décrire la sensation mais je vais essayer de verbaliser le truc :
En bon geekster de la musique j'ai tendance à intellectualiser un max la créa : "Pourquoi cette caisse claire à ce moment précis ?", "Whoa le sample de violon qui monte pile sur le kick", "Génial ce break avec la respiration avant de changer de direction", “Mais qu’est-ce que c’est que cette merde de zumba coupée à la chiasse ?”. Et ce quel que soit le morceau, quel que soit le rappeur. C'est pour cette raison que je peux parler pendant 8 heures des instrus de PNL alors que même eux n'ont pas passé autant de temps à les gratter sur Youtube sans déclarer. Et c'est aussi pour ça que je peux réécouter 30 fois l’outro de “Tony Hawk” d’Isha ou celle de “Jen Selter” de Joke alors que le texte en lui-même est une purge. 
Avec la MPC (Live mais j'imagine que c'est le même feeling pour toutes les machines), la créa est viscérale: on travaille au feeling, sans se prendre la tête sur l'enveloppe d'un son, tout en sachant que la machine se charge de corriger les imperfections si on le souhaite. Résultat, en très peu de temps on peut sortir un truc qui se tient. Quand j'utilisais un DAW, je passais parfois plus de temps à créer le projet qu'à créer le contenu. Il m'arrivait de dégager la session sans avoir rien enregistré ou en ne gardant rien. Avec la MPC, au moment d'éteindre la machine, que vous validiez ou pas la sauvegarde vous avez déjà devant vous un truc qui tourne proprement sur au moins 4 mesures. C'est peut-être tout pourri, mais ça tourne. Et pour moi ça change tout.
C'est pas juste une question de fonctionnalités, tous les DAW intègrent les features des MPC depuis longtemps, c'est une question de temps nécessaire pour avoir un truc écoutable qui se réduit à quasiment rien. Le workflow d'Akai est simplissime une fois qu'on l'a intégré : on travaille sur des tranches ("séquences") de taille variable (généralement 4 mesures).
Chaque séquence intègre un nombre n de pistes.
Chaque piste comprend un programme.
Chaque programme est un instrument ou un sample
Une fois une séquence complète, on passe à la suivante. A la fin on se retrouve avec plusieurs séquences qu'on ordonne comme on veut pour faire une chanson. En gros on fonctionne bloc par bloc puis à la fin on les combine comme on veut pendant la durée qu'on veut. Enfantin.
Sur un DAW, on est souvent tenté d'aller trifouiller les effets avant même d'avoir une ossature de morceau avec la possibilité de se paumer en route et de perdre de vue ce pourquoi on a lancé le soft en premier lieu. Alors attention, si des zicos me lisent et sont horrifiés par la direction que prend ce papier, je ne dis pas que les DAW sont pourris, loin de là. Ça dépend des affinités et de la façon de bosser de chacun. C’est comme aller à la fac, certains adorent. Moi je me suis fait chier grave. Mais j’ai appris le diabolo. Là c’est pareil, pour mon utilisation je préfère 1000x une machine autonome avec un choix un peu restreint (niveau contenu y’a quand même masse de trucs intégrés à la MPC Live) qu’un DAW qui contient tout l’univers mais où je vais installer compulsivement plugin piraté sur plugin piraté (oui parce que bien souvent, la licence on la paye pas, on va pas se mentir, hein)
Pour simplifier, j'ai éprouvé le même sentiment de facilité devant la MPC que quand j'ai utilisé Garageband sur macOS pour la première fois. Sauf qu'avec Garageband, les limitations arrivent au bout de 10 secondes ("RAAH LE SOFT NE ME LAISSE PAS FAIRE CE QUE JE VEUX") tandis qu'avec la MPC c'est l'inverse, plus on avance, plus les limites s'éloignent, c'est assez grisant.
L'autre atout des MPC, c'est le sampler qui permet d'enregistrer un son et de le découper comme on veut pour s'en servir dans un projet. Cette partie profite de l’écran tactile bien plus lisible que les versions antérieures. On peut charger un sample depuis une clé USB, brancher une platine vinyle ou brancher la MPC à un PC et enregistrer comme un sale depuis Youtube. Une fois le morceau dans la machine, on l'ouvre avec l'éditeur de sample et on le découpe comme on veut en tapant les pads à la volée (<3). La machine assignera automatiquement la tranche audio au pad (avec évidemment possibilité d'affiner la sélection par la suite), une fois les pads assignés, on sauvegarde l'ensemble en tant que programme, on le cale dans notre séquence et c'est parti.
Là encore, le temps entre la découverte du sample et son utilisation est réduit au minimum du coup on ne se perd plus en détails techniques et on produit direct. Je ne me suis pas fixé d’objectif de productivité ou quoi, mais au final pour chaque session d’environ 1 heure sur la bécane, je sors en moyenne avec 2 projets de beats qui tournent correctement. Je ne dis pas que tout est finalisé, y a pas d’effets, pas de mix ou autres,  mais ça tourne et ça reste audible. 
Exemple avec ce beat fait samedi dernier :
Vous l'avez compris, j'ai l'appareil depuis moins de 3 semaines et je regrette de ne pas avoir franchi le pas plus tôt. Alors c'est sûr, pas loin de 1200 EUR pour faire de la musique dans son canapé, c'est ULTRA cher. Mais cette fois le prix s'accompagne d'une tranquillité d'esprit totale qui permet de se concentrer sur l'essentiel. Si le nomadisme ne vous branche pas plus que ça, il reste possible de s'orienter sur la MPC Touch qui proposera les mêmes fonctionnalités pour moins de la moitié du prix, moyennant une connexion permanente à un PC/Mac. 
En tout cas pour l’instant je suis conquis, et comme mon pote Run avant moi, je me suis surpris à placer moi aussi un chiffon pour protéger les pads de la poussière <3
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lagomistoiredeteli · 7 years
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Montréal part 1 : l’arrivée
Voilà ça fait un mois tout pile que j'ai commencé cette "aventure". Bon dieu ça passe vite ! Lors de mes précédents voyages à l'étranger j'avais pris l'habitude de tenir un blog mais avec instagram et snapchat aujourd'hui je vois plus trop l'intérêt. En fait je me dis que ceux qui tiennent un blog voyage aujourd'hui ils ont du courage parce que moi j'ai eu sacrément la flemme LOL. Mais bon ça fait un mois que je suis là donc il est temps de faire un petit bilan. Et puis si j'écris pas j'ai une vendéenne qui va m'engueuler... déjà qu'elle a pas pu lire ce billet ce matin dans le train je dis pas dans quelle humeur elle va être... TGIF
Bon alors on commence par quoi ? roooh je peux pas mettre le smiley reflexion, c'est nul ! Je suis venue avec deux valises (merci le bonus pvtistes d'air transat) un sac de sport en bagage à main, mon sac à dos spécial ordi portable et de gros livres à lire quand je saurais pas quoi faire (merci audrey). C'est comme si j'étais venue avec ma maison pour les gens de l'extérieur mais je vous assure que ce n'est qu'1/10e de mes affaires. Et plus j'avance dans le voyage plus je m'aperçois que j'ai oublié des trucs essentiels (merci le stress d'avant le départ, stress qui s'est avéré inutile hein...) Heureusement que ma Sandra est venue me chercher en voiture hein. Je débute mon périple en étant hébergée chez des amis qui vont bientôt se marier (coeur coeur love love - et putain jpeux pas mettre de smileys)
J'entre rapidement dans le vif du sujet en allant récupérer mon NAS dès le lendemain afin de pouvoir 1/ être débarassée 2/ pouvoir travailler rapidement si je cherche trouve un job vite. (t'as vu à défaut de mettre des smileys je révise mon html ;) Le nas c'est en gros comme le n° de sécu. Indispensable si tu veux travailler, car le pvt te permet de rester dans le pays longtemps (2 ans) ET de travailler :D Bon je l'avoue je suis plus en mode vacances que travail mais bon 6 ans donnés à DGS il faut que je me repose un peu tu vois. Je passe donc quelques jours à faire les premières démarches chiantes administratives de tout bon pvtiste et à partir à l'exploration de la ville de Montréal. Ici les gens sont cool, peace et helful. Le service public ici ça dépote, ils sont polis, patients et rapides ! Il me faut bien une semaine pour réajuster mon horloge du sommeil qui me réveille avec le soleil à 5h du mat, je lézarde sur netflix avec Goyage (le chat). Oui j'ai gardé mon abonnement au cas où... et j'ai plein de séries à rattraper (meeeeuuuuhhhh)! Je dévore les livres au soleil sur la place des arts, au vieux port (oui y'en a un ici) et je fais du sport. C'est agréable d'être avec des amis qui sont bienveillants et plein de conseils pour appréhender ce monde nouveau qu'est le Québec. Bon je croise plein de français donc des fois j'ai l'impression de pas avoir quitter la France MDR. Le charme du Plateau-Mont-Royal !
A SUIVRE : part 2 : l'auberge
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Rose-Anna
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Ce texte date d’il y a quatre semaines, je n’ai pas pu le publier plus tôt!
Trois semaines.
Ça fait trois semaines que notre inespérée petite pinotte nous a surpris en naissant à terme, mais trois semaines plus tôt que prévu.
C'est comme si elle avait voulu s'excuser de n'être pas arrivée avant, de nous avoir fait attendre. «Scusez, scusez! Voilà! Me voilà! J'ai fait mon temps et, sans plus tarder, me voilà!»
Rose-Anna, notre toute belle.
Appelez ça le destin, le stress ou ce que vous voudrez, mais elle est née pile au moment où j'avais mis tous mes papiers en ordre à l'école. Je savais que je ne revenais pas après la relâche (qui commence en ce moment), alors j'avais pris le maximum d'avance dans mes premières évaluations de session. Je m'étais donné le temps de corriger et de comptabiliser un premier texte de mes élèves.
J'aurai juste pas eu le temps de le leur remettre!
Alors, ce soir-là, j'ai quitté le collège en lançant à la blague à mes collègues que je pouvais accoucher le lendemain, tout était en ordre, ne me restait que des semaines de retours d'évaluations et d'exercices préparatoires pour la suite du cursus.
Ben, ma fille m'a entendue et a crevé ses eaux après que son père et moi n'ayons eu que trois heures de sommeil dans le corps!
Ça, ça voulait dire que peu importe le déroulement des prochaines heures, on aurait notre fille dans les bras au plus tard dans 24 heures. Les risques d'infection utérines, et donc du foetus, sont plus élevés quand les eaux sont rompues, alors les équipes médicales procèdent à des césariennes si on fait mine de ne pas accoucher naturellement dans les 24 heures.
Louif a été un super partenaire. Sans ses mains fortes sur mes points de pression, je n'y serais pas arrivée. J'avais peur qu'il ait mal aux mains ou aux bras tellement il a forcé sur mon cas! Y'a des moments où il s'est senti seul (et peu utile: ajout de Louif!), car la fatigue et la douleur me confinaient dans une bulle étrange, mais j'ai pu lui confirmer que je pensais à lui tout ce tempslà, que juste sa présence me faisait du bien.
Bref, on a travaillé pour que les contractions évoluent et ça a fini par payer! Avec seulement trois heures de sommeil dans le corps, j'ai marché, sautillé, fait des fentes, et piétiné pendant douze heures avant de pousser notre petit trésor dans la vie.
Je m'étais dit, en sportive que je suis, que ce serait le match de ma vie. Je ne m'étais pas trompée. Nos corps sont forts, mesdames, la vie est forte.
Mais sérieux, prenez la péridurale! C'est tellement pas grave!
À cause d'un concours de circonstances, je ne l'ai pas prise. Le bain a eu raison de mes derniers centimètres. Juste avant le bain, j'avais signé les papiers de péridurale, mais ça a été trop vite par la suite.
Ça se fait, OK, je ne vous dirai pas le contraire puisque j'ai accouché sans aucune médication. Pas même de synthroid pour la glande thyroïde! Oublié à la maison! 
La mode est à l'accouchement naturel, comme si la médication était le Mal absolu. Ça n'a pas rapport, OK? Si t'as trop mal, prends la péridurale, point final. (Haha, ça rime en plus!)
Bref, j'vous épargne les détails, mais ça a bien été. Et je n'ai pas pleuré.
Je venais de passer plusieurs heures perdue dans ma tête, ne me demandez pas qu'est-ce qui s'est passé à quelle heure, je n'en ai aucune idée! Faut demander à Louif, c'était lui, le maitre du temps! Quand la petite est née, j'ai récupéré le contrôle de mon corps, j'avais enfin l'occasion de respirer, de relaxer... avec cette petite chose gris-mauve, gluante et crayeuse sur ma poitrine.
On a aussi pu sortir moins de 36 heures après la naissance. Tout allait bien, alors on a eu notre congé.
Ensuite, ça a été la danse des visites. En deux semaines, on avait vu - et parfois revu - tout notre monde pour lui présenter notre belle Rose-Anna.
Au travers de tout ça, on apprenait à vivre en mode lendemain de veille en permanence! En même temps, on ne peut pas vraiment se plaindre, Rosie nous fait de belles nuits aux trois heures depuis le début, ce n'est pas trop mal. Toutefois, du sommeil par intermittence, même par grosses siestes, ce n'est jamais comme une nuit continue.
T'sais, le jeudi, c'est commun de sortir et de se coucher tard, parce qu'on se dit: «Bah, c'est un soir de semaine, mais au pire, c'est vendredi demain, puis j'ai la fin de semaine pour me refaire!» Souvent, on a alors le vendredi un peu poqué.
Bon ben, c'est tous les jours ce genre de vendredi pour nous! On est fonctionnels, mais la sieste est toujours possible et tentante.
Ce qui nous a stressé durant les premiers jours, c'est que, comme Rosie nous a surpris, eh bien notre paperasse n'était pas prête du tout!
Quand nous n'avions pas de visite, on se ruait sur nos ordis et tablettes pour déclarer la naissance de la petite, patenter notre RQAP, courir après tel ou tel formulaire auprès de l'employeur, et ce, durant les heures d'ouverture de préférence. Avec une choupette qui demande à manger, une maison à nettoyer (pas eu le temps avant) et, accessoirement, nos propres corps à nourrir et à laver, ben c'était un beau défi de se mettre à jour dans toute cette bureaucratie!
En plus, n'oublions pas que, moi, j'étais, et suis toujours, en convalescence! La rétrogestation, c'est du sérieux! C'est vraiment pas le temps de jouer la superwoman, surtout si je souhaite recommencer le sport et ne pas me ramasser avec l'estomac dans les talons, littéralement!
J'exagère, mais plein de choses doivent reprendre leur place après l'évacuation de bébé hors de la bédaine, plein de choses qui peuvent se placer n'importe comment si on s'excite trop vite.
Ça fait près de quatre semaines que je ne fais rien du tout! J'en faisais plus enceinte, c'est tout dire! Mais bon, faut c'qu'i'faut!
Bref, tout va bien. Je n'irai pas dire que c'est le nirvana, que la maternité a transcendé ma vie, que j'ai enfin accompli mon rêve et que je suis maintenant une vraie femme et blablabla, vous me connaissez mieux que ça.
C'est génial, être parent, c'est vrai. On a cette petite bête entre les mains et, pour ma part, tout un univers de patience devant l'expression de ses besoins. Y'a pas un pleur qui m'exaspère. On est en amour avec notre fille, surtout qu'on n'y croyait plus, quelque quarante semaines plus tôt, de la rencontrer un jour.
Néanmoins, on est terre-à-terre. Tout n'est pas rose, parlez-en à mes seins... l'allaitement, c'est naturel, pratique et économique, mais c'est pas facile pour autant. Rosie grossit, mes balles aussi, mais Louif ne peut pas s'en (ré)jouir, parce qu'il n'a même pas le droit de songer à y toucher! Y'a bobo!
Des boire aux heures, lors desquelles je me suis sentie prisonnière de ma chaise berçante, il y en a eu aussi. Ma première soirée seule avec Rosie m'a foutu la chienne et m'a aussi fait apprécier la présence d'un homme à mes côtés. Je plains les parents monoparentaux, sérieux. Je serais déshydratée, sale et mal nourrie si ce n'était de la présence de Louif.
Sans parler de la petite, dont il change presque toutes les couches! Ça chlinguerait chez elle aussi!
On a beaucoup à gérer et, honnêtement, on l'a quand même facile. Rosie est tranquille, boit bien, dort dans le bruit et se laisse prendre par n'importe qui sans chigner ni rechigner. Bien sûr, c'est le plus beau bébé du monde, c'est le nôtre!
Et je vais prendre le temps comme il faut de la connaître. Je n'ai pas beaucoup écrit dernièrement et c'est vraiment faute de temps. Je vais tout simplement arrêter.
Voilà, c'est dit. D'ici à ce qu'on pense à bébé 2, je ne compte pas réécrire, pas de façon régulière en tout cas. J'aurai peut-être un petit coucou à vous faire ici et là, mais sans plus. Le besoin d'écrire est devenu un devoir et l'envie manque un peu à présent. C'est sûr qu'on pense déjà à ce possible retour en clinique externe de fertilité au CHUL qui nous pend au nez. On se croise les doigts pour que cette grossesse ait «ouvert le chemin» pour les prochaines. Ben oui, LES prochaines...!
Je prends congé, un congé de maternité, ou parental, whatever!
Entretemps, je vous souhaite tellement que vos histoires se terminent bien comme la nôtre. Les seules larmes, ou presque, versées à l'hôpital l'ont été à notre sortie, quand nous sommes passés près d'un corridor emprunté mille fois pour nous rendre en fertilité.
Cette fois, nous ne l'avons pas parcouru. On l'a frôlé, on lui a dit au revoir, merci et «Va chez le diable!» au passage.
Je vous souhaite un nouveau corridor.
À la revoyure! Et merci pour tout, votre support a fait une grosse différence dans tout ça.
Odile, Louif et Rose-Anna
Mise à jour: je publie ceci alors que Rosie a sept semaines. L'allaitement pourrait constituer un nouveau blogue à lui tout seul. C'est presque un processus aussi intense que l'accouchement! Sérieux, on ne dit pas tout quand on en fait la promotion...
Pitoune grossit bien, elle a de belles joues rondes, nous voit, nous reconnait et nous jase de plus en plus! C'est génial de ne plus avoir l'impression de se parler à soi-même quand on s'adresse à elle!
J'ai recommencé à «courir» depuis une semaine, ça va vraiment bien! Je m'écoute, car j'ai maintenant conscience de nouvelles parties de mon corps!
Rosie aussi... on se débat avec des coliques presque chaque soir depuis quelques temps... c'est vraiment désarmant de la voir souffrir à ce point sans pouvoir y remédier. On espère que ça se règlera avec ses trois mois.
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devonis · 5 years
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Chapitre 3 : Par Elle
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Tallulah
Je me réveillai de bonne heure, bien avant que mon réveil ne sonne. Je pouvais toujours entendre Yeleen dormir profondément alors je me préparai sans faire de bruit. Une fois dehors, je me dirigeai vers mon lieu de travail. Clémence n'arriverait que dans l'après-midi, nous nous retrouvions donc seuls avec Hyun pour tenir le café.
-Wah, t'es matinale dis-moi, s'enjoua mon ami qui vint me faire la bise.
-Bonjour Hyun ! Oh…je n'ai pas cessé de me retourner dans mon lit. Je pense à mon rendez-vous, j'ai appelé le propriétaire de l'annonce, tu sais.
-Morgan m'a dit, oui. Je n'ai pas eu le temps de te contacter j'ai passé beaucoup de temps à réviser.
-Pas de souci…fis-je, peu sûre de moi. J'enfilai mon uniforme.
-Euh, tout va bien ?
-Disons que j'essaie de me souvenir quand est-ce que j'en ai parlé à Morgan, avouai-je en comprenant peu à peu qu'Alexy avait dû lui en parler. Je commençai à préparer les tables.
-Oh…t-tu ne voulais pas en parler ?
-Justement, si, mais j'aimerai bien qu'on me laisse le TEMPS de parler, rétorquai-je d'une voix enrobée d'un rire nerveux. Je soupirai avant de reprendre : Enfin bon, du coup, je vais visiter l'appartement avec Chani. Comme ça, si l'annonce s'avère être la plaisanterie du diable, elle saura quoi faire !
-Q-quoi !?
Hyun stoppa son geste tandis qu'il préparait l'écriteau à l'entrée. Je ris face à son air ahuri.
-Haha ! Désolée, une blague entre elle et moi !
-J'aurais bien voulu t'accompagner, mais je suis de service toute la journée. Tu me tiendras au courant pour la réponse ?
-Bien sûr ! En espérant qu'Alexy ne joue pas la commère haha !
Nous continuâmes à discuter dans la cuisine, le temps de préparer les pâtisseries et autres collations que proposait notre enseigne. Nous dérivâmes sur nos inquiétudes au sujet des partiels qui arrivaient à grand pas. Hyun préparait un oral pour le début du mois de décembre, et semblait en stress.
-Je devrais être habitué depuis le temps, mais c'est plus fort que moi, peut-être que si ça s'appelait autrement qu'un « oral », je ne sais pas…
-On ne croirait pas en te voyant si à l'aise au café, avec les clients, que tu balises à l'idée de passer un oral.
-Ma prestation au café n'a pas de répercussion sur mes crédits ! s'agita-t-il en tirant désespérément sur les bretelles de son tablier.
Je ris aux éclats tout en apportant les pâtisseries en salle de service. J'examinai l'heure sur ma montre, les clients n'allaient pas tarder à arriver. Même si je m'habituai au sale caractère de Clémence, je devais bien avouer que je me sentais vraiment plus à mon aise sans l'avoir sur mon dos. Mon service se passa sans encombre, je reconnaissais même les clients familiers avec l'établissement tout comme eux qui m'appelaient par mon prénom. Hyun se sentait moins seul et cela donnait un côté un peu famille. Ça me plaisait bien !
-Ma serveuse préférée ! entendis-je tandis que je préparai un chocolat chaud.
-Priya ! Comment vas-tu ? m'enjouais-je en voyant mon amie prendre place au comptoir.
-Mais très bien merci, et toi ? Je pourrai avoir un cappuccino à la vanille ?
-Tout de suite ! (Je sortis une tasse que je posai à côté de moi avant d'aller servir mon autre client) Bah écoute, ça va, je suis sur un coup pour m'évader de prison !
-Haha ! Toujours à la recherche d'un autre logement ? J'ai des contacts si tu veux, je peux toujours demander.
-Figure-toi que j'ai trouvé un appartement qui semble valoir le coup, (je parlais plus fort) mais comme je me fais traiter de naïve… !
-Je n'ai pas dit ça ! intervint Hyun presque outré qui s'en aller servir des clients en terrasse : Je te dis juste que tu ne te méfies pas suffisamment des gens…
Sa silhouette disparut.
-J'ai raté quelque chose ? osa demander Priya. Je lui servis son cappuccino : Merci ma belle.
-Tiens, attends…On a trouvé cette annonce au supermarché avec Alexy.
Priya s'accorda quelques instants pour la lire en silence.
-Il n'y a pas de photo ? Juste ce papier ? Hmm…j'veux pas faire mon Hyun, mais essaie de poser un maximum de question, histoire d'être sûre et certaine dans quoi tu t'engages.
-C'est gentil de t'inquiéter, mais oui je vais tout passer au peigne fin. Et puis c'est juste une visite, je n'ai encore pris aucune décision.
Priya me sourit, les lèvres pincées sur le rebord de sa tasse. Mon service se termina à quinze heures, et après avoir salué Hyun je décidai de passer un coup de fil à mes parents à qui je n'avais pas pris le temps de parler de mon rendez-vous. Je conversai, tout en me rendant à la fac, ma main libre dans la poche de ma veste en similicuir. Le froid mordait de plus en plus, et le vent avait décidé de se lever aujourd'hui. Mon crâne frissonnait sous Les parties tondues très coutes de mes cheveux, même voilées sous le reste de ceux bien plus longs. Je ne vais peut-être pas retourner arranger ma coupe tout de suite, me dis-je en écoutant mes parents se disputer sur qui viendrait m'aider pour le déménagement si je trouvai un appartement.
-Mais ne vous dérangez pas, je peux toujours louer un camion pour la journée.
« Ah oui ? Et ta voiture, tu comptes la laisser chez nous encore longtemps ? Là t'étais au dortoir, donc j'étais d'accord pour que tu la laisses ici et que tu utilises les bus pour tes courses et les trains pour revenir nous voir. Mais bichette…imagine que tu te trouves un studio trop loin des bus ? Puis avec les manifestations, on ne sait jamais, tu pourrais ne pas pouvoir prendre de train pour les vacances ! Non, ton père et moi te ramenons ta voiture ! Pourquoi t'être payée le permis sinon ? »
-Ouais…ta raison Moune…Mais et vous ?
« Il faudra bien qu'on te ramène tes affaires, le garage commence à être petit depuis que tu as ramené ce qu'il y avait dans ton ancien studio. Du coup, ton père hésite à prendre les deux voitures plutôt de repartir en train. »
-Je vous referais un plein. Sinon, t'as lu mon message au sujet de la bourse ?
« Ouiiii ! Rah, bah oui on s'y est pris tard, va falloir que tu gères avec tes économies des deux dernières années et ton salaire ma puce…Bon, t'as été sérieuse l'année dernière, je sais que ça va bien se passer. (Elle renifla bruyamment, un peu agacée) Mais je savais que tu n'aurais pas pu rester au dortoir cette année ! Ecoute ta mère ! »
-Oui moumoune…marmonnai-je d'une moue penaude.
Nous restâmes à discuter ensemble jusqu'à ce que je passe le portail de la fac.
-Bon, je vais bosser mon mémoire, je te recontacte après le rendez-vous, d'accord ?
« Avec plaisir ma chérie, allez, ton père et moi on t'embrasse ! »
Je pus entendre au loin la voix de mon père qui m'embrassait. Le sourire aux lèvres, je rangeai mon téléphone dans mon sac et me rendis dans ma chambre récupérer mes cours.
-Tu quittes la chambre ? me lança subitement Yeleen, laquelle je pensais être occupée à lire son manuel.
-Je vais réviser à la BU, pourquoi tu veux savoir ça ? demandai-je, sincèrement surprise de la voir s'intéresser à moi autrement que pour me faire un reproche.
-Mais non…(elle désigna la pile de catalogues sur ma table de chevet) Tu t'en vas ? Sa voix se fit étrangement mielleuse. Un peu comme la fois où elle s'était mise en tête de décaper notre chambre ! Méfiance Tallulah, méfiance…
Je croisai son regard un instant sans rien dire. Je répondis avec prudence, pour le coup, je n'avais pas l'impression qu'elle ressentait l'envie d'entamer un nouveau conflit.
-Je vie mal la transition entre mon indépendance de l'an dernier et cette année. Je pensais que le dortoir me suffirait mais j'ai besoin de mon espace…
-Dis tout de suite que je prends trop de place !
Ça y est, les conclusions hâtives ! Et elle se dit être ouverte d'esprit ? Je terminai de rassembler mes affaires et ouvris la porte pour m'en aller. Avant de partir définitivement, je lui dis :
-Non, mais tu fais trop de bruit avec tes commentaires intempestifs !
Je refermai la porte derrière moi, et partis en direction de la BU. Ma démarche énervée raisonnait dans tout le couloir. Jusqu'au bout on ne parviendra pas à s'entendre ! me dis-je en bourrinant le bouton d'appel de l'ascenseur. Je me demandais vraiment comment Yeleen ne pouvait pas comprendre que je décide de partir. Et qu'est-ce que ça peut lui faire de toute façon ? Elle qui répète chaque jour que ma présence est indésirable !
-Tallulah, attends !
Je fis volte-face et bloquai les portes sans même savoir qui venait de m'appeler. Jusqu'à ce que je voie sa frimousse !
-C-Chani ?
-Je t'ai appelée mais tu semblais sacrément remontée, encore une dispute avec ta futur ex' colocataire ?
-Noon, fis-je en prenant un air détaché : Mais on arrive au bout de notre début de relation.
Dire que j'ai quand même pris sa défense devant sa mère l'autre jour ! Pas que j'eus fait cela pour attendre quoi que ce soit en retour, mais elle qui ne cesse de clamer qu'elle sait faire preuve de bon sens, elle en manque cruellement ! Je chassai Yeleen de mon esprit et reportait mon attention sur mon amie.
-Alors alors, bientôt l'heure fatidique ! Je comptai réviser à la BU, tu veux venir avec moi ?
-Haha, nous étions faites pour nous rencontrer dans ce cas !
Je souris, comprenant qu'elle s'y rendait également. Mes tracas avec Yeleen se volatilisèrent en moins de deux grâce à Chani. Nous nous posâmes sur une table dans le fond. Je sortis mon ordinateur portable afin de poursuivre l'avancée dans l'organisation de mes recherches.
-Je dois absolument me trouver un superviseur…marmonnai-je pensivement.
-La même, mais il faudrait déjà que je me décide.
-Tu hésites encore sur ton sujet, c'est ça ?
-Oui…(Elle se pencha vers mon écran) Je peux voir tes recherches ?
-Oui vas-y, je vais trier mes fiches en attendant… dis-je, le nez déjà plongé dans mon sac : Mince ! J'ai oublié mon manuel. Je vais voir s'ils en ont un en stock dans les rayons.
-Il y a beaucoup de couleurs dans tes cours, j'aime bien ! me fit mon amie qui se remit à lire ses propres cours. T'as déjà vu tous les documentaires là ? Chani désigna les vidéos que j'avais stockées sur mon ordi pour consolider ma thèse.
-Oui, j'en ai besoin pour mes fiches, ris-je doucement en m'éloignant de notre table. Et non, pas toutes encore, il m'en reste trois je crois et leur analyse à faire.
Les bras croisés, je jetai un coup d'œil dans la section d'art moderne. Allez, juste un seul ! Je passai ma tête entre les rayons pour chuchoter à Chani.
-T'as pas le tiens par hasard ?!
Elle me sourit d'une mine désolée en secouant la tête. Je lui fis comprendre que ce n'était rien et me remis à chercher.
-Pff…bon bah je vais faire sans.
-Un souci ?
Surprise, mes épaules tressautèrent et je plaquai ma main contre ma bouche pour atténuer mon couinement. Ce fut nerveux, mais je me mis à glousser en levant les yeux sur Castiel qui me regardait étrangement.
-T'es pas possible.
-Oh ça va ! râlai-je un chouïa trop fort. Nous entendîmes quelqu'un demander le silence. Je rougis, mais mon sourire toujours aux lèvres. Je fis la bise à mon ami et lui demandai s'il était venu réviser lui aussi.
-Oui et non, je cherchai un livret de références musicales pour m'aider à compléter un cours, mais je ne comptai pas non plus attaquer tout de suite. Puis j'ai reconnu ta silhouette. Alors, qu'est-ce qui t'arrive ?
-Oh, rien de grave, j'ai oublié mon manuel je voulais simplement voir s'il leur en restait. Mais visiblement ce n'est pas le cas.
Nous sortîmes du rayon et mon regard vint aussitôt se poser sur la carrure d'un homme qui se tenait dos à nous. Posté debout face à notre table, Monsieur Zaidi discutait avec Chani. Mes yeux restaient fixés sur lui. Peu importe où il se trouvait, j'avais l'impression que c'était tout bonnement impossible pour moi de l'éviter ou l'ignorer. J'étais tellement tiraillée entre le désire d'aller lui parler et celui de mettre bien plus de distance…
Bon sang, nous avions beau être tous les deux des adultes nos statuts parvenaient à introduire le doute et l'hésitation en nous. En tout cas, j'ai beau me dire qu'on ne fait rien de mal, je sais qu'il risque beaucoup si je commettais un faux pas dans l'enceinte de la fac. Et je lui avais peut-être demandé qu'on se voit en dehors des cours…mais ce n'était pas comme si nous pouvions également aisément se rencontrer. Pas de numéro, pas d'adresse… Mais je déraille ! Agacée par mon comportement, je fis mine de chercher dans un autre rayon sans même regarder où j'allais. Je ne veux pas qu'il me voie. Non, la vérité était que je ne voulais pas lui parler, de peur d'aller trop loin.
-Tu joues à quoi ?
-Hein ?
Castiel faisait des allers-retours du regard entre moi et la table où se trouvaient Chani et Monsieur Zaidi.
-C'est quoi le souci, ça fait peut-être quelques années qu'on ne s'est pas vu, mais t'as toujours les mêmes mimiques quand t'as un pépin.
Je souris, malgré moi. M'adossant contre le mur, je croisai les jambes et fixai mes pieds.
-T'es déjà tombé amoureux d'une personne inaccessible ? demandai-je sans vraiment réfléchir.
-C'est quoi cette question ? fit-il, confus. Il prit ensuite un air amusé : On a le petit cœur brisé ? En fait ton histoire de manuel c'est du bidon.
-Mais non, j'ai vraiment oublié mon livre ! Laisse tomber, je ne sais pas pourquoi je t'ai posé cette question, excuse…
Je lui souris gentiment et pris un roman au hasard. Je le feuilletai et me rendis compte que c'était écrit en Russe ! Je suis bilingue mais faut pas pousser…
-Je ne sais pas ce qui t'arrive, mais ce n'est pas en restant là que tes révisions vont avancer.
-Castiel ? T'as de la fièvre ? me moquai-je en posant une main sur son front. Il me pinça les côtes.
-Hé, tu m'as dit que t'étais là pour bosser, je te le rappelai simplement fillette.
Je levais les yeux au ciel en le contournant.
-T'as raison, t'as qu'à te poser avec nous ?
-Nous ?
-Je suis avec une amie, viens je vais te présenter.
-Euh, attends…
-Ne t'en fais pas, Chani n'est pas du genre à créer un scandale. Elle aime bien ce que tu fais mais elle a du savoir-vivre.
-Toi, t'as vraiment pas peur de te faire mordre.
-Quoi ? Par une hyène aux hormones échauffées ? J'ai connu pire au lycée… dis-je en me souvenant du comportement exécrable d'Ambre.
-Haha, pas faux ! Au fait, t'as retrouvé tes marques ?
Je haussai une épaule.
-Pour être franche, pas vraiment. Je ne suis restée qu'un an et demi finalement, et revenir ici quatre ans après… Je me sens un peu paumée par moment. Et toi, tu t'en sors entre les tournées et les révisions ?
-J'ai parfois l'impression de manquer d'espace, entre mes devoirs de chanteur et ceux d'étudiants mais je parviens à gérer pour l'instant.
Je lui souris avec tendresse en ayant une petite pensée pour Lysandre. Je ne préfère pas parler de lui devant Castiel… Je savais que ce fut tout aussi dur pour lui de le voir quitter la ville. Je me souvins qu'ils avaient gardé contact, et que Castiel était parfois venu voir son meilleur ami à la ferme, mais le manque de temps avait fini par prendre le dessus. Se parlent-ils encore ?
Lorsque nous rejoignîmes Chani, je fis les présentations entre eux deux. Castiel resta un peu froid, tiré entre l'indifférence et la fascination. Chani joua de son charme naturel avec sa répartie propre à elle et je crois que cela intrigua un tantinet notre Rockeur ! Je revins à ma place en constatant que notre professeur n'était plus dans les parages. Mon cœur se mit à battre plus fort dans ma poitrine quand je sentis les effluves de son parfum qui flottaient encore sur son passage. Je me raidis sur mon siège en voyant un manuel d'art moderne et contemporain…
-Ah ! Monsieur Zaidi passait par là, et on est venu à discuter du fait que je révisai avec toi mais tu cherchais un manuel. Il a bien voulu laisser le sien, il doit repasser bientôt, il est parti faire des photocopies.
Le cœur amouraché, j'effleurai le livre du bout des doigts. Ce n'était peut-être pas grand-chose, mais sa bienveillance me toucha. Ce n'est pas comme ça que je me le sortirai de la tête. Tous les trois nous poursuivîmes nos révisions. Ma problématique avançait pas à pas, mais je n'étais jamais satisfaite de mes formules. Je m'éparpillai par moment, entamant la rédaction d'autres paragraphes pour lesquels je me sentais plus inspirées. Puis ma concentration s'égarait parfois. Mon regard se posait en direction de l'arrière pièce où se trouvait les imprimantes. Il ne revient pas. Et ça allait bientôt être l'heure de mon rendez-vous avec Monsieur Castillon.
-J-je reviens, les prévins-je en me levant sous leurs regards curieux.
Le manuel de Monsieur Zaidi en main, je me rendis dans l'arrière salle. La porte était entrouverte mais personne ne s'y trouvait. Il est parti ? Mal à l'aise, je glissai une mèche de cheveux derrière mon oreille et observait le reste de la salle. Pas là. Je ne peux pas garder son livre quand même ! Je revins vers Chani qui rangeait ses affaires en parlant avec Castiel.
-On va y aller ? Je vois que c'est bientôt l'heure, le temps qu'on trouve l'adresse…
-O-oui, justement tu ne saurais pas où Monsieur Zaidi est passé ?
-Euh, non, enfin je sais qu'il devait faire des photocopies mais…(elle regarda le manuel entre mes mains) Tu lui rendras Lundi. S'il en avait vraiment besoin, il ne te l'aurait pas prêté.
J'inspirai en pesant le pour et le contre. Je devais vraiment y aller si je ne voulais pas rater une chance de trouver un nouveau logement. Mais je ne voulais bloquer mon aîné dans la préparation de son cours…
-Respire fillette, c'est un prof, il va savoir se débrouiller sans ce genre de manuel, intervint Castiel en refermant son classeur : C'est quoi cette histoire de rendez-vous ?
-Oh, je compte quitter le dortoir, et j'ai une visite à passer bientôt.
-Bah vas-y, c'est quand même plus important que de rendre un livre. (Il se leva) Moi je vous laisse, à plus.
-Ça m'a fait plaisir de te voir, lui dis-je en le saluant d'une main.
Avant de passer les portes, il me sourit en coin.
-Je suis d'accord avec lui, allez, t'as autre chose à faire que de penser à Monsieur Zaidi. Go, go !
Chani me poussa vers l'extérieur tout en portant mes affaires. Je ris avec légèreté en récupérant mon sac. Je rangeai précautionneusement le manuel de mon professeur dans mon sac, et ressortis l'adresse de l'immeuble. Je lui rendrai Lundi.
-Bon, on va prendre la ligne B, ce bus dessert l'arrêt le plus proche de l'immeuble. Par contre on va devoir marcher longtemps après.
-Un peu de sport ça ne va pas nous tuer, me sourit Chani. Quoi que, j'ai des petites quilles, des petits poumons et une petite endurance…(Elle me fit des yeux de chiens battus) Tu me porteras ?
-Invoque un démon ou deux, j'ai déjà du mal à traîner ma couenne ! ris-je en m'asseyant sur le banc dessous le porche de l'arrêt de bus.
J'ignorai si mon amie s'en doutait mais j'étais vraiment contente de la savoir avec moi pour la visite. Bon, pas que je paniquai vraiment pour ce rendez-vous, -même si je redoutai de plus en plus que ça ne soit une arnaque- mais le simple fait qu'elle soit là pour partager cela avec moi, ça me comblait !
Pendant le trajet du bus, Chani me montra des photos de l'endroit où elle avait prévu de s'aventurer. Je lui eus dit que je trouvai l'espèce de « cabane » assez glauque et elle rit avec une pointe de moquerie. « L'urbex, ce n'est pas visiter le salon du chocolat ! » Certes, mais je la trouvai bien courageuse quand même…j'étais également très curieuse, et nous nous promîmes de planifier cela ensemble une autre fois.
Une fois que le bus nous déposâmes au bon arrêt, j'inscris l'adresse de l'immeuble sur le GPS de mon téléphone et je pris la marche en tête.
-Ça à l'air d'être plutôt loin de la fac quand même.
-Mes parents doivent me ramener ma voiture, et puis l'arrêt de bus n'est qu'à 5 minutes à pieds. (Je fis mine de réfléchir) J'ai juste à installer trente réveils autour de moi !
-Haha ! Je t'appellerai tous les matins à cinq heures, comme ça je suis sûre que tu ne seras pas en retard, plaisanta mon amie.
-Houlà, c'est rude cinq-heures ! Et sinon, à quand ta première journée de boulot ? Pas trop angoissée ?
-Angoissée ? Surexcitée surtout ! Je commence mardi prochain, je n'ai pas les mêmes options que toi, et je n'ai rien l'après-midi. Ensuite, c'est le jeudi après-midi, le samedi toute la journée et le dimanche matin. La boutique est fermée le lundi et n'ouvre pas de bonne heure les autres jours.
-J'ai hâte de te voir à l'œuvre ! Et tu m'as bien aguichée avec tes articles vintages.
-Je m'en doutai tellement, haha !
« Vous êtes arrivées à destination. »
Chani et moi nous stoppâmes net en plein milieu du trottoir, et fixâmes mon portable qui venait d'annoncer notre arrivée. Nos regards se croisèrent dubitativement, puis, lentement, nous les levâmes sur l'immeuble à côté de nous. C'est là… Je regardai autour de nous plus attentivement, et remarquai que nous étions proches de la grande place de la ville où se dressait le marché de Noël et les autres événements festifs. Trois autres immeubles entouraient celui-ci, mais finalement, l'aire restait vaste et pas trop envahie par le trafic.
-Il est magnifique… murmurai-je dans un souffle, tout bonnement stupéfaite.
-Tu m'ôtes les mots de la bouche, renchérit Chani sur le même ton.
L'immeuble arborait une architecture assez classique des façades en pierre blanche mais se mêlait à une touche de gothique avec ses hauts vitraux fenêtres. Elles semblaient toutes représenter quelques choses de différents. Le toit était plat, et l'on semblait pouvoir y accéder par un escalier de secours. Des gravures ressortaient timidement de la pierre, disposées sur chaque balcon, et représentaient un héron en pleine envolée. Ma fascination se ternit un peu lorsque je constatai, vers les appartements plus en hauteur, que deux fenêtres étaient cassées et que des plaques abîmées avaient été disposées.
Mon amie et moi échangeâmes un regard suspicieux, puis, nous nous décidâmes à entrer. Quelques marches étaient à gravir pour atteindre le porche d'entrée. A l'instar de dessus les balcons, un héron était gravé sur les deux battants de portes et il se scindait en leur milieu.
-L'Architect de cet immeuble devait avoir une sacrée passion pour cet oiseau !
-J'ai cru comprendre, (je désignai le carrelage marbré en vert d'eau strié de liserés blancs) j'ai vraiment du mal à croire que le bas loyer vaut la beauté des lieux.
-L'immeuble ne semble pas tout jeune non plus, la façade est salle et marquée par le temps. Puis, le plafond semble d'époque, regarde les craquelures.
-En effet, tout comme l'escalier en pierre. Les rambardes ne semblent pas très solides non plus…
Pour confirmer mon hypothèse, je m'appuyai un peu sur la plus proche barrière, faite de bois, qui grinçait et remuait légèrement sous ma poigne.
-Ce n'est pas du tout adapté pour les personnes handicapées. Ni même pour une personne âgée.
-Ça peut jouer sur le loyer, et puis, t'as vu les fenêtres des étages supérieurs ? me demanda-t-elle avec une pointe d'appréhension.
J'opinai. Nous avions beau parler à voix basse, le silence presque religieux qui régnait dans le hall, le haut plafond et l'espace peu occupé par des installations diverses exposaient librement l'écho de nos voix.
-Nous sommes un peu en avance, je vais appeler le propriétaire pour le prévenir.
Monsieur Castillon me prévint qu'il était déjà arrivé depuis quinze minutes et qu'il m'attendait dans l'appartement. Je fis signe à Chani de me suivre, je ris en la voyant soupirer face à cette ribambelle de marches que nous devions gravir ! Quoi que, une fois arrivées au troisième étage, je fus la première à m'asseoir sur le palier en lâchant un long soupire.
-Allez, allez ! m'encouragea-t-elle, hilare.
-Ah oui, je commence à comprendre pourquoi le loyer est bas ! râlai-je en me relevant comme un vieux robot rouillé.
-C'est quel numéro ?
-Le 21…mais ça ne rapprochera pas l'étage, tu sais ?
J'entendis Chani glousser avec une voix complètement désespérée.
Lorsque nous atteignîmes le bon étage, nous soufflâmes un bon coup avant de nous engager sur le palier.
-Une porte est grande ouverte, c'est là-bas.
J'arrivai devant l'appartement 21 quand je ne sentis plus la présence de Chani près de moi. Je fis volteface et la retrouvai devant la porte de l'appartement d'en face.
-Chani ?
-J-j'arrive !
Je lui souris en lui demandant ce qui n'allait pas mais elle ne fit que secouer la tête en m'incitant à entrer. Bon, c'est l'heure ! Je frappai quelques coups à la porte grande ouverte et osai un premier pas à l'intérieur. L'entrée était séparée par un mur de plus ou moins deux mètres trente de long de ce qui devait être le séjour. La fraîcheur des lieux nous assaillit et je tapotai mes mains pour les réchauffer un peu. Timidement, je passai l'arche qui menait au séjour, et un autre s'ouvrait directement sur notre droite sur un long couloir qui devait mener aux chambres.
-Monsieur Castillon ? hélai-je. Ma voix se répercuta entre les cloisons. Je fis un tour sur moi-même pour avoir une vue d'ensemble et manquai de faire une véritable syncope lorsque mes yeux tombèrent sur…
-Une cheminée ! Chani regarde, regarde il y a une cheminée !
-Tu n'as pas fait attention aux évacuations qui dépassaient du toit ?
-Mais pas du tout ! Oh m…une cheminée…
-Vous devez être Tallulah Loss ?
Une voix sage et aimable m'interpella. Tressautant, je refis demi-tour pour me retrouver face à un homme d'un grand âge, qui se tenait à deux mains sur le pommeau d'une canne en bois lustré. Il était aussi grand que moi, mais se tenait légèrement voûté sur lui-même. Malgré son âge, il gardait une belle toison blanche sur son crâne ! Tallulah, t'as pas autre chose à faire que de regarder ses cheveux !?
-Ahem, oui ! Bonjour, Monsieur Castillon c'est ça ? (Je tendis une main pour le saluer) Enchantée ! Je ne suis pas trop en retard ?
Il me serra la main avec autant de force qu'il pouvait tandis que son sourire dégageait beaucoup de chaleur.
-Enchanté Mademoiselle, et ne vous en faites pas, vous êtes pile à l'heure ! Mais comme vous avez pu le constater par vous-même, nous sommes au dernier étage et les marches sont rudes pour mes vieilles jambes. Je suis arrivé un peu plus tôt pour prendre le temps de monter l'escalier.
Oh, bon sang…j'aurai dû proposer un lieu de rendez-vous !
-Nous redescendrons ensemble si vous le voulez bien, dis-je d'une voix rassurante.
-Avec nous deux vous serez bien entouré, renchérit Chani qui se présenta au propriétaire.
-J'ai proposé à mon amie de m'accompagner, ça ne vous dérange pas ?
-Pas du tout, pas du tout ! Et puis, cet appartement et idéal pour deux personnes.
-Oh, je ne suis pas là pour visiter, assura Chani avec douceur.
-Je vois, (Il me sourit) donc tout repose sur vous ? Haha ! Bon, si nous commencions ?
J'acquiesçai d'un timide hochement de tête.
-Bon, en soit cet appartement n'est pas très vaste. D'autant plus qu'en refaisant l'électricité, nous avons dû doubler le plafond et l'abaisser. A cet étage, le froid et l'humidité sont plus ressentis, mais grâce à l'isolation refaite il y aura une petite amélioration. Vous avez vu l'entrée ? Vous avez de la place pour installer un meuble à chaussures, le mur est simplement là pour séparer le seuil avec le séjour. (Il se tourna vers un carré de pièce situé entre le mur de l'entrée et la cheminée, je vis une bibliothèque encastrée) Je ne l'ai pas précisé, mais il y a déjà quelques meubles dans l'appartement. Ce n'était pas très pratique de tout transporter en dehors. Je ne voulais pas les jeter non plus, je préfère laisser les locataires voir sur place.
-Oui, j'ai vu la table et les chaises là-bas.
Dans un angle de la pièce, derrière un demi mur assez haut, se trouvait une table en bois massif entourée de quatre grosses chaises assorties à son design. Sur notre gauche, au fond de la vaste pièce, une grande porte fenêtre donnait sur le petit balcon. La lumière qui s'infiltrait à l'intérieur faisait se refléter sur le parquet laqués les couleurs du vitrail dont les lignes représentaient une immense carpe koï colorée. Cela jurait un peu avec le bois gris perle des cloisons haussmanniennes. Mais ce mélange décalé s'harmonisait avec le concept de l'immeuble. Puis cette cheminée…Tallulah, concentration !
-La cheminée est d'époque, mais elle est toujours aussi vaillante ! s'exclama-t-il en tapotant fièrement la pierre légèrement couverte de suie. Son regard se fit plus tendre et j'eus l'impression qu'il se laissait submerger pas ses pensées. Sa voix tremble lorsqu'il me décrit les pièces… Cet endroit devait abriter de bien précieux souvenirs.
Nous continuâmes la visite et Monsieur Castillon me montra la cuisine, pour laquelle j'eus un véritable coup de cœur ! Elle n'était vraiment pas large, mais tout en longueur. Il y avait une gazinière et même un réfrigérateur en plus des autres équipements. Les comptoirs au plan de travail blanc et aux meubles laqués de couleur émeraude ressortaient parfaitement bien avec le mur du fond briqué ! Les trois autres murs étaient peints en un jaune très pâle. Il n'y avait pas de fenêtre, juste deux gros néons plafonniers qui s'épousaient parfaitement avec le style rétro de la pièce en guise d'éclairage.
Toute en joie, je tirai sur la manche de mon amie en sautillant à côté d'elle.
-J'ai vu, j'ai vu ! rit-elle.
-La pièce vous plaît ? Ce n'est pas du tout d'époque, on a refait la déco il y a quelques années maintenant en plus de la tuyauterie récemment. Vos prédécesseurs n'étaient pas très attirés, la cuisine et très petite et le fait de devoir acheter une bouteille de gaz n'intéresse plus personne de nos jours.
-Pourtant l'espace est bien utilisé, fit remarquer Chani qui découvrait avec moi les lieux, ouvrant les placards, inspectant la gazinière et le reste des équipements.
-Et vous laissez un réfrigérateur, renchéris-je abasourdi par les dires de mon aîné : L'appartement est bien équipé pour le loyer que vous proposez ! (Je croisai le regard de Chani) Je vois nos chambres au dortoir, c'est quasiment ce prix-là et on n'a pas le même espace.
-Ah pas du tout ! rit mon amie.
-Vous êtes toutes deux étudiantes, c'est ça ? A Antéros ?
-Oui, en Art, et on peut vous assurer que le bâtiment nous a charmé !
-Je suis content de l'apprendre, j'ai passé une grande partie de ma vie ici, et je sais à quel point c'est atypique mais ça n'a fait qu'égailler davantage nos vis à ma défunte épouse et moi.
J'allais répliquer, mais je restai sans voix à l'entente de cela. Chani sembla aussi troublée que moi et se frotta nerveusement le bras en fixant le sol. Monsieur Castillon remarqua notre malaise et nous adressa un sourire bienveillant en nous assurant qu'il allait bien.
-Cela fait des années maintenant, ma Dame n'aurait pas aimé vous voir faire ces tristes mines. Elle adorait cet appartement et regrettait ne pas pouvoir y passer plus de temps. Son travail de journaliste lui demandait de faire beaucoup de voyages. Ce ne fut qu'une fois à la retraite qu'elle s'est entièrement investie à la copropriété. Quant à moi, je suis bien trop vieux pour ces escaliers, je ne peux plus me déplacer si vivement qu'autrefois. J'ai déménagé il y a peu, mais je me refuse de vendre l'appartement. Comme je sais qu'il n'est pas facile pour des jeunes gens comme vous de trouver des logements, j'ai préféré le mettre en location en espérant qu'il fasse le bonheur de quelqu'un d'autre…
Bon sang, c'était fichu, je sentais mon émotivité m'assaillir au grand galop. Plus la visite avançait, moins j'eus l'impression que ceci était une arnaque. Les pièces n'étaient pas grandes, mais comme l'eut fait remarquer Chani, tout l'espace était très bien utilisé, et cela donnait l'impression que tout était spacieux. Le couloir avait effectivement besoin d'un coup de peinture, tout comme la pièce qui servait de bureau. Au fond du couloir, une penderie était incorporée au mur, seulement, les portes ne fermaient plus et des traces d'humidité noircissaient les plaques et les étagères.
-Vous pouvez toujours installer un petit radiateur dans le couloir, vous avez une prise ici (il pointa son doigt plus loin) et une autre là-bas. En revanche, elles se trouvent près du sol. Vous avez des enfants ? me demanda-t-il subitement.
-Oh là ! N-non…
Je ne pus m'empêcher de penser à Rosalya. Même si j'étais très heureuse pour ma meilleure amie, de mon côté, je me voyais très mal être maman à cet âge-là. Nous terminâmes par les toilettes, la salle de bain et la chambre.
-Oh ce lit ! s'époustoufla Chani qui fonça la première à l'intérieure de la pièce : Et la coiffeuse assortie !
Quand je pus enfin entrer dans la pièce, je compris aussitôt d'où provenait l'émerveillement de ma petite camarade. Trois meubles se trouvaient dans la pièce, et tous étaient assortis aux autres. Le lit, bien trop lourd à déplacer -et compliqué à démonter d'après les dires de Monsieur Castillon-, arborait une tête de lit capitonné, entouré d'un cadre au bois épais aux gravures baroques. Les pieds formaient des pattes de lion. Lysandre aurait adoré lui aussi, ne pus-je m'empêcher de me dire. La table de chevet à sa droite et la coiffeuse en face étaient du même aspect. Le tout, peint en un noir profond et laqué.
On pouvait tout de même voir quelques marques d'usure, des écorchures, dues au temps et au manque d'entretien. La pièce avait été repeinte en blanc, mais la moisissure s'était installée également ici. Tout comme pour le bureau et le couloir, le parquet était abîmé. Ici, les courbes sur la fenêtre représentaient le profil d'un papillon nuancé de mauve et de bleu sombre.
Voir Monsieur Castillon et Chani échanger énergiquement et joyeusement au sujet du mobilier me donna une idée qui mec contredirait sûrement vis-à-vis de la conversation que j'eus avec Morgan, Alexy et Hyun…Ne restait plus qu'à trouver le bon moment pour en faire part à mon amie. Nous finîmes notre visite et nous retrouvâmes tous les trois au séjour. Chani continua son éloge au sujet de la chambre ainsi que la salle de bain qui avait également eue raison d'elle. Elle est mignonne… Ne pus-je m'empêcher de me dire en souriant.
-Vous vous entendez vraiment bien ! Bien mieux que les précédents visiteurs que j'ai pu avoir. Ils n'ont pas cessé de se plaindre de tout et même d'eux même, haha. Je sais que cet appartement a ses défauts, mais en tant que propriétaire, je suis prêt à voir avec vous ce que vous désirez changer. Tout ce que je demande c'est que vous y preniez soin et animiez cet endroit isolé des autres logements.
J'ai tellement envie de lui faire un câlin ! me hurlai-je intérieurement. Chani et moi nous échangeâmes un regard complice. Puis, la voyant se pincer soucieusement les lèvres, je l'interrogeai.
-Tu veux rentrer au dortoir peut-être ?
Il était tard, la nuit pointait déjà le bout de son nez et je me dis qu'elle voulait peut-être se mettre au chaud sous sa couette avec un bon livre.
-Après avoir vu un tel endroit, difficile de vouloir rentrer dans un tel box que le dortoir, marmonna-t-elle en balayant de nouveau des yeux le séjour.
Mon cœur se mit à battre plus vite…Je me demandai si ce n'était pas le bon moment pour lui faire part de mon idée.
-Pourquoi ne pas faire une colocation mesdemoiselles ?
-Hein ? fîmes-nous en cœur en portant notre attention vers notre aîné. Ah, il a été plus rapide.
Si au début Chani avait précisé qu'elle ne faisait que m'accompagner, cette fois-ci, je la sentis hésitante. Curieuse, elle m'adressa un regard.
-Honnêtement, j'y ai songé lorsqu'on a vu la chambre, avouai-je en me passant une main dans les cheveux. La partie longue recouvrit la partie tondue : Après, s-si tu ne me veux pas comme colocataire, j-je peux comprendre…baragouinai-je en triturant nerveusement la pointe d'une mèche. Je m'adressai ensuite à Monsieur Castillon : Pour ma part, l'appartement me plaît beaucoup et pour en avoir parlé avec eux, mes parents sont prêts à se porter garants.
-Je dois passer trois autres visites la semaine prochaine. Je vais être honnête, le courant passe bien entre nous, je serais prêt à vous dire oui si je n'avais pas déjà ces rendez-vous. Cela pourra laisser le temps à votre amie de…
-C'est ok.
Monsieur Castillon et moi fixâmes étrangement Chani qui rougissait.
-Franchement, je serais bête de refuser une telle proposition. Certes, je n'ai pas les mêmes soucis que toi par rapport à nos coloc' au dortoir, mais je commençai à me demander si on ne pouvait se faire un arrangement entre nous, changer de chambre tu vois. Mais là…se partager un tel loyer, et avec toi, c'est clairement notre bonne étoile qui nous envoie un signe où j'vois pas ce que c'est !
-A-Alors…tu accepterais d'emménager avec moi si Monsieur Castillon venait à dire oui ?
Avec bien plus de confiance, mon amie hocha la tête et nous sourit à notre aîné et moi. Cette fois, mon trop plein d'émotions prit le dessus sur le peu de calme qu'il me restait et je me jetais sur elle pour l'enlacer avec force. Elle rit aux éclats en répondant aussi vigoureusement à mon embrassade, puis, nous ouvrîmes nos bras pour enlacer également le propriétaire qui ricana gaiement. Nous fîmes tout de même attention à ne pas trop le brusquer…
Après avoir tous repris contenance, Chani et moi vînmes à poser d'autres questions à Monsieur Castillon. Au sujet de la caution, des charges, des règles de la copropriété… Nous sûmes que les charges étaient prises en compte dans le loyer, et que, bien évidemment, il y aura une première avancée de loyer. Mais avant de nous inquiéter de tout ça, nous devions attendre la semaine prochaine pour avoir sa réponse. On ne sait jamais, il pourrait rencontrer des locataires avec des finances plus importantes que nous deux… Je ne pourrai que comprendre son choix s'il changeait d'avis pour cela.
-Et les voisins ? demanda Chani tandis que nous aidions notre aîné à refermer les volets.
-Oh, votre étage n'est pas habité, les autres appartements sont à vendre ou à l'abandon.
Chani oscilla un coup de tête, l'air entendu, et je poursuivis :
-On a vu des fenêtres cassées…
-Au quatrième ? Oui, il y a eu du grabuge, ces appartements aussi sont vides. Lors d'une réunion, nous nous sommes mis d'accord pour améliorer la sécurité, d'ici le mois de Janvier, un boitier devrait être installé pour entrer dans l'immeuble avec un code… là…(il agita sa main déductivement en cherchant le mot) mince…
-Un digicode ? tentai-je.
-Oui ! Ah…fichue mémoire.
-Vous allez bientôt vous reposer, vous habitez loin ?
-Des amis m'hébergent le temps de finir mes visites. Ensuite, je repartirai chez ma petite fille.
J'espérai sincèrement que les prochains locataires potentiels aient l'idée d'aider notre aîné à descendre les marches. Après quelques pauses, nous parvînmes à rejoindre la sortie. Chani et moi restâmes avec Monsieur Castillon, le temps que le taxi qu'il eut appelé vienne le chercher. Après quoi, j'explosai au milieu du trottoir.
-Je n'en peux plus, je n'en peux plus ! Oh, bon sang Chani j'ai tellement hâte d'être à la semaine prochaine !
Sautillant sur place, mon amie vint agripper mon bras et m'entraîna avec elle pour rejoindre l'arrêt de bus.
-Je dois avouer que l'idée de quitter le dortoir m'emballe de plus en plus. J'espère juste que tu ne m'as pas trouvé trop envahissante…
-Hein, pourquoi ça ? demandai-je, sincèrement étonnée par ses propos.
-C'est quand même toi qui as trouvé l'annonce. De base, je ne faisais qu'accompagner.
-Et alors ? Je te l'ai dit, j'y ai pensé pendant la visite. Je ne savais pas comment aborder le sujet, j-je crois que moi aussi…j'avais peur d'être envahissante avec mon caprice.
-Haha, tu parles ! (Elle soupira de bien être) Quelle journée… Tu comptes l'annoncer aux autres ?
-Bien sûr, en fait on va le faire toutes les deux. On va se poser en salle de repos et appeler tout le monde un par un ! Enfin, on va d'abord appeler nos parents je crois…
-Bonne idée oui, les miens ne s'y attendaient pas du tout.
Nous continuâmes à discuter ainsi et je profitai du trajet pour expliquer à mes parents comment la visite s'était déroulée. Chani en fit de même, mais sa conversation dura plus longtemps que la mienne. En même temps, quitter le dortoir n'était pas dans ses projets avant ce jour. Nous passâmes devant mon lieu de travail, où je vis Hyun nettoyer quelques tables sur la terrasse presque vide de monde. Je le désignai du doigt, sans dire un mot pour ne pas déranger Chani qui comprit où je voulais en venir.
Nous avançâmes vers le café, et nous installâmes à l'intérieur. Hyun nous vit une fois de retour au comptoir. Tout sourire, il trottina à notre table.
-Le boulot te manque à ce point ? plaisanta-t-il en sortant son carnet : Bonjour, Chani je suppose ?
Mon amie sourit, acquiesça du menton. Hyun s'excusa presque aussitôt tandis qu'elle raccrochait enfin.
-J-je n'avais pas vu, désolé…
-Pas de souci. Donc oui, je suis bien Chani. On n'a jamais eu l'occasion de se rencontrer mais Tallulah m'a déjà parlé de toi. Hyun ?
Il opina à son tour, semblant intimidé.
-Je vous sers quelque chose ?
-Oh que oui ! m'exclamai-je en tapotant sur la table : mais on va y aller doucement ce soir, en espérant pouvoir se lâcher la semaine prochaine ! Hiii !
-Haha, j'ai comme l'impression que ton rendez-vous s'est bien passé.
Je nous désignai Chani et moi en étirant un petit sourire malicieux. J'expliquai ensuite que « mon rendez-vous » avez fini en « notre » et que, tout déprendrait de la réponse de Monsieur Castillon la semaine prochaine, Chani et moi avions de fortes de chances de devenir colocataire.
-Honnêtement, même s'il venait à changer d'avis et à donner les clés à d'autres personnes, je parlerai à ma coloc' actuelle de ma proposition de changer de chambre, pour que Yeleen soit avec elle, et toi avec moi. Elle peut toujours refuser bien sûr, mais ça ne coûte rien de demander.
Les mots de Chani me touchèrent plus qu'elle ne pouvait le savoir. Nous commandâmes deux cappuccinos à mon collègue qui s'empressa de nous les ramener. Clémence passa dans le coin en me demandant en quoi s'était productif de rendre mon salaire en consommant ici pour le récupérer à la fin du mois. Je n'eus pas le temps de répondre qu'elle repartit en cuisine.
-C'était qui ? osa demander Chani avec une pointe de méfiance dans le regard qu'elle eut posé en la direction que venait de prendre Clémence.
-Ma patronne ! Maintenant tu connais tout le monde au café.
-Décidément, tu sais comment t'entourer toi ! rit-elle.
Pendant que nous buvions nos boissons, Chani m'informa du fait que ses parents pourraient venir nous aider à transporter nos affaires du dortoir jusqu'à l'appartement si les choses se concrétisaient. Elle n'entra pas plus dans les détails de leur conversation, mais cela me suffit de savoir que cette idée un peu soudaine ne soit pas une source de conflit entre elle et sa famille.
Après quoi, nous saluâmes Hyun et prîmes la direction de la sortie. Au même moment, un client voulut entrer. Par reflexe je me glissai sur le côté et ouvris la porte en grand, afin de l'accueillir comme il se devait et ce, avec le sourire.
-Bienvenu Monsieur, merci d'avoir choisi le Cosy Bear Café pou-…Oh…
Il est donc venu… Souriant d'un air charmé, Monsieur Zaidi passa le seuil en me remerciant.
-Quel accueil ! (Il vit Chani) Re-bonsoir.
-Re-bonsoir, oui.
C'est vrai qu'ils se sont vus à la bibliothèque. Je réagis aussitôt, tandis qu'il allait prendre la parole, je l'interrompis.
-Bonsoir à vous Ta-
-Merci pour votre livre ! m'empressai-je, d'une voix sûrement trop forte, puisque tous les clients présents à l'intérieure détournèrent leur attention sur nous. Reprenant un ton normal, je fis comme si de rien n'était et le saluai aussi calmement que possible : Bonsoir Monsieur.
Le portable de Chani se mit à sonner. Pour ne pas déranger les clients, elle sortit en me disant qu'elle m'attendrait devant la terrasse.
-Q-quoi ? mais…
Elle m'adressa un clin d'œil dont je ne compris pas vraiment le sous-entendu, mais j'eus l'impression que ça avait un lien avec notre aîné qui se tenait toujours debout devant la porte. Je me décalai un peu plus, puis, machinalement je lui demandai où il désirait s'installer.
-Au comptoir, ça sera très bien.
-Bien…
Alors que je n'étais absolument pas de service, voilà que je me retrouvai à tenir le comptoir. Mais je n'osais lui dire, j'avais presque envie que Clémence me hurle qu'elle avait besoin de mon aide pour ce soir.
-Qu'est-ce que je vous sers, Monsieur ?
-Un café serré, avec un sucre s'il vous plaît.
-Tout de suite.
Je ne l'avais même pas regardé en répondant. Mes bras et mes mains bougeaient tous seuls et je ne parvenais absolument pas à rester calme face à lui. Il m'a prise au dépourvu, j'aurai tant voulu être de service et lui offrir ce verre que je lui ai promis ! ne pus-je m'empêcher de me dire à regret. Je désirai tant passer un moment avec lui.
-De rien, pour le manuel, me dit-il soudainement.
Je relevai le nez de ce que je faisais, et repris d'une voix que lui seul put entendre :
-Pardonnez-moi d'être partie avec, mais j'avais un rendez-vous important et comme je ne vous trouvai nulle part… (je m'accroupis pour fouiller dans mon sac et sortir le manuel) Tenez. Et encore merci.
Il le rangea dans sa mallette. Il doit tout juste quitter la fac.
-J'aurai bien voulu vous accorder plus de temps à bibliothèque, tout à l'heure, me confia-t-il : Je dois avouer que j'ai jeté un coup d'œil à vos recherches, je pourrai peut-être vous aiguiller. Non, en fait c'est mon rôle de vous aider, mais seulement si vous le désirez. En tout cas, ça me semble très engagé…
-Tous vos conseils seront les bienvenus. (Je sortis une tasse) Pour être honnête, j'aimerai interviewer l'artiste qui m'a inspirée pour ce sujet. Dans son pays, la liberté des artistes est bridée au point qu'elle a dû fuir sa propre patrie pour s'exiler au Québec. Et sans entrer dans la comparaison pompeuse, j'aimerai établir un lien avec nos propres artistes du 19e et de leurs œuvres engagées qui ont résulté sur un bon nombre de procès qui apporteront finalement la gloire qu'ils ne connurent qu'après leur mort.
-Ahh, j'ai peut-être de quoi v-
-Mais qu'est-ce que tu fais ? l'interrompit une voix derrière lui.
Hyun se tenait au milieu de la salle, un plateau vide dans les mains alors qu'il venait déposer une commande en cuisine. Enfin prêt, j'allais pour servir son café à Monsieur Zaidi mais Hyun fit rapidement le tour du comptoir pour me rejoindre. Mon professeur porta aussitôt son attention sur lui. Mon ami le remarqua également et je le vis arborer la même expression défiante que l'autre nuit. Doucement, il me bouscula d'un coup de hanche et chuchota :
-Je n'ai pas encore parlé à Clémence pour tes heures sup', rentre chez toi avant qu'elle ne te voie.
-M-mais je dois encore lui servir son ca-
Hyun versa le breuvage chaud dans la tasse que j'eus sortie et la déposa sous le nez de Monsieur Zaidi qui me toisait en fronçant les sourcils. Il ne semblait pas comprendre ce qu'il se passait et c'était normal. Il devait croire que je travaillai…
-Puis-je avoir un sucre avec mon café s'il vous plait ?
-Bien sûr, sourit Hyun aussi poliment qu'à son habitude. Il se tourna ensuite vers moi : On se voit Lundi ?
-O-Oui, bien sûr.
Mon ami repartit en cuisine non sans fustiger des yeux mon professeur. Tandis que je récupérai mes affaires d'une mine penaude, ce dernier m'interpella doucement.
-Tallulah, je vous avais pourtant dis que je ne voulais pas vous ajouter plus d'heures que vous n'en avez. (Il se passa une main dans les cheveux, l'air agacé) J'aurai pu m'en douter aussi, vous ne portiez pas d'uniforme…
-Je sais, mais je ne m'attendais pas à vous croiser et j-j'ai…
-Il ne fallait pas vous sentir obligée, coupa-t-il un peu froidement.
Si mon sang ne fit qu'un tour à l'écoute de ses paroles, mes mains elles, devinrent moites et ma gorge nouée. Je soupirai, ne sachant que dire de plus.
-Passez une bonne soirée Monsieur Zaidi.
Je n'ajoutai rien d'autre qu'un sourire forcé et partis. Me sentir obligée ? Je retrouvai Chani, encore au téléphone qui m'accueillit par un regard curieux. Peut-être était-ce l'expression de mon visage qui l'inquiétait. Honnêtement, je ne savais même pas quelle tête je pouvais tirer, mais ça ne devait pas être très guilleret… Il me croit si influençable que ça ? Il n'a vraiment pas compris ?
Désabusée par ce qu'il venait de se passer, je reconnus avoir besoin de réconfort. Tandis que Chani était au téléphone, nous reprîmes notre chemin en direction de la fac. Le nez fourré dans le col de mon pull, je me demandai qu'elles eussent bien pu être les intentions de mon aîné à me dire cela. Et plus j'y repensai, plus je me trouvais ridicule d'essayer de le comprendre. Mon comportement avait dû le déstabiliser, mais finalement, il ne me voyait que comme une étudiante lambda. En même temps, c'est ce que tu es ma petite Tallulah !
Ça y est, je sentais que la déprime allait me rendre visite. Je sus que pour éviter cela, je devais m'efforcer de faire comme tous mes autres camarades, et ne le voir comme un professeur. Oh pire, je pouvais toujours agir aussi vulgairement que certaines filles de ma classe, qui lâchai parfois deux-trois commentaires libidineux en cours en reliant son physique attrayant à la problématique abordée. Ce n'est pas vraiment dans mes habitudes d'agir ainsi… Mais il était peut-être temps pour moi et mes faux espoirs d'être moins naturels avec lui.
Soudain, une petite main glacée vint enserrer la mienne. Tressautant sous le contact, je posai de grands yeux tout étonnés sur mon ami qui s'apprêter à raccrocher. Une fois cela fait, elle m'adressa un sourire plein de chaleur qui gonfla ma poitrine d'affection.
-T'es bien morose depuis qu'on a quitté le café. Le prof t'en a voulu d'avoir kidnappé son manuel ?
-C'est ça…pouffai-je en ne regardant pas vraiment le route.
Chani serra plus fort ma main. Ce que je pouvais apprécier, la faculté qu'elle avait de savoir quoi faire ou dire pour me sortir de mes sombres pensées sans pour autant imposer sa curiosité. Là-dessus, je devais admettre que Rosalya était parfois épuisante. Mais je ne tenais pas non plus à imposer mes soucis à Chani pour le moment…
Une fois de retour au dortoir, nous nous séparâmes un peu à contre cœur, mais l'épuisement de la journée riche en émotions appelait nos lits. De retour dans ma chambre, je saluai Yeleen qui était penchée sur un catalogue. Elle me salua d'abord brièvement, puis, après quelques minutes de silences, elle m'interpella :
-On peut discuter ?
Assise à mon bureau, je stoppai mon activité pour croiser son regard. Elle s'était retournée entièrement dans ma direction, mais son regard me fuyait.
-Alors, on peut parler ou pas ? reprit-elle un peu sèchement. Mais j'eus l'impression que ce fut son embarras qui l'eut poussée à paraître ainsi. Un peu fatiguée, je lui demandai de quoi elle voulait qu'on discute : Eh bien, ces catalogues d'agences immobilières je suppose que ce n'est pas pour ton mémoire…(Elle croisa enfin mon regard) Tu quittes vraiment le dortoir ?
Pour une fois que je ne la sentais pas mesquine, je ne me sentis pas le cœur à dresser des barrières. Calmement, je lui expliquai donc la vérité.
-L'an dernier, j'étais dans un studio avec une amie. En venant ici, j'ai pensé qu'une chambre de dortoir me suffirait mais…pas vraiment, non. Je ne sais pas si tu as déjà eu un studio, mais clairement l'intimité y est différente.
Elle secoua la tête.
-Non, j'ai fait toutes mes années fac ici, ma mère…(sa voix vrilla un peu) n'a pas jugé utile que j'ai mon un chez moi, à proprement parler.
Je grimaçai un sourire désolé, en repensant à sa mère et l'attitude presque acerbe qu'elle eut avec sa fille l'autre jour.
-Mais t'as déjà trouvé quelque chose ? reprit-elle, semblant à la fois soucieuse et intriguée.
-Peut-être. A vrai dire, j'ai passé une visite aujourd'hui, je dois avoir une réponse la semaine prochaine. Ne t'en fais pas, si jamais c'est positif, tu seras la première au courant et le responsable administratif aussi. (J'eus un rire sarcastique) Tu pourras fêter ça dignement.
-J-je ne m'inquiète pas ! s'offusqua-t-elle en fronçant les sourcils. Et je ne vois pas en quoi je m'en réjouirai, hein.
Elle est sérieuse ? Haussant les sourcils d'une mine stupéfaite, je dévisageai Yeleen longuement en me demandant ce qui avait changé chez elle. Désinvolte, je haussai une épaule et repris :
-J'sais pas, tu n'arrêtes pas de dire que tu serais mieux sans m'avoir dans tes pattes. Je m'attendais à ce que tu sautes au plafond.
Elle ouvrit la bouche comme pour parler mais sa voix resta coincée. Détournant à nouveau les yeux, je la vis secouer la tête, l'air désabusée, et se retourna face à son bureau. Le silence s'installa à nouveau entre nous et dura le reste du week-end.
A suivre…
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