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#moi après avoir détruit l'éducation nationale
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Dans l'enfer des cluster bombs et des prothèses, une visite du COPE de Vientiane, centre d'information sur les mines anti-personnelles. On a tous en tête quelques images et idées relatives à la guerre du Vietnam. Une citation grassement raciste de Rambo et ses "niakoués" par-ci, la photo de Nick Ut montrant les ravages du napalm sur des gamins vietnamiens par-là. La guerre du Vietnam, c'est souvent dans nos esprits et manuels scolaires de lycée le signe d'une poussée impérialiste américaine, suivie d'un retrait des troupes, d'un retour "à la maison" la queue entre les jambes. Mais bien souvent l'apprentissage de cette phase bien crade de l'histoire se cantonne au Vietnam et écarte les dégâts impliqués dans les pays voisins. A l'image d'une US Air Force qui surfe aujourd'hui sur son irrespect total de la convention de Genève en envoyant ses drones HellFire sur des zones hors-conflit (Yémen, Pakistan...), la guerre du Vietnam pourrait être décrite comme un seconde Guerre d'Indochine, touchant tout les pays de la zone. Le COPE, un centre d'information à prix libre, annexe d'un grand pôle hospitalier de rééducation, situé à Vientiane, fait le bilan des "débordements" américains sur le Laos. En fait, le Laos est le pays qui comptabilise le plus grand nombre de frappe aériennes de bombes à fragmentation sur son territoire, davantage que tout les bombardements de ce type de la Seconde Guerre Mondiale réunis. Officiellement, les Etats Unis ont mené des missions aériennes au Laos pour des motifs différents : pour neutraliser les Viet Mihn repliés dans le Sud, et pour endiguer l'essor du communisme Lao dans la Nord (le fameux "containment"). Au sol, contrairement à ce que clamait pendant des années la Maison Blanche, qui soutenait être en paix avec le Laos et donc absente du pays, la CIA disposait d'une base discrète pour piloter les stratégies et la logistique de l'armée. Le bilan est le suivant: on compte aujourd'hui pas loin de 80 milions de mines anti-personnel enfouies dans le sol Lao. Les bombes à fragmentation (cluster bombs) sont, avec le recul, de bien perfides moyens de lutte armée. Typiquement, lors d'une mission de frappe aérienne, un ou plusieurs avions larguent une petite dizaine de bombes qui se démultiplient ensuite en plein vol. Une bombe, c'est une sorte de gros cylindre métallique semblable à un missile qui, une fois largué, s'ouvre et libère une multitude de petites bombes grosses comme des orange sensées exploser une fois au sol. Chaque bombe à fragmentation contient 680 de ces bombinettes, et chaque avion envoie plusieurs bombes. Selon les registres de l'US Air Force de l'époque, 580 000 missions de ce genre ont été dépêchées sur le territoire Lao, ce qui équivaut à une frappe toute les 8 minutes, entre 1965 et 1974. Seulement, toutes les bombinettes n'ont pas explosé. Enfouies dans le sol, elle deviennent des mines anti-personnelles et menacent de péter à tout moment, alors que la guerre a cessé il y a plus de 40 ans. On estime que 10 à 30% de ces dispositifs sont présents au Laos, ce qui représente 80 milions de mines. Contrairement aux idées reçues, ces bombinettes n'explosent que rarement lorsqu'on marche dessus, à l'inverse d'une véritable mine anti-personnel, mais elle n'en sont pas pour autant innofensives. Bien souvent, elles explosent lorsqu'un paysan travaille la terre et percute la bombe avec son outil de travail, quand des enfants tombent dessus et jouent avec sans avoir conscience du danger, ou encore lorsque l'on cuisine à proximité et que la chaleur du feu emmagasinée par le sol actionne la bombe qui devient un véritable shrapnel meurtrier. Puis, le métal des munitions pouvant servir de ressource utile à la fabrication d'objets en tout genre, un artisanat de récup des mines a pris forme, et nombreux sont ceux qui laissent la vie en tentant de récupérer quelques débris ici et là. On ne compte plus le nombre de sordides histoires d'adultes ou d'enfants ayant perdu un bras, une jambe, les deux, ou la vue, si ce n'est carrément la vie. Nombre incalculable d'handicaps et de familles détruites. Et surtout, cette anxiété et ce stress toujours présent de déclencher une explosion en ne faisant que les gestes les plus simples du quotidien (cuisiner, jouer, cultiver..), le tout dans un pays où la pauvreté, la précarité et l'urgence alimentaire ne permettent pas d'en rester à une paralysie totale des activités domestiques, paysannes et économiques. Il faut donc faire en sorte d'avoir à manger, et de vivre avec la peur quotidienne de perdre un membre. La deuxième partie de l'expo du COPE retrace quant à elle les efforts faits pour aider les victimes mutilées par les bombes. Après un exposé sur les différents dispositifs de déminage mis en place, on est plongé dans l'univers socio-médical de la réhabilitation des estropiés. Dans une forêt de vieilles prothéses, on peut lire quelques récits de programmes plus ou moins fructueux mis en place pour fournir les soins nécessaire aux victimes des cluster bombs. Aujourd'hui, de nombreux collectifs Lao et internationaux sillonnent les zones rurales pour aller trouver les amputés et estropiés afin de leur proposer soins de rééducation motrice et prothèses adaptées. On y voit les effets assez incroyables de la débrouille Lao (qu'on peut déjà voir partout dans la rues, dans toutes les techniques de récup et de réutilisation astucieuse de vieux objets), notamment dans la création de petits objets sensés compenser la perte de motricité des estropiés. Aussi, à Vientiane, des équipes de médecins et de chercheurs travaillent sur le phénomène de douleurs fantômes et tentent d'apporter des solutions à ce problème médical très délicat. La première sensation, en sortant du COPE, c'est celle du "Putain, sérieux? Autant? Ici? ". On s'étonne qu'il y ait deux fois plus de mines ici qu'au Vietnam et on tombe un peu des nues face à l'existence aussi démesurée du danger malsain des mines. Je savais que cela existait dans la zone, mais pas en des proportions aussi astronomiques. Puis vient l'énervement, le mépris des responsables de conneries pareilles. En première ligne, bien évidemment, l'armée américaine. Certes, les munitions étaient sensées exploser au moment des faits, dès l'impact (et maigre circonstance atténuante, parce que je vois difficilement comment pardonner le principe-même de bombardement), mais qu'on ne vienne pas nous faire croire que les troupes américaines n'étaient pas au courant du fait que nombre des bombes larguées resteraient telles quelles dans le sol. Il faut quand même une sacré dose de cynisme pour continuer ouvertement d'envoyer des mines sur un territoire dont on sait qu'il sera miné pour les décennies à venir, civils ou pas, temps de guerre ou pas. C'est juste des cons. L'armée, de base, c'est déjà des cons, mais pour le coup, des cons avec des moyens techniques comme ceux des USA, ça devient des cons dangeureux et encore plus cons. L'expérience du COPE permet également de faire déborder la réflexion sur le champ plus large de la colonisation et de l'impérialisme en tant que tel. Si la palme d'or du spring break guerrier est bien décernée aux Etats-Unis (sans oublier que ceux ci comptèrent pour alliers la Corée du Sud, les Philippines, Taïwan, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Espagne et la Thaïlande pour alliés), la France reste elle aussi le protagoniste central de la Première Guerre d'Indochine, et que le niveau de violence militaire fait bien écho à la guerre d'Algérie. Plus largement, le constat dégoutant et revoltant des affres de l'impérialisme, ici exposés à leur paroxysme avec la guerre, invite à condamner le principe-même de colonisation. On ne manquera pas d'arguments pour déconstruire la logique de "mission civilisatrice", de "développement économique" et d'aide à ce dernier, même si tout cela nécessiterait un article à part entière. La question, peut-être et surtout, c'est se demander ce qu'on fait de tout cela maintenant. Il y a quelques jours, Noé se faisait alpaguer au pif par un mec dans la pièce commune de l'appart de Thomas sur le rôle foireux de la France en Asie du Sud-Est et dans ces anciennes colonies plus généralement. Il lui reprochait l'inculture des français d'aujourd'hui sur l'épisode colonial de la Fédération d'Indochine française et semblait lui faire un procès comme s'il avait en face de lui l'Etat francais en tant que tel, ou bien la petite fille de l'ancien commissaire du protectorat français du Laos. A vrai dire, oui, c'est plutôt alarmant de réaliser que l'éducation française mette aussi peu l'accent sur des épisodes peu glorieux de son histoire, et cela fait amèrement sourrire quand on pense aux discours officiels de nos dirigeants qui qualifient le colonialisme de "crime contre l'humanité". Alors effectivement, il y a surement un devoir de conscientisation à faire, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut plonger dans la culpabilisation. Considérer que nous, jeunes français en voyage, nous serions "responsables" ou juste représentants indirects de l'empire colonial français, c'est retomber dans le jeu des colonies, opposer l'étranger au national, l' "indigène" au colon, c'est rajouter une petite dose d'altérité et penser la lutte et le conflit avec des grilles de lectures nationales, donc foireuses. "Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes". La colonisation est une connerie à comprendre, decrypter, mais surtout à dépasser. Ce n'est pas parce que je peux jouir de la croustillante croute d'une baguette parisienne à Vientiane que cela fait de moi un post-colon, et si il y a une lutte à mener, ce n'est pas un remake-vendetta de guerre post-coloniale entre Francais et Laos ou entre Occidentaux et habitants du Tiers Monde, mais plutôt une lutte contre les responsables directs de cette colonisation, toujours les mêmes au fond: l'armée, l'Etat, et le capital qui les épaule.
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Composé à 70% d'enfants de militaires, cet internat des Yvelines (78) revendique le port de l'uniforme, la vie en communauté, et l'amour du pays pour atteindre un niveau académique d'exception.
Dans la cour du lycée militaire de Saint-Cyr dans les Yvelines, en région parisienne, un chapelet de jeunes garçons reprend en chœur des chants de l'armée de terre. Leurs voix gaillardes résonnent en écho sur les murs alentours, où le crépi s'effrite pour laisser place aux briques de béton. Détruite en grande partie par un bombardement en 1944 puis reconstruite sous l'impulsion du général de Gaulle en 1966, l'ancienne École spéciale militaire continue de transmettre ses valeurs aux jeunes générations. Elle fait partie des six lycées militaires gérés par le ministère de la Défense.
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À Saint-Cyr, les 500 lycéens, tous internes, profitent d'un double encadrement: des cours dispensés par des professeurs de l'Éducation nationale et une rigueur militaire insufflée par des officiers de l'Armée de terre. Et ça marche: l'an dernier, tous ont eu leur bac, dont 80% avec mention (21,3 % de mentions très bien). L'établissement envoie un quart de ses lycéens dans des classes préparatoires, et 70% de ceux qui vont à l'université y valident leur licence en trois ans.
La grande particularité de Saint-Cyr réside dans son recrutement, avec 70% des élèves qui ont au moins un parent militaire. Les autres élèves sont des enfants de fonctionnaires, et des boursiers depuis 2008 (15% chacun). «Notre première mission en tant que lycée de défense, c'est l'aide aux familles de militaires» affirme le colonel Thierry Assonion, actuel commandant de l'établissement. «Leurs parents sont souvent en opération extérieure, poursuit le colonel. Ils vivent loin et déménagent beaucoup, d'où l'idée d'un internat ouvert sept jours sur sept». Un tiers des lycéens reste le week-end dans l'enceinte de Saint-Cyr, et certains enchaînent des périodes de sept semaines sans sortir de ses murs, sauf pour les «QL», les quartiers libres du mercredi après-midi et du week-end.
« Tout le monde perd quelques points de moyenne en arrivant »
Toutefois, le recrutement reste sélectif. Le lycée de Saint-Cyr reçoit en moyenne trois dossiers pour une place. «Je ne connais pas grand monde qui avait moins de 15 de moyenne au collège» précise Sébastien, un élève de terminale. La sélection s'y fait sur dossier et elle est particulièrement drastique pour les boursiers et les enfants de fonctionnaires. Alain Godon, le proviseur du lycée, confirme recevoir «de très nombreux dossiers, triés ensuite par l'organe de formation de l'Armée de terre et répartis dans les six lycées militaires de France». «J'avais plus de 18 de moyenne au collège, reconnaît Safi, un élève de première, boursier, dont le père est restaurateur et la mère au foyer. D'ailleurs, tout le monde perd quelques points de moyenne en arrivant». Malgré tout, Saint-Cyr se défend d'être un lycée élitiste, et son proviseur Alain Godon martèle que l'établissement est, à l'image du milieu militaire, un modèle de mixité social. À 2300 euros l'année en internat, vêtements et nourriture compris, c'est en tout cas «un beau cadeau» que fait l'armée à ses militaires. Une véritable «vocation sociale», selon le colonel.
Les «bonjour mon capitaine» succèdent aux «à tout à l'heure mon colonel»
Autre clef du succès, la discipline qui règne dans l'école. La vie dans cet internat ressemble un peu à la vie dans une caserne. La journée à Saint-Cyr commence par un rassemblement en uniforme marine et ciel devant le drapeau tricolore à 7h30. Après l'appel de rigueur, les militaires dispensent les informations importantes de la journée. Le vendredi à l'aube, on y lève les couleurs et une Marseillaise est entonnée. La journée de cours qui suit ressemble à beaucoup d'autres, à quelques détails près.
Dans les couloirs, les grappes d'élèves croisent leurs responsables et les «bonjour mon capitaine» succèdent aux «à tout à l'heure mon colonel». À Saint-Cyr, on parle de «compagnie» pour les promotions, et de«section» pour les classes. Ainsi, «la 505» désigne la seconde 5, «la 403» la première 3, et ainsi de suite jusqu'à la seconde année de classe préparatoire.
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Le soir, les lycéens rejoignent leurs chambres, leurs lits aux couvertures rêches et leurs douches aux tuyauteries blanches de calcaire. Les bâtiments commencent à accuser le poids de l'âge. «Au moins, on ne pourra pas dire qu'on abuse de l'argent du contribuable» s'amuse le capitaine Ludovic, officier supérieur adjoint du lycée. Ce n'est que le soir également que ces lycéens retrouvent leurs smartphones, car depuis cette année, ils n'y ont plus accès pendant la journée.
«L'envie de travailler des élèves leur vient du milieu militaire, qui met en avant l'exigence, le travail et la réussite»
Plus que le confort, c'est tout un ensemble de traditions que recherchent ces jeunes en venant à Saint-Cyr. «L'attachement à la France nous unit, explique Sébastien, un élève de terminale. En seconde il faut s'adapter, mais au final on est tous attachés à ces valeurs patriotes et à la rigueur militaire». Frédéric Le Moal, professeur d'histoire géographie, explique que «l'envie de travailler des élèves leur vient du milieu militaire, qui met en avant l'exigence, le travail et la réussite». Tout est mis en place pour les y aider, avec deux heures d'études chaque soir dans les classes. Et l'excellence est encouragée par une remise des prix annuelle en uniforme de gala en présence des parents.
L'uniforme, justement, l'un des marqueurs forts de ces traditions y est perçu comme un vecteur de cohésion. «Au quotidien, garçons et filles arborent un pantalon bleu marine, une chemise bleu ciel, et de grosse chaussures noires cirées. Le fait qu'ils aient tous la même tenue les met sur un pied d'égalité, poursuit le professeur d'histoire-géo. Cela nous éloigne de la tyrannie des marques».
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Enfin, dans cet ADN, le sport tient également une place de choix. S'il n'existe dans la semaine aucun entraînement spécifiquement inspiré du quotidien des militaires, l'éducation physique représente «5 à 9 heures par semaine» d'après André, l'officier des sports. «J'ai vécu dans un régiment étant petit, précise Marine, élève en seconde. Faire du sport en groupe permet de nous garder soudés, comme c'est le cas chez les militaires».
Les lycéens ont été heurtés par cette enquête
Mais une onde de choc a traversé les murs de Saint-Cyr ces derniers mois. Une enquête parue dans Libération fin mars fait état, au sein des classes préparatoires, de «machine à broyer les femmes», d'humiliation et de harcèlement moral envers les filles, principalement entre 2013 et aujourd'hui. Thierry Assonion avoue avoir beaucoup souffert de cette affaire. Il reconnaît que certains «rites initiatiques peuvent échapper au regard des autorités» et qu'il y a eu «des débordements en prépa il y a quelques années».
Le commandant de l'école précise cependant que «ce qui est écrit dans l'enquête n'est pas ce qui est» et qu'il s'agit d'«un phénomène de très faible intensité». Il dit aussi avoir «tout mis en œuvre pour limiter ces comportements» et n'avoir constaté «aucune affaire de bizutage» depuis trois ans où il est arrivé à Saint-Cyr. Et de conclure en précisant que les cas évoqués dans l'enquête ne concernent pas le lycée. «Les lycéens ont été heurtés parce que cette enquête a éclaboussé toute l'institution Saint-Cyr, ajoute le proviseur Alain Godon. Ils se sentent salis par un article dans lequel ils ne se reconnaissent pas».
«Un certain folklore au lycée»
Un peu désarçonnés effectivement, les lycéens croisés ce jour-là tiennent à défendre leur institution. Comme Camille, dont la classe de première S comporte 16 filles sur 28 élèves, et qui précise que «l'encadrement militaire attache justement une attention toute particulière aux relations entre filles et garçons». Ou Marine, qui dit n'avoir entendu «aucune remarque sexiste» au cours de sa première année à Saint-Cyr. «Honnêtement, l'article a surpris tout le lycée, dit-elle. Personne ne s'y est reconnu». Sébastien reconnaît qu'il existe «un certain folklore au lycée», mais qui «n'est jamais issu de traditions fermées, ni sectaires».
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