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#dans le cercle c'est la forme de l'île
maviedeneuneu · 1 year
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Mes vacances à Majorque
Et voilà le fameux tattoooooo !!!!! Ça a été une expérience trop cool, en fait la tatoueuse dessinait le tattoo en même temps que je lui expliquais ce que je voulais, c'était génial !
Et forcément il a bien fallu que je pose avec en ayant la Cathédrale de Palma en fond 😜
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alexisgeorge24 · 1 year
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28 avril:
Contraint par les horaires de bus et une grasse matinée, ma journée a été peu productive: visite du château de Lews et du site archéologique de Callanish où on s'extasie devant un cercle de pierre, l'attraction culturelle de l'île. Ça vaut pas Knossos en Crête (même époque), voilà c'est dit. Puis le soir 3 papy arrivent aux hostel dans la même chambre que moi. Je précise "papy" parce que la probabilité qu'une personne ronfle est proportionnelle à son âge; postulat non scientifique MAIS DONT J'AI VÉRIFIÉ L'EXACTITUDE !!!!
29 avril:
À 00h00 j'en peu plus, soit j'étouffe les 2 papy qui ronflent (le 3e il n'arrive sûrement pas à s'endormir) soit je descends au lounge dormir sur le canapé, ce que je fais.
Réveil à 5h, tout comme les papy, avec qui je suis désagréable lorsqu'ils veulent me faire du "small talk". Bus pour Tolsta et 25km de ballade sur la côte nord de Lewis, le Heritage trail, avec une météo au top.
Retour à Stornoway puis j'enchaîne avec un bus pour Harris où je pose ma tente sur la plage à Horgabost.
30 avril:
Meilleure nuit en tente grâce à une température agréable (7°C), je fais même une grasse matinée (jusqu'à 7h30). En même temps on est dimanche, pas de bus (île très pieuse) et météo incertaine, donc petite journée à prevoir.
Je me balade 3h tout de même sur la plage très connue et immense de Luskentyre. Évidement tout est sublime, même avec des nuages. Le reste du temps je le passe dans la tente.
1 mai:
Au travail! Randonné du sommet Ceapabhal qui surplombe la plage Scarista formant une presqu'île et qui donne un panorama de Harris assez exhaustif. Puis j'enchaîne, après un bus, avec la randonnée du "coffin road" qui relie les 2 côtes de Harris. Comme j'ai fini tôt, je prends le bus pour la "capitale" de Harris, Tarbert, pour prendre le ferry le lendemain pour l'île de Skye.
Bilan de la journée 20km 550md+
À Tarbert c'est dortoir, douche, dîner piqué dans le "free stuff" de la cuisine, dodo.
2 mai:
Avant de prendre le ferry je me réveil très tôt pour faire le plus haut sommet de l'île (quand même...), le Clisham (799m), évidement beau panorama qui donne même une vue sur Skye. Ferry direction Skye et direct j'enchaîne, après bus, avec une randonnée dans le Quiraing. Tout est aussi beau que touristique. Ici la géologie c'est du jamais vue pour moi, une chaîne de montages ponctuée d'aiguilles et qui longe la mer, magnifique. Mais qu'est ce qu'il y a du monde par contre... j'arrive néanmoins à bivouaquer dans la montagne, près du sommet, entre des aiguilles qui m'offre un abris et solitude. Mon plus beau bivouac à ce jour.
Bilan de la journée : 14km 1400md+
3 mai:
Je descends de mon sommet et direction le Storr, très connu aussi pour sa chaîne montagneuse aux formes originales. Mais pareil, masse de monde jusqu'à un point de vue, puis plus personne pour aller au sommet, qui n'est vraiment pas compliqué. Heureusement que l'humain et un animal social qui fonctionne par mimétisme, ça me permet d'être tranquil pour la 2e moitié de la balade jusqu'au sommet. Paysages sublimes malgré les nuages qui n'offrent pas une luminosité idéale pour les photos/vidéos. Et un peu agacé aussi de voir tout ce monde en jeans ou outfit ultra chère, à prendre des selfies ou des photos verticales instagrammable, qui ne dit pas bonjour, qui sent bon, bref, j'étais bien tout seul à ne croiser que des montons (ceux qui donnent de la laine et font "bééé").
J'enchaîne avec les Fairy Pools, que je rejoins avec une randonnée de 8km, car pas de bus, et me revoila tout seul, je sors de mon apnée. Normal tout les touristes sont véhiculés et se garent juste à côté du site. Du coup c'est remplie de monde pour voir cet enchaînement de mini cascade formant des piscines. Je les parcours rapidement et vite je m'éloigne pour reprendre le sentier qui m'emmène à la plage de Glen Brittle, au pied du massif des Cullin Hills. Je campe en dehors du camping mais je squat leur douche et robinet (ya quoi ?!).
Bilan de la journée : 27km 900md+
4 mai:
La force est toujours avec moi et au planning on a une grosse journée. Approche du plus haut sommet de Skye, le Sgùrr Alasdair (992m), jusqu'à un cirque en altitude qui forme un lac. La suite est réservée au grimpeur mais la vue est déjà impressionnante d'ici. Sieste puis balade (15km) jusqu'au bout de la péninsule d'où je campe. Bilan de la journée: 23km 800md+ et très peu de monde croisé.
Ah, et je me suis baigné dans la mer aussi ! J'ai même pu faire quelque coup de brasse détendu et frimer devant le camping.
5 mai:
J'enchaîne avec encore une grosse journée. Je rejoins depuis Glen Brittle la plage de Camasunary. Sentier peu visible et très raide à quelques moments, je me fais peur avec le sac qui me déséquilibre à chaque pas de travers. Arrivé à destination je peux voir le chemin parcouru et me demande comment j'ai fait, on n'y voit que de la roche brute. 6 heures de marche qui m'ont épuisées tant physiquement que mentalement. Je m'installe dans le bothy que j'avais repéré, déjeune et fais une sieste. Au réveil les jambes ont encore mal mais j'ai le temps de faire le sommet juste à côté, qui est à 900m de hauteur, et qui me demande là aussi de faire attention à la monté casse gueule combinée aux rafales de 60km/h. Mais je n'ai pas le sac et c'est agréable. Au retour, je dîne et je m'etteinds dans mon sac de couchage. Vers minuit, les ronflements d'un autre guest (nous sommes 12 dans le bothy), me réveillent et je bouge dormir sur le banc de la cuisine. Au bilan 26km 1500md+ dans des paysages magiques, les montagnes sont brutes et se jettent dans la mer en forment des lacs, des fjords, des presqu'île, etc. Une découverte pour moi.
6 mai:
Je quitte les majestueuses Cullin Hills en direction de Elgol où je me rends compte qu'il n'y a pas de bus le week-end. Je fais donc du stop et un hollandais très gentil et qui profite de sa retraite en van aménagé me dépose à Broadford d'où je prends un bus pour rejoindre la Main Land via un pont. Puis je rejoins Morvich où je campe dans la forêt et décide de ne rien faire d'autre de la journée pour laisser le temps à mes jambes de récupérer des 140km que je viens de parcourir dans les îles Hebrides. Je profite de ce repos pour me baigner dans une rivière à côté de mon camp et me savonne par respect pour la nature et ma dignité. C'est évidemment glacial mais ça fait du bien.
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Le souffle épique chez Saint-John Perse
Près de cinquante ans après sa mort, plus de soixante ans après le Prix Nobel de Littérature, Saint-John Perse appelle encore à lui les jugements les plus contradictoires. les plus paradoxaux. Si l'on quitte les cercles assez restreints des universitaires et des lecteurs éclairés férus de poésie, deux cercles qui parfois se recoupent, son oeuvre est peu lue, quasiment jamais étudiée dans le secondaire, rarement à l'honneur des concours. L'image du poète est brouillée par celle du diplomate. La réception critique de son oeuvre fut longtemps troublée par une éditions de La Pléiade pour le moins discutable sur le plan philologique. Relevant davantage de l'oeuvre de fiction que de la démarche scientifique de présentation des textes. Réécriture de soi, forme originale d'autofiction. Au bout du compte, une réputation solide d'obscurité précède l'auteur, comme si la plaisante petite phrase attribuée par Marcel Proust au personnage de Céleste dans Sodome et Gomorrhe avait à jamais frappé la réception de son oeuvre d'un sceau d'incompréhensibilité : "Mais êtes-vous sûr que ce sont des vers, est-ce que ce ne serait pas plutôt des devinette? " Devant la difficulté d'identifier une oeuvre complexe, il est tentant pour le critique de recourir à l'oxymore et au paradoxe afin de jeter une lumière, fût-elle fugace, sur les écrits du poète. D'aucuns le firent avec grâce, tel Jean Paulhan qui parlait à propos de celle de Saint-John Perse d'une "épopée sans héros". Comme Paul Valéry qui reste aujourd'hui encore lié au titre de "mystique sans dieu", Saint-John Perse est souvent associé à ce verset d' Amers : « Ils m'ont appelé l'obscur et j'habitais l'éclat ». C'est en suivant le fil de ces trois citations que nous nous proposons de tisser notre commentaire de Vents, "oeuvre oeuvrée", pour reprendre les mots du poète, celle dans laquelle la poétique persienne semble la plus fidèle aux règles par le poète même édictées lors de son allocution au banquet de réception du Prix Nobel. Vents s'inscrit selon nous dans une double tension, poétique et historique, reliant le monde de l'écrivain et celui du diplomate, envers et contre les affirmations du poète qui toujours s'ingénia à dresser un mur infranchissable, entre Saint-John Perse et Alexis Leger. Mur édifié jusque dans l'élaboration de "son Pléiade", construction de contre-vérités et de mensonges. Rédigée sur l'île de Seven Hundred Acre Island, chez ses amis américains, Vents retrouve les accents d'un fil poétique dont les origines se perdent jusqu'aux Pontiques d'Ovide, jusqu'aux vers des lettrés chinois en vacance du pouvoir que le diplomate avait lus dans ses années de Chancellerie à Pékin. Certes l'exil déjà avait marqué la vie de Saint-John Perse. De ses premières évocations des Antilles de l'enfance aux "portes ouvertes sur l'exil" célébrées dans le recueil du même nom. Mais avec Vents, pour la première fois, l'histoire racontée se confond avec l'Histoire vécue. La distance politique prise par le diplomate outre-atlantique se change en distance poétique. Jeté sur un île, le diplomate soudain à l’écart du cours des l’Histoire se change en poète pour chanter les courants de la destruction. Alors que l’ancien monde s’effondre, Vents se présente sous certains aspects comme un poésie de la destruction épique. Mais cette destruction porte, comme toute apocalypse, en elle les germes d’une renaissance. Renaissance rendue possible par le poète qui, troisième visage de l’œuvre, se pose en hérault de l’apocalypse comme en héros du renouvellement des forces historiques et humaines. Telle est selon nous la place à part de Vents dans l’œuvre de Saint-John Perse : le réponse donnée par le poète au diplomate, réponse qui ne se pouvait concevoir que dans une forme épique. Un poème épique donc, dont nous entendons démontrer à la fois la fidélité aux modèles du genre et l’originalité dans les contours du héros épique ici célébré. Qu'est-ce qu'une épopée? Pour aller à l'essentiel d'une question générique complexe, la réponse la plus simple, et donc aussi la plus approximativement réductrice serait de présenter l'épopée comme un récit narratif dans une forme poétique. Mais toute narration poétisée ne saurait prétendre à l'élévation épique. Avant toute chose, l'épopée est le récit d'un déplacement, d'un parcours. Tel est le cas de L'Odyssée, de L'Eneide, et même de L'Iliade qui obéit à cette poétique du mouvement. Par d'épopée immobile. Qu'elle chante une grandeur ou déplore une décadence, qu'elle tende vers l'anabase ou se ploie vers la catabase, l'épopée est fille du déplacement. Elle peut se définir avant toute chose comme la narration d'un mouvement, l'expression poétique d'une force qui va, si nous acceptons de reprendre la formule hugolienne. Elle même forgée par le poète avant qu'il ne connût lui-même un exil insulaire et atlantique. L'action épique s'inscrit dans la rupture de l'immobilité du héros. Enée part, Ulysse rentre, Achille est poussé par sa colère. Dans l'épopée, la muse chante un emportement enthousiaste. Exempte de nostalgie, l'oeuvre qui nous intéresse porte ainsi en elle trois sceaux. D'abord celui de la célébration d'un souffle épique, chassant dans son avancée les ruines d'un monde ancien que l'Histoire est en train de battre en brèche. Ensuite, celui de l'enthousiasme, car la force des vents balaie le monde décrit et l'oeuvre écrite, opérant par touches successives un passage du blame à l'éloge. Enfin, car il nous semble, contre l'affirmation de Jean Paulhan que cette épopée n'est pas dénuée de figures du héros, le poème offre au lecteur le masque d'un poète officiant aux cérémonies de l'élucidation du monde passé comme du monde à venir. Le souffle épique L'emportement, nous en trouvons naturellement le souffle dans Vents. Le titre, pour commencer, porte en lui cette charge, cette force. Il serait au demeurant presque possible d’éclairer le poème tout entier à la lumière du reste de l’œuvre. Julien Gracq commente ainsi dans En lisant en écrivant l’œuvre de Saint-John Perse « On peut ouvrir le recueil n’importe où, et porter la page ouverte à son oreille comme un coquillage, c’est toujours la même cantilène océanique qui se soude sans effort à elle-même et se mord à satiété l’étincelante queue. » . Cette phrase, ce compliment ambigu dirons-nous, nous invite à voir dans l’œuvre entière de Saint-John Perse une seule et même phrase. Et à la question qui nous intéresse, celle de la dimension épique de cette écriture, il serait presque possible de donner une réponse plaisante, construite par les seuls titres des œuvres successives rassemblées dans l’ OEuvre elle même. Considérant l’épopée comme le récit de hauts faits, notre poète a chanté la gloire des rois et offert le récit d’une anabase. Tel Enée fuyant par la force des choses une civilisation anéantie par la guerre, il a su changer son exil en épopée. Une épopée qui jamais ne sombre dans la nostalgie, qui ne se limite pas au tableau des destructions d’un monde ancien, qui toujours s’élève au rang de l’éloge. Telle est sa vision, et sa pratique, de la poésie. Comme Dante dont il dressa le portrait comme on contemple son image dans un miroir, il a suivi les chemins de l’Histoire, accompagnant les hommes de son temps, ainsi qu’un chemin spirituel, embrassant dans son œuvre la terre, le ciel et les enfers. Porté qu’ils étaient l’un et l’autre par une force qui incline jusqu’aux lettres du texte, toute en italiques, une force que Perse nommait les vents. Ce souffle épique, c’est dans Vents justement qu’il est le plus présent. Cette force du vent souffle d'ailleurs sur tout le poème puisqu'elle imprime, c'est le cas de le dire, un mouvement oblique à chaque lettre du texte. L'italique figure ici la lettre romaine que le vent a fait ployer, lui faisant dessiner cet angle aigu que premier Chant évoque "se hâter, se hâter, l'angle croit.". Ce souffle épique agite donc le verbe même du texte, de sa lettre comme nous venons de le voir, au "grand arbre du langage", lui aussi célébré dès le Chant I, dont les feuilles sont animées par le vent. L’âme du vent se présente avant toute chose comme une force destructrice donc, le renouveau porté par le langage ne pouvant souffler que sur un terrain battu en brèche par le souffle de l’histoire. Et sur le Chant I c’est ce vent destructeur qui s’abat sur terre. Tout ce chant étant placé sous l’autorité divine de cette chute : « Eâ, dieu de l’abîme… » L’image qui porte le mieux ce thème est présente dès la première Suite du chant. « … et nous laissaient, hommes de paille, En l’an de paille sur leur erre… » L’image ici évoque une confusion entre les hommes et leur monde, confondus dans un même fétu. Alors que le vent de l’histoire balaie la paille des êtres, c’est toute une ère qui semble prendre sa substance dans le brin asséché emporté par le vent. Et la troisième suite du Chant, jouant en répons avec ce couplet, instaure une amplification des forces destructrices. La matière lourde succède à la paille comme un jouet dans les mains du vent destructeur, qui disperse désormais les édifices de l’Histoire dans une longue énumération : « … balises… bornes milliaires… stèles votives… casemates.. batteries… edicules… oratoires.. » Et ainsi de suite jusqu’au comble de l’emportement « … toute pierre jubilaire et toute stèle fautive… » Jusqu’à la paronomase de « votive » en « fautive » qui donne au souffle le tour d’un châtiment. Destruction aussi des illusions du savoir, avec dans la quatrième Suite la destruction des « Basiliques du Livre » Ces palais royaux désertés, comme le diplomate désertait ses fonctions d’exil, à la Bibliothèque du Congrès, pour laisser parler le poète. Des savoirs livresque ne reste que la poussière des sépulcres blanchis : « Ah ! qu’on m’évente tout ce loess ! Ah ! qu’on m’évente tout ce leurre ! Sécheresse et supercheries d’autel… Car ce qui fut ancré dans l’Histoire des homme est emporté par le mouvement ou recouvert par le temps. Et en particulier les symboles de l’autorité morale, religieuse, savante. Toujours dans la troisième Suite du Chant I « Elles couchaient les dieux de pierre sur leur face, le baptistère sous l’ortie, et sous la jungle le Bayon » La nature a repris le dessus sur la civilisation des hommes et l’image des temples et des statues jetés à bas rend visible la fragilité de l’œuvre humaine. Jusqu’à la vanité des entreprises épiques des hommes de guerre, à la sixième Suite : « … où le temps fait son nid dans un casque de fer… » Dans le Chant II, c’est le Sud, cette patrie du premier exil, qui semble porter en elle tous les visages d’une décadence allant jusqu’au pourrissement. Géographie indistincte de fertilité et de corruption. « ô Sud pareil au lit des fleuves infatués… » « On ne fréquente pas sans s’infecter la couche du divin » De l’analogie évidente entre le lit des fleuves et la couche des dieux, le Sud semble porteur ici d’une fertilité malsaine que le poète rejette dans l’image symbolique des « …vierges cariées… » Comme si la pureté même portant ici les germes de sa déliquescence. Et c’est dans le Chant III que semble trouver son apogée ce chant de la destruction. Semblant pour un instant quitter l’élément aérien, le poète semble trouver la source d’un souffle nouveau et destructeur dans la matière même. Ainsi la troisième Suite du Chant évoque-t-elle : « …un silencieux tonnerre dans la mémoire brisée des quartz …» Cette foudre déchaînée par l’homme « Homme à l’ampoule, homme à l’antenne, homme chargé des chaînes du savoir … » c’est la force de l’atome que le poète évoquera, face à la lampe d’argile du poète, dans son discours de Stockholm, force désignée ici par l’image du monstre, « Et le monstre qui rôde au corral de sa gloire, l’OEil magnétique en chasse parmi d’imprévisibles angles… » Une épopée de la célébration En contrepoint à cette dévastations apportée par les vents, le poème chante aussi l’événement d’un nouveau monde. Comme si la destruction de la matière, paille et pierres emportées par le souffle épique comme nous venons de le voir, comme si la destruction au cœur de la matière, apportée par le tonnerre atomique de l’image que nous venons d’analyser, était le prélude nécessaire à l’instauration d’un monde épuré. A l'univers poussiéreux des archivistes du savoir, balayé par les vents dans la quatrième Suite du Chant I, répond la célébration des explorateurs et des pionniers. Dans la première Suite du Chant II, c’est le continent américain qui semble constituer, dans son ensemble et dans la virginité de son sol, la première page d’un livre exempt de cette poussière, de ce leoss honni. « Des terres neuves par là-bas… Toute la terre aux arbres par là-bas… comme une Bible d’ombre et de fraîcheur… » Ce chant du Nouveau Monde, puisque l’enthousiasme épique invite de façon répétée à « s’en aller, s’en aller… », c’est d’Est en Ouest qu’il se dirige. « La face en Ouest pour un long temps… » souligne explicitement le début de la deuxième Suite du Chant II Cet mouvement géographique qui suit la course du soleil comme celle des vents se complète par une célébration du Nord et de ses rigueurs. Nous l’avons vu dans une première partie, le Sud est peint par le poète comme le lieu mouvant des « délices de l’ordure et de la création ». Ces humeurs humaines que les pythagoriciens appelaient « miasma ». Monde grouillant, d’où les insectes et le crabes évoqués dans la quatrième suite du Chant II . Ce Sud, il s’oppose à toute la première partie du Chant II qui constitue une célébration des terres du Nord. L’ère chantée par le poète, celle de « l’An neuf », c’est celle de l’hiver nordique qui est présenté comme un modèle d’ascèse face à la vie putride des marais. Et c’est toute la deuxième Suite du premier Chant qui célèbre cette saison. Douze fois, la répétition anaphorique du mot « Hiver » décline les pouvoirs de ce moment privilégié, le reliant à tous les éléments du monde. Animaux, bisons, skunks... Végétaux, thyrses et pommes… Minéraux, cristaux, onyx… Métaux, fer et cuivre… Eléments chimiques, arsenic, bitume… Et pour encadrer cette énumération des vertus attachées à la saison hiémale, une question et une prière : « Et l’Hiver sous l’auvent nous forge-t-il sa clef de grâce ? » « Enseigne-nous le mot de fer, et le silence du savoir… » Sur ces deux axes géographiques, le poème écartèle le monde et fonde une ère nouvelle. Mais une ère pour les hommes, et point seulement pour les éléments. Ce fait, c’est dans le Chant III que le poète semble le crier. Dans la quatrième Suite « …Mais c’est de l’homme qu’il s’agit ! » « Se hâter, se hâter, témoignage pour l’homme ! » Cette célébration n’est en effet pas désincarnée. Elle trouve son point d’orgue dans la glorifications des explorateurs et des conquérants, dans le Chant III. La première Suite s’ouvre sur l’évocation des explorateurs : « Commentateurs de chartes et de bulles, Capitaines de corvées, Légats d’aventure… » A ces hommes encore trop attachés à la poussière du papier, succèdent les conquistadors : « Les cavaliers sous le morion, greffés à leur monture… » Cette « greffe », nous le savons, fut la cause même de la victoire des conquérants espagnols, que les Indiens, les voyant juchés sur leurs chevaux, prirent pour ces créatures divines dont leurs légendes annonçaient l’arrivée.   Pour finir cette célébration des hommes, le Chant III déroule dans sa deuxième Suite l’énumération de ceux qui ont érigé le Nouveau Monde « Des hommes encore, dans le vent, ont eu cette façon de vivre et de gravir. » Gouverneurs en tête, suivis des Réformateurs, des Protestataires, et jusqu’aux hommes de science « …lecteurs de purs cartouches dans les tambours de pierre… » Ceux-la même qui déchaînent pour la destruction du monde ancien le Monstre déjà évoqué. A ces hommes du renouveau, répondent des figures féminines. Aux "vierges cariées" du Sud, s'oppose la ruée, encore la force du mouvement "de filles à l'an neuf, portant sous le nylon l'amande fraîche de leur sexe." Célébration d'une fraîcheur opposée à la corruption. Cette corruption, nous l'avons vu, géographiquement ancrée dans le Sud, point cardinal pour le poète du retour nostalgique rejeté. Et c’est toute l’analogie tissée dans la première suite du Chant II qui met en parallèle les terres vierges du Nouveau Monde avec la figure de la femme. Dans cette suite, la répétition anaphorique des « terres neuves » croise la répétition du mot « fraîcheur ». De cette terre féminine célébrée naîtra le monde à venir, le fruit mûrit : « Des terres neuves, par là-haut, comme un parfum puissant de grandes femmes mûrissantes » « Toute la terre nubile et forte… » Et si, dans la deuxième suite du Chant III, sont célébrés, ces derniers pionniers en date d'une lumière nouvelle, pour une nouvelle ère, atomique, c’est à travers la métaphore du sexe féminin " ... nous cherchons dans l'amande et dans l'ovule et le noyau d'espèces nouvelles". Dans la rencontre entre ces hommes et ces femmes du renouveau, c’est le germe de l’avenir qui constitue au dernier Chant le point final de la célébration « Des messagers encore s’en iront aux filles de la terre, et leur feront encore des filles à vêtir pour le délice du poète. » Ainsi le souffle épique porte-t-il en son sein une parole de célébration. Le poète chante la décadence d'un monde qui a perdu sa sève, mais aussi l'avènement d'une ère nouvelle, celle qui s'ouvre à des hommes nouveaux. L'oeuvre poétique de Saint-John Perse semble bien dessiner ses contours de façon paradoxale : comme toute épopée, elle chante un exil, souvent un retour, mais l'un comme l'autre, exempts de toute nostalgie. Chant de célébration, elle oppose deux mondes, balayant l'un pour élever l'autre. Les masques du poète Et pourtant, l'essentiel n'est pas dit si l'on se contente de relever l'éloge d'un monde à venir. Le poète le rappelle lui-même à l'envi "c'est de l'homme qu'il s'agit." Et c'est l'homme comme poète qui dans Vents endosse le rôle du héros de cette épopée qu'est l'oeuvre de Saint-John Perse. Cette "oeuvre oeuvrée" dont il est question dans son discours de Stockholm. Vents nous révèle de façon directe cela. C'est une épopée qui invite l'homme à écouter la parole d'un poète qui a choisi de marcher "sur le chemin des hommes de son temps" Quel poète? Quel héros? Un poète inspiré, certes. Non pas apollinien, il a abandonné "la boue des feuilles mortes au bassin d'Apollon" En affirmant avoir "bu le vin de lierre" il se range explicitement du côté dionysiaque, du côté de l'enthousiasme. "Je te licencierai, logique, où s'estropiaient nos bêtes à l'entrave". Renonçant aux lumières de la logique, le poète cherche une illumination. "Et la réponse à lui donnée par illumination du coeur." Le masque ici porté, c'est pour certains critiques, Henriette Levillain en tête, celui du Shaman. Comme ce thaumaturge des steppes, le poète a survécu à la foudre « … par la foudre même mis sur la voie des songes véridiques… ». Comme le shaman, sa fonction est d’être parmi les hommes à qui il va révéler cette lumière frappant la terre depuis le ciel : « Son occupation parmi nous, mise au clair des messages ». Autrement dit, rendre audible une parole révélée par la foudre mais restée obscure aux hommes, toujours la poétique de l’oxymore. C’est précisément parce qu’il répète l’ « avertissement du dieu » qu’il évoque « Le monstre qui rôde au corral de sa gloire ». Car le « monstre », du latin « monere », est un avertissement. Ici, la « lampe d’argile du poète » éclaire les dangers de « l’ère atomique » qui s’annonce. Dans cette situation du poète entre deux mondes, nous voyons la preuve que le poète est bel et bien le héros de l’épopée. Porté par le souffle des vents, témoignant des grandeurs passées et de celles, fussent-elles terribles, à venir, le poète apparaît comme celui qui relie la terre au ciel et les enfers à la terre. Ne peut-il à cet égard être vu autrement que comme le héros d’une épopée par lui-même chantée. Si Saint-John Perse laisse aux antiquaires ou aux orties les feux éteints, les cendres, d'une religion passée, c'est pour mieux célébrer les lumières de la science. Cette épiphanie des savoirs est annoncée dès la première suite, les oracle du "très grand arbre du langage" murmurent dans les "quinconces du savoir".  
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blog-bishop · 4 years
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Nouvelles acquisitions (Septembre 2018) Rattrapage
Samedi 08.09.18 Boulinier Henry Miller - La crucifixion en rose T.1 - Sexus
Gibert Jeune - Nouvelle Braderie, place St Michel Michael Collins - Des souvenirs américains Juan Filloy - Op Oloop Brice Matthieussent - Identités françaises Saul Bellow - La Bellarosa connection Leo Perutz - Le cosaque et le rossignol Ann Beatie - Promenades avec les hommes August Strindberg - Destins et visages - Nouvelles
Lundi 10.09.18
Gibert Jeune - Nouvelle Braderie, place St Michel Eric McCormack - L'inspection des caveaux - Nouvelles Eric McCormack - Mysterium Thomas McGuane - Comment plumer un pigeon - Nouvelles
Jeudi 13.09.18 Via internet Léo Malet - Dernières enquêtes de Nestor Burma - Vol.3 (Coll. Bouquins Robert Laffont) Contient : L'Homme au sang bleu ; Nestor Burma et le monstre ; Gros plan du Macchabée ; Hélène en danger ; Les paletots sans manches ; Nestor Burma en direct ; Nestor Burma revient au bercail ; Drôle d'épreuve pour Nestor Burma ; Un croque-mort nommé Nestor ; Nestor Burma dans l'île ; Nestor Burma court la poupée. Henry Miller - Moloch
Samedi 15.09.18 Boulinier C.F. Ramuz - La guerre dans le haut-pays
Lundi 17.09.18 Via internet Isaac Bashevis Singer - Le fantôme - Nouvelles Isaac Bashevis Singer - Ombres sur l'Hudson Isaac Bashevis Singer - Le certificat
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J'ai passé trop de temps sans lire un Singer, me suis-je dit, avant de commander celui-ci. Jusqu'ici je n'avais lu que des nouvelles (La couronne de plumes ; Le Blasphémateur, tous deux excellents) et il est rare qu'un auteur réputé pour ses nouvelles tienne la distance sur un roman. C'est pourtant le cas du Certificat.
En 1922, à Varsovie, les juifs qui le peuvent quittent- la ville où ils commencent à devenir indésirables pour rejoindre la Palestine. Mais il y a une contrainte à ce départ, l'obtention d'un Certificat. Donc une somme d'argent à payer, bien sûr, mais surtout : le certificat n'est délivré qu'à des couples mariés ! Le narrateur, la plupart du temps sans le sou, quasi vagabond, un personnage qu’on dirait sorti d'un roman de Knut Hamsun (que Singer adorait) va donc, entre deux histoires d'amour improbables, devoir trouver l'argent et une fausse épouse. Il la trouvera dans la hautaine et fantasque Minna, mais ça ne sera pas une mince affaire.
Je range Le Certificat dans ces livres auxquels on pense dans la journée et qu'on n'a qu'une hâte c'est de continuer le soir. Ce sont eux souvent qui ensuite ne vous quittent plus. Le héros est très attachant, mélancolique, mal dans sa peau :
« Des jours passaient sans que je mette le pied dehors. Je ne parlais même plus aux gens chez qui je vivais. J'étais la proie d'une timidité maladive, d'un besoin de me cacher aux yeux de tous. (...) Je croyais par moments être devenu sourd et à moitié aveugle. Je laissais tout le temps les choses s'échapper de mes mains. Si je me mettais à écrire, je ne finissais pas certaines lettres et j'oubliais parfois des mots entiers. J'avais le pénible sentiment que je n'étais plus moi-même, sans être pour autant capable de devenir quelqu'un d'autre. »
Dans ce narrateur, on imagine Singer à ses début, rêveur invétéré, qui veut écrire, mais il ne sait pas trop quoi, alors il part sur de la philosophie. Son frère, qui appartient à cercle de poésie, se moque de ses premiers écrits. Pourquoi écrire sur Spinoza, ricane-t-il, écrit plutôt des romans, au moinsça rapporte ! En plus il veut écrire en Yiddish. Langue morte. Un vrai jargon, se moque Minna :
« (...) du mauvais allemand avec des mots yiddish et hébreu. L'hébreu aussi est complètement corrompu et le polonais plus ou moins. Il n'y a plus ni grammaire ni syntaxe. Pour qui écrivez-vous ? Les journaux en jargon ? »
Une autre, Bella, la communiste, se moque de son désir de Palestine :
« Les Anglais ne quitteront jamais ce pays, en tout cas pas sans y être forcés. Ils laisseront quelques juifs s'y installer et dresseront les arabes contre eux. C'est leur éternelle politique, conquérir et diviser. Les arabes ont le droit pour eux. C'est chez eux là-bas, pas chez nous. »
La religion comme souvent chez Singer est présente, mais comme souvent aussi critiquée. Ses personnages sont des croyants torturés, voire agnostiques :
« Mon frère me lança un regard interrogateur. Nous avions échappé, lui et moi, à un monde de mensonges religieux, pour nous retrouver englués dans autant de mensonges profanes. »
On sent dans la construction une urgence qui s'explique par la publication dans un journal, sous forme de feuilletons. Un livre posthume, retrouvé dans les papiers de Singer et dont, bien que publié dans le quotidien Forward en 1967, on ignore la date de composition ! Mais assurément c’est ce que j'ai lu de mieux ces 5 dernières années. La fin aussi est admirable et très mélancolique.
« Sonia me prit par le bras. « Ne sois pas si triste. Tu connais le proverbe : " Il fait toujours plus sombre juste avant l'aube. " »
C'est rapide, drôle et désespéré à la fois, on se demande parfois comment Singer fait pour être aussi profond dans la légèreté. Mon hypothèse c'est qu'il a beaucoup lu les russes et surtout Tchékhov. Idée pas très originale, puisqu'on a souvent comparé ses nouvelles à celles du grand Anton.
« Une nouvelle littérature doit naître, me dis-je., une littérature sans lois préalables, sans règles. Il ne faut plus faire de distinction entre la littérature et la philosophie, il faut présenter les gens tels qu'ils sont, avec leurs actes, leurs pensées, leurs caprices, leurs folies. »
Mardi 18.09.18 Via internet Isaac Bashevis Singer - Ennemies, une histoire d'amour Isaac Bashevis Singer - Spinoza de la rue du marché - Nouvelles Henry Miller - Nexus 2 - Vacances à l'étranger
Samedi 22.09.18 Boulinier Pete Fromm & David Vann - Textes inédits et entretien croisé Bruno Schulz - Les boutiques de cannelle C.-A. Cingria - Bois sec Bois vert Enrique Vila-Matas - Explorateurs de l'abîme Selby - Retour à Brooklyn
Mardi 25.09.18 Via internet Gilbert Joseph - Une reine de l'occupation, la vie incroyable et aventureuse de Laure Dissard Alexandre Dumas, en société avec Claude Schopp - Le Salut de l'Empire - Hector de Sainte-Hermine
Mercredi 26.09.18 Via internet John Brunner - Le long labeur du temps
Jeudi 27.09.18 Boulinier Olivier Maulin - Petit monarque et catacombes Chen Fou - Récits d'une vie fugitive Jaroslav Hasek - Aventures dans l'armée rouge, suivi de Histoires vraies et populaires Anaïs Nin - Journal de l'amour  - Journal inédit et non expurgé des années 1932-1939
Samedi 29.09.18 Boulinier John McGahern - Le Pornographe DOUBLON et déjà lu Henry Miller - Big Sur et les oranges de Jérôme Bosch
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Sélection de novembre : auteurs de langue espagnole.
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Blacksad, Tome 1 : Quelque part entre les ombres, Juan Díaz Canales and Juanjo Guarnido :
Blacksad est, comme tous les détectives privés, désabusé et sans illusion. À un détail près : c'est un chat, qui trimballe sa silhouette et ses idées généreuses dans l'Amérique des années 50. Grâce à son graphisme flamboyant, ses cadrages à couper le souffle et son ambiance dignes des meilleurs films noirs, Blacksad s'est imposé comme un classique du polar et de la BD.
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Journal d’un enlèvement, Gabriel García Márquez :
Entre août 1990 et juin 1991, le "Cartel de Medellin" fait enlever et séquestrer huit journalistes colombiens. Son but : empêcher l'extradition de plusieurs narco-trafiquants vers les États-Unis. Le drame se dénouera avec la reddition du chef du Cartel, mais deux otages - deux femmes - auront été abattus. S'appuyant sur les témoignages des protagonistes - en particulier une femme, Maruja Pachon, et son mari, Alberto Villamizar, dont le rôle sera décisif - le grand romancier du "réalisme magique" dépeint ici une réalité qui, pour une fois, dépasse la fiction. Les otages et leurs familles, les policiers, les tueurs et les hommes de main, le Président et ses conseillers, les journalistes jouent tour à tour ou simultanément leur rôle dans une négociation difficile, à l'issue incertaine, donnant à cette chronique de morts conjurées la tension haletante d'un thriller.
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Que Viva La Musica !, Andrés Caicedo :
Le jour où María, petite-bourgeoise de dix-sept ans, sèche son énième rendez-vous avec de jeunes marxistes, elle bouscule la vie tracée pour elle et se jette à la nuit : fêtes, drogues, amours multiples, rock et salsa. Dans la ville de Cali et l’effervescence des 70’s, elle choisit l’errance – à la poursuite d’elle-même et d'un rêve insaisissable : celui d’une jeunesse absolue.
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Lettre d’amour, suivi de Claudel et Kafka, Fernando Arrabal :
Lettre d'amour : La mère de Fernando reçoit une lettre de son fils après dix-huit ans de silence et d'absence : après la guerre civile espagnole, le jeune homme avait en effet rompu tous les liens avec sa mère adorée mais délatrice. Claudel et Kafka : Paul Claudel et Franz Kafka, qui s'étaient croisés à Prague, se retrouvent... au paradis !
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La Maison aux esprits, Isabel Allende :
Entre féérie et cauchemar la saga de la famille Trueba se déroule au Chili. Ses protagonistes ? Esteban, le chef de famille, riche propriétaire parti de rien, tyran familial et sénateur musclé ; sa femme Clara, hypersensible, qui dialogue volontiers avec les esprits ; et une foule d’autres personnages, enfants légitimes ou non, employés, paysans. Portrait d'un pays passé sans transition des traditions rurales à l'horreur des tyrannies modernes.
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Une Affaire d’honneur suivi de Les yeux bleus, Arturo Perez-Reverte (exemplaire bilingue) :
Une Affaire d’honneur : un routier, ancien prisonnier, tombe amoureux d'une jeune fille de 17 ans vendue par sa maquerelle à son patron, un entrepreneur corrompu. Les Yeux bleus : le récit historique d'un épisode de la conquête espagnole relaté par un soldat anonyme. Les troupes de Hernan Cortés fuient la ville de Tenochtitlan, les bras chargés d'or et poursuivis par les Aztèques.
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Les Temps mauvais, Carlos Giménez :
Dans Les Temps mauvais, Carlos Giménez aborde cette fois l'atroce guerre civile qui a préludé à la dictature de Franco, et la vie quotidienne des civils qui tâchent de survivre aux bombardements, incendies, exécutions, privations et épidémies dans Madrid assiégée.
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Rites de mort, Alicia Giménez Bartlett  :
Affectée au service de documentation de son commissariat, Petra Delicado s'occupe de questions générales, archives, publications et bibliothèque, ce qui lui vaut un statut purement théorique aux yeux de ses collègues. Chargée de prendre les fonctions d'un inspecteur accidenté, elle s'attaque, en compagnie de l'inspecteur à l'air mal dégrossi qui a été placé sous ses ordres, à sa première affaire : une jeune fille de dix-sept ans, victime d'un viol et marquée au bras d'une étrange blessure en forme de cercle. 
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Une ardente patience, Antonio Skarmeta :
Réfractaire au métier de pêcheur, Mario Jimenez trouve son bonheur grâce à une petite annonce du bureau de poste de l'île noire. Facteur il sera, avec pour seul et unique client le célèbre poète Pablo Neruda. Leur relation, d'abord banale et quotidienne, se transforme, par la magie du verbe et de la métaphore, en une amitié profonde. Mais malgré leur isolement, l'Histoire les rattrape... 
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Journal d’un tueur sentimental et autres histoires, Luis Sepúlveda :
Dans Journal d'un tueur sentimental, un homme épris d'une belle Française néglige le contrat pour lequel il a été payé et part dans une course effrénée, de la Turquie au Mexique, à la poursuite d'une "cible amoureuse" insaisissable. Hot Line met en scène un inspecteur rural, muté à Santiago, qui enquête sur les téléphones roses, non sans causer quelques aigreurs aux hommes politiques qu'il ose défier... Quant aux yacarés, ces petits crocodiles d'Amazonie dont la peau est si recherchée par les maroquiniers milanais - commerce qui met d'ailleurs en péril la vie des Indiens Anarés -, ils sont au centre de l'intrigue qui mène un inspecteur de police jusqu'en Italie.
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Les Soldats de Salamine, Javier Cercas :
A la fin de la guerre civile espagnole, l'écrivain Rafael Sânchez Mazas, un des fondateurs de la Phalange, réchappe du peloton d'exécution. Un soldat le découvre terré derrière des buissons et pointe son fusil sur lui. Il le regarde longuement dans les yeux et crie à ses supérieurs "Par ici, il n'y a personne !" La valeur qu'il entrevoit au-delà de l'apparente anecdote historique pousse un journaliste, soixante ans plus tard, à s'attacher au destin des deux adversaires qui ont joué leur vie dans ce seul regard. Il trace le portrait du gentilhomme suranné rêvant d'instaurer un régime de poètes et de condottieres renaissants, quand surgit la figure providentielle d'un vieux soldat républicain. L'apprenti tourneur catalan, vétéran de toutes les guerres, raconte : les camps d'Argelès, la Légion étrangère, huit années de combats sans relâche contre la barbarie fasciste. Serait-il le soldat héroïque ? L'homme laisse entendre que les véritables héros sont tous morts, tombés au champ d'honneur, tombés surtout dans l'oubli. Les guerres ne sont romanesques que pour ceux qui ne les ont pas vécues.
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Carlos Gardel : la voix de l’Argentine (première partie), José Muñoz et Carlos Sampayo :
Carlos Gardel, une vie. Sa voix a été déclarée patrimoine de l'Humanité par l'Unesco. La vie de Carlos Gardel génère de nombreuses questions et méritait bien une biographie. Né à Toulouse pour les uns, en Uruguay pour les autres, le chanteur le plus célèbre de tango argentin disait «être né à Buenos Aires à l'âge de deux ans et demi.» Très jeune, il chante dans les cafés pour quelques pièces de monnaie. Sa réputation se fait vite et en 1912 il signe ses premiers enregistrements. Sa carrière est lancée, il rend le tango célèbre dans le monde entier, ses tours de chants font salles combles. Il meurt en juin 1935 dans un accident d'avion. Entre temps, celui qui possédait de multiples surnoms, Le magicien, la grive créole, le brun de l'Abasto, le petit Français... Mais aussi le Métis, est devenu le symbole de l'insouciance des années folles. Carlos Gardel avait gagné beaucoup d'argent (il a enregistré 700 chansons), mais en a tout autant perdu, aux courses et auprès des femmes, millionnaires, actrices et demi-mondaines.
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Trafiquants de beauté, Zoé Valdés :
“J'ai treize ans mais je ne sais même pas dans quelle étape de ma vie je me trouve, ici on mûrit en un clin d'œil, mais en même temps, je ne sais rien de la vie. Pour moi, le monde c'est la Vieille Havane, et à la limite, le quartier du centre.” Le regard éblouissant de lucidité d'une jeune fille de treize ans sur un touriste-photographe émerveillé par la richesse et la beauté des quartiers délabrés de Cuba, l'époustouflante rencontre entre Beatriz et le fantôme d'Arthur Rimbaud, celle invraisemblable d'un homme et d'une femme en plein milieu du désert, sans oublier l'amertume des Noëls interdits de La Havane ou la lettre d'un couple aux rois mages pour redevenir enfants... Autant de portraits colorés, baroques ou insolites, de personnages pétillants de vie et avides de beauté malgré la misère.
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Christophe et son œuf, Carlos Fuentes :
Le récit se passe entre le 6 janvier et le 12 octobre 1992. C'est-à-dire entre la conception et la naissance de l'enfant Christophe Palomar. Et c'est Christophe, embryon-fœtus, qui raconte l'histoire du fond du ventre de sa mère. Pendant les neuf mois de sa gestation, Christophe va suivre les extravagantes tribulations de ses parents Ángel et Ángeles, leurs copains, oncles, tantes, grands-parents, etc., dans le Mexique de 1992. Pays de tous les malheurs : pollution catastrophique, tremblements de terre, corruption généralisée, folie et incurie des gouvernants, intrigues politiques, faillite économique. Bon gré mal gré, le peuple s'amuse avec des jeux télévisés, des concours, des créations mythiques telles que l'inoubliable Mamadoc, mère et guérisseuses des Mexicains... tout en rêvant d'un nouveau Nouveau Monde.
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L’Ombre du vent, Carlos Ruis Zafón :
Dans la Barcelone de l’après-guerre civile, marquée par la défaite, la vie est difficile, les haines rôdent toujours. Par un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon – Daniel Sempere, le narrateur – dans un lieu mystérieux du quartier gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. L’enfant, qui rêve toujours de sa mère morte, est ainsi convié par son père, modeste boutiquier de livres d’occasion, à un étrange rituel qui se transmet de génération en génération : il doit y « adopter » un volume parmi des centaines de milliers. Là, il rencontre le livre qui va changer le cours de sa vie, le marquer à jamais et l’entraîner dans un labyrinthe d’aventures et de secrets « enterrés dans l’âme de la ville » : L’Ombre du Vent.
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Né pour naître, Pablo Neruda :
Ce recueil rassemble des poèmes en prose, des préfaces, des articles, des discours, des essais et d'autres écrits de Pablo Neruda. Dans ces textes, chargés d'humour, de tendresse et parfois de violence lucide, il raconte l'Extrême-Orient des années de jeunesse, évoque l'Espagne de 1936, la condition des Indiens du Mexique, la revue Cheval vert, les amis d'alors et fait revivre des rencontres insolites sous toutes les latitudes. Il célèbre le paysage marin, les brodeuses et les personnages typiques de l'Ile-Noire, recrée les mystérieuses cérémonies auxquelles se livrent d'étranges invités dans la maison d'un écrivain célèbre de Santiago, éclaire le drame du Chili sous la dictature de Gonzales Videla et la lutte civique et politique qu'il mena avant d'entrer dans la clandestinité...
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Cap Horn, Francisco Coloane :
On retrouve dans ce recueil de nouvelles la muse chère à Francisco Coloane :  la Patagonie chilienne, avec ses reliefs abrupts, la désolation de ses grands espaces balayés par un vent infernal terminant son souffle au terrible cap Horn, que l'on dirait directement sorti de l'imagination du diable. C'est dans ce paysage que se déroulent les histoires que nous conte Coloane. Elles permettront au lecteur de respirer en secrète harmonie avec le monde.
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La Cathédrale de la mer, Idelfonso Falcones :
Barcelone, XIVe siècle. La cité catalane s'enorgueillit d'un nouveau fleuron gothique : Santa Maria del Mar, la cathédrale de la mer, qui s'élève, pierre à pierre, vers un ciel sans nuages. Du haut de ses huit ans, le jeune Arnau Estanyol contemple le chantier. À l'image de ce chef-d'œuvre en devenir, l'ascension de ce fils de paysan exilé, parti de rien, sera fulgurante. Devenu consul et proche du roi, humaniste et philanthrope, il n'oubliera jamais que son destin est placé, depuis sa naissance, sous le signe des tragédies : l'ombre de la Sainte Inquisition plane sur ses ambitions, et la Grande Peste s'apprête à fondre sur le Nord de l'Espagne...
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Le Lieu perdu, Norma Huidobro :
Villa del Carmen, 1977. Nombreux sont ceux qui ont quitté le village situé aux confins du pays pour tenter leur chance à la ville. Matilde, émigrée à Buenos Aires, envoie régulièrement des lettres à son amie Marita, restée sur place. Des lettres qui ne relatent rien de plus que des impressions, des sentiments. Mais voilà que Ferroni, un homme à la solde des militaires, se met en quête de renseignements sur Matilde, compagne d’un militant considéré subversif. Il se rend à Villa del Carmen décidé à retrouver la trace du couple. Une seule piste s’ouvre à lui : une des lettres envoyées par la jeune fille. Lorsqu’il découvre qu’une véritable correspondance existe, il décide de l’obtenir de Marita qui, elle, ne veut à aucun prix lâcher son bien. Dans la fraîche pénombre du café où Marita travaille, jour après jour, la tension monte...
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Monsieur le Président, Asturias :
Malgré le refus de Miguel Angel Asturias d'être considéré comme un auteur engagé, Monsieur le Président est tout entier habité par cette volonté de dénoncer l'inhumanité, la bestialité et l'injustice d'un régime dictatorial. Une barbarie qui trouve sa genèse dans l'assassinat d'un homme de main du pouvoir par un simple d'esprit, souffre-douleur de celui-ci. Ce crime déclenche bientôt une répression sanglante...
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La Maison de Bernarda suivi de Les Noces de sang, Frederico Garcia Lorca :
La Maison de Bernarda : A la mort de son mari, Bernarda décide, pour marquer le deuil, que ses filles ne sortiront pas de leur maison pendant huit ans. Ce huis clos se déroule dans l'âpre atmosphère du Sud de l'Espagne où, entre censure et anathème, les femmes sont recluses et l'amour est frappé d'interdit. Un homme hante les rêves des cinq sœurs. Il doit épouser l'ainée, mais la plus jeune s'éprend de lui : jalousie, hargne, désirs et passions s'exacerbent. Les Noces de Sang : Dans la campagne espagnole, une jeune fille, contrainte d'épouser un homme qu'elle n'aime pas, s'enfuit avec son amant le jour de ses noces. Le jeune marié se lance à leur poursuite...
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Don Quichotte, Miguel de Cervantès :
Alonzo Quixada l’a décidé, il sera chevalier sous le nom de Don Quichotte. Les gens le traitent de fou, mais qu'importe : il veut vivre comme les héros de romans. Sur les routes d'Espagne, le voilà parti en quête d'exploits, intrépide et généreux. Des aventures, il va en vivre, mais elles ne seront pas tout à fait celles qu’il imaginait.
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La Ville et les Chiens, Mario Vargas Llosa :
"Le Cercle" est un groupe secret de cadets du collège militaire Leoncio Prado de Lima. Contre la discipline de fer qui les écrasent, les membres du "Cercle" ont institué leurs propres règles, garantes d'une pseudo liberté fondée sur la violence, le mensonge et le vol. Sur ordre de cette organisation et de son chef, le jaguar, un cadet, dérobe les sujets d'un examen. Le vol découvert, tous les élèves sont bientôt consignés, au désespoir d'un cadet faible et soumis surnommé "l'esclave", qui ne tarde pas à dénoncer son camarade sans savoir ce qui l'attend.
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L’Aleph, Jorge Luis Borges :
Trois contes qui ont pour thèmes l'infini, la mort et la civilisation. L'immortel mêle mythologie, histoire et littérature pour raconter la quête de l'immortalité. La nouvelle Deutsches Requiem traduit les réflexions d'un bourreau nazi avant son exécution. L'Aleph, enfin, est un lieu ou un objet qui permet de voir tout l'Univers en une seule fois.
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Tropiques des Silences, Karla Suárez  :
A la Havane, une petite fille aux cheveux crépus négocie le difficile tournant de l'enfance à l'adolescence, dans une famille condamnée à la cohabitation par les conditions sociales du pays: un père officier de toutes les guerres de la Révolution, une mère argentine droguée au tango, une tante amateur d'opéra, un oncle masseur et une grand-mère gardienne de la morale. L'enfant va peu à peu découvrir que tout le fragile édifice familial ne tient que sur le mensonge.
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La Vie est un songe, Calderón (exemplaire bilingue) :
La vie est un songe est l’un des chefs-d’œuvre du théâtre espagnol du Siècle d’Or et une des pièces les plus représentatives de l’esthétique et de la pensée baroques. Calderón, grâce à la fiction d’un prince injustement enfermé et élevé à l’écart du reste des hommes, met en scène le drame d’un esprit qui découvre un monde infiniment “ondoyant et divers”, selon les termes utilisés par Montaigne pour décrire l’instabilité des êtres et des choses. L’illusion des sens et la fascination pour les apparences trompeuses conduisent Sigismond à percevoir le néant de la condition humaine, de ses activités et de ses ambitions : “– Qu’est-ce que la vie ? – Une fureur. Qu’est-ce que la vie ? –Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes mêmes ne sont que songes.”
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Le Manuscrit Maudit
Le manuscrit maudit est digne d'une nouvelle de Lovecraft l'influence principale de l'auteur.
Mon maître Lerov souleva la pierre tombale lentement... très lentement...
Une brume diffuse émanait des entrailles de la terre, comme si tous les damnés qui gisaient en son sein voulaient se manifester.
Je dirigeai le faisceau de ma torche sur chacune des antres mortuaires et sur les autels. Depuis fort longtemps, un enchevêtrement de ronces avait recouvert certaines tombes, où jadis des noms avaient été gravés.
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Plus loin, une statue à l’effigie du roi Gygès dominait les lieux de sa taille impressionnante. La légende raconte qu’un anneau magique lui aurait offert le pouvoir de se rendre invisible. Ici et là, bien d’autres personnages familiers de sinistre réputation étaient représentés.
Le bruit grinçant et lancinant des rongeurs aux alentours, troublait le silence profond de ce lieu et me rendait nerveux.
Des yeux de jade, perçants, luisaient par cette nuit sans lune.
Les bruissements d’ailes d’un hibou aux ululements macabres, rendaient l'atmosphère encore plus pesante, peut-être en souvenir pensai-je, d’un événement qui avait eu lieu dans ce cimetière hors du temps, perdu en pleines landes de Pennsylvanie, qu’une civilisation lointaine avait déserté à jamais...
Etait-ce le fruit de mon imagination, ou bien tout simplement un jeu d'ombres extraordinaire me donna-t-il l’illusion d’avoir vu les statues se déplacer, jusqu’à former un large cercle autours de nous ?... Je me sentais observé.
Mon maître Lerov, comte en son pays, ne semblait pas ému d’évoluer dans ce climat fantastique.
Il y avait quelque chose d'insolite dans cet endroit. Etait-ce l'absence totale du moindre souffle de vent, ou le ciel nébuleux recouvrant de son large tapis noir et dense les étoiles, avares de lumière en ce mois d’août 1930 ?
Je demandai à mon maître de mettre à jour au plus vite l’intérieur de ce tombeau pour enfin savoir... Mon excitation mêlée à l'angoisse était vive.
« Je suis en train de flancher, maître… J’ai peur, très peur… Mes idées sont confuses,
et je ne suis plus certain de comprendre ce que je vois et entends…
- Souviens- toi, Philippe... Souviens-toi, me dit-il d’une voix rassurante. Te rappelles-tu que c’est moi qui suis venu te trouver alors que tu n’étais qu’un simple étudiant triste et désœuvré, à la recherche de tes origines, à la faculté d’histoire naturelle de Géorgie ?
T’ai-je forcé à accepter cette mission ? Notre mission, Philippe ?
- Non, maître.
- As-tu oublié que cette mission avait pour objet de comprendre les causes inexpliquées de la mort de mon ami Burt O’Williams ? Tu as pu constater dans ses écrits qu’il avait découvert des choses incroyables que nous sommes peut-être les seuls au monde à connaître. Alors ce n’est pas le moment de flancher, je veux que tu voies et que tu comprennes... peut-être... »
Sur ces paroles, je me souvins peu à peu des événements vécus au cours de ces derniers mois. Ces aventures éprouvantes mais si extraordinaires, ne peuvent être comprises par un esprit humain dont les frontières se limitent à la raison... Petit à petit, les images des faits les plus marquants me revinrent en mémoire.
C’est en 1920 que le géologue Burt O’Williams avait découvert d'étranges statuettes taillées dans une roche inconnue, représentant d’obscures déités.
Auprès d’elles, éparpillées dans un désordre indescriptible, se trouvaient des fragments d'os. Tout fut transmis à l'institut de recherche scientifique de Londres. Faisant suite à de sérieuses analyses et à des études approfondies, la conclusion des chercheurs fut horrible ! Les ossements prélevés tout à proximité de ces curieuses figurines, reposant dans ces lointains sanctuaires oubliés de l'île de Pâques, s'avérèrent être des os humains dont certains étaient broyés, laissant supposer d'atroces mutilations pouvant résulter de sacrifices rituels donnés en offrande aux dieux.
Burt O’Williams décida d'écrire ses mémoires en y consignant ses découvertes, fruit de son existence riche en aventures multiples, vouée entièrement à retrouver la trace des civilisations passées.
« ... J'ai gardé la plus mystérieuse des statuettes, écrivait-il. Les autres sont conservées au musée d'Histoires Naturelles de Londres. Les experts n’ont trouvé aucun lien avec les statues géantes, monolithiques, découvertes en 1722 à l’arrivée des Européens. »
Un peu plus loin, Burt faisait allusion à la statuette qu’il détenait par devers lui. D’après ses écrits, elle mesurait trente centimètres de haut et reposait sur un piédestal de forme géométrique insolite, sur la base duquel étaient gravés des caractères s’apparentant à des signes cabalistiques non répertoriés.
Mon maître penchait plutôt pour un dialecte très ancien, laissant supposer un mélange composé de grognements et de sifflements.
Je dois avouer que j’étais très impressionné par sa culture, qui forçait mon admiration.
Dans son livre, Burt avait pris un cliché de la statuette. Malgré une mise au point approximative qui donnait un rendu assez flou sur certaines de ses parties, cette photographie révélait une beauté obscure et envoûtante. A première vue, elle ne ressemblait à rien de connu, mais il la décrivait avec une telle passion, qu’il arrivait à lui attribuer un semblant de vie primitive. La suite était tout aussi étrange.
« ... Bien qu’elles aient été découvertes sur l’île de Pâques, l’argile verdâtre dont elles sont faites est à ma connaissance de provenance inconnue... »
Elle mesurait une trentaine de centimètres ainsi qu’il l’avait déjà noté, mais au fil des mois elle lui paraissait plus grande.
« ... Il faut dire que je suis fatigué physiquement et moralement. Mes nerfs sont depuis quelque temps mis à rude épreuve. Cette statuette contient des mystères que je n’arrive pas à élucider, à commencer par les tentacules qui sortent de son corps en guise de bras, de jambes et de nez, ainsi qu’à la base de la partie ombilicale.
Elle n’a aucun sexe et pourtant, ce n’est pas un ange...
De plus, je suis incapable de me souvenir si sa bouche était ouverte ou fermée lorsque je l’ai découverte.
Et ces yeux ! Pourquoi me fixent-ils ainsi ?
Son regard, résumé à deux entailles très fines situées au-dessous de ce qui pourrait être des sourcils, est menaçant.
Lorsque je travaille tard le soir, avec pour seul éclairage une lampe sur mon bureau, son ombre projetée sur le mur d’en face est hideuse et démesurée.
Pour quelle raison, lorsque l'astre des ténèbres est recouvert par de sombres nuages aux formes indicibles, entends-je d'immondes grognements plaintifs ?
Je ne peux que le déplorer, mais je n’ai aucune réponse satisfaisante qui puisse me rassurer.
Je dois perdre la raison !
Ai-je réveillé un culte oublié depuis des siècles ?
Ai-je ressuscité la colère de quelque entité infernale ?
Je ne saurais le dire, mais plus les jours passent, mieux je la perçois...
J'ai peur... »
Burt disparut mystérieusement de chez lui. On ne retrouva sa trace que dix ans plus tard dans un hôpital psychiatrique au fin fond du Guatemala, plongé dans un délire total.
Ces mémoires ont été découverts dans son bureau où des odeurs d'algue et de soufre étaient fortement ancrées.
Toute la pièce était sens dessus dessous. Les tableaux avaient été lacérés. On pouvait y distinguer à même le sol, entre les débris de verre, des traces huileuses, des papiers écrits de la propre main de Burt O’Williams, ainsi que des dessins aberrants, représentant une peuplade hybride et déchue à la morphologie difforme, habitant comme le laissait supposer le dessin, une plaine aride que surplombait un soleil noir.
De plus, en dépit de vaines recherches, la statuette avait disparu.
Par les médecins de l’hôpital où avait été interné le géologue, mon maître a appris sa mort il y a très peu de temps. L’autopsie avait permis de conclure à une hémorragie cérébrale, causée semble-t-il, par un très gros choc émotionnel...
Comme s’il avait deviné mes pensées, mon maître me donna d’autres informations.
« O’Williams aurait une soeur qui habiterait à Ozamiz, un petit village situé aux Philippines, longé par la mer de Bohol. Son frère est bonze au Tibet, dans un village nommé Ikra, non loin du très mystique plateau de l’Himalaya. Et son ex-épouse, quant à elle, s’est remariée à un très riche armateur grec, décédé depuis peu, qui lui a légué toute sa fortune.
- Mais quel est le rapport avec notre histoire ?
- J'y viens Philippe, j'y viens, me répondit-il avec un étrange sourire. Leur notaire m'a rapporté confidentiellement que l'ex-femme d’O’Williams reçut en héritage de son deuxième mari, une fortune en diadèmes et en bijoux, vestiges de civilisations passées, mais aussi divers documents de feu son premier mari. La parution du premier ouvrage de Burt, Les Cultes oubliés, ne fit pas grand bruit.
Pourtant, il était en mesure de démontrer une partie de ses visions hallucinées.
Précisément, son ex-épouse, son frère et sa soeur ont chacun en leur possession une partie du manuscrit écrit avant sa mort, révélant sans doute d'atroces secrets, dans la lignée de son premier livre. Ce manuscrit a d’ailleurs volontairement été partagé en présence du notaire, dans le but de respecter la dernière volonté de mon éminent ami.
- Mais pourquoi m'avoir choisi pour les retrouver, maître ?
- Parce que tu es jeune et fort, et que j'aurai besoin de ta vitalité pour anéantir les obstacles qui pourraient se dresser devant nous, car rien ne doit nous arrêter Philippe, rien ! Et puis aussi parce que… Non ! Rien !»
J’acquiesçai du regard, troublé.
C’est à l’ex-épouse d’O’Williams que la première partie du manuscrit fut confiée. C’est la raison pour laquelle, le jour suivant, nous atterrîmes en Grèce.
C'est sur la charmante île de Kéa que cette femme jouissait des plaisirs de la vie terrestre.
Lorsque nous fûmes parvenus au sommet de la colline, nous découvrîmes sa luxueuse demeure, narguant de ses flancs majestueux la mer Egée, qui l’entourait comme une forteresse inexpugnable. Des arbres sans âge bordaient l’allée pourvue de dalles. Mon regard dériva à la rencontre des somptueux parterres de fleurs aux couleurs chatoyantes. Des oiseaux de toutes espèces vivaient en parfaite harmonie dans ce paradis. En vérité, c’était une véritable forteresse dorée, entièrement entourée de grilles. Au-delà, des grognements féroces laissaient deviner que de puissants et féroces molosses allaient et venaient librement, et dans la tourelle d’observation, on distinguait un visage vide de tout sentiment. C'est le chef de garde qui nous conduisit à l’intérieur de la retraite de feu l’armateur.
La porte principale, faite de chêne massif, était entièrement sculptée. Quant au style des formes gravées, il est vraisemblable qu’il fût né de l’imagination d’un artiste italien très inspiré.
Je ne saurais décrire l’intérieur, de peur de ne pas trouver les mots appropriés, mais je demeurai muet d’admiration devant la beauté de ce palais incrusté d'onyx et de nacre, ces tapis persans, toutes ces merveilles de décoration qui se fondaient en une symphonie de couleurs et de lumières.
Tout était orchestré de main de maître, jusqu’aux luminaires en cristal, aux colonnes de marbre rosé, aux fontaines ouvragées et aux tableaux anciens.
La main que je baisai à cet instant, appartenait à une créature d'une irréelle beauté. Malgré tous ses malheurs, cette femme avait conservé un visage angélique. Une longue chevelure brune caressait ses joues pâles, et ses yeux bleu-vert avaient les reflets de l’océan. Sa robe laissait deviner le galbe d’un corps aux courbes parfaites. Un corps qui aurait pu être une source d’inspiration pour de nombreux peintres. En cet instant même, je me trouvais dans un état d’intimidation extrême.
Mon maître Lerov, nullement troublé lui-même, en vint rapidement à la raison de notre venue. Après quelques hésitations, elle parla de son premier mari.
« Burt était un homme que j'aimais et que j’admirais énormément. Malgré ses colères, il était d’une infinie douceur. Mais... deux ans avant qu’il disparaisse, son comportement changea mystérieusement...
- Continuez ! lui intima mon maître d'une voix chaude et impérieuse.
- Eh bien, tout commença lors de la découverte de ses statuettes. Il avait peur, mais il refusa toujours de me faire partager ses craintes véritables. Il était harassé par ses recherches. La nuit venue, il se sentait épié et regardait sans cesse par-dessus son épaule. Il ne me parlait plus lorsque nous nous retrouvions ensemble, il ne s’intéressait plus à moi, il disait que je ne pouvais pas comprendre la raison de ce changement. J’avais la sensation d’être oubliée dans le labyrinthe de ses folles pensées. Il lui arrivait fréquemment de hurler dans son sommeil. Ce n'était plus supportable. Il me réveillait et me répétait sans cesse :
« Ecoute !… Les entends-tu gémir ?… Les entends-tu ramper ?… Dis-moi que tu entends leurs grincements ! »
Bien entendu je ne percevais rien, et il s’endormait à nouveau, haletant et couvert de sueur.
Et puis, il y eut ce fameux soir qui fut la cause de mon départ. Je m'en souviendrai jusqu'à mon dernier souffle.
Dès l’aube, il s'était enfermé dans son bureau et ne voulait voir personne. Au crépuscule, je l'entendis vociférer des choses horribles. Ses hurlements rauques résonnaient dans toute la maison. Dehors, le ciel exprimait la plus terrible des colères. Je n'en pouvais plus de ce chaos ! Je tentai d’ouvrir sa porte, mais elle était fermée à clé. Alors j’ai regardé par le trou de la serrure… C'était horrible ! Il… Comment dire… Il était figé au milieu de la pièce... Et son visage… Mon dieu !… (elle se signa). Son visage était déformé par une hideuse grimace… Ses yeux étaient révulsés !… Son corps tout entier était pris de nombreux spasmes… violents… et intenses !... »
La voix de la veuve devenait hystérique.
« Ensuite, il y eut une coupure de courant suivie d'une forte odeur de soufre, puis un terrible fracas de verre brisé.
N'en pouvant plus, je forçai la serrure, suffocante. La pièce était vide. Burt avait disparu. Je me précipitai à l’extérieur en courant… Mais rien !
Seul le murmure du vent à travers les arbres me parvenait. »
Elle éclata en sanglots.
Lerov l'avait poussée à dire des choses qu'elle s'était efforcée d’oublier. C'était une terrible épreuve. Mon maître, qui ne semblait pas affecté par cette douloureuse confession, lui demanda le manuscrit dans le but de poursuivre les recherches de Burt O’Williams. Elle le lui donna spontanément, se souvenant qu’il avait été un intime de son mari avant ces tragiques événements. Après quoi, nous repartîmes à destination des Philippines, pour obtenir la seconde et avant-dernière partie de ce manuscrit maudit.
La première partie en disait déjà beaucoup, à la condition toutefois de savoir lire entre les lignes et d'être un érudit tel que Lerov, pour saisir les termes obscurs en lesquels s'exprimait Burt O’Williams.
C'est dans la cabine 321 à bord du cargo qui nous transportait vers les Philippines, que Lerov parcourut le manuscrit. Il me le passa, et me conseilla d’en lire un passage.
« ... Je dois préciser certains faits. Dans mon premier manuscrit, je fais allusion à une statuette pourvue d'une vie chimérique aux yeux de tous, mais qui aux miens, est douée d'une vie primitive et ancestrale, renfermant les secrets enterrés à jamais de diverses civilisations passées, ayant servi des siècles durant à aviver les légendes.
Désormais, je crois savoir à quelle époque elle a été façonnée, et à qui elle a appartenu.
Mais, j'espère me tromper... »
A ce moment du récit, son écriture devient illisible comme s'il avait été profondément troublé par quelque chose ou quelqu’un...
« ... Et pourtant, la datation au carbone 14 prouve que la statuette provient de l’ère antédiluvienne. Il faut savoir qu'en ces temps reculés, la vie, si vie il y avait, ne pouvait être que cellulaire. Qui alors, aurait pu façonner une statuette de la sorte ?
Y aurait-il eu effectivement une espèce vivante bien avant qu’on le suppose ?
L'homme avant l'homme en quelque sorte. Mais bien sûr, ce n'est là qu'une hypothèse. Ma femme souhaite que j'arrête au plus tôt mes recherches. Elle me trouve changé. D’ailleurs, ce manuscrit servira plus de mémoire que d’ouvrage.
Je ne peux prendre le risque que de tels écrits tombent entre des mains non initiées.
J'avais mentionné dans mon premier recueil qu’à la nuit tombée, il me semblait entendre des bruits évoquant des gargouillements, hors de la maison. Cela se confirme maintenant. Je sens une odeur âcre et putride et j’entends d’étranges mélopées aux sonorités inhabituelles, une sorte de chant des sirènes…
Bien sûr, ma femme me dit qu’elle ne sent, ni n’entend. Je la soupçonne d'avoir passé un pacte maudit avec eux... Ho ! Mon dieu !… Comment puis-je en arriver à cette conclusion sordide et douter ainsi de ma bien-aimée ? Celle que je chéris au-delà de tout ! »
Ce fut la dernière ligne du manuscrit.
A première vue, l'éminent géologue était en proie à des crises de délire.
Mon maître Lerov était silencieux. Quel curieux personnage, rien ne semblait le troubler.
« La soeur de Burt O’Williams tient un cabinet médical aux Philippines, me dit-il. Espérons qu'elle soit toujours en possession du manuscrit. »
Je décidai de goûter un moment de solitude, et me rendis sur le ponton pour y respirer l'air frais du large. Je laissai errer mon regard vers ces étendues infinies, la nuit recouvrant de son manteau huileux ces abysses inexplorés...
Deux jours plus tard, nous accostions à Ozamiz, dans l’archipel des Philippines.
Dès notre arrivée au cabinet médical, la soeur de Burt O’Williams nous remit le manuscrit et nous conseilla vivement de quitter le pays.
Sans mot dire, mon maître Lerov m’entraîna au dehors et nous mîmes le cap sur le Tibet, région où demeurait le frère du géologue.
Dans l'avion qui devait nous déposer dans le village d'Ikra, Lerov, après avoir parcouru la deuxième partie du manuscrit, m’en fit lire un extrait.
Si ces lignes n’eussent été écrites par un éminent géologue de réputation mondiale, j'eûs probablement cru à une fable pour adultes. Voici ce que je pus lire :
« ... Je viens de faire une découverte extraordinaire, mais je ne peux la dévoiler aux scientifiques, de peur qu’ils me prennent pour un fou. Coucher sur le papier le cheminement de mes recherches m’est difficile. Je vais toutefois tâcher de m'expliquer clairement.
Lorsque l'être humain pénètre dans l’univers de Morphée, il parcourt des mondes extraordinaires dans la plus totale inconscience. Le lendemain, il aura oublié ces visions oniriques dans la plupart des cas. Maintenant, si l'on s'efforçait de donner à nos rêves une forme matérielle et concrète grâce au psychisme, si la pensée artificielle devenait réalité, si un sentiment pouvait se toucher, si l’on pouvait respirer l’air des étoiles, si le don d’ubiquité devenait accessible à tous, si le rêve d’Icare n’était plus un rêve, si vous croyez en l’immortalité et que vous êtes prêts à accepter cette théorie, alors vous comprendrez le fruit de mon travail. J'en ai fait l'expérience à l’aide de la statuette... »
C’est là que s’achevait la deuxième partie du manuscrit.
Lorsque nous arrivâmes au Tibet, aucun guide ne voulut nous conduire au village d'Ikra.
« C’est un endroit maudit depuis qu’il fut la scène d'un terrible massacre », nous expliqua un autochtone.
« Cela remonte à la nuit des temps. Afin d’apaiser la colère des dieux, le sorcier du village ordonna à la population de se mutiler puis de se tuer, dans la noire vallée longeant Ikra. Des os humains furent retrouvés. Certains étaient réduits en poussière, laissant imaginer avec quelle sauvagerie ils s'étaient suicidés. »
On entend, aux dires des habitants, d'étranges cris remontant de la vallée les soirs sans lune. Certains affirment que des esprits damnés hanteraient ce lieu à la recherche de l’âme du sorcier, pour sauver leurs âmes. Seuls quelques fanatiques ont décidé de s'implanter au village.
L’homme qui nous avait renseignés disparut, visiblement terrorisé.
« Superstition », pensai-je...
Mon maître Lerov demeurait, quant à lui, toujours aussi imperturbable. Nous nous mîmes en route, seuls avec quelques éléments d’orientation, et après deux jours de marche éprouvante, nous arrivâmes au village.
Ikra était quasi désert, presque abandonné. L’humilité que dégageait le monastère devant nous, imposait le recueillement.
Un bonze vint nous accueillir et nous demanda le but de notre visite.
Mon maître Lerov lui expliqua que nous étions à la recherche d’un dénommé O’Williams. Il nous conduisit alors dans un temple où nous traversâmes un hall au centre duquel coulait une fontaine. Son doux murmure était le seul écho qui me parvînt, dans ce lieu hors du temps.
« Nous sommes arrivés pendant leur méditation », me chuchota mon maître.
Ils devaient être une dizaine, disposés en cercle. De grandes toiles tissées, symbolisant la souffrance et la délivrance, étaient accrochées dans la salle des prières. Lorsque leur méditation prit fin, les lamas sortirent en silence pour vaquer à leurs tâches respectives, puis un bonze de type européen vint dans notre direction.
Lerov lui expliqua l’objet de notre visite.
Sans la moindre réticence, il nous remit la dernière partie du manuscrit.
« Mon frère est mort fou, nous dit-il, cet écrit est l'oeuvre d'un aliéné. Tout ce qui y est conté n'est que délire et hallucinations. J'ai bien peur que vous ayez entrepris ce voyage pour rien. »
Nous partîmes sur le champ.
Je ne sais si c’était à la lecture de cette dernière partie du manuscrit, ou à cause de cette fabuleuse odyssée, mais à dater de ce jour mes pensées furent un peu plus confuses, et mes nuits agitées n’arrangèrent pas les choses. Mon esprit est embrumé. J’ai de vagues souvenirs de silhouettes sombres qui s’évaporent en chuchotant dans une langue qui me semble familière, juste un peu avant mon réveil au moment même ou mes yeux s’ouvrent difficilement. Je ne sais qu’en penser.
«Relis la dernière partie ! m'ordonna mon maître.
- Je ne peux pas… » sanglotai-je.
- Tu le peux et tu le dois ! Je veux que cela reste gravé en toi jusqu'à ta mort. »
- Mais c'est horrible ! Aucun être humain ne peut concevoir ça… Seul un fou a pu écrire de telles choses !
- Oui, reprit-il, un fou génial qui a vu des choses que nous ne comprenons pas dans notre monde basé sur la géométrie à trois dimensions. Il a suivi la courbe de l'espace, franchi les barrières de l'infini, supplanté les limites de l'inconnu, pénétré l’intimité des morts !… Et alors il a vu… Il a compris… et il en a perdu la raison, ainsi que la vie. Allons ! Relis-le à haute voix. »
Malgré moi, je m’exécutai :
« ... Je pense rester chez moi, pour la dernière nuit. Ma femme pleure tout le temps, elle prétend que je hurle dans mon sommeil.
Ainsi que je l'ai exprimé, il est possible de projeter une pensée en une forme matérielle. Eh bien, cette expérience, je l'ai réalisée, je l'ai vécue, et je n'ose en imaginer les conséquences... La statuette trône sur mon bureau, elle me fixe à travers ses fines entailles. Seule la lune, de sa clarté blafarde, éclaire les lieux. Et l’astre des nuits, ce soir, doit impérativement briller. Les sept étoiles de la constellation de la pléiade sont alignées. Ce phénomène se produit une fois tout les trois cents ans, et nous sommes parvenus précisément en ce jour. Alors à mon tour, je scrute la statuette. Au plus profond de mon être, je pense jusqu’à entrer en totale communion avec elle… »
A cet endroit, l’écriture d’O’Williams devint illisible, mais Lerov, le regard perdu dans l’infini, semblant ne plus me voir, poursuivit à haute voix comme s’il revivait la scène :
« Soudain la pièce bascula, les murs s’effacèrent, la lumière qui m'entourait se fit son, et le son se fit image. Je réalisai dans quel univers chaotique je me trouvais. Je n'étais plus Burt O’Williams, j'étais bien plus. Je devenais un gaz éthéré. Mieux encore, j'étais devenu à moi seul une entité. Je vis défiler le passé et le présent... Je vis Attila et sa horde crasseuse, s’adonner à des actes barbares innommables, Je fus témoin de guerres abominables et destructrices qu’aucun livre d’histoire ne relate… j’assistai au règne, sur terre, d’un roi unique, assis sur un trône qui flottait au milieu du Pacifique.
Je vis aussi ma femme pleurer derrière la porte.
Je constatais tout cela, et j'étais impuissant. Je ne pouvais rien dire ni rien faire. De plus, je vis la réincarnation de la statuette, hideuse, aux formes humaines, se matérialiser devant moi. Elle me fit signe de venir, avec ses mains aux prolongements griffus, afin que je rejoigne son monde. Sa silhouette m’était familière sans pourtant que je la reconnaisse, et elle m’appelait d’une voix sifflante par mon deuxième prénom que peu de mes intimes connaissent.
Mais je ne voulais pas lui obéir, car j’avais peur ! Je suis victime de mes recherches, avide d’un savoir interdit réservé seulement aux dieux. Soudain, un brouillard glauque vint envahir mon cerveau, laissant place de nouveau au présent auquel j’appartiens.
Les murs réapparurent… Je me trouve dans ma pièce, glaciale, reprenant péniblement mes esprits. La statuette est sur mon bureau, figée et insolente. J’entends ma femme qui tente d'entrer, et puis, il y a ces bruits de reptation dans mon dos, ces sifflements venus de nulle part... Non... La lune est recouverte par les nuages… Il ne faut pas ! Les bruits...La vitre qui explose... Toi ! Comment est-ce possible ? !...
Non ! !...N’approche pas ! !...Non ! !...Non ! !...Non ! !... »
Lerov était transfiguré, il semblait possédé. Les images bleutées de ces réminiscences se dissipèrent peu à peu pour laisser place au tombeau, qui se présentait méprisant et glacial à mes yeux rougis par les pleurs.
Après avoir ouvert le cercueil, je crois que je tombai évanoui. J’ai le souvenir des yeux perçants de Lerov, puis celui de mon propre regard qui dérivait à l'intérieur de la sépulture. Mais ce n'était pas le corps du géologue Burt O’Williams qui s’y trouvait, tel que je l'avais vu sur des photographies. Non, c'était l'horreur à l'état pur, l'indicible momifié. A ses côtés, arrogante, se trouvait la statuette. Mon maître se l’appropria d’un geste vif, brûla le manuscrit puis mit le feu au cercueil.
« Partons à présent ! Notre mission est achevée ! » me dit-il d’une voix victorieuse.
Ces événements se sont déroulés il y a trois ans. Et pourtant, dans mon sommeil agité, je ne parviens pas à chasser la vision des yeux exorbités du géologue, semblables à ceux d'un homme ayant vu une porte ouverte sur le surnaturel. Et pourquoi le rictus imprimé sur ses lèvres m’évoque-t-il un sourire si familier ?
Pourquoi ?...
ANNEXE.
Seize ans plus tard.
15 juin 1949 carnet de bord.
Je m’appelle Philippe Mac Grégoire. Je n’ai plus revu mon Maître Lerov depuis bientôt 19 ans. Je suis devenu géologue et chercheur à mon tour. Peut-être pour rendre un ultime hommage à Burt O’Williams.
Hélas… et combien je le déplore, je ne suis pour ma part, jamais parvenu à découvrir d’autres statuettes semblables à la sienne.
Quatre ans déjà que le musée d’histoire naturelle de Londres a brûlé, emportant avec lui tous ses secrets. Après la rédaction d’un mémoire traitant des recherches de Burt
O’Williams, j’entreprends l’écriture d’un livre rapportant ses découvertes mais malheureusement, jusqu’ici je n’ai pas retrouvé la trace de son ouvrage Les Cultes oubliés à la Bibliothèque Nationale. Pas plus que je n’ai pu localiser celui qui en fut l’éditeur. Je dois me résoudre à penser que tout a été manigancé pour effacer à tout jamais la trace des découvertes de cette personnalité hors du commun...
Il était écrit dans la dernière partie du manuscrit, que la silhouette à l'apparence humaine de la statuette réincarnée lui était familière. Il mentionnait aussi que la chose l’avait appelé par son deuxième prénom. Mais comment pouvait-elle le connaître, à moins d’être l’une de ses proches connaissances ?...
Après de multiples recherches, je viens de comprendre une infime partie de ce que Burt O’Williams a pu vivre à travers ses expériences. En revanche, je sais à présent et de manière précise, qui est la réincarnation se cachant derrière la statuette, appartenant à un monde souterrain et différent du nôtre. Le géologue a dérangé des êtres monstrueux plongés en état de léthargie depuis des siècles, et réveillé leur instinct de domination en ouvrant une brèche sur notre univers. L’approfondissement de mes études a déclenché en moi le syndrome qui perdit O’Williams. Coïncidences ou symptôme paranoïaque, j’entends à mon tour d’étranges grognements...
Mes cauchemars ont recommencé. Les silhouettes qui avaient disparu hantent de nouveau mes nuits. Et cela devient de plus en plus fréquent, à tel point que j’ai peur de dormir. J’essaye de rester éveillé le plus longtemps possible mais la pression du sommeil se fait trop intense et je tombe dans un sommeil lourd et profond. C’est sans doute à ce moment-là qu’elles se manifestent.
Je crois percevoir que ces choses habillées de capes noires ont un rapport avec mon histoire. Mais je n’arrive pas réellement à décrypter leurs chuchotements inquiétants. Je me refuse à croire ce qu’elles veulent me faire admettre entre deux sifflements hideux. Mais hélas ! Ce que je ne devrais pas entendre, je le comprends désormais. Ces bribes de phrases qui n’auraient jamais dû être écoutées me révèlent froidement mon lien de sang avec elles, arretez, ARRETEZ...
Je suis alors confronté à mon propre miroir d'une connaissance que je croyais savoir et d'un savoir que j'imaginais connaitre.
Confronté à mes angoisses et aux buts manqués comme à l'image du père qu'on a pas eu le temps de "tuer" par faute de temps ou par lacheté, mais il est désormais trop tard...
Je n'ai d'autres choix que de venir à vous...
Résigné, triste et heureux à la fois.
Oui, c'est décidé j'arrive. Je veux que cesse mon tourment.
Oui père... J'arrive  !
Un an plus tard, à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne à Paris.
13 février 1950 : 23 heures 50
« Que se passe-t-il, mademoiselle ?
- C’est le patient de la chambre 24, docteur. Il est en proie à des hallucinations de plus en plus rapprochées... Il parle constamment d’une statuette ainsi que de monstres aquatiques surgis du passé. Il prétend que ces choses l’interpellent, et qu’elles se manifestent à lui par légions durant son sommeil. Il affirme aussi que le chef de ces hordes imaginaires a un nom, qu’il marmonne sans cesse : un nom comme Lerov, je crois... »
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