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"Oublions qu’Augustin est un saint, un évêque, un père de l’Eglise ; ouvrons ses livres et lisons : la sensation de fraîcheur et d’urgence est immédiate, on dirait que l’encre est à peine sèche, bleue, là, sous nos yeux. Les Confessions ont été écrites à la fin du IVe siècle ? Nous entrons dans le troisième millénaire ? Aucune importance, un jeune écrivain nous parle à l’oreille, son latin électrique emporte le français au-delà de lui-même, rien de plus normal puisqu’il est question du temps et de sa substance que nous croyons mesurer sans la voir. Augustin est un musicien. D’abord, la puissance de l’interrogation, comme s’il appelait de toutes ses forces. Ensuite, le récit, de sa naissance à la suspension du parcours. La méditation prend le relais, et enfin le chant poétique, comme une cascade de psaumes. Il suffit de sentir que Dieu est le langage en personne, qu’il enveloppe, façonne et soutient tout, y compris à notre insu. L’audace consiste à le tutoyer de mieux en mieux pour savoir dire « je » avec plénitude. Je est un autre. Je parlerai à cet autre. Je dois apprendre à le lire, à l’écouter, comme une langue étrangère qui est vraiment la mienne mais dont une force négative essaie de me détourner. Le bavardage est incessant, le faux savoir pullule. Dieu, lui, est « plus intérieur que l’intime de moi-même ; plus haut que le plus haut de moi-même ». Je dois d’abord devenir pour moi « une immense énigme ». Qui suis-je ? Que suis-je venu faire ici à travers ma naissance biologique ? Ai-je été jeté dans une vie mourante ou dans une mort vivante ? Où est la réponse ? Où est l’enjeu ?" Ph. Sollers
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Pas de virtuel… Le réel, c’est l’acte. L’acte d’art réel. Le réel, c’est au bout du pinceau, au bout du stylo, du langage, au bout des doigts dans la musique. C’est cela le réel. Tout le reste, ce sont des images. La peinture n’est pas une image, ce n’est pas un écran de télévision — c’est un corps."
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Exergue
I. S. : On pourrait maintenant parler de vos « expériences spirituelles » au sens large…
P. S. : Mais, c’est la même chose. Le corps est aussi spirituel. Et l’esprit est corporel.
I. S. : Que vous a apporté l’écriture de Drame, que vous qualifiez, dans Vision à New York, d’« exercices spirituels », soit cette pleine immersion du sujet dans le langage, et même du sujet surgissant du langage ? Cette dissolution du sujet correspond-elle à la période des avant-gardes et du groupe Tel Quel que vous avez ensuite quitté, désireux de vous affirmer en tant qu’autorité propre avec un moi davantage consolidé dans les romans qui suivent ?
P. S. : Forcément, cela correspond à une période de ma vie. J’ai écrit Drame en 1963-1964, donc j’avais 27-28 ans. C’est un livre auquel je tiens beaucoup parce que je crois que c’est là où je commence vraiment à dire les choses. Le Parc, c’est encore un peu une aquarelle. Or là, phénoménologiquement, j’en suis assez content. C’est-à-dire, que je m’intéresse aux choses mêmes. Et je l’ai écrit en même temps que j’ai écrit mon premier texte sur Dante. Il y a déjà la pensée indienne, certainement, il y a l’Inde, il doit y avoir la Chine… Et l’exergue d’Empédocle, si je me souviens bien : « Le sang qui baigne le cœur est pensée. » Les exergues sont très importants. Je n’ai pas mis l’auteur exprès, pour montrer qu’il n’y a aucun nom, que c’est déjà un acte d’appropriation, pour montrer que tout cela marche ensemble, sans que cela ait besoin même d’être classé. C’est la définition de ce que l’on pouvait faire, dans Paradis, en mélangeant aussi les noms, mais sans majuscules. C’est-à-dire que tout cela c’est un même tissu, tout ce qui a été écrit, tout ce qui a été pensé, tout ce qui a pu se dire, c’est un unique tissu. Tout est déjà écrit ou à réécrire sans arrêt. C’est pour montrer que la vie, ce qu’on appelle la vie en fait, c’est cela. Rien d’autre. Cela aussi, encore, est très à contre-courant, parce que ce n’est pas la story, le film, la bande dessinée, le roman… Donc, c’est une expérience très radicale avec vraiment une structure, la scène du jeu, etc.
Extrait de « Philippe Sollers et le dépassement du roman », entretien avec Irène Salas paru dans la revue L’Infini numéro 83, Gallimard, été 2003.
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Les dieux sont des hôtes fugitifs de la littérature. Ils la traversent, laissant leurs noms dans leur sillage. Mais ils la désertent très vite. Chaque fois que l'écrivain ébauche un mot, il doit les reconquérir." Roberto Calasso, La littérature et les dieux.
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La médiocrité entourant le génie
"Lorsque la femme de peine arriva au petit matin — bien qu'on le lui ait défendu, elle claquait les portes si violemment dans son excès de vigueur et de précipitation qu'il n'y avait plus moyen de dormir dans toute la maison dès qu'elle était là —, elle ne trouva tout d'abord rien de particulier, quand elle fit chez Gregor sa brève visite habituelle. Elle pensa qu'il faisait exprès de rester immobile et qu'il jouait à l'offensé, car elle lui prêtait tout l'esprit imaginable. Elle se trouvait tenir son grand balai à la main et elle essaya de le chatouiller depuis la porte. Comme elle n'avait toujours pas de succès, elle se fâcha et se mit à pousser plus fort ; et c'est seulement quand elle vit que Gregor se laissait déplacer sans opposer de résistance qu'elle se mit à y regarder de plus près. Elle eut vite fait de comprendre ce qui s'était passé ; elle ouvrit de grands yeux et se mit à siffler entre ses dents, mais ne s'attarda pas ; elle ouvrit la chambre à coucher, dont elle poussa violemment la porte, en criant à pleine voix dans l'obscurité : « Venez donc voir, la bête est crevée; elle est là par terre, tout ce qu'il y a de crevée ! »
F. Kafka, La Métamorphose, traduction de Claude David.
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Faisons en sorte qu'à notre dernière heure, il n'y ait que nos héritiers légitimes qui aient part à nos dépouilles. Voici comment se distribuera notre héritage. Les agents purs de la nature hériteront de nos substances élémentaires. Les hommes de bien dans tous les âges hériteront de nos salutaires influences. Les siècles hériteront de notre mémoire. Les élus de Dieu hériteront des œuvres vives que nous aurons opérées sur la terre. Les ministres du conseil hériteront de notre équité et de notre jugement. Les anges de lumières hériteront des découvertes et des vérités que nous aurons introduites dans le commerce de la pensée. La femme pure héritera de nos vertus et de notre respect pour les lois de la nature. L'esprit héritera de notre zèle et notre dévouement. Le divin réparateur héritera de notre amour. Le souverain des êtres héritera de notre sainteté. Il ne restera rien pour les voleurs et les gens processifs. Mais que faut-il faire pour obtenir une pareille grâce ? Il faut maintenir un ordre parfait dans toutes nos possessions. Il faudra, lors de l'événement, supplier le grand juge de venir lui-même apposer son scellé et son nom sur tout ce qui nous appartient ; Afin que l'effroi et le respect qu'imprime ce grand nom, fassent reculer tous ceux qui se présenteraient dans la maison avec de mauvais desseins.
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Jesu, Meine Freude, BWV 227 - IX. Gute Nacht, o Wesen
By Composer Johann Sebastian Bach
Conductor: John Eliot Gardiner Choir: Monteverdi Choir 
Bach: Motets
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Titien — Mars, Vénus et Amour (≃1530).
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Picasso, 1962(/2022).
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LA JAUNE ET LA BLEUE
"Apollon amoureux de Daphné est un des tableaux les plus mystérieux du monde. Il a été peint par Nicolas Poussin peu avant sa mort entre 1660 et 1664. Le peintre, sans l'achever, l’a offert à un cardinal italien, et il n'a été acheté par le Louvre que trois siècles plus tard, où je vais le voir le plus souvent possible. Je rentre en lui par la gauche, je m'installe confortablement à la place du dieu rouge, j'ai sous les yeux, à ma disposition, un flux de nymphes toutes plus désirables les unes que les autres, et Daphné, dans cette fresque, est évidemment unique. J'ai deux protectrices : la nymphe jaune, assise dans le grand laurier, et la bleue, tenant fermement une branche de l'arbre sacré. Le paysage se regarde de partout, et l'harmonie répand ses métamorphoses sur fond de silence.
Ce tableau, pour moi, traverse tous les écrans, c'est l'éclaircie même. Il peut se balader sur tous les ordinateurs du monde, sans perdre un millimètre de son inexplicable beauté. L'œil et la main de Poussin nous sont devenus incompréhensibles. Personne ne pense plus à un dieu en voyant un laurier."
Ph. Sollers, "Tableau", Légende, mars 2021.
"Le plaisir et la mort : mais Poussin n'oublie jamais la mort, une mort qui, dirait-on, a déjà eu lieu, n'a pas cessé d'être... Est-ce que les problèmes intellectuels qu'il se posait, soutenus par sa haute culture, ne suffisaient pas à lui faire ce masque tragique que l'on voit - et qu'il s'est donné - dans son autoportrait ? Et ces tombeaux de la campagne romaine, surélevés, désignés, superbes ; cette violence, parfois... Dernier regard : grands lieux familiers et fantastiques sous le ciel, parcs, rêves puissamment éveillés ; corps, moments d'espace, visages extasiés ou fixés pour ailleurs ; palais, statues, collines, nymphes, étoffes et métaux qu'une vision colorée dans l'air dispose, égalise... Éclairages décentrés, soumis à la forme, fondus en elle, signe qu'elle est nommée ; mots, figures d'une pensée calculée hors du calcul et qui, souveraine, visible, semble se penser elle-même dans son élément naturel... Vaste lecture symétrique où, du proche au lointain, dans l'ombre, l'ordre est maintenu... Belle énigme dévoilée, préservée..."
Ph. Sollers, "La lecture de Poussin", 1961, in L'Intermédiaire, 1963.
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AUX QUATRE COINS DE LA TERRE
"Un peu après Kiev, on vit apparaître un prodige inouï : les gentilshommes et les hetmans venaient tous le contempler. Soudain l’horizon s’était élargi à l’infini aux quatre coins de la terre. Au loin, on apercevait les flots bleus du Liman ; au-delà du Liman s’étendait la mer Noire ; ceux qui avaient roulé leur bosse reconnurent même la Crimée, montagne émergeant de la mer, ainsi que le Sivach marécageux. À gauche on apercevait la Galicie.
« Et cela, qu'est-ce que c'est ? demandait la foule assemblée aux vieilles gens, en montrant des sommets gris et blancs qui se dessinaient au loin dans le ciel et qui ressemblaient plutôt à des nuages.
¬— Ce sont les monts Carpathes, disaient les vieilles gens : on trouve là des montagnes où la neige ne fond jamais, et où les nuages vont se poser pour la nuit. »
À ce moment, un nouveau miracle se produisit : les nuages découvrirent la plus haute montagne, et sur son sommet apparut, dans son armement de paladin, un homme à cheval qui gardait les yeux clos, et qui se voyait aussi distinctement que s'il avait été tout près.
Alors, au milieu de la foule saisie d'étonnement et de terreur, un homme bondit à cheval et, regardant autour de lui avec des yeux hagards comme s'il cherchait à voir s'il n'était pas poursuivi, éperonna hâtivement sa monture et s’élança à bride abattue. C'était le sorcier. Qu'est-ce donc qu'il avait rempli d'épouvante ? Tandis que, saisi de frayeur, il examinait l'étrange chevalier, il avait reconnu le visage qui lui était apparu contre son gré, alors qu'il se livrait à ses maléfices. Lui-même ne comprenait pas pourquoi cette vue l'avait à ce point bouleversé, et, lançant autour de lui des regards craintifs, il galopa jusqu'au moment où le soir le surprit et où parurent les étoiles. Alors il tourna bride et voulut revenir chez lui, peut-être pour interroger les puissances des ténèbres sur la signification de ce prodige. Déjà il voulait faire bondir son cheval pour franchir une étroite rivière qui formait un bras en travers du chemin, lorsque soudain le cheval s'arrêta en plein galop, tourna la tête vers lui, et, prodige ! se mit à rire ! Deux rangées de dents blanches brillèrent affreusement dans l'obscurité. Le sorcier sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Il poussa un cri sauvage, sanglota comme un possédé, et lança son cheval droit sur Kiev. Il lui semblait que de toutes parts, tout courait à ses trousses : les arbres qui l'entouraient d'une sombre forêt, et qui, remuant leurs barbes noires et tendant vers lui leurs longues branches comme s'ils étaient vivants, s'efforçaient de l'étouffer ; les étoiles qui paraissaient courir au-devant de lui, désignant à chacun le pécheur ; et la route elle-même, eût-on dit, qui courait sur ses traces. Le sorcier éperdu volait vers Kiev et ses lieux saints."
Nicolas Gogol, "Une terrible vengeance", XIV, Les Soirées du hameau.
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Eugène Delacroix, Le lit défait.
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Ulysses, James Joyce, 2 février 1922
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Philippe Sollers GRAAL roman mars 2022
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