Tumgik
deuxcentimes · 4 months
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chronique tiktok ep 01 : du tarot aux valeurs puritaines, la spiritualité en ligne comme porte d’entrée vers « l’alt-right »
Si le lien entre new-age et extrême droite ne date pas d’hier, les néo-nazis ayant malheureusement coopté des pratiques païennes (« savez-vous qu’en vénérant la déesse Freya, vous pouvez vous reconnecter à vos racines nordiques et honorer l’Europe en faisant un maximum d’enfants blancs ? ») avant même que le web n’existe, dans les chambres d’écho créées par l’algorithme TikTok, les barrières à l'entrée de l’extrémisme n’ont jamais été si basses. Le principal point d’entrée de ce monde nébuleux est la théorie du féminin sacré, selon laquelle il y aurait chez les femmes une essence propre qui, une fois révélée, leur permettrait de s’émanciper. Reconnu par la Miviludes comme dérive sectaire, il a déjà envahi les librairies. En face de Wittig et de Beauvoir, on trouve des éditions aux couleurs pastel promettant de réveiller la déesse qui sommeille en nous. 
« L’énergie masculine et féminine sont complémentaires » serait-elle le nouveau « un papa, une maman » ? Comme lune et soleil, hommes et femmes seraient très différents autant sur le plan spirituel que matériel. Outre un essentialisme qui doit envoyer Wittig en orbite dans sa tombe, le witchtok est un fourre-tout d’astrologie, spiritualité hindoue, animisme africain et médecine alternative. Alors qu'il se concentrait sur le tarot, le mysticisme sur TikTok est de plus en plus lié à des notions binaires de rôles de genre rétrogrades. On y trouve un nombre alarmant de vidéos mettant en garde les jeunes filles contre les effets néfastes du sexe, avec de vagues références aux « différences inhérentes entre les genres », alliant spiritualité et pseudo-science, comme cette théorie qui voudrait qu’une prétendue libération d’hormones post-coïtales lierait votre âme à vie avec celle de votre premier partenaire. Dans l’optique d'une « vie douce », on décourage les femmes d’être trop impliquées dans leur travail, ce qui nuirait à leur « essence féminine ». Il faudrait rejeter le capitalisme pour être une « petite amie au foyer » et passer la journée à faire du pain en brûlant de la sauge, ainsi que renoncer à conduire une voiture et à prendre des décisions, choses « masculines ». Ainsi s’est développé tout un marketing qui vise à repackager le bon vieux « papa-travaille-et-maman-prend-soin-des-enfants » à la sauce 2020.
Présentée comme la génération la plus éduquée, la génération Z est aussi incroyablement solitaire dans un monde de plus en plus absurde. Cependant, des voix critiques émergent au sein du witchtok pour avertir des dangers de cette idéologie. Pour la tiktokeuse Neha Chandrachud, « Le féminisme des années 2010 tendait à l'égalité et a poussé les femmes à travailler comme les hommes. Mais accablées par la charge mentale, car toujours responsables du travail émotionnel et des tâches ménagères, elles sont très fatiguées. Si le fait de se retirer de la vie active peut être vécu comme un “va te faire foutre" au capitalisme, la droite chrétienne mise sur le fait que les femmes continueront à se retirer, jusqu’à nous reléguer à l'arrière-plan de la société. »  En effet, force est de constater que si votre pratique spirituelle repose sur des idées si patriarcales que vous finissez par vous aligner sur la droite chrétienne, alors vous n’êtes sûrement pas la sorcière que vous croyez être. 
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deuxcentimes · 4 months
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histoire. la morris, hyène de la gestapo : de jeune fille de bonne famille à collaboratrice, drame en trois actes
Il y a dans l'histoire de ces personnages qu'on a peine à croire aient un jour habité un corps de chair tant ils paraissent tout droits sortis d'un roman. Violette Morris en fait partie.
Première championne olympique de lancer de disque et de poids, sportive-star et garagiste devenue chanteuse de music-hall, figure controversée de “femme à pantalon”, collaboratrice et icône de la vie parisienne, Violette Morris est l’athlète vedette de la presse des années folles.
Lorsque la guerre éclate, Émilie Paule Marie Violette Morris est une jeune fille de bonne famille qui n’a pas vingt ans. En 1916 elle décide, premier acte de la longue liste de défiances qu’elle aura envers les mœurs assignées à son sexe, de se porter volontaire pour assurer des liaisons en motocyclette pour l’armée anglaise. L’armistice signée, elle se lance bientôt dans une carrière sportive prolifique qui aboutit à sa participation aux premières olympiades féminines en 1921.
Acte I : Violette, un homme comme les autres
Tout au long de sa carrière, l’athlète est poursuivie par la presse. Mais, davantage que ses exploits sportifs, ce sont les « excentricités » de « la Morris » qui font couler beaucoup d'encre. On ne manque pas, dès que possible, de relater chacune de ses apparitions dans la presse, mais surtout de la comparer à ces homologues masculins, ce qui lui vaudra en réponse ces paroles célèbres devenues sa devise « Ce qu’un homme fait, Violette peut le faire ! ». Dans la seconde partie des années 1920, non satisfaite de ses exploits en athlétisme, Violette Morris se prend d’amour pour la course automobile. On est en 1927, et c’est déjà bien établie comme figure du sport contemporain et juste avant de gagner l'épreuve du Bol d'Or automobile sur le circuit de Fontainebleau, qu’elle prend la pose au volant pour l’agence Roll, arborant fièrement un complet d’homme, les cheveux courts et le cigare à la bouche. Le regard droit qui vise à l’extérieur de l’image, résolument tournée vers un avenir pourtant incertain, la sportive ne semble guère faire cas des hommes en habit du dimanche qui l’observent en arrière plan.
Violette Morris se distingue dès le début de sa carrière par ses performances remarquables dans des disciplines aussi variées que l'athlétisme, le football, la natation et la boxe. Ses exploits sont souvent attribués à sa stature, réputée impressionante pour une femme de l’époque : 1 mètre 66 pour 70 kilos, une musculature indéniable et des bras qui n’ont rien à envier à ceux de ses sparing partners, la Morris en impose. En 1929, elle choisit de subir une double masectomie afin de pouvoir conduire plus aisément sa voiture de course, ce qui ne manque pas de faire à nouveau jaser les rédactions parisiennes. Le Petit Journal titre “l’amazone du vingtième siècle” ; la revue Comoedia s’écrie : “Vous n'êtes plus une violette, M...ademoiselle !”. Ce cliché d’elle conduisant fièrement une voiture de course dernier cri marque autant un tournant dans sa biographie que dans l’histoire du sport et des compétitions sportives. C’est en 1920 que germe l’idée d’organiser un véritable rallye féminin. Le journal L’Auto, ancêtre de l’Equipe, s’en ouvre à ses lectrices, qui répondent à l’appel : intitulée la « Coupe des dames », l’événement tient plus du gala que de l’événement sportif, mais les compétitrices en auto, moto et sidecar font forte impression. Ce n’est que sept ans plus tard que se tiendra le premier véritable rallye automobile féminin, où Morris tiendra tête à Colette Salomon la “danseuse bolide” et sa Bugatti T35. Le championnat deviendra ensuite annuel.
Acte II : Violette, une des premières stars françaises queer ?
Dans les années 30, une Violette Morris devenue mondaine fréquente les hauts lieux lesbiens de Paris et côtoie les grands intellectuels et artistes de l’époque. Elle fréquente Joséphine Baker, on lui imagine une liaison avec Arletty, elle héberge Jean Cocteau sur sa péniche quai de la Muette, finance la représentation de sa pièce Les Monstres sacrés et vit même brièvement avec son actrice fétiche, Yvonne de Bray. Ouvertement bisexuelle, il faut dire qu’elle n’a jamais cherché à couvrir ses infidélités à son mari, dont elle a divorcé seulement quelques années après la noce. Toujours sous couvert de sa devise, elle affronte les hommes en boxe dans les tenues réglementaires : un short et un marcel qui laissent apparaître toute sa physionomie féminine.
Mais son attitude masculine, son habitude de se travestir à la ville et sa coupe à la garçonne lui valent, outre des critiques acerbes et incessantes de la presse, des ennuis pour sa carrière. En 1928 et alors qu’elle s’apprête à participer aux premiers Jeux Olympiques féminins, la Fédération française sportive féminine lui révoque sa licence au motif d’outrage aux bonnes mœurs. On lui reproche ses attitudes, ses tenues, ses altercations avec les arbitres où dit-on elle n’hésite pas à jouer du poing, et son goût supposé pour les nymphettes dans les vestiaires des filles... La sportive porte plainte contre la fédération. Le procès qui en suit est très médiatisé. Mais si elle est jugée pour ses mœurs, la question de l'homosexualité de Violette Morris n'est pas abordée explicitement, l’argumentation se concentrant vite sur son port du pantalon, ce qui donnera a posteriori au procès le nom de “‘l’affaire du pantalon”. Sans surprise, elle est déboutée par le tribunal, qui estime que la Fédération est dans son bon droit d’interdire le port de vêtements dont l’usage n’est pas admis pour les femmes par la loi. Interdite de stade, elle change de vie. On la retrouve d’abord à la tête d’une boutique de pièces détachées automobiles, puis, peut être inspirée par ses conquêtes, chanteuse sur les planches du music-hall. En 1937, l’olympienne défraie encore la chronique : elle est accusée d’avoir assassiné un légionnaire qui aurait tenté de l’attaquer sur sa péniche à Neuilly sur Seine. L’affaire se solde par un non lieu, l’instruction ayant établi que Morris avait agit en légitime défense.
Acte III : Violette, la collabo.
Qualifiée de ‘solide gaillard” par Le Figaro, puis d’émule de Rigoulot par le Miroir des Sports en référence au champion d’haltérophilie et pilote de course, on trouve en 1944 à la sulfureuse sportive un dernier surnom qui préfigure sa chute : la “hyène de la Gestapo”. Depuis deux ans, la Morris est suspectée d’avoir commencé à entretenir des rapports plus que cordiaux avec les autorités allemandes à la suite des jeux de 1936. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Violette Morris est la chauffeuse de Christian Sarton du Jonchay et dirige le garage de la Luftwaffe sur le boulevard Pershing à Paris. Des rumeurs planent sur son emploi par le chef des services du renseignement SS à Paris Helmut Knochen. Le 26 avril, alors qu’elle roule sur une petite route de l’Eure, la championne est abattue par un groupe de résistants maquisards normands. Le trouble qui entoure sa disparition suscitera une dernière salve d’articles dans la presse à scandale, retraçant autant ses prouesses physiques et sportives que ses présumées conquêtes et ses démêlés avec la loi.
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