Tumgik
abridurif · 21 hours
Photo
Tumblr media
« J’aime mieux vivre, respirer, que travailler. […] Donc, si vous voulez, mon art serait de vivre; chaque seconde, chaque respiration est une œuvre qui n’est pas inscrite nulle part, qui n’est ni visuel ni cérébrale. C’est une sorte d’euphorie constante. » Et Pierre Cabanne de commenter : « C’est ce que disait Roché. Votre meilleure œuvre à été l’emploi de votre temps. » — Marcel Duchamp dans Ingénieur du temps perdu : entretiens avec Marcel Duchamp, cité dans Jean-Yves Jouannais, Artistes sans œuvres, I would prefer not to.
Image: David Hammons, “Cold Shoulders” (1990).
20 notes · View notes
abridurif · 6 days
Text
Je ne puis tout bonnement pas croire aux conclusions que je tire de mon état actuel, qui dure déjà depuis presque un an, il est trop grave pour cela. Je ne sais même pas si je puis dire que c’était là un état nouveau, j’en ai connu d’analogues, je n’en ai pas encore connu d’identiques. Car je suis de pierre, je suis comme ma propre pierre tombale, il n’y a là aucune faille possible pour le doute ou pour la foi, pour l’amour ou la répulsion, pour le courage ou pour l’angoisse en particulier ou en général, seul vit un vague espoir, mais pas mieux que ne vivent les inscriptions sur les tombes. Pas un mot – ou presque – écrit par moi ne s’accorde à l’autre, j’entends les consonnes grincer les unes contre les autres avec un bruit de ferraille et les voyelles chanter en les accompagnant comme des nègres d’Exposition. Mes doutes font cercle autour de chaque mot, je les vois avant le mot, allons donc ! le mot, je ne le vois pas du tout, je l’invente. Ce ne serait pas encore là le pire, mais il faudrait que je pusse inventer des mots propres à chasser l’odeur de cadavre dans une autre direction, afin qu’elle ne nous saisisse pas aussitôt à la gorge, moi et le lecteur. Quand je m’assieds à ma table de travail, je ne me sens pas plus à l’aise que quelqu’un qui tombe sur la place de l’Opéra en plein trafic et se casse les deux jambes. Les voitures, silencieuses en dépit du vacarme, cherchent de tous côtés à gagner toutes les directions. Mais mieux que les agents de police, la souffrance de cet homme assure l’ordre, cette souffrance qui lui ferme les yeux et vide la place et les rues, sans que les voitures soient obligées de faire demi-tour. Tant de vie lui fait mal, car il est, lui, un obstacle à la circulation ; mais le vide n’est pas moins affreux, il déchaîne sa souffrance proprement dite. Kafka, Journal, 1910
15 notes · View notes
abridurif · 6 days
Text
La conque de mon oreille était fraîche au toucher, rugueuse, froide, pleine de sève comme une feuille. J’écris très certainement ceci poussé par le désespoir que me cause mon corps et l’avenir de ce corps. Quand le désespoir s’exprime de façon aussi catégorique, quand il est aussi solidement lié à son objet et comme maintenu à l’arrière par un soldat qui couvre sa retraite et se laisse mettre en pièces pour lui, c’est qu’il n’est pas le vrai désespoir. Le vrai désespoir a toujours et sur-le-champ dépassé son but, (en mettant cette virgule, j’ai vu que seule la première phrase était juste). Es-tu désespéré ? Oui ? Tu es désespéré ? Tu prends la fuite. Tu veux te cacher ? Kafka, Journal, 1909
5 notes · View notes
abridurif · 8 days
Text
Tumblr media
Franz Kafka
35 notes · View notes
abridurif · 8 days
Text
Puis-je mourir ? Ai-je le pouvoir de mourir ? Cette question n’a de force que lorsque toutes les échappatoires ont été récusées. Dès qu’il se rassemble tout entier sur lui-même dans la certitude de sa condition mortelle, c’est alors que le souci de l’homme est de rendre la mort possible. Il ne lui suffit pas d’être mortel, il comprend qu’il doit le devenir, qu’il doit être deux fois mortel, souverainement, extrêmement mortel. C’est là sa vocation humaine. La mort, dans l’horizon humain, n’est pas ce qui est donné, elle est ce qui est à faire : une tâche, ce dont nous nous emparons activement, ce qui devient la source de notre activité et de notre maîtrise. L’homme meurt, cela n’est rien, mais l’homme est à partir de sa mort, il se lie fortement à sa mort, par un lien dont il est juge. Il fait sa mort, il se fait mortel et, par là, se donne le pouvoir de faire et donne à ce qu’il fait son sens et sa vérité. La décision d’être sans être est cette possibilité même de la mort. Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Éditions Gallimard, 1955, p. 118
18 notes · View notes
abridurif · 8 days
Text
Personne n’est sûr de mourir, personne ne met la mort en doute, mais cependant ne peut penser la mort certaine que douteusement, car penser la mort, c’est introduire en la pensée le suprêmement douteux, l’effritement du non-sûr, comme si nous devions, pour penser authentiquement la certitude de la mort, laisser la pensée s’abîmer dans le doute et l’inauthentique – ou encore comme si, à la place où nous nous efforçons de la penser, devait se briser plus que notre cerveau, mais la fermeté et la vérité de la pensée. Cela montre déjà que, si les hommes en général ne pensent pas à la mort, se dérobent devant elle, c’est sans doute pour la fuir et se dissimuler à elle, mais cette dérobade n’est possible que parce que la mort elle-même est fuite perpétuelle devant la mort, parce qu’elle est la profondeur de la dissimulation. Ainsi se dissimuler à elle, c’est d’une certaine manière se dissimuler en elle. Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Éditions Gallimard, 1955, p. 117
10 notes · View notes
abridurif · 15 days
Text
Tumblr media
François Durif, Rue du Faubourg Saint-Denis, Paris, 09.04.24
8 notes · View notes
abridurif · 15 days
Text
Essayer de saisir le surgissement du souvenir au moment même ? Non. C’est impossible et je sens que plus je le voudrais, plus cela se déroberait à toute possibilité. Comme le dit Bergson, c’est chercher à observer son ombre en plein soleil… Mais dans la manie des photos au téléphone portable, c’est peut-être cela qu’on essaie d’attraper : la vie constamment remplacée par son souvenir immédiat. Laurent Jenny, Sur l’instant, Éditions Verdier, 2024
7 notes · View notes
abridurif · 15 days
Text
L’instant est à la fois un événement et son image en formation. Il ressemble à ce que Bergson appelle « souvenir immédiat ». Car pour Bergson le souvenir ne vient pas après l’événement, mais en même temps que lui, comme son ombre portée. Sur cette ombre d’image, on ne peut pas se retourner, pense-t-il, sauf lorsqu’on oublie l’événement, par une forme de distraction et de désintéressement, et qu’on a la sensation de son image. C’est alors qu’on a le sentiment du déjà-vu, déjà vécu. Ce que nous voyons donc selon lui c’est notre souvenir immédiat. Laurent Jenny, Sur l’instant, Éditions Verdier, 2024
9 notes · View notes
abridurif · 18 days
Text
Tumblr media
Sayat Nova 1969
Sergei Paradjanov
35 notes · View notes
abridurif · 18 days
Text
Chaque maladie est un problème musical ; et la guérison est une solution musicale. Plus la solution est brève et cependant complète, plus grand est le talent musical du médecin. Novalis, Fragments, Éditions José Corti, 1992
8 notes · View notes
abridurif · 18 days
Text
L’âme est de tous les poisons, le poison le plus fort. Elle est l’excitant le plus pénétrant et le plus soluble. C’est pourquoi les mouvements de l’âme sont extrêmement nuisibles dans tous les maux locaux et dans les maladies inflammatoires. Novalis, Fragments, Éditions José Corti, 1992
6 notes · View notes
abridurif · 21 days
Text
Tumblr media
richard serra
list of verbs for making art
465 notes · View notes
abridurif · 25 days
Text
Chaque homme est appelé à recommencer la mission de Noé. Il doit devenir l’arche intime et pure de toutes choses, le refuge où elles s’abritent, où toutefois elles ne se contentent pas de se garder telles qu’elles sont, telles qu’elles s’imaginent être, étroites et caduques, des attrape-vie, mais où elles se transforment, perdent leur forme, se perdent pour entrer dans l’intimité de leur réserve, là où elles sont comme préservées d’elles-mêmes, non touchées, intactes, dans le point pur de l’indéterminé. Oui, chaque homme est Noé, mais si on y prend garde, il l’est d’une étrange manière, et sa mission consiste moins à sauver toutes choses du déluge qu’à les plonger, au contraire, dans un déluge plus profond où elles disparaissent prématurément et radicalement. C’est en cela, en effet, que revient la vocation humaine. S’il faut que tout visible devienne invisible, si cette métamorphose est le but, apparemment bien superflue est notre intervention : la métamorphose s’accomplit parfaitement d’elle-même, car tout est périssable, car, dit Rilke dans la même lettre, « le périssable s’abîme partout dans un être profond ». Qu’avons-nous donc à faire, nous qui sommes les moins durables, les plus prompts à disparaître ? Qu’avons-nous à offrir dans cette tâche de salut ? Cela précisément : notre promptitude à disparaître, notre aptitude à périr, notre fragilité, notre caducité, notre don de mort. Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Éditions Gallimard, 1955, p.180
10 notes · View notes
abridurif · 25 days
Text
Tumblr media
Lygia Clark, Dialogue of Hands, 1966
179 notes · View notes
abridurif · 27 days
Text
Tumblr media
Peter Kurzeck 1968 an seinem Schreibtisch bei der US Army
2 notes · View notes
abridurif · 27 days
Text
C’est toujours la première fois. S’endormir et en s’endormant sourire, ou comme si c’était Carina qui souriait. Mon enfant qui vient à moi, une clarté lumineuse sur le chemin. Carina, Sibylle, ma mère au ciel. Le ciel vers moi jusque dans la chambre. Ou le sourire en tant que mot et le mot en tant qu’image, juste au moment de m’endormir, à moi, vite, le mot en tant qu’image. Clarté jusque dans mon sommeil tandis que je m’endormais calme et léger vers l’horizon. Pour la première fois depuis longtemps chez moi même dans le sommeil. Réveillé au bout de trois quarts d’heure, comme si c’était toujours le même instant. Comme si quelqu’un m’avait appelé. Presque pas de temps écoulé. Peter Kurzeck, En invité, traduit par Cécile Wajsbrot, L’extrême contemporain, 2023
4 notes · View notes