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75to11 · 4 years
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Première journée - 07/06/2020
Paris-Montargis - 133km
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Je suis parti aux alentours de 8 heures. Comme d’habitude, en claquant la porte du hall de l’immeuble, je me suis rendu compte d’un oubli, mon portefeuille. Je suis remonté à l’appartement le chercher.
Ah la petite paranoïa utile des têtes en l’air...
Sortir de Paris s’est fait assez rapidement, je me suis vite retrouvé dans le bois de Vincennes au sud-est de la ville. J’ai choisi un itinéraire utilisant au maximum sentiers et petites routes bien roulants pour les premiers kilomètres. Je traverse quelque villes avant d’arriver à La Pelouse, partant de Montgeron et amenant à une autre forêt. La Pelouse est une longue avenue piétonne large de 20 m, remplie de ce qui la nomme, longée par de grands arbres à la manière du Canal du Midi et où deux sentiers, un de chaque côté, servent de voie de circulation. Un axe paisible et guidant jusqu'à la forêt de Sénart. Là, j’y croise plusieurs cyclistes, plus de noirs que je ne l’aurais pensé, délivré, non-délivrant. Cela m’emplit de bonheur, on n’en voit pas (trop?) sur le tour de France.
Je traverse la lisière et me retrouve à couper à travers champ, premier égarement GPS. Cela m’a forcé à poser le pied à terre pour la première fois depuis le départ, j’ai été un peu déçu. Cela a cassé l’esthétisme, le rythme de la balade, bien que je savais que ce serait inéluctable. Cela a dû m’arriver trois fois dans la journée, de poser le pied par contrainte physique ou technique.
Je retrouve un grand axe pédestre, une longue ligne droite au milieu de champs, bordée de buissons qui va jusqu'à la Seine, que je suis brièvement puis traverse. Je m'arrête à la boulangerie de Perthes pour le déjeuner, une petit sandwich jambon fromage, deux macarons et je remonte sur le vélo. 
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Ah quel plaisir!
La digestion sur le vélo.
A mi-parcours je me retrouve sur un chemin sablonneux, les roues s’enfoncent et n’adhèrent plus. Le vélo surf, bonne sensation mais un poil risqué. Cette piste sablonneuse longeait l'autoroute, c’est marrant comme certaines portions sont oubliées, apprivoisées par la nature. Après, le dessert a été la fôret, elle aussi oubliée, libérée. Les sentiers se terminent sans prévenir, coupés par une embûche ou un buisson d’orties. J’ai dû tailler mon passage pour sortir de la végétation, c’en était fini de singletrack, sentier de vélo. Après ce passage aventureux, je me dis que le matin sera pour le VTT et l'après-midi pour la route. Cette dernière est moins risquée et plus reposante.
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Arrivé à Puissenel, je demande où je peux trouver un point d’eau potable à une vieille dame, elle aussi à vélo. Elle finit par me proposer d’aller remplir mes gourdes chez elle. En discutant avec elle et son mari, ils me parlent des canaux qui vont jusqu'à la Loire. Sans eux je serais encore à couper à travers champs, suivant le GPS. J’ai bien fait de les écouter et d’emprunter cet itinéraire, ça roule ! Que dis-je, ça coule ! Parfait pour la fin de journée. J’arrive à Cepoy et cherche un restaurant. Je n’en trouve pas. Beaucoup de commerces ont fermé depuis le confinement.
Heureusement Bryan m’interpelle, un soixantenaire américain, vélo jaune, vieux lycra de cycliste, ventre rond, lunettes de soleil profilées couvrant intégralement son regard, un brin excentrique et spontané comme le sont les New-yorkais. Il me propose de le suivre jusqu’au “ seul restauw ouvewt”: le McDo de Montargis. En discutant, plutôt en l'écoutant, il me parle de l’histoire du paysage et des bâtiments que nous croisons. Finalement, Il me propose de planter la tente dans son jardin mais je décline poliment, l’appel du camping est plus fort. Devant son pavillon il m’indique le camping de Montargis. Ses voisins, rentrant à vélo, eux aussi, me proposent d’appeler le camping pour voir si il est ouvert, déconfinement oblige.
Il est ouvert ! Je n’avais même pas penser à vérifier avant de partir si tous les campings avaient ouvert, mais à vrai dire, ce premier soir j’aurais pu poser la tente n’importe où, sous un pont ou en bord de route. 
J’y vais et repasse alors devant une épicerie exotique dont Bryan m’a parlé. J’y entre pour voir s’ils ne font pas à manger. Comme par miracle ils sont en plein barbecue dans l’arrière cour. 
Là un homme m’accueille et me dit de m’installer dans le salon d’extérieur improvisé, j’ai l’impression de m’incruster mais tout le monde est de bonne humeur. Je commande mes brochettes et mes beignets. Non sans craintes, l’endroit est rempli de fatras, il y a des voitures démontées, des trous dans les murs. Tout le monde s’en fout. Personne, pas même les enfants, n’est sur son téléphone. Il y a de la bière, des gens qui dansent, des petits curieux. Il y a ceux au fond du préau, dans le carré de canapés, avec leurs lunettes de soleil, impassibles, tels des mafieux, mais qui ne manquent pas de s’esclaffer à la première vanne d’un comparse à une douce. Les mamas lancent des piques humoristiques en réponse. 
Je découvre que l’homme qui m’a accueilli, monsieur Asseni, est centrafricain, comme mon père. Nous sommes suffisamment peu pour que ce soit étonnant quand nous nous rencontrons. Il connaît les Ziguélé, une connaissance familiale, et un collègue de mon père. 
Le monde est tellement petit.
Je me contrecarre que les grillades soient cuites dans un demi baril. C’est un moment délicieux. J'espère bien croiser de nouveau ce monsieur Asseni.
Je finis les brochettes et direction le camping. Douche, petite lessive à la main, bière, tétou et dodo.
Que demander de plus, j’ai réussi ma journée et les courbatures de demain me le rappelleront.
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75to11 · 4 years
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Deuxième journée - 08/06/2020
Montargis-Nevers
Après avoir fini les beignets de la veille en guise de petit-déjeuner, je monte sur le vélo. Aujourd'hui je roule sans cuissard, il sèche sur le guidon avec les chausettes de la veille et le T-shirt, lui, sur le porte-bagages arrière. La lessive finira de sécher ainsi. Je parcours 30 km sur une grosse départementale. 
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Malheureusement, pas de singletrack en ce début de journée. Après avoir égaré mon cuissard, envolé, puis retrouvé dans le bas côté 500m plus tôt, j’arrive enfin sur la Loire. La piste est agréable, j’oscille entre sentier boisé le long du fleuve et grande piste cyclable. 
Un régal !
Des nuages venant de l’Est se montrent de plus en plus menaçants mais ils ne m’atteignent pas encore. Je surfe comme dans un tube et évidemment la vague me retombe dessus. Vite, je m’abrite sous un porche et m’habille d’un K-way, bâche mes duvet et matelas exposés à l'arrière du vélo sur les sacoches. Je repars, il pleut pendant 30 minutes puis, éclaircie.
Je croise une jeune femme qui a cassé son dérailleur. Il m’est arrivé la même chose le week-end avant de partir. Je l’aide comme je peux mais elle devra pousser jusqu'à chez elle. Elle m’a l’air bien embêtée, c’est le nouveau joujou électrique de son père...
Je repars. Cette fois-ci je reste sur la piste, digestion oblige.
Ah oui ! La digestion ! Avant l’épisode de la vague je me suis arrêté dans un bistro à Briare. Il y avait les vieux habitués, rouge avant midi et, dans un coin de la terrasse, des arabophones. Il y a une certaine distance même si l’on sent bien que ces deux tribus se voient tous les jours dans ce même lieu. Ils saluent le patron de la même façon.
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Revenons-en à la piste, celle qui longe la Loire, qui monte à Nevers. Après la rencontre de Dame dérailleur, j’y rencontre deux cyclistes qui vont eux aussi à Nevers. Tenue moulante, lunette profilées et tout l’attirail. L’un d’eux me parle de chiffres kilométriques qu’ils ont à faire et qu’ils ont fait. Il semble étonné de ma monture, me dit que cela doit être dur avec un tel vélo. Ils me quittent et retournent sur la route, là où leurs vélos sont destinés à rouler. Ils ne passent pas par les sentiers.
Ahlala, qu’est-ce qu’il devait être complexé ! A quoi bon compter les kilomètres, les heures. A quoi bon les chiffres, je me délivre alors de cette pensée qui ne veut que quantifier, analyser, comparer, complexer. Je fais du vélo pour passer du bon temps et cela ne se mesure pas, cela s'apprécie. Du temps de qualité, voilà ce qui compte. 
Un peu moins d’un kilomètre plus tard je les retrouve à un STOP, en train de remplir leurs gourdes dans un bar à l’intersection.
Un homme devant le bar, rouge, m’interpelle. Je suis arrivé un peu vite sur le STOP, Je me suis bien arrêté. La police est postée quelques mètres derrière sur la route, elle contrôle les automobilistes.
“Attention! Il y a un stop ici. Il y a la police… en plus vous êtes noir”
Il reprend sa conversation avec le cycliste gardant les vélos. 
Je ne répond pas, à quoi bon perdre son temps avec un inconnu saoul. Je repars frustré, mais j’oublie bien vite son ignorance.
Grande piste cyclable, je me sens capable d'arriver à Nevers, alors je pousse sur les pédales, musique à fond dans les écouteurs, des brames d’exaltation pour me motiver. C’est bon, ça roule, j’arrive à Nevers fatigué mais content de moi, je n’ai pas compté les kilomètres et je pense que je ne les compterai plus. Seul ma condition compte. 
J’ai posé ma tente sur les berges de la Loire au moment où le soleil se couche, à côté d'un charmant pont fait de briques rouges, et juste en face de l'église. Je peux remercier mes cuisses. Ce soir je m’endors sous la mélodie des coassements de grenouilles, libre de mes appréhensions et des leurs.
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75to11 · 4 years
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Troisième journée - 09/06/2020
Nevers-Saint-Pourçain-sur-Sioule
Après la distance parcouru ces deux derniers jours, les guiboles ont du mal à s’activer le matin. Je prends mon temps, fais un bref contrôle mécanique du vélo. Rien n’a bougé, pas une vis n’est desserrée, c’est incroyable. Je discute brièvement avec le jeune homme qui tient l’accueil du camping. La veille un Australien voyageant à vélo, lui aussi, est passé. Il y a peu de monde dans les campings en ce moment. Le tourisme reprend doucement son cours. Je pars à 10 heures. Mais au diable les chiffres. Aujourd’hui sera une journée tranquille. Je veux pouvoir me reposer avant le périple du Massif central. L'itinéraire est composé de petites départementales et de sentiers. Au bout d’un de ces derniers, je me retrouve au bord d’un magnifique étang, il y en a beaucoup dans la région. Celui-ci était vraiment perdu au milieu des bois. A une de ses extrémités se trouvent une petite maison et un ponton auxquel est arrimé une barque, il y a aussi du vieux matériel agricole à l’abandon. 
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C’est extrêmement paisible, pas un bruit, j’aurais bien campé une semaine ici. Je repars tant bien que mal, tant bien que mal car le chemin indiqué par le GPS n’existe plus ! On le devine mais la végétation l’a totalement recouvert. Je pousse le vélo à travers la forêt en suivant approximativement le tracé GPS. Il n’y a plus que le bruit des branches qui craquent sous mes roues. Je finis par arriver à la lisière. Un pâturage, accompagné de ses braves dames, de généreuses charolaises. Elles me regardent les yeux écarquillés par leur curiosité bovine. Je suis chez elles mais ça ne les dérangent pas. Je traverse donc le champ pour trouver le sentier. Je ne trouve que des traces de 4x4 dans l’herbe. Je les suis, elles doivent bien mener à la civilisation. Elles m'emmènent à une ferme.
Là, un agriculteur me regarde avec les mêmes yeux que ses grosses filles, les siens sont quand même plus durs mais malgré tout compréhensifs. Il m’ouvre la barrière de la pâture après un bref échange pour savoir si j’ai bien refermé les clôtures derrière moi. Je décide de ne plus emprunter de chemin hasardeux même si le GPS me l’indique. 
Mais les bonnes résolutions s’oublient vite. 
Une demi-heure plus tard, je me retrouve dans un champs de blé, l’herbe jusqu’au genou.
Je peste contre mon bon vieux compagnon, c’est alors que j'aperçois une biche et son petit. Elle m’a aperçu avant, elle me fixe, stoïque, le cou tendu. J’avance, elle ne bouge pas. Il a suffi que je détourne le regard une demi-seconde pour qu’elle déguerpisse. Comme si je l’avais capturée de mes yeux mais que dès l’instant où je ne la fixais plus, elle soit libéré. Et elle sautille en s’enfuyant, sa croupe blanche me nargue tel le pompon d’un manège. Quelle chance elle a, elle n’a pas à tirer tout ce fatras sur roues.
Finalement je coupe à travers un fossé et c’est reparti. Je roule dans la campagne, la musique dans les écouteurs crée une certaine euphorie. Je salue les vaches à coup de sonnette et de mouvements de main, elles me fixent aussi longtemps qu’elles le peuvent. Il y a aussi les chevaux. Eux ne se soucient guère de moi.
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J’arrive à midi dans une petite ville pour déjeuner. Il n’y a qu’une boulangerie d’ouverte. Il y a du passage et tout le monde est chaleureux. Cela doit être la proximité des petites villes. Je prends une petite portion de lasagnes et reprends la route. Je continue à héler les vaches sur la route avec, quand même, un peu moins de frénésie car la digestion est difficile. Je traverse une grande forêt, ses routes sont droites mais pas goudronnées, j’ai l’impression d’être sur une autoroute forestière.
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 Quand j’en sors, l’horizon est vallonné. Je fais quelques kilomètres sur du bitume. Musique toujours à fond, toujours un oeil sur le rétro, les Migos me font pousser fort sur les pédales. En fin de journée, j’emprunte un sentier, et là ça descend.
Ah quel plaisir!
Il y a des rigoles formées par la pluie, tout le long du sentier. Je me glisse dedans et elle me guide, le vélo suit, tout seul. Je me sens comme une goutte glissant dans la rainure d’une feuille. Je pense à Bruce Lee qui disait : 
“Be formless,... shapeless,... like water !
Now Water can flow !
Or Water can crush !
Be like water my friend !”
ça zigzag un peu mais rien d’effrayant. Pour une fois, merci Madame la pluie. Je coule le long de ses traces le long de la colline mais dans ma niaiserie j’en oublie que s’il y a une descente, il y a une montée. Et quelle montée ! Remplie d’herbes, de cailloux et de gravillon. Cette fois-ci je ne poserai pas le pied à terre ! Les derniers mètres sont les plus durs mais j’y arrive et du haut de cette côte je vois le village où je passerai la nuit.
Il y a encore quelques kilomètres mais c’est de la descente, je n’aurai plus à forcer sur les pédales. Je glisse jusqu'à Saint-Pourçain. Une fois sur place je sens bien que je suis arrivé en Auvergne. Je descends une bonne grosse pinte puis m’explose le ventre avec quelques spécialités locales à base de Saint-Nectaire, les premières d’une longue série.
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75to11 · 4 years
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Quatrième journée - 10/06/2020
Saint-Pourçain-sur-Sioule - Riom
Encore un départ tardif, mais c’est agréable de se lever doucement sous le chant des oiseaux, de se rendormir en espérant un réveil toujours plus confortable. A 9 heures je sors de la tente. La veille j’ai eu mes parents au téléphone. Ma mère m’a dit que mon grand-père a passé une partie de son enfance à Gannat. Une ville qui se trouve dans le coin. Mon père a téléphoné à une connaissance familiale qui habite à Riom pour les prévenir que je passerai, ça va être une journée famille. Je regarde mon itinéraire, Gannat est pile sur la route.
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 Je m'élance sur l’itinéraire composé uniquement de chemins en bord de champs et de traversées boisées. J’arrive aisément à Gannat. Sur place je m’installe dans un petit bistro pour la pause déjeuner. C’est amusant de se dire que mes aïeux ont foulé ce sol. Le  patrimoine familial m'apparaît comme une infinie richesse à explorer.
Menu de 4 round auvergnat. J’ai du mal à repartir. En quittant la table je me dis que j’irai digérer sous un arbre en faisant une aquarelle. ça n’y manque pas. Je m'installe dans un champ de blé à la sortie de la ville, lové dans un creux où les plantes ont été couchées par je ne sais quel appareil agricole. Je fais mon petit dessin le temps que la côte de porc descende.
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Au moment de remballer mon paquetage, un vieil homme arrive. Survêtement bleu électrique, les yeux de la même couleur, quelques cheveux blancs sur le caillou. Il a un grand sourire avec quelque dents en moins. Son regard curieux guette le carnet de dessin que je range. Il me demande où je vais, nous discutons de mon voyage, d'où je viens. Du confinement qui m’a motivé à faire ce voyage à vélo. Il m’explique que cela n’a pas changé grand chose pour lui. Il a passé le confinement en plein air, à se balader comme à son habitude.
“Profitez de la vie, appréciez la nature!” sont les mots sur lesquels nous nous quittons.
Ah quel brave homme. Il a bien raison.
Cette digestion a été un moment magnifique, j’en ai les yeux humides de joie en faisant les premiers tours de roues.
Cette après-midi je flirte avec la nature, je course un chat blanc sur un chemin, il me guide tel le lapin d’Alice dans un sous-bois et disparaît. En sortant des arbres je me trouve nez à nez avec un immense château en ruine. C’est fou le nombre de grande bâtisses abandonnées que l’on trouve sur les petits chemins. J’enchaîne les champs de blé remplis de coquelicots jusqu'à atterrir sur la départementale qui m'emmènera jusqu'à Riom. Migos dans les oreilles. Je pédale fort.
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75to11 · 4 years
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Cinquième journée - 11/06/2020
Riom-Massiac 
 Départ très tardif aujourd'hui, il faut dire que quitter le confort et le bonne ambiance de Riom est difficile. Je me dis alors que la pause de midi va être très express. Je traverse Clermont-Ferrand par la N7, passe devant l’usine Michelin et croise le tramway rouge. Je finis par prendre un sentier en sortie de Pérignat-lès-Sarliève. C’est plat, le chemin longe l’autoroute sur plusieurs kilomètres, puis la quitte après Le Crest. Je me retrouve alors sur un grand plateau, où la vue offre plusieurs anciens volcans recouverts de forêts, arborant un château sur leur flanc pour quelques-uns. A la mi-journée, je sens l’odeur de la pluie, elle n’est pas encore tombée mais le ciel est parsemé de nuages, parsemé de gris. Un ciel typique du Massif central de mes souvenirs. J’enfile ma tenue de pluie et recouvre mon paquetage. 
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Arrivée à Plauzat ; très beau village, caché dans le creux des collines, où l'église surplombe le reste malgré qu’elle soit niché au fond de la vallée ; des rues exiguës, étroites et des maisons en pierre, un panneau “Interdit de trotter”. La pluie commence à tomber, je traverse le village, atteins le sommet de la colline et en profite pour m’abriter sous un arbre. Pause déjeuner à base de saucisson et Saint-Nectaire offert par mes hôtes de Riom. J’enfile la grosse parka et le pantalon de pluie. Pendant quelques kilomètres c’est plaisant, la pluie rafraîchit l’effort. Je mets un peu de musique pour entretenir le mental. Je sens petit à petit le dénivelé s‘accentuer, c’est alors qu’une pente bien raide s’offre à moi, pas le choix, je pousse le vélo sous la pluie battante. Sur un bon kilomètre je jure contre Madame la pluie. Arrivé en haut, un bref rayon de soleil me donne espoir, je coupe la musique pour me calmer et roule paisiblement. Reposant. J’arrive alors à une intersection où le chemin d’en face est une longue descente à peine sinueuse qui s'étend à perte de vue.
Ah quel plaisir !
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C’est mon moment de chance. Je lance Black Sabbath dans les oreilles et me lance. J’exulte, tel un conducteur de traîneau mes jappements motivent la pente. Je crie de joie tout du long et dieu sait que cette descente était longue.
Ensuite, c’est plat sur plusieurs kilomètres, puis rebelote. Chemin de terre sous la pluie avec une pente aiguë, saillante. Je pousse à nouveau, de véritables montagnes russes cette Auvergne. Je passe les 600 m, Je retrouve l’autoroute où je vois un panneau de sortie “Aurillac” et là, grande descente sur asphalte cette fois-ci. Le revêtement est parfait. La route a quelques courbes, elle s’engouffre dans le paysage en laissant l’autoroute au-dessus d’elle. Cette dernière s'envole sur un immense pont. Arrivé en bas je dois remonter toute l’altitude perdu par un chemin caillouteux. 
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Derrière les nuages, le soleil commence à tomber vers l’horizon. Je sais que l’itinéraire croise une dernière fois l'autoroute pour lui dire adieu, alors je pousse, je ne veux plus la voir. Je la passe et commence à chercher un lieu où établir le campement. L’atmosphère s’assombrit quand je trouve un endroit plat et cacher par des arbres, il pleut toujours, et pour deux jours encore selon la météo.
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75to11 · 4 years
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Sixième journée - 12/06/2020
Massiac-Massiac
Après une nuit très agitée, je suis réveillé en sursaut par le tonnerre. Des gouttes commencent à se former sous la moustiquaire. Je suis désemparé par la météo. Je consulte les différents sites et tous annoncent un épais épisode orageux. Je me vois dans l’obligation de trouver refuge. Il fait à peine jour, j’avais prévu d’aller jusqu'à Mende mais cela va être impossible. Je vois sur mon smartphone qu’il y a une auberge non loin d’ici. Ô douce technologie. Il ne me reste cependant que peu de batterie. J’essaye de les appeler en vain. Aussi tôt personne ne répond. Je décide de quand même aller voir s’il y a au moins une grange où m’abriter. Je suis à bout, mentalement et physiquement. La veille a été rude, généreuse en côtes. Tout mon linge est humide, j’enfile mes habits les plus chauds et plie bagage sous la tente. Une fois mes sacoches bouclées, premier pas dehors. Splash! Les deux pieds dans une flaque, que dis-je, un étang ! J’ai installer ma tente juste à côté d’une micro-cuvette. Je fonce vers mon vélo sur le son de mes chaussettes spongieuses remplies d’eau. J’installe mon barda sur le biclou, et il faut maintenant que je plis ma tente trempée. Je l’attache au vélo et m’élance. Une route descend vers l’auberge et c’est tant mieux, devoir monter sous la pluis battante m'aurait cassé.
Je reste quand même nerveux, le bitume mouillé peut vite jouer des tours. J’arrive à l’auberge de Vazerat, toque pour ne pas sonner par peur de réveiller les hôtes qui seraient contrariés par le doux réveil volé. Quelle pensée paradoxale dans un tel moment.
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On m’ouvre aussitôt. J’ai du mal a y croire. J’ai envie de m'effondrer. L’homme qui a ouvert, cheveux poivre et sel, lunettes rectangulaires, respire la rigueur, bien qu’il revêt un mignonnet tablier. Après quelques mots et une brève concertation avec la maîtresse de maison, il m’ouvre une superbe chambre, bien sèche, avec une douche, bien chaude.
Ah quel plaisir ! Quel soulagement !
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Je passe la journée à farniente, sécher mes habits et bouquiner. Il fait orage tout du long. Heureusement le dîner à la douceur maîtrisée me conforte. J’ai hâte de reprendre la route. 
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75to11 · 4 years
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Septième journée -  13/06/2020
Massiac-Quezac 
 Je quitte l’auberge,
Glisse le long de la colline
Son perchoir
Grand soleil dès le réveil
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 Vallée brumeuse
Route fumante
Ascension éprouvante
c’est moi qui suit fumant
La nature est gorgée d’eau, 
les mousses telles le sein maternel.
Après un tel orage tout semble plus fertile
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 Des lapins s'éparpillent choisissant leurs chemins.
Le mien, seulement de la route suite à la pluie.
Je contourne d’immenses cumulus qui glissent petit à petit vers le nord est. 
Grande descente en chemin rocailleux, herbeux, me couvre de boue.
Flirte avec la lisière de l’orage.
Viaduc Eiffel, pas d’arrêt ce midi je mange des fruits acheter à la va-vite en roulant. 
La Lozère, l’Occitanie, un pas de plus vers la maison.
Une autre montée me fume, point culminant de l’itinéraire. 
Grande descente, vitesse inatteinte jusqu’alors,
vallée de roches 
de roches et de pins.
une autre montée, de la neige !
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   j’entre dans les Cévennes, 
magnifiques paysages, 
grand plateau
Coule jusqu'à Quézac où passe la nuit
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75to11 · 4 years
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Huitième journée - 14/06/2020
Quezac-Montpellier
Réveil en douceur par les oiseaux.
Rosée du matin 
Ciel bleu,
Plusieurs kilomètres dans la vallée à longer la rivière, 
Mal au genou, une fois Floirac passé c’est parti pour le sport. 
Mes cuisses chauffées suivent,
j’atteins les 1000, en haut, une vue canyonesque, 
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 il fait chaud je bois beaucoup. Après cet effort Dame Nature m'offre un vent dans le dos sur le plateau,
Pause pique-nique cévenole avec les derniers restes de fromages et charcuterie.
Soleil à son apogée, descente digestive.
Une fois dans la vallée il est dur 
le vent est de face et l'atmosphère sèche.
Longue ligne droite 
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 Sensation désertique.
Montée éprouvante avant la réunion amicale,
Soutien et avenance des cyclistes en collant 
appréciables.
Les nouvelles pistes cyclables covidiennes me guident jusqu'aux bières partagées tant attendues.
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75to11 · 4 years
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Dernière nuit - 17/06/2020
Montpellier-Carcassonne
J’ai décidé de faire ce segment, le plus long, en partant de nuit. Il y a moins de chaleur, de vent, de circulation la nuit. Il y a aussi un côté mystique à emprunter les petits chemins à la lumière de la lune et d’un halo de lampe.
J’ai passé deux nuits à Montpellier chez un couple d’amis. Le lendemain de mon arrivée j’ai passé quasiment l’intégralité de l'après-midi à siester dans un hamac et le jour suivant n’a pas été guère fourni en effort aussi.
Je repars donc la troisième nuit à minuit, non sans peur. A la sortie de Monptellier, au dernier lampadaire, c’est là que toutes se sont amplifiées. Elles ont disparu rapidement, j'étais bien équipé et le tracé dégagé. Je m’avançais jusqu'à la plage en suivant une longue piste cyclable, bien à l’écart de la route. Je traversais quelques petits patelins en sentant la salinité de l’air s’amplifier. Au bout d’une heure de route je la vis, Sète et toutes ses lumières se reflétant sur l'étang de Thau, surplombant la masse sombre de l’horizon. Je mis bien 30 minutes à l’atteindre, la contournant presque par l’Est, j’ai dû traverser un de ses ponts éclairés de violets, rendant l'atmosphère encore plus mystique.
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 Une fois les premiers tours de roues en ville, je me retrouvais alors en bas d’une montée. En m'élançant je pensais que celle-ci n'était pas indomptable. Les premiers mètres se font, un feu, un plat, et juste après une nouvelle montée, ou plutôt le prolongement de la précédente. Encore plus raide, je zigzague dans la largeur de la route pour désaccentuer le dénivelé à la façon d'un sentier de montagne. Mais au bout d’un tournant je m’aperçois que celle-ci est bien plus longue et pentue que ce que j’avais imaginé. Je pose le pied à terre et décide de pousser. Que nenni de l'esthétisme ! J’ai encore une bonne centaine de kilomètres devant moi.
Quelle bonne décision !
La pente continue de s’enraidir, je pousse un long moment sans âme qui vive, c’est paisible, un poil pénible. Pourtant, je sais très bien comment cela va être une fois en-haut. Une descente aussi raide que la montée. La nuit les voitures ont leurs phares, elles sont bien plus visibles aux croisements. Les carrefours peuvent être beaucoup mieux anticipés.
Je dévale la pente à toute vitesse, je me retrouve bien vite en bas, et là, un cadeau.
Une longue piste cyclable le long de la mer, grande étendue sombre où le ciel étoilé s’y plonge et où l’horizon s’y noie, je la longe. Pendant une demi-heure une ligne droite. Les étoiles sont de plus en plus visibles. Je me sens totalement en sécurité, en liberté, en sérénité.
Cependant mon vélo commence à être de plus en plus mou, de plus en plus dégonflé.
Je n’ai pas besoin de m'arrêter vérifié, je le sais, c’est une crevaison lente. Malchance mais aubaine, coup du sort ou opportunité, la piste est agrémenté de banc de sable qui ont débordé de la plage. En étant bien gonflé j’aurais surement glisser, mais avec un pneu un peu mou, plus adhérent, je file droit. Je roule donc jusqu'à Agde me disant qu’il y aura bien un lampadaire, rare depuis Sète, sous lequel je pourrai m’installer et récup��rer. Je finis par m'arrêter sous une lumière agdoise et procède à la réparation. Il y avait une petite épine dans le pneu. En 10 ou 15 minutes j’ai changé la chambre à air et pris le temps de m'hydrater. 
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Je repars mais cette fois-ci la piste longe le Canal du Midi par un petit sentier bien fourni en végétation. J’effraie je ne sais quelle bête, sûrement un chat, qui ne manque pas de s’écraser contre le grillage que je longeais. Puis quelques instants plus tard je manque d’écraser un hérisson au beau milieu de la piste, il ne bouge pas, il est terrorisé, je l’évite soigneusement et repars. Par endroit il y a tellement de roseaux qu'ils me fouettent le visage, mais le sentier est bien là, mi-ouvert. Je suis le canal jusqu'à Béziers. C’est une belle balade. J’y croise même un autre vélo avec une loupiote. Improbable. “Y’ a des fous partout” a dit le poète.
Le ciel est totalement dégagé. La nuit m’a envoûté. Je vois les premiers bâtiments de la ville. Derrière moi le ciel s’éclaircit à sa base. Le jour est proche. 
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 A la sortie de Béziers, aux neuf écluses, il commence à se refléter sur le canal tout en étant accompagné des lueurs de la ville. Petite ration de barres de céréales et d’abricots tout en roulant sur mon fidèle bolide. Le paysage m’est de plus en plus familier, il s'éclaircit et j’en reconnais les traits mais sans m’en rendre compte je glisse vers un lieu de plus en plus marécageux. Il y a plein de croisement de canaux mais il n’y plus le Canal du Midi.
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 A la suite d’un croisement fluvial, je dois m’engager sur un sentier fermé par un portail rouillé. Je décidé de le côtoyer un peu plus loin, en suivant l’itinéraire. J’espère alors trouver un accès à ce sentier inaccessible, clôturé par des barbelés. J’emprunte donc une trace, ou plutôt un passage, à peine ouvert  par le passage d’un vélo ou d’un animal ayant écrasé la végétation. Au bout de 50 mètres le chemin est toujours bordé de barbelés et de végétation, des roseaux et autres plantes marécageuses qui se font de plus en plus denses.
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Je me rends compte que je suis sur la bonne route. La piste enviée ne mène qu'à un étang et le passage est en fin de compte l’itinéraire. Mais il est complètement recouvert par le voile de Dame Nature. J’avance encore 100 mètres, il est 6 heures. Le sol est boueux presque vaseux. A gauche derrière les barbelés, à même pas un mètre, c’est l’étang, à droite, pas de barbelés, mais a moins d’un mètre aussi un autre plan d’eau. Je ne peux aller que devant. Les plantes me dépassent, le ciel a le bleu clair du matin et est parsemé de nuages saumonés surbrillants. Des grues et cigognes volent dans tous les sens. J’entends les cris de leurs petits. Les feuilles des roseaux sont remplis d’insectes de toutes sortes. Elles me caressent, humides, quand j’avance. Derrière ces barrières végétales je sais que se cache une faune inimaginable, inatteignable, elle est en sécurité. Lorsque le sol est visible, et que ce n’est pas de la mélasse, j’y vois des petites pinces rouges. Pourtant la côte est bien loin mais il y a des bouts de crustacés partout. Et j’avance. Cabrant mon vélo, puis le laissant retomber pour élaguer un passage. Quand un infime chemin commence à se dessiner. J’aperçois des traces de vélo. Mais de combien de temps datent-elles ? La nature a t-elle pu se sécuriser avant même que les traces ne se soient effacer ? Plus loin,les vestiges d'un pont en pierres. Je sors enfin de ce marécage. J'aperçois les Corbières, des éoliennes. La fatigue s'élève et le vent se lève. Lézignan me semble inatteignable, Cavanac inimaginable. Il ne me reste que peu de barres de céréales et d’abricots secs. Je mange une tête brûlée, bonbon acidulé qui me donne un coup de fouet. Mais je suis complètement lessivé, le relief monte très doucement, mais j’avance.
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 Je n’ai jamais eu le postérieur aussi irrité, le moindre caillou est un supplice, remonter sur la selle après une pause pour remplir les gourdes, une torture. Mais après cette dernière  , à Salles-d’Aude, je sais que je n’ai d'autre choix que d’atteindre Cavanac pour être en paix, et j’y arriverai. Je passe sous la voie ferrée qui relie Narbonne à Carcassonne, puis sous l'autoroute du même acabit. Un dernier pic, un dernier col, Montirat, et j’y monterai, tout doucement certes, mais une fois en haut, des paysages que je n’aurais jamais imaginés, si prés de mon pays d’enfance. Des petits plateaux me rappelant les Cévennes. Le sentier descend, enfin, il est caillouteux mais descends enfin. Je passe Palaja, je pédale aussi fort que je le peux avant la dernière montée, enfin. Je passe Cazilhac, elle est là, la dernière, enfin, j’en aperçois le sommet et j’y arrive, enfin. Je ne sais pas où mon corps va chercher l'énergie. J’ai mangé ma dernière barre il y a plus de deux heures, enfin. Je me trouve à ses pieds, la dernière, enfin. Mes yeux sont humides. Derrière ces quelques mètres, cette ridicule dernière colline, il y a enfin Cavanac et j’y monte, de plus en plus ému. Mais arrivé en haut, enfin, j’ai eu le temps de me reprendre. Nul ne doit s'inquiéter à mon arrivée. Enfin je n’ai plus qu'à me laisser glisser le long de la colline, vers mes parents et vers la maison où j’ai grandi. Enfin.
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