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#les amans malheureux
whileiamdying · 7 years
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ABÉLARD ET HELOÏSE LEURS AMOURS , LEURS MALHEURS ET LEURS OUVRAGES
Abélard est la figure la plus saillante dans la galerie des personnages célèbres du XIIe siècle. Ecclésiastique , chanoine et docteur; amant, père et époux; philosophe et novateur, théologien et hétérodoxe, poète et moine ; reportant dans son caractère l'effervescence d'un sens éteint, et dans son esprit les chagrins de son cœur; fondateur d'un monastère et directeur de congrégations des deux sexes ; chef d'école et condamné dans deux conciles; poursuivi par deux saints, et absous par un autre; non moins traversé dans sa théologie que dans ses amours; toujours agité et inquiet, toujours renommé et malheureux: tel fut l’amant d'Héloïse. Il eut pour ami Pierre le vénérable, et pour ennemis saint Bernard et saint Norbert, il fit de la femme la plus célèbre de son siècle, de celle qui en fut la plus aimante, la plus spirituelle et la plus éclairée, son élève, sa maîtresse, sa femme : il en fit aussi une prieure, une abbesse, une théologienne, un poète et un écrivain éloquent.
Les noms d'Abélard et d'Héloïse sont unis par le malheur et par la gloire, comme leurs cendres le sont dans le même tombeau; et ces deux noms inséparables ont déjà traversé plus de huit siècles sans cesser d'exciter un intérêt vif et puissant.
Les historiens et les romanciers, les poètes et les peintres ont célébré, mais souvent en les défigurant, leurs aventures et leurs malheurs; leurs écrits ont été mutilés par les moines, et très longtemps inconnus aux littérateurs. On n’avait point encore, jusqu'à ces derniers temps, examiné, avec une critique indépendante, leur vie et leurs ouvrages. On ignorait comment Abélard s'était peint lui-même. Les Bénédictins, d'autres religieux ou les ecclésiastiques qui ont voulu retracer sa vie, l'ont fait avec des préventions contre les doctrines hardies d'un docteur philosophe, et avec des réticences obligées sur les amours d'un moine et d'une religieuse : ce n'étaient ni dom Rivet, ni dom Taillandier, ni dom Clémencet, auteurs de Y Histoire littéraire de la France ; ce n'étaient ni le trappiste dom Gervaise, ni le barnabite Nicéron , ni le jésuite Feller, qui pouvaient vouloir tout dire; et, parmi les laïques, ni Golletet, ni un nommé Alluis, ni Bussy-Rabutin, ni le censeur Marin, n'avaient point remonté aux sources par eux ignorées.
Il n'existe qu'une seule édition des écrits qui nous restent d'Abélard et d'Héloïse ; ils furent imprimés à Paris, en 1616, sous ce litre: Petri ABÉLARD et HÉLOÏSÆ opéra, 1 vol. in-4°, devenu rare. C'est là que j'ai cherché la vie des deux amans. Un vif intérêt s'attache aux mémoires des personnes célèbres qui racontent leurs aventures et leurs malheurs; et l'on préférera toujours, à leur histoire écrite par une main étrangère, leurs propres confessions : c'est qu'alors les faits ont leur garantie et leur autorité ; alors le lecteur ne peut attribuer à l'historien les opinions, les sentiments de son héros, et ce dernier se trouve peint par lui-même.
Abélard a raconté les événements de sa vie dans une longue lettre, divisée en quinze chapitres, qu'il écrivit du monastère de Saint-Gildas, dans la petite Bretagne, à un ami qu'il ne nomme pas ; et, en citant cette lettre , Héloïse ne le fait pas non plus connaître. Abélard embrasse, dans son récit, tout ce qu'il a fait, tout ce qui lui est arrivé depuis son enfance jusqu'au temps ou ii écrit : or, à cette époque, Héloïse était déjà abbesse du Paraclet; Abélard était abbé de Saint-Gildas et il avait plus ae cinquante ans. C'est dans cette narration qu'on pourrait croire, en son entier, sinon presque inconnue, du moins étrangement défigurée, que nous allons prendre les faits tels qu'Abélard les expose lui-même. 
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