J'ai tout digéré du monde et bientôt je serai digéré par lui. Gibier du temps, proie fragile oxydée d'émotions. Lutter contre quoi ? Vous avez inventé la roue, le canon, le parapluie, le planeur mais rien qui empêche ou guérisse des disparitions. De mon côté je n'aurais fait que des mots ; ils ne seront parvenus ni à faire basculer un amour, ni à convaincre d'un retour les âmes en allées. Des phrases éphémères relâchées dans la nature, sur la toile, comme des souris de labratoire. Des mots sauvés ou perdus d'avance : confettis, éclats de clarinette, sourire en douce. À la fin, c'est le point qui clos la recherche du sens et des frissons ; pas d'autre issue pour l'écrit, la pensée, l'existence ; tout s'arrête à cette ponctuation ... Et puis l'écho d'une suspension, d'une errance, d'un silence et son oubli magnifique ; point final au-delà du point.
'' I whose rays make the lines of thunder, And whose altars the universe worships; I whose greatest gods would fear war, Can I take mortals without dishonour?
I attack in spite of myself their proud envy, Their audacity overcame my nature and fate; For my virtue which is only to give life, Is now forced to kill them.
I free my altars from these troublesome obstacles, And trampling on these brigands whom my darts will punish, From now on everyone will come to my oracles, And prevent the harm that may befall him.
It is I who penetrate the hardness of the trees, Tear from their hearts a learned voice, Who silences the winds, who makes the marbles speak, And who traces to fate the conduct of kings.
It is I whose warmth gives life to roses, And raise up the buried fruits, I give duration and color to things, And bring to life the radiance of the whiteness of the lilies.
So little that I am absent, a cloak of darkness Holds with cold horror heaven and earth covered, The most beautiful orchards are funereal objects, And when my eye is closed everything dies in the universe.''
''Apollon Champion'', Théophile de Viau, (french poet, 1590-1626)
LETTRE DE JULIETTE DROUET À VICTOR HUGO (extrait)
31 octobre 1839, jeudi soir, 5 h ¾
Quel temps mon adoré et quelle longue absence !
Je suis plus triste et plus noire que le ciel. Je me fais peur, car je sens que si je continue à t’aimer avec cette impatience et ce désespoir, je n’en aurai pas pour longtemps.
J’ai le cœur serré et les yeux pleins de larmes et aussitôt que je regarde ton portrait, je pleure. Je ne peux pas m’habituer à cette affreuse séparation qui a remplacé la douce et ravissante intimité de nos deux mois de voyage.
Je ne sais plus où j’en suis. Il me semble que j’ai quelque chose de mort en moi et dont je porte le deuil dans ma pensée et dans mon âme.
Une vie modeste, en toute modestie, avec des arbres et des fenêtres remplis de pluie, de nuit, de tonnerre ou d'oiseaux. Avec la main, le cœur, le pain à offrir, à partager, comme l'eau, le baiser, les bras. Et s'asseoir autour de la table, du feu, de la parole. Pour une vie simplement vie qui irait d'un moment à un autre sans haine et sans terreur. Vouloir être plusieurs, vouloir être seul, vouloir cette alternance de musique, de danse et de silence. Chercher ce qui réchauffe et fait rêver jusque dans les pierres et les absences. Accepter de n'être qu'un passager du monde, un voyageur qui s'émerveille un temps donné. Et puis repris ce temps ou plus précisément, offert à d'autres et comme ça sans fin. Simplement comme font les saisons, les ricochets, mais avec nos corps, avec nos vies. Simplement.