Tumgik
lolqat-blog · 6 years
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POCHADE #1
Qu'est-ce qui fait l'intérêt d'une ressortie en poche ? Son prix, c'est sûr. Notamment lorsqu'il s'agit d'un livre que l'on dévore en quelques heures comme cette "Ascension du Mont Blanc". L'auteur, Ludovic Escande, éditeur chez Gallimard, en instance de divorce, se voit proposer lors d'un dîner professionnel une solution un peu extrême à ses déboires et ses angoisses : grimper sur le toit de l'Europe. Et ça tombe bien, Sylvain Tesson, l'instigateur de ce remède radical, s'est assuré qu'à la date arrêtée pour cette ascension la résidence proche de Chamonix d'un certain Jean-Christophe Rufin sera bien libre. Et que ce dernier, malgré une tournée de dédicaces bien fournie à l'occasion de la sortie de son dernier livre, devrait se joindre à eux. L'entraînement, pour notre alpiniste novice, gros fumeur et sujet au vertige, sera très dur (et plus ou moins suivi) : running quotidien, régime alimentaire adapté, sevrage tabagique, tout cela afin de pouvoir enchaîner les ascensions d'échauffement suivies de repas tardifs dans des gargotes de montagne improbables, copieusement arrosés et poursuivis jusqu'au bout de la nuit, qui précéderont la tentative alpine ultime. L'occasion de se faire des amis pour la vie, de se découvrir une passion pour la grimpe, et pour le lecteur de passer un très agréable moment dans l'intimité de ces écrivains casse-cous, farfelus et attachants.
Tout comme ce Gidéon Lewis-Kraus qui, après une oisive jeunesse à tout asservie, qui a fini par le mener dans le Berlin underground notoirement hype de ce début de siècle, décide tout à trac de partir avec son ami Tom sur la route de Saint Jacques de Compostelle. L'épreuve réussie et la rencontre fortuite de randonneurs japonais le mèneront à envisager de faire le pèlerinage circulaire des 88 temples de Shikoku avant que l'idée de faire un livre de toutes ces expériences ne le fasse participer au pèlerinage ultra orthodoxe juif d'Ouman en Ukraine en compagnie de son frère et de son père, un rabbin new yorkais ayant fait son coming out à quarante ans passés et vivant désormais dans la plus complète inhibition sa sexualité au grand dam de son Gidéon de fils qui essaie d'analyser leur relation présente mais surtout passée à l'aune de cette révélation. Sans la ressortie en poche chez Marabout de ce "Pélerin désorienté qui cherchait Kyoto à Compostelle" nul doute que je serais passé à côté de cet auteur qui cite Annie Hall en exergue de son livre, nous livre 120 pages hilarantes aux punchlines dignes des meilleures séries comiques américaines avant de nous émouvoir dans sa quête intime de réconciliation filiale iconoclaste, maladroite et imparfaite.
Ludovic Escande “L’Ascension du Mont Blanc” (Pocket)
Gidéon Lewis-Kraus “le Pèlerin désorienté qui cherchait Kyoto à Compostelle” (Marabout)
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lolqat-blog · 6 years
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Gérard Noiriel “Le Massacre des Italiens” (Pluriel)
Alors que sa très attendue "Histoire populaire de la France" vient de paraître aux éditions Agone, Gérard Noiriel voit ressortir en poche chez Pluriel un livre à part dans sa bibliographie : "Le massacre des Italiens - Aigues Mortes, 17 août 1893" qui n'aurait pas dépareillé dans feu l'excellente collection de "Ces jours qui ont fait la France"
Il y met en oeuvre les principes de ce qu'il appelle la socio-histoire ainsi que ceux de l'"histoire au ras du sol" prônée par Jacques Revel, soit une étude minutieuse à la fois du microcosme et du macrocosme qui ont conduit à un événement particulier à un moment donné, permettant d'élaborer ainsi pistes, hypothèses et explications les plus objectives possibles sans que les enjeux du présent ne viennent éclairer le passé de façon anachronique
Comment parler alors d'un livre d'Histoire sans trop dévoiler les faits, les enjeux, les causes et conséquences qui sont autant de surprises au fil de la lecture ?
Les faits, d'abord : l'extraction, le "levage", du sel pour le compte de la Compagnie des Salins du Midi nécessitait une importante main d'oeuvre qui voyait arriver à Aigues Mortes une population hétéroclite : des saisonniers, Italiens donc, mais aussi "Ardéchois", encadrés et rôdés à ce type de travail, et des vagabonds, chômeurs sans domicile fixe, en quête du moindre petit boulot. Une embrouille lors du travail sur les salins entre ces "trimards" et un groupe d'Italiens va être le point de départ d'une escalade de rumeurs et de violence, impliquant les Aiguemortais eux-même, communauté soudée par son histoire et sa situation si particulières, et prompte à englober tous ces gens de passage sous le même vocable d'"estrangers", qui va occasionner la mort d'un certain nombre d'Italiens, leur décompte lui-même étant source de polémique.
C'est alors que l'historien entre véritablement en jeu : "Pour comprendre comment l'"identité nationale" a pu actionner le bras des assassins et légitimer leurs actes, il faut maintenant s'éloigner du champ de bataille, prendre de la hauteur et replacer l'événement dans le processus global qui a conduit à la "nationalisation" de la société française"
Edification de la "Nation France", donc, arrivée des sciences statistiques, développement du réseau ferré, scolarité, diffusion massive de la presse "à bon marché" avec son lot de stéréotypes : intégration et identité sont alors au coeur du projet politique de l'époque. A divers titres, les protagonistes du massacre d'Aigues Mortes utiliseront l'argument national que ce soit pour inciter ou pour justifier leurs actes
"Confrontés régulièrement au pouvoir d'Etat, les émigrants/immigrants sont contraints de décliner fréquemment leur nationalité, intériorisant du même coup cette dimension nouvelle de leur identité. Le même constat vaut pour les trimards. Sans domicile fixe, ils se déplacent sur l'ensemble du territoire national et sont constamment questionnés sur leur nationalité par les maires, les gendarmes, les juges, etc. Ayant perdu leur ancrage local et professionnel, leur identité sociale tend à se confondre avec leur identité nationale."
Mais l'autre scandale d'Aigues Mortes est son dénouement judiciaire : tous les accusés seront acquittés. Malgré le témoignage direct de représentants de l'Etat. Malgré même les aveux de certains des prévenus. C'est que l'affaire a un retentissement international... et qu'il ne s'agirait pas que la France perde la face. Tous les hauts fonctionnaires carriéristes auront été mis sous pression pour que l'instruction, le procès et le verdict aillent dans le même sens. La diplomatie, l'actualité (assassinat de Sadi Carnot, affaire Dreyfus) feront le reste pour définitivement enterrer jusqu'au souvenir du massacre.
Autre conséquence : la mécanisation du levage du sel par la Compagnie des Salins du Midi, ce qui ne nécessitera plus autant de main d'oeuvre, a fortiori italienne.
"Sans jamais avoir reconnu leurs responsabilités dans le massacre du 17 août, les dirigeants ont donc inventé des moyens pour que ce genre de violence collective ne se reproduise plus. Le visiteur qui découvre aujourd'hui les salins du Peccais ne peut plus imaginer ce qu'a été cet enfer il y a 120 ans. Les solutions techniques que les dominants mettent au point pour résoudre les problèmes qu'ils ont eux-même créés contribuent en effet à l'"impeccabilité des lieux neutres" qu'évoquait récemment Luc Boltanski. Celui qui veut connaître le passé sanglant d'Aigues Mortes doit désormais se contenter des archives policières ou judiciaires. Ce qui l'incitera, par la force des choses, à incriminer les bras qui ont frappé en oubliant ceux qui les ont armés."
Ce n'est qu'un siècle plus tard, lors des commémorations des cent ans du massacre, que les historiens commenceront à se repencher sérieusement sur cet événement. Jusqu'à cette étude définitive de Gérard Noiriel que je viens de vous résumer rapidement et qui fourmille de nombreuses autres informations et analyses.
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lolqat-blog · 6 years
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Semaines 35 & 36
Quinze jours marqués par des nouveautés dans le domaine occitan : des entretiens avec Jan dau Melhau, une anthologie de Bertran de Born et 2 sommes d’études érudites sur “La réception des troubadours en Provence : XVIe-XVIIIe siècle“ et les “Modernités des troubadours”
Le Japon toujours à l’honneur pour qui voudra passer “Un automne à Kyoto”
Deux récits de mer, un autre au Caire, de “Petites histoires des routes mythiques“ ainsi qu’un essai dans un genre amené à faire florès : le récit de voyage critique envers les... voyageurs
Côté rééditions : la truculente Ascension du Mont Blanc de Ludovic Escande, des souvenirs d’Un été en Cévennes et surtout l’indispensable Le massacre des Italiens de Gérard Noiriel sur un tragique fait divers à Aigues-Mortes à la fin du XIXe siècle, étudié de manière remarquable : je devrais bientôt revenir dessus...
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lolqat-blog · 6 years
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Philippe Martel “Vidas”
Sous-titré « Des hommes et une langue : itinéraires biographiques, XIXe et XXe siècles »
« Vidas » : intituler ainsi son ouvrage c’est placer d’emblée dans la continuité de la geste troubadouresque des auteurs pour qui ce lien n’était pas si évident que ça à leur époque (ni même aux précédentes, comme l’étudient les différents collaborateurs de l’érudit « La Réception des troubadours en Provence - XVIe-XVIIIe siècle » paru au même moment chez Classiques Garnier). Il s’agirait plutôt, comme pour les vies de troubadours, ces biographies incomplètes précédant les recueils de leurs poèmes parvenus jusqu'à nous, de combler un manque d'informations biographiques qui persiste concernant les félibres, membres actifs du deuxième grand mouvement littéraire occitan, exception faite des plus célèbres d'entre eux, tel Mistral par exemple. Il faut donc considérer cet ouvrage comme la première pierre d'un dessein bien plus ample qui devrait concerner l'ensemble des acteurs de la littérature occitane.
"Vidas" est un recueil d'articles parus dans des revues spécialisées et des actes de colloques, surtout. Comme toujours avec Philippe Martel, le choix pertinent des citations et la variété des sources permettent une excellente contextualisation du fait occitan dans les enjeux de son époque ainsi que l'analyse des ressorts "personnels", conscients ou non, qui guident l'action des écrivains. Ce sont alors les pseudo paradoxes, les fausses incongruités, les idées reçues à pourfendre qui semblent être le moteur de son approche de ces figures de la renaissance littéraire d'Oc.
« C’est donc cet inconnu-méconnu-trop connu que nous allons essayer de présenter ici, dans son parcours biographique, mais surtout dans ses idées. Car cet homme nous paraît avoir été le seul nationaliste occitan conséquent du premier Félibrige. A ce titre, il intéresse l’historien ; il l’intéresse d’autant plus qu’à travers son exemple, celui d’une exception qui confirme la règle, il permet de mieux appréhender ce qu’est cette règle, c’est-à-dire la normalité d’un parcours félibréen, aux antipodes du parcours de notre homme. » écrit-il ainsi au sujet de Villeneuve-d'Esclapon.
Mistral pressenti à l'Académie Française ? La réédition au XIXe siècle de textes médiévaux prétexte à des envolées séparatistes dans leur introduction de présentation ? Baptiste Bonnet, d'extraction humble et l'un des rares prosateurs provençaux, adoubé par Alphonse Daudet ? Un René Nelli devenu "anti-occitan" ? Un rapport secret de 1950 du jeune Robert Lafont, alors secrétaire de l'IEO, très critique sur le discours, les moyens et le but du mouvement ? Les surprises ne manquent pas, même pour le fin connaisseur de l'histoire occitane récente. Tous ces événements, outre qu'ils sont l'occasion de quêtes biographiques fouillées, nous renseignent sur les dissensions au sein d'un même élan pour la renaissance littéraire d’Oc ainsi que sur sa réception, son influence voire sa récupération par la scène littéraire et politique nationale.
« Le Manifeste, tel qu’en lui-même, constitue à la fois un bon exemple de cette langue de bois félibréenne (...) et une véritable auberge espagnole idéologique. Les difficultés commencent dès que les clients de cette auberge commencent à déballer leur marchandise » écrit-il ainsi au sujet de la tentation fédéraliste qui a pu un temps faire consensus idéologique au delà même du cercle félibréen.
Outre ces épisodes méconnus de la vie culturelle occitane, Philippe Martel dresse également le portrait de "figures", à entendre au sens de personnages singuliers, tel ce Villeneuve d'Esclapon, électron libre du mouvement, Antoine Bigot ou Calixte Lafosse, écrivains occitans étrangers aux enjeux du Félibrige. Bref : de quoi faire son miel dans une histoire qui, malgré l’impasse de son devenir et la médiocrité dont elle a pu souffrir, n’a pas encore délivré toutes ses perles ni ses secrets...
Pour découvrir d’autres biographies d’auteurs occitans, un site : http://vidas.occitanica.eu/
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lolqat-blog · 6 years
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Cendrine Bonami-Redler (dessins) et Patrick Bard (textes) “Dans son jus - Voyage sur les zincs” (Elytis)
On les imagine très bien tous les deux, dans un de ces bistrots parisiens qu’ils affectionnent tant, encore “dans son jus” comme le formule si joliment leur carnet de voyage “sur les zincs”, elle ayant étalé son matériel, feutres et carnet de croquis, à côté de son grand crème, sur une table d’angle, piquant la curiosité du patron et des habitués du lieu, lui un ballon de rouge à la main, circulant de l’un aux autres, glanant anecdotes et vérités définitives au cours de conversations décousues, ou bien assis à ses côtés, remuant sa boisson en même temps que ses souvenirs, le silence à peine perturbé par le percolateur et le crissement furtif du feutre sur la feuille Canson.
C’est qu’à l’heure des fermetures, démolitions, relookings et autres starbuckeries (objet d’un excellent documentaire : https://www.arte.tv/fr/videos/073442-000-A/starbucks-sans-filtre) ils ont réussi à dénicher à Paris et sa proche banlieue une soixantaine de ces rades, troquets, caboulots et autres estaminets à l’ancienne où il fait bon créer sa soif et étancher ses souvenirs.
Alors que l’illustratrice, crayonnant rapidement tables, chaises et déco murale, ne représentant ni patron, ni serveur, ni client, se focalise sur le coeur du réacteur, le bar, le comptoir, le sol alentour (du carrelage, forcément du carrelage) dans une ode au Formica, au bois patiné et à l’inamovible tireuse, l’auteur peuple ces univers d’anecdotes personnelles touchantes, de références historiques savoureuses, de scènes vécues de la bohème artistique et intellectuelle, de bande-son et de portraits de proprio, de brèves de comptoir et d’évocation des gogues, dressant par là-même l’épopée kaléidoscopique des cafés parisiens.
Même si ses courts textes n'en sont pas dénués, on aurait juste aimé voir évoquer un peu plus cette gouaille et ce panache popu indubitablement liés à ces lieux où l'on aime jacter autour d'un bon jaja.
"Ne demandez pas un mojito au "Petit Choiseul", c'est pas le genre de la maison. On y sert plutôt des bières comme la Gallia, brassée à Pantin, ou la Sabetz au goût de litchi. Puisqu'on vous le dit ! Il y a peu, l'endroit était encore un boui-boui qui servait des plats cuisinés chez Agrigel. Mais le nouveau maître des lieux a requinqué le décor fifties de cet estaminet en lui donnant un supplément d'âme."
Enfin, félicitations, une fois de plus, au remarquable travail de l'éditeur.
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lolqat-blog · 6 years
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Benoît Reiss « Notes découpées du Japon » (encres de Junko Nakamura, Esperluète Editions)
« La secousse est progressive. Le sol, les murs et les meubles tremblent, les objets et les vitres commencent à tinter puis tout se calme d’un coup. »
Ce ressenti sismique pourrait être une parfaite définition de la structure de ces fragments de vie nippone. Qui auraient très bien pu s’intituler Petits haïkus en prose. Sans avoir l’air d’y toucher l’auteur nous mène souvent de la singularité d’une scène typiquement japonaise à l’incongruité d’une chute paradoxale.
« Cette fois rien n’est tombé, rien ne s’est cassé ni brisé, sauf la bonne humeur et les rires. »
Les thèmes développés, bizarreries du quotidien, réminiscences de l’Histoire, beauté de certains instants, émerveillements de la Nature, font également écho à l’art subtil de la poésie japonaise. De petits riens et des Grand Tout qu’il faut savoir appréhender avec justesse et patience.
« En équilibre sur les fils de l’étendoir, les couches de neige se dressent fines, merveilles infimes élevées flocon après flocon. »
Enseignant le français au Japon, Benoît Reiss nous restitue dans ces courts textes (agrémentés d’encres de Chine qui font aussi de ce livre un bel écrin) son expérience et son amour de ce pays et de ses habitants. Ainsi ressort de cette lecture toute la délicatesse de qui sait voir, écouter et ressentir au filtre d’une culture singulière, si différente et si attirante.
« un instant les mots sortis des bouches sont devenus visibles ; plus légers que l’air, ils montaient dans les feuillages avant de retomber, attachés aux pétales et aux feuilles. »
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lolqat-blog · 6 years
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This is the beginning of a beautiful friendship
Lundi 27 août 2018
C’est reparti pour un tour !
Début de la saison 13 à mon poste de libraire.
Et ça commence fort avec au programme de la semaine dernière : des impressions du Japon ainsi qu’un panorama de l’imaginaire nippon richement illustré, un roadtrip au Canada et une tournée des bistrots parisiens « à l’ancienne », plusieurs récits de voyages (parmi lesquels la réédition de classiques devenus introuvables et un ObjetEditorialNonIdentifié), la somme définitive sur le refuge cévenol pour les juifs pendant la seconde guerre mondiale. une étude sur les débuts du cinéma en Camargue et enfin une anthologie de textes sur des hommes ayant œuvré pour la langue occitane ces deux derniers siècles. Faï tirar !
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