Tumgik
laurentga · 2 years
Text
Rape & revenge, des films comme les autres ?
Une nouvelle génération de films à base de viol et de vengeance est en train d’émerger. Retour sur l’histoire de ce sous-genre controversé, et focus sur les nouveaux questionnements qu’il provoque.
Tumblr media
L’affiche du film Revenge de Coralie Fargeat, sorti en 2017 © Rezo Films
«Mon éveil sexuel s’est fait à la fin des années 1970, et à l’époque, les scènes de viol, c’était surtout l’occasion de voir un bout de téton. D’ailleurs, c’était clairement l’objectif de ces scènes, d’arracher le haut de l’actrice». David Birke, scénariste de Elle, n’aime pas les rape & revenge. Trop «boring». Il est pourtant parfaitement conscient que son film, réalisé par Paul Verhoeven et adapté d’un roman de Philippe Djian, coche toutes les cases du genre : une femme est violée, brutalement. Puis elle se venge – à moins d’être vengée par un proche. Dans ces films, le plaisir du spectateur repose sur le renversement du pouvoir; la satisfaction de voir la victime reprendre le contrôle sur ses agresseurs. Mais aussi sur la fétichisation des violences sexistes.
«Pour être cynique, je dirais que la première génération de rape & revenge était juste une manière de prendre du plaisir en voyant des gens souffrir», analyse David Birke. «Si l’on veut une femme sexy comme protagoniste, qui répand la mort et la violence, alors le viol est un excellent élément déclencheur, parce qu’on a une double dose de sexe et de violence. (...) Aujourd’hui, ce cynisme existe toujours, mais il faut l’équilibrer avec un discours “nous ne sommes pas maléfiques et nous sommes conscients des problématiques sociales”».
Une réputation sulfureuse depuis les années 1970
Taxé de misogynie, de sensationnalisme ou carrément d’apologie du viol (comme ce fut le cas de Elle), le rape & revenge traîne une réputation sulfureuse. 
À lire aussi : Le décryptage des rape & revenge par le site féministe 21stcenturywomen
Ce sous-genre cinématographique s’est développé au cours des années 70, avec des classiques comme I Spit On Your Grave ou La Dernière maison sur la gauche qui, effectivement, ne lésinaient pas sur les tétons, ni sur la violence gratuite. Au début des années 2000, la France a produit son propre cru, avec Irréversible de Gaspar Noé, et surtout Baise-Moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi, taxé de pornographie et retiré de l’affiche quelques jours après sa sortie. Philippe Godeau, son producteur, «ne regrette rien», mais se souvient encore de l’affaire comme d’un «traumatisme».
Tumblr media
La dernière maison sur la gauche, de Dennis Iliadis, en 1972 : du sexe et de la violence gratuite en veux-tu en voilà... © Rogue Pictures
Résurgence du genre, avec une majorité de femmes réalisatrices
Pourtant, depuis quelques années, le genre attire à nouveau, et connaît une résurgence qui l’éloigne du cinéma d’exploitation de ses débuts : au Elle de Birke et Verhoeven, viennent s'ajouter M.F.A., Revenge, The Nightingale, Violation, ou encore Promising Young Woman, qui a carrément remporté l’Oscar du meilleur scénario en avril 2021. Ils sont en majorité produits, écrits et réalisés par des femmes, et généralement plus soucieux des dynamiques de genre.
Tumblr media
En avril 2021, Promising young woman, de la réalisatrice britannique Emerald Fennell, remporte l’Oscar du meilleur scénario © FilmNation Entertainment
Un riche terreau scénaristique
Si les cinéastes se tournent encore vers le rape & revenge, malgré son héritage ambigu, et sans forcément en apprécier les codes, c’est parce qu’il peut fournir un riche terreau scénaristique. Le genre, proche du cinéma d’horreur, permet d’explorer les dynamiques de domination de manière viscérale. Leah McKendrick, scénariste, productrice et actrice, a passé un an et demi sur le script de M.F.A., l’histoire d’une étudiante aux Beaux Arts qui se lance dans une quête sanglante de revanche après avoir été violée. Elle espérait offrir, à travers son film, une justice qui manque cruellement aux victimes de viol dans la vie réelle. «Je voulais présenter une histoire très familière, avant de dévier vers un chemin plus fantastique, qui soit cathartique pour les survivantes. Peut-être que le système judiciaire nous a abandonnées, mais Noelle, mon héroïne, ne nous abandonnera pas.»
Comme Leah McKendrick, la scénariste et réalisatrice Coralie Fargeat ne connaissait pas les codes du rape & revenge lorsqu’elle a décidé de faire Revenge, un thriller sanglant où une jeune bimbo pourchasse ses agresseurs en plein désert. Inspirée entre autres par Mad Max et Rambo, la cinéaste française voulait avant tout faire un revenge movie, sur la renaissance d’une jeune femme sous-estimée de tous. «Je voulais décrire un ensemble de violences qui pouvaient avoir lieu à l’encontre des femmes. Et c’est l’image du viol qui m’est venue comme la pire des violences, en tout cas celle qui, cinématographiquement, a un symbole et englobe presque toutes les autres.»
Mais inclure un viol dans un film comporte ses propres spécificités. Avant la sortie de Elle, David Birke était inquiet: «J’étais conscient du fait qu’avoir un viol dans un film allait attirer une certaine attention qui dépasserait le cadre du film». Le scénariste n’a donc pas été surpris par l’édito taxant le film d’«apologie du viol», publié dans le Huffington Post par la co-fondatrice d’une association féministe – au contraire, c’est l’absence d’un plus grand nombre de retours négatifs qui l’a étonné. «Si on avait fait un film sur une femme qui se venge d’un meurtre, jamais de la vie il n’y aurait eu d’édito dessus. Comme il s’inscrit dans un contexte de domination masculine, le viol est un crime qui aura toujours une dimension politique, c’est indéniable.»
Comment filmer le viol ?
L’un des questionnements les plus épineux du rape & revenge porte sur la représentation même du viol : faut-il le filmer, et si oui, comment? «Certains cinéastes ne filment pas le viol de manière très graphique, ou le filment du point de vue de l’homme, de manière voyeuriste ou fétichisante, ce qui rend ces scènes plus faciles à consommer», analyse Leah McKendrick. «Parfois ils font un raccord sur un visage, ou un gros plan sur une boucle de ceinture que l’on défait». D’autres, comme Emerald Fennell avec Promising Young Woman, choisissent carrément d’occulter ce moment.
Dans Elle, David Birke et Paul Verhoeven ont eu recours à plusieurs outils pour éviter de rendre les scènes de viol érotiques. Le film s’ouvre sur un chat qui observe, de loin, le viol de sa maîtresse, «pour que dès le départ, on soit dans la position d’un spectateur distant. Et puis, on arrive à la toute fin de la scène.» 
Tumblr media
Dans Elle, le public est mis “dans la position de spectateur distant”  © SBS Production, 2016
Plus tard dans le film, Michèle suit Patrick, son violeur, au sous-sol, et provoque un rapport sexuel aussi ambigu que violent. Au début de la scène, Patrick frappe violemment le crâne de Michèle contre un mur. «Les effets sonores ont été créés pour en faire plus clairement une scène de coups et blessures», explique David Birke. Le bruit du crâne fracassé était tellement fort que le père du scénariste, après une projection, est d’ailleurs allé s’en plaindre auprès de Verhoeven, arguant que ce n’était pas réaliste. «J’étais un peu gêné que ce soit la seule chose que mon père ait retenu du film».
Coralie Fargeat, elle, a préféré ne pas montrer frontalement le viol de son héroïne, s’appuyant plutôt sur des symboles, et sur la puissance du hors-champ. «Comme pour moi, le viol en lui-même n’était pas le sujet du film, je n’avais pas la nécessité de le montrer crument. Je voulais que la mise en scène puisse mettre en valeur la violence de ce moment, mais différemment.» À la place, on voit la main de Jennifer qui tape contre la vitre, ou l’ami du violeur qui, dans la pièce d’à côté, monte le son de la télé pour couvrir les cris. L’image la plus forte, c’est ce très gros plan sur la bouche du complice, qui mâche au ralenti des oursons en guimauve, «comme si toute la violence de la scène était vue dans cette mâchoire, qui écrabouille les oursons comme l’héroïne est en train de se faire écrabouiller».
Pour M.F.A., Leah McKendrick et sa réalisatrice Natalia Leite ont au contraire opté pour une scène graphique et sans fard, avec un plan moyen qui montre la violence de l’acte dans son ensemble, avant de se focaliser sur le visage tétanisé de la victime. «Je pense qu’il est plus facile pour nous de consommer des images que l’on a déjà vues. Et c’est peut-être pour ça que la scène est si dure à regarder, parce que les films ont l’habitude de nous ménager lorsqu’il s’agit de viol. Mais si la scène vous met mal à l’aise, c’est normal», explique Leah McKendrick. La scénariste, qui a retravaillé une quinzaine de versions de son script pour le rendre moins sombre, se souvient avec douleur de la phase d’écriture. À l’origine, sa scène de viol ne tenait que sur quelques lignes. «Natalia m’a dit “j’ai besoin que ça soit beaucoup plus détaillé, je veux voir toutes les étapes et savoir ce qu’il se passe dans sa tête.” Elle a vu que cette scène me faisait peur, parce que c’était trop douloureux pour moi, et c’est tout à son honneur de m’avoir dit “tu te dérobes, va l’écrire pour de bon”.»
Archétypes
Pour elle, l’étape la plus difficile aura été le financement. La scénariste garde le souvenir amer de réunions blessantes, au cours desquelles les investisseurs potentiels ne s’adressaient qu’au producteur masculin du film, sans la regarder. «On m’a aussi beaucoup dit que mon film était trop controversé, trop féministe, et trop haineux envers les hommes.»
Si Promising Young Woman, produit par Margot Robbie, a récemment bénéficié d’un budget d’un peu moins de dix millions de dollars, la grande majorité des rape & revenge sont des films à micro-budget. Philippe Godeau, qui a produit Baise-moi en 2000, relativise : «Si on fait un film différent comme l’était Baise-moi, moi je trouvais ça normal qu’on prenne une part de risque importante. Il y a des films qui doivent se faire avec moins d’argent pour avoir plus de liberté.»
Coralie Fargeat, elle aussi, a eu du mal à obtenir le budget nécessaire pour Revenge, mais elle l’attribue plus au fait qu’il s’agissait d’un film de genre. La cinéaste se dit cependant marquée par les retours de certains financiers, «qui disaient que le scénario était très misogyne, parce que mon héroïne était une fille qu’on qualifierait de “légère”, et que tout le monde aurait été beaucoup plus à l’aise si c’était une fille plus éduquée, plus “respectable”. On m’a suggéré plein de fois de changer le personnage, de la rendre “un peu plus smart”, et je disais que non, mon propos, justement, c’est qu’on projette cette violence sur cette figure-là, et ce n’est pas pour rien.»
Dans les rape & revenge traditionnels, les violeurs sont souvent des voyous terrifiants, des hommes masqués ou des rednecks dégénérés. Les victimes, elles, sont passives et virginales. Coralie Fargeat avait bien en tête les tropes féminins de l’horreur lorsqu’elle a écrit son personnage: «je ne voulais surtout pas que ce soit la scream queen qui n’arrête pas de crier. Et je ne voulais pas non plus que ce soit quelqu'un d’autre qui la sauve». Pour Leah McKendrick, c’est le personnage du violeur qui méritait d’être revisité; elle en a ainsi fait quelqu’un de charmant, discret et respectueux. «C'était très important pour moi qu’il ne s’agisse pas d’un inconnu caché dans un buisson pendant qu’elle rentre tard la nuit. Souvent, le violeur, c’est ton ami. C’est un garçon sur qui tu avais un crush, ou bien juste un mec du cours d’Histoire.»
David Birke, lui, n’a pas trop eu de mal à construire le personnage de Michèle, qu’il a... basé sur sa propre mère. Mais cela n’a pas empêché le scénariste de prendre des précautions inédites, à cause de la barrière de la langue (son script a été écrit en anglais puis traduit en français). En lisant la traduction, il s’est rendu compte qu’une bonne partie de l’humour ne transparaissait pas, et que le sarcasme et l’ironie de Michèle tombaient à plat. «Surtout qu’elle est déjà très nonchalante avec tous les traumatismes qu’elle a subis. Je suis repassé avec Paul sur l’intégralité du script, et j’ai dû faire quelque chose que je ne fais jamais. J’ai rajouté des parenthèses pour indiquer: “(ironiquement)”.» Heureusement pour lui, Isabelle Huppert porte l’ironie comme une seconde peau, et a instinctivement compris le ton du script. «Mais je me souviens que ça m’a beaucoup inquiété. Comme le film parlait de viol, oui, probablement, nous avons voulu être un peu plus prudents et nous assurer que les intentions étaient claires.»
Résurgence dans les années post-Me Too
Soucieux de la réception de son travail, le scénariste admet une certaine prise de conscience au cours des dernières années: «Je suis préoccupé par la question du male gaze, et comment cela pourrait être perçu. Avant, j’avais la même insouciance que Paul [Verhoeven], mais je pense que ça s’est un petit peu insinué dans mon esprit depuis.»
“C’est le moment. Fais ton film maintenant ” : le conseil d’un grand producteur d’Hollywood à Leah McKendrick six mois avant l’affaire Weinstein.
La résurgence du rape & revenge dans les années post-Me Too n’a certainement rien d’anodin. Lorsqu’elle travaillait sur son script en 2016, Leah McKendrick dit avoir reçu le conseil d’un grand producteur hollywoodien: «Il m’a dit “C’est le moment. Fais ton film maintenant”. Je me demande ce qu’il savait». Son film est sorti en salles le 13 octobre 2017, six jours après l’article du New York Times accusant le producteur Harvey Weinstein de viol et de harcèlement sexuel. Coralie Fargeat, dont le film est sorti quelques mois plus tard, a aussi été frappée par cette concomitance. «Il y a eu la rencontre d’un sujet avec son époque, qui a permis au film de s’envoler.»
Tumblr media
Mais l’accueil semi-controversé de ces films en atteste: malgré toutes les précautions, faire un rape & revenge consensuel reste encore une mission impossible aujourd’hui. «Forcément que c’est clivant, et quelque part j’ai envie de dire tant mieux», estime Coralie Fargeat. À voir : l’interview de Coralie Fargeat par Chloé Valmary. «Quand Revenge est sorti en France, le film se faisait assassiner sur internet par des mecs blancs de 40 balais. Je pense qu’ils se sentaient agressés (rires). Mais être clivant pour moi n’est pas du tout négatif, c’est que le film a un parti pris fort et qu’il déclenche quelque chose». Une opinion partagée par David Birke: «comme le viol est une expérience humaine extrême, si on tente de le capturer et que ça ne fait pas réagir le public, c’est très mauvais signe».
Quelques essais d’illustrations... :
Tumblr media Tumblr media
0 notes
laurentga · 2 years
Text
Le point sur l’invasion russe en Ukraine
Quelques heures après le début de l’opération militaire déclenchée par Vladimir Poutine, le point sur la percée des forces russes dans la région de Kiev, le crash d’un avion ukrainien, et les réactions dans le monde.
Le président russe a déclenché jeudi une opération militaire en Ukraine pour défendre les séparatistes de l’est du pays.
“Nous nous efforcerons d’arriver à une démilitarisation et une dénazification de l’Ukraine, a-t-il dit. 
Cette opération vise à “détruire l’État ukrainien, s’emparer de son territoire par la force et établir une occupation”, a déclaré de son côté le ministère des Affaires étrangères ukrainien.
À lire aussi : le podcast Ukraine : pourquoi Poutine choisit la guerre
Bombardements et forces terrestres
L’armée russe, qui dit viser les sites militaires ukrainiens avec des “armes de haute précision”, a affirmé avoir détruit les systèmes de défense anti-aérienne et mis “hors service” les bases aériennes de l’Ukraine”
Des forces terrestres russes ont pénétré dans la région de Kiev à partir du Bélarus pour mener une attaque sur des cibles militaires, selon Kiev.
L’Ukraine déplore des dizaines de morts
Au moins 40 soldats et une dizaine de civils ont été tués, selon Kiev. Un avion militaire ukrainien s’est écrasé près de Kiev avec 14 personnes à bord, ont annoncé les autorités.
L’armée ukrainienne a également affirmé avoir abattu cinq avions et un hélicoptère de l’armée russe et avoir tué une cinquantaine “d’occupants russes” dans l’est du pays. 
Les autorités de la région d’Odessa ont par ailleurs indiqué que 18 personnes avaient été tuées dans un village par des frappes, sans qu’on sache si ces victimes avaient été comptabilisées dans le bilan global. 
Puissantes explosions
Une série d’explosions ont été entendues à Kiev, où les sirènes d’alarme anti-bombardement ont retenti. 
Explosions également à Kramatorsk, ville dans l’est qui sert de quartier général à l’armée ukrainienne, à Kharkiv, deuxième ville du pays située près de la frontière russe, à Odessa, sur la mer Noire, ainsi qu’à Marioupol, plus grande ville ukrainienne proche de la zone de front. 
Condamnations en cascade
Les Etats-Unis, l'Otan, l'Union européenne, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie, le Japon, la Finlande, la Suède, la Turquie, entre autres, ont condamné l'attaque.
Les Etats-Unis déposeront jeudi un projet de résolution sur la table du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la Russie pour sa "guerre" en Ukraine.
De son côté, la Chine dit qu'elle "comprend les préoccupations" de la Russie.
Avec AFP
0 notes
laurentga · 2 years
Text
Grey’s anatomy : après 17 saisons, Meredith Grey est  toujours le reflet de toute une génération
Atteinte du COVID, le personnage de Meredith Grey est actuellement sous respirateur, et son destin en suspens comme celui de dizaines de milliers d’Américains. Si comme elle l’a suggéré, cette saison 17 s’avère être la dernière, la chirurgienne finira sa course comme elle l’a commencée : en se faisant le reflet de toute une génération.
Tumblr media
2006, la série américaine débarque en France. Et Meredith Grey est déjà là...
©ABC
Lorsque Meredith Grey est apparue pour la première fois sur nos écrans, nous étions en juillet 2006, et cette toute nouvelle série médicale, créée par une certaine Shonda Rhimes, impressionnait immédiatement par son rythme, ses intrigues amoureuses, et son groupe d’internes en chirurgie aussi ambitieux qu’attachants. Aujourd’hui, après dix-sept saisons, la majorité des membres du casting original ont disparu, et l’hôpital a changé trois fois de nom. Mais Meredith Grey, elle, est toujours là.
Un impact non négligeable sur la pop culture
Rares sont les héroïnes qui peuvent se targuer d’une telle longévité : Ellen Pompeo, qui avait 33 ans lorsqu’elle a tourné dans le pilote, en a aujourd’hui 51. Plus que n’importe quelle autre actrice du moment, elle a vieilli et évolué sous nos yeux, se fondant presque entièrement dans le personnage qui l’a rendue célèbre et auquel elle a consacré sa carrière. Si Meredith semble à première vue moins révolutionnaire que des personnages comme Cristina Yang ou Miranda Bailey, son impact sur la pop culture, et toute une génération de jeunes femmes qui ont grandi avec elle, est non négligeable.
Tumblr media
Ellen Pompeo a aujourd’hui 51 ans. © Cover Images
Une femme imparfaite, vulnérable, complexe, à laquelle beaucoup de femmes s’identifient
Lorsqu’elle débarque dans une ère télévisuelle encore majoritairement dominée par des figures d’antihéros masculins, Meredith frappe par son esprit de compétition, son amitié immensurable avec la tout aussi brillante Cristina Yang, mais aussi son côté sombre assumé («dark and twisty»). Elle amorce une tendance désormais bien répandue : celle des personnages féminins difficiles à aimer. «Elle est imparfaite», explique Barbara Dupont, chercheuse en communication et études de genre. «C’est un personnage qui est parfois en dépression, voire avec des tendances suicidaires, qui peut se tromper et faire des erreurs.» Une «noirceur profonde» qui a beaucoup parlé à Clémentine, 31 ans: “Je me suis toujours beaucoup reconnue en elle, son rejet du bonheur parce qu’elle pense ne pas le mériter. Dans la saison 3, elle se noie et elle hésite à remonter, et ça m’a saisie". Absa, 27 ans, affirme que Meredith est son «remède anti-dépression. (...) Elle m'a aidée dans le deuil, les chagrins d'amour, dans mon burn-out aussi.» Parmi ses épisodes préférés, elle cite celui de la saison 3, où Meredith fond en larmes après avoir voulu faire preuve de compassion envers un tueur en série condamné à mort. «Elle dit à Derek "Je sais que tu ne me comprends pas. Moi non plus je ne me comprends pas." (...) J'ai été diagnostiquée avec un trouble de la personnalité borderline, donc il y a des moments où je vacille entre manie et dépression et ce passage là, c'est comme une sorte de miroir, qui me dit "laisse le moment passer, sois sombre et tordue, tu comprendras plus tard, quand tu auras retrouvé l'interrupteur".»
17 ans après sa création, un personnage complexe et toujours intéressant
C’est ce côté sombre qui rend aussi la chirurgienne particulièrement téméraire, n’hésitant pas à se mettre en danger pour sauver des vies – comme lorsqu’elle place sa main sur une bombe engouffrée dans le corps d’un patient. Pour autant, on peut difficilement ranger la ténacité de Meredith dans la case souvent réductrice du «personnage féminin fort». Dans ses scènes les plus marquantes, comme celle où elle plaide sa cause face à Derek, Meredith a souvent les yeux baignés de larmes et la voix brisée, sa vulnérabilité à fleur de peau en parfait équilibre avec son obstination. Ni «badass bitch» ni fleur fragile, Meredith Grey contient de nombreuses dimensions, et c’est ça qui fait d’elle un personnage encore intéressant dix-sept ans après sa création.
youtube
“Pick me, choose me, love me...” La scène marquante où Meredith Grey plaide sa cause face à Derek.
Une romance iconique
Impossible de parler de Meredith sans mentionner Derek. Leur relation passionnée, qui durera onze saisons avant la mort tragique du fameux Dr. Mamour, démarre pourtant sur un déséquilibre hiérarchique. Mais au fil des années, la jeune interne s’affirme professionnellement et intimement, déterminée à ne pas sacrifier sa carrière au profit de celle de son mari, et leur rapport finit par devenir égalitaire – parfois même teinté de rivalité.
Alexandra est entrée en médecine alors que la série débutait, et a vu sa vie impactée par le personnage d’une manière assez inattendue. «En 4e année, j'ai commencé les stages hospitaliers, j'avais 22 ans, je me sentais minuscule. J'ai rencontré l'interne qui allait nous encadrer, et dans ma tête il n'a pas fallu une seconde pour que je le surnomme Dr Mamour.» De nature plutôt timide, la jeune femme s’inspire de l’audace de Meredith pour faire le premier pas. «Ça a levé pour moi une barrière mentale. J'avais beau penser que j'étais inintéressante, j'ai osé y croire. (...) Nous sommes maintenant en couple depuis 12 ans, avec trois enfants.»
Pour Laura, 28 ans, c’est l’autonomie radicale de Meredith dans son couple qui la distingue: «Je crois que le moment où elle m'a le plus inspirée, c'est lorsqu'elle dit à Derek “Je peux vivre sans toi, mais je n’en ai pas envie”. Ce fut la première fois que je voyais à l'écran une relation sans dépendance affective, où le fait pour une femme d'être en couple était un choix absolu et pas une nécessité."
L’actrice Ellen Pompeo à l’école de son personnage et de son autonomie radicale
Cette autonomie, Ellen Pompeo et Grey’s Anatomy l’ont plus que jamais prouvée après le départ de Patrick Dempsey dans la saison 11. L’actrice principale, qui était presque deux fois moins payée que son collègue pendant les deux premières saisons, affirme dans une interview mémorable avoir vécu son départ comme un tournant. "Ils pouvaient toujours utiliser [Patrick Dempsey] contre moi dans les négociations: “On n’a pas besoin de toi, on a Patrick”." Après ce rebondissement, elle renégocie et devient l’actrice la mieux payée pour une série de primetime, faisant écho aux mots de Cristina: «He’s very dreamy but he’s not the sun. You are». À partir de 2017, Ellen Pompeo devient également productrice, et avec l’aide de Debbie Allen (qui produit aussi et incarne Catherine Fox), elle s’engage à rendre l’atmosphère sur le plateau moins toxique. Avec des combats égalitaristes de plus en plus assumés, Ellen Pompeo a su prouver que son personnage avait encore une multitude d’histoires intéressantes à raconter. 
A lire aussi : 
De “Grey’s Anatomy”à “The Good Doctor” : quand les séries médicales américaines s’attaquent au Covid-19, Télérama, novembre 2020
Ellen Pompeo aimerait en finir avec “Grey’s Anatomy”, 20 Minutes, 22/12/21
Grey’s Anatomy saison 17: Ellen Pompeo a très mal vécu le tournage !, Ouest-France, 2/07/21
0 notes
laurentga · 2 years
Text
Timide reprise de l’immigration en 2021 en France
Demandes d'asile, expulsions, délivrance des visas... Tous les secteurs de l'immigration ont montré de premiers signes de reprise en 2021, après une année 2020 de chute record des flux migratoires, selon les statistiques publiées jeudi sur ce dossier brûlant en pleine campagne présidentielle.
Tumblr media
Malgré une hausse de 28 % de hausse de premières demandes d’asile en 2021, celles-ci demeurent très inférieures au niveau d’avant crise sanitaire. Graffitti de rue (©Dimitris Vetsikas/Pixabay)
Avec 104.577 premières demandes d'asile enregistrées dans les guichets uniques dédiés (Guda), ce chiffre a grimpé de 28,3% en 2021, selon les données provisoires dévoilées par le ministère de l'Intérieur. Une hausse accentuée par l'évacuation de milliers de ressortissants afghans de Kaboul, après la prise de pouvoir des talibans mi-août 2021.
L’Afghanistan, principal pays d’origine des demandeurs d’asile
L'Afghanistan conforte ainsi sa place de principal pays d'origine des demandeurs d'asile en France, avec 16.126 dossiers déposés (+62%), loin devant la Côte d'Ivoire (6.268), le Bangladesh et la Guinée.
La pandémie “a encore contraint les flux migratoires en 2021″
Cette demande de protection reste très loin des niveaux d'avant-crise sanitaire, lorsque 138.420 premières demandes étaient introduites en 2019. 
La pandémie "a encore contraint les flux migratoires en 2021", a résumé le ministère de l'Intérieur, affirmant que la demande d'asile a été "inférieure à (ses) prévisions".
Tumblr media
Réfugiés à Paris, le long du canal Saint-Martin, en 2018. SanerG/Pixabay
Des campements insalubres ressurgissent régulièrement
Reste que même modérées, ces arrivées continuent de déstabiliser les capacités d'accueil en France, où les campements insalubres ressurgissent à intervalles réguliers.
"Nous avons toujours deux défis devant nous: d'une part l'hébergement des demandeurs d'asile et d'autre part l'accompagnement des réfugiés vers l'autonomie, qui passe par l'accès à l'emploi et au logement", convient Didier Leschi, directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
1 note · View note